Bélidor, Bernard Forest de , La science des ingenieurs dans la conduite des travaux de fortification et d' architecture civile, 1754

Bibliographic information

Author: Bélidor, Bernard Forest de
Title: La science des ingenieurs dans la conduite des travaux de fortification et d' architecture civile
Year: 1754
City: La Hate
Publisher: Gosse
Edition: Nouvelle éd.
Number of Pages: getr. Zählung

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Document ID: MPIWG:GQFB3EA8
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Copyright: Max Planck Institute for the History of Science (unless stated otherwise)
License: CC-BY-SA (unless stated otherwise)
Table of contents
1. Page: 0
2. LA SCIENCE DES INGENIEURS DANS LA CONDUITE DES TRAVAUX DE FORTIFICATION ET D’ARCHITECTURE CIVILE, DEDIÉE AU ROY. Page: 7
3. NOUVELLE EDITION. Page: 7
4. A LA HATE, Chez PIERRE GOSSE Junior, Libraire de S. A. R. M. DCC. LIV. Page: 7
5. AU ROY, Page: 9
6. PRÉFACE. Page: 13
7. LA SCIENCE DES INGENIEURS DANS LA CONDUITE DES TRAVAUX DE FORTIFICATION. LIVRE PREMIER. Page: 23
8. CHAPITRE PREMIER. Où l’on donne la maniere de trouver les centres de gravité de pluſieurs Figures. De’finition. Page: 27
9. PROPOSITION PREMIERE. The’oreme. Page: 27
10. Demonstration. Page: 27
11. Remarque premiere. Page: 27
12. Remarque ſeconde. Page: 28
13. Remarque troiſiéme. Page: 28
14. Remarque quatriéme. Page: 28
15. PROPOSITION SECONDE. The’oreme. Page: 29
16. Demonstration. Page: 29
17. Remarque premiere. Page: 30
18. Remarque ſeconde. Page: 30
19. PROPOSITION TROISIE’ME. The’oreme. Page: 31
20. Demonstration. Page: 31
21. PROPOSITION QUATRIE’ME. Proble’me. 10. Trouver le centre de gravité d’un Trapezoïde. Page: 31
22. CHAPITRE SECOND. Page: 33
23. PROPOSITION PREMIERE. Page: 33
24. Avertiſſement. Page: 34
25. PROPOSITION SECONDE. Proble’me. Page: 35
26. APLICATION. Page: 36
27. Corollaire I. Page: 36
28. Corollaire II. Page: 37
29. Corollaire III. Page: 37
30. APLICATION. Page: 37
31. CHAPITRE TROISIE’ME. Page: 38
32. PROPOSITION PREMIERE. Proble’me. Page: 39
33. Remarque premiere. Page: 40
34. Remarque ſeconde. Page: 41
35. PROPOSITION SECONDE. Proble’me. Page: 41
36. APLICATION. Page: 43
37. Remarque premiere. Page: 43
38. Remarque ſeconde. Page: 44
39. Remarque troiſiéme. Page: 44
40. PROPOSITION TROISIEME. Proble’me. Page: 45
41. APLICATION. Page: 46
42. PROPOSITION QUATRIE’ME. Proble’me. Page: 47
43. APLICATION. Page: 48
44. Remarque. Page: 48
45. PROPOSITION CINQUIE’ME. Proble’me. Page: 52
46. APLICATION. Page: 53
47. Remarque. Page: 53
48. CHAPITRE QUATRIE’ME. Page: 54
49. PRINCIPE TIRE’ DE LA ME’CANIQUE. Page: 54
50. Principe d’Experience. Page: 54
51. PROPOSITION PREMIERE. Proble’me Page: 55
52. APLICATION. Page: 59
53. Remarque prémiere. Page: 59
54. Remarque ſeconde. Page: 60
55. Remarque troiſiéme. Page: 61
56. PROPOSITION SECONDE. Proble’me. Page: 62
57. APLICATION. Page: 65
58. Remarque premiere. Page: 66
59. Remarque ſeconde. Page: 67
60. USAGE D’UNE TABLE Pour trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux Revêtemens de Terraſſes & à ceux des Rempars de Fortification. Page: 68
61. TABLE Pour régler l’Epaiſſeur qu’il faut donner aux Revêtemens de Maçonnerie qui ſoûtiennent des Terraſſes ou Rempars. Page: 75
62. PROPOSITION TROISIE’ME. Proble’me Page: 76
63. APLICATION. Page: 76
64. PROPOSITION QUATRIE’ME. Proble’me. Page: 77
65. APLICATION. Page: 78
66. CHAPITRE CINQUIE’ME. De la conſidération des Murs qui ont des Contreforts. Page: 78
67. PROPOSITION PREMIERE. Proble’me. Page: 80
68. Remarque premiere. Page: 81
69. Remarque ſeconde. Page: 81
70. Remarque troiſiéme. Page: 82
71. PROPOSITION SECONDE. Proble’me. Page: 83
72. APLICATION. Page: 84
73. Remarque prémiere. Page: 85
74. Remarque ſeconde. Page: 85
75. PROPOSITION TROISIE’ME. Proble’me. Page: 86
76. APLICATION. Page: 87
77. PROPOSITION QUATRIE’ME. Proble’me. Page: 88
78. APLICATION. Page: 89
79. Remarque. Page: 89
80. Examen des differentes Figures qu’on peut donner à la baſe des contreforts. Page: 89
81. 51. Paralelle du Profil general de Mr. de Vauban avec les Régles des Chapitres précédens. Page: 95
82. TABLE Pour expliquer les Dimenſious contenuës au Profil général de Mr. de Vauban. Page: 97
83. 52. Remarque ſur la réſolution des Problêmes du deuxiéme dégré. Page: 110
84. LA SCIENCE DES INGENIEURS DANS LA CONDUITE DES TRAVAUX DE FORTIFICATION. LIVRE SECOND. Qui tr aite de la Mécanique des Voûtes, pour montrer la ma-niere de déterminer l’épaiſſeur de leurs Piés-droits. Page: 112
85. CHAPITRE PREMIER. Où l’on enſeigne comme ſe fait la pouſſée des Voûtes. Page: 113
85.1. PRINCIPE TIRE’ DE LA MECANIQUE. Page: 117
85.2. Corollaire Premier. Page: 118
85.3. Corollaire Second. Page: 119
85.4. Corollaire Troisie’me. Page: 119
85.5. Corollaire Quatrie’me. Page: 119
85.6. Remarque premiere. Page: 119
85.7. Remarque ſeconde. Page: 120
85.8. Remarque troiſiéme. Page: 120
85.9. CHAPITRE SECOND. De la maniere de calculer l’épaiſſeur de piés-droits des Voûtes en plain ceintre, pour être en équilibre par leur réſiſtance avec la pouſſée qu’ils ont à ſoûtenir. Page: 121
85.10. PROPOSITION PREMIERE. Proble’me. Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits des Voûtes en plain ceintre, pour être en équilibre par leur réſiſ-tance avec la pouſſée qu’ils ont à ſoûtenir. Page: 123
85.11. APLICATION. Page: 124
85.12. Remarque premiere. Page: 126
85.13. Remarque ſeconde. Page: 127
85.14. Remarque troiſiéme. Page: 128
85.15. Remarque quatriéme. Page: 130
85.16. Remarque cinquiéme. Page: 131
85.17. PROPOSITION SECONDE. Proble’me. Page: 133
85.18. APLICATION. Page: 134
85.19. Remarque prémiere. Page: 135
85.20. Remarque ſeconde. Page: 135
85.21. PROPOSITION TROISIE’ME. Proble’me. Page: 136
85.22. APLICATION. Page: 137
85.23. Remarque premiere. Page: 138
85.24. Remarque ſeconde. Page: 138
85.25. Remarque troiſiéme. Page: 139
85.26. Remarque quatrième. Page: 140
85.27. CHAPITRE TROISIE’ME. Dela maniere detrouver l’épaiſſeur des pié-droits des Voûtes ſurbaiſſées en tiers-points, en plate-Bande, & celles des cu-lées des Ponts de Maçonnerie. Page: 141
85.28. Principes tirés des Sections Coniques. Page: 141
85.29. Second Principe. Page: 141
85.30. Troiſiéme Principe. Page: 142
85.31. Corollaire Premier. Page: 142
85.32. Corollaire Second. Page: 142
85.33. Remarque. Page: 143
85.34. PROPOSITION PREMIERE. Proble’me. Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits d’une voûte Elliptique. Page: 144
85.35. APLICATION. Page: 145
85.36. Remarque premiere. Page: 146
85.37. Remarque ſeconde. Page: 146
85.38. PROPOSITION SECONDE. Proble’me. Page: 147
85.39. APLICATION. Page: 148
85.40. Remarque prémiere. Page: 149
85.41. Remarque ſeconde. Page: 149
85.42. PROPOSITION TROISIE’ME. Proble’me. Page: 150
85.43. APLICATION. Page: 151
85.44. Remarque. Page: 151
85.45. PROPOSITION QUATRIE’ME. Proble’me. Page: 152
85.46. PROPOSITION CINQUIE’ME Proble’me. Page: 154
85.47. APLICATION. Page: 156
85.48. PROPOSITION SIXIE’ME. Proble’me. Page: 156
85.49. APLICATION. Page: 158
85.50. Remarque premiere. Page: 159
85.51. Remarque ſeconde. Page: 159
85.52. Remarque troiſiéme. Page: 159
85.53. Remarque quatriéme. Page: 160
85.54. Remarque cinquiéme. Page: 160
85.55. PROPOSITION SEPTIE’ME. Proble’me. Page: 160
85.56. TABLE POVR CONNOISTRE LA PORTE’E DES VOVSSOIRS depuis leur intrados à leur extrados pour toute ſorte de grandeur d’Arche. Page: 163
85.57. SVITE DE LA TABLE. Page: 164
85.58. CHAPITRE QUATRIE’ME. Page: 165
85.59. PROPOSITION PREMIERE. Proble’me. Page: 166
85.60. Premier Exemple. Page: 166
85.61. Second Exemple. Page: 167
85.62. Remarque. Page: 168
85.63. Troiſiéme Exemple. Page: 168
85.64. PROPOSITION SECONDE Proble’me. Page: 169
85.65. Remarque. Page: 170
85.66. PROPOSITION TROISIE’ME. Proble’me. Page: 170
85.67. Remarque. Page: 172
85.68. PROPOSITION QUATRIE’ME. Proble’me. Page: 172
85.69. Remarque. Page: 173
85.70. PROPOSITION CINQUIE’ME. Proble’me. Page: 174
85.71. Remarque. Page: 175
85.72. LA SCIENCE DES INGENIEURS DANS LA CONDUITE DES TRAVAUX DE FORTIFICATION. LIVRE TROISIE’ME. Page: 185
85.73. CHAPITRE PREMIER. Où l’on fait voir les proprietez des differentes ſortes de Pier-res dont on ſe ſert pour bâtir. Page: 186
85.74. CHAPITRE DEUXIE’ME. Où l’on conſidere les qualitez de la Brique & la maniere de la fabriquer. Page: 189
85.75. CHAPITRE TROISIE’ME. Où l’on fait voir les qualitez de la Chaux & la maniere de l’éteindre. Page: 191
85.76. CHAPITRE QUATRIE’ME. Où l’on explique les qualitez du Sable, de la Pozzolane, & du Plâtre. Page: 193
85.77. CHAPITRE CINQUIE’ME. De la Compoſition du Mortier. Page: 198
85.78. CHAPITRE SIXIE’ME. Des détails qui ont rapport à la Conſtruction de la Maçonnerie. Page: 206
85.79. TABLE DE LA PESANTEVR D’VN PIED CVBE de pluſieurs Matieres. Page: 209
85.80. Détail de la Chaux & du Sable. Page: 210
85.81. Détail de la Brique. Page: 210
85.82. Détail du Moîlon. Page: 211
85.83. CHAPITRE SEPTIE’ME. Qui comprend pluſieurs Inſtructions ſur l’établiſſement & la conduite des Travaux. Page: 213
85.84. CHAPITRE HUITIE’ME. Du Tranſport & Rémuëment des Terres. Page: 219
85.85. CHAPITRE NEUVIE’ME. De la maniere de faire les Fondemens des Edifices dans toute ſorte d’endroits, & principalement dans le mauvais terrain. Page: 231
85.86. CHAPITRE DIXIE’ME. Où l’on enſeigne comme l’on doit employer les Matériaux qui compoſent la Maçonnerie. Page: 257
85.87. Explication de pluſieurs Tables ſervant à déterminer les Di-menſions de toute ſorte de Revêtement de Maçonnerie. Page: 264
85.88. CHAPITRE ONZIE’ME. De la conſtruction des Souterrains, & comme l’on aplique ſur leurs Voûtes les Chapes de Ciment. Page: 275
85.89. CHAPITRE DOUZIE’ME. De la maniere de conſtruire les Ouvrages de Terraſſes. Page: 283
85.90. Réglemens de Mr. le Marêchal de Vauban, pour la Con-duite des Travaux. Page: 289
85.91. PREMIERE PARTIE. A commencer de la pointe du Baſtion en tirant vers l’épaule. Page: 292
85.92. SECONDE PARTIE. Page: 292
85.93. TROISIE’ ME PARTIE. Joignant l’épaule du même côté attenant à la précédente. Page: 292
85.94. Eſtimation d’une demi-Lune ſituée entre les Baſtious N & O, & c.
Page: 293
Page: 293
85.95. Gaſonnage à queuë pour l’exterieur de la demi-Lune. Page: 293
85.96. Gaſonnage interieur du Parapet & Banquette. Page: 294
85.97. Gaſons plats ſur le Parapet & ſur les Banquettes. Page: 294
85.98. Abregé de Dépenſe reſtante à faire pour mettre les Fortifications de la Ville en leur entiere perfection. Page: 294
85.99. Fin du troiſiéme Livre. Page: 295
85.100. LA SCIENCE DES INGENIEURS DANS LA CONDUITE DES TRAVAUX DE FORTIFICATION. LIVRE QUATRIE’ME. Qui traite de la Conſtruction des Edifices militaires & civils. Page: 296
85.101. CHAPITRE PREMIER. Des qualités du bois qui entre dans la charpente. Page: 297
85.102. CHAPITRE SECOND. Où l’on fait voir la maniere de calculer, ou d’eſtimer la for-ce des principales pieces de Charpente, qui s’employent dans les Bâtimens. Page: 302
85.103. Principes ſur la reſiſtance du bois en general. Page: 303
85.104. CHAPITRE TROISIE’ME. Où l’on raporte pluſieurs Experiences faites ſur la force du bois, que l’on applique enſuite à l’uſage qu’on en peut faire dans la Conſtruction des Edifices. Page: 310
85.105. Premiere Experience. Page: 311
85.106. Seconde Experience. Page: 312
85.107. Troiſiéme Experience. Page: 312
85.108. Quatriéme Experience. Page: 313
85.109. Cinquiéme Experience. Page: 313
85.110. Sixiéme Experience. Page: 314
85.111. Septiéme Experience. Page: 314
85.112. Huitiéme Experience. Page: 315
85.113. CHAPITRE QUATRIE’ME. Des bonnes & mauvaiſes Qualités du Fer. Page: 329
85.114. CHAPITRE CINQUIE’ME. Des Portes que l’on fait aux Villes de Guerre. Page: 333
85.115. Nouvelle maniere de Pont-Levis. Page: 343
85.116. Conſtruction de la Sinuſoide. Page: 357
85.117. Aplication de la Sinuſoide aux Pont-Levis qui ſervent à fermer l’Entrée des Villes. Page: 359
85.118. CHAPITRE SIXIE’ME. Des Ponts dormans qui ſervent à faciliter l’Entrée des Villes de Guerre. Page: 368
85.119. CHAPITRE SEPTIE’ME. Des Corps de Gardes en general, des Guerites & Latrines. Page: 384
85.120. CHAPITRE HUITIE’ME. De la Diſtribution des Ruës dans les Villes de Guerre. Page: 393
85.121. CHAPITRE NEUVIEME. Des Magaſins à Poudre & Arſenaux pour les Munitions de Guerre. Page: 399
85.122. CHAPITRE DIXIE’ME. Des Cazernes, de l’Hôpital, de la Priſon, & Maiſons de Bourgeois. Page: 418
85.123. DEPAR LEROY. Reglement concernant les Maiſons qui ſe bâtiſſent au Neuf-Briſack, ſur les Places que Sa Majeſté a bien voulu accorder aux Particuliers. Premierement. Page: 432
85.124. II. Page: 433
85.125. III. Page: 433
85.126. IV. Page: 433
85.127. V. Page: 433
85.128. VI. Page: 433
85.129. VII. Page: 433
85.130. VIII. Page: 434
85.131. IX. Page: 434
85.132. CHAPITRE ONZIEME. De la Cantine, de la Glaciere, de la Boulangerie, & des Moulins. Page: 434
86. CHAPITRE DOUZIE’ME. De la Conſtruction des Puits & Citernes. Page: 440
87. Page: 446
88. CHAPITRE TREIZIE’ME. Où l’on donne les Régles générales que l’on doit obſerver dans la Conſtruction des Bâtimens. Page: 452
89. CHAPITRE QUATORZIE’ME. Qui comprend pluſieurs détails néceſſaires à l’execution des Bâtimens. Page: 467
90. Détail de la Charpente, des Combles, des Planchers, de la Menuiſerie, des Portes, & Fenêtres. Page: 467
91. Détail des Couvertures de Thuille & d’Ardoiſe. Page: 469
92. Detail de la Vitrerie. Page: 471
93. Détail du Pavé de Grais, de celui de Brique, & de Carreaux. Page: 473
94. Fin du quatriéme Livre. Page: 474
95. LA SCIENCE DES INGENIEURS DANS LA CONDUITE DES TRAVAUX DE FORTIFICATION. LIVRE CIN QUIE’ME. Où l’on enſeigne tout ce qui peut appartenir à la Décoration des Edifices. Page: 475
96. Explication des Termes propres aux Ordres d’ Architecture. Page: 480
97. CHAPITRE PREMIER. Où l’on explique les proprietés des Moulures & de leurs Ornemens. Page: 483
98. CHAPITRE SECOND. De la connoiſſance des cinq Ordres en general. Page: 486
99. CHAPITRE TROISIE’ME. De l’Ordre Toſcan. Page: 498
100. Piédeſtal Toſcan. Page: 498
101. Colomne Toſcane. Page: 499
102. Entablement Toſcan. Page: 499
103. CHAPITRE QUATRIE’ME. De l’Ordre Dorique. Page: 501
104. Piédeſtal Dorique. Page: 501
105. Colomne Dorique. Page: 502
106. Entablement Dorique. Page: 503
107. CHAPITRE CINQUIE’ME. De l’Ordre Ionique. Page: 505
108. Piédeſtal Ionique. Page: 505
109. Colomne Ionique. Page: 506
110. Chapiteau Ionique. Page: 507
111. Entablement Ionique. Page: 510
112. Maniere de tracer la Volute Ionique. Page: 510
113. CHAPITRE SIXIE’ME. De l’Ordre Corintbien. Page: 512
114. Piédeſtal Corinthien. Page: 513
115. Colomne Corinthienne. Page: 513
116. Entablement Corinthien. Page: 515
117. CHAPITRE SEPTIE’ME. De l’Ordre Compoſite. Page: 516
118. Piédeſtal Compoſite. Page: 517
119. Colomne Compoſite. Page: 518
120. Entablement Compoſite. Page: 519
121. Remarques ſur les cinq Ordres en général, ſuivies de l’Ex-plication de quelques Fragmens des plus beaux Ediſices antiques de Rome. Page: 526
122. CHAPITRE HUITIE’ME. Des Colomnes & de leur Diminution, des Perſiques, & des Cariatides. Page: 536
123. Maniere de diminuer les Colomnes. Page: 552
124. Maniere de renfler les Colomnes. Page: 552
125. CHAPITRE NEUVIE’ME. De la Proportion des Pilaſtres & des Frontons. Page: 556
126. CHAPITRE DIXIE’ME. Des Periſtiles ou Colonnates, des Arcades, & des Niches. Page: 565
127. CHAPITRE ONZIE’ ME. De l’Aſſemblage des Ordres, ou de pluſieurs Ordres mis les uns ſur les autres. Page: 576
128. CHAPITRE DOUZIE’ME. De la Diſtribution & de la Décoration des Ediſices en général. Page: 584
129. Fin du cinquiéme Livre. Page: 596
130. LA SCIENCE DES INGENIEURS DANS LA CONDUITE DES TRAVAUX DE FORTIFICATION. LIVRE SIXIE’ME. Page: 597
131. MODELE D’UN DEVIS POUR UNE PLACE neuve, telle que le Neuf-Briſac. Page: 601
132. I. Situation de la Place. Page: 601
133. II. DIMENSIONS DES PARTIES PRINCIPALES de la Place. CORPS DE LA PLACE. Poligone et Courtine. Page: 602
134. Tours Bastionne’es. Page: 603
135. GRANDES PORTES ET CORPS DE GARDE DES Entre’es principales. Page: 604
136. Poternes de Sortie. Page: 606
137. Souterrains. Page: 606
138. Bastions detache’s, ou Contregardes. Page: 607
139. Tenailles. Page: 609
140. Demi-Lunes. Page: 609
141. Reduits dans les Demi-Lunes. Page: 610
142. Ouvrage a corne. Page: 612
143. Fossez. Page: 612
144. Chemin Couvert. Page: 613
145. Glacis. Page: 614
146. Ponts. Page: 614
147. Puits et Pave’ de la Place. Page: 615
148. Batimens principaux. Page: 615
149. III. QUALITE’S ET FAÇONS DES MATERIAUX qui ſeront employés aux ſuſdits Ouvrages. Chaux, Sable, Mortier, et Ciment. Page: 615
150. Pierre de taille, Moelon, et Brique. Page: 616
151. Placage, et Gazonnage. Page: 618
152. Bois. Page: 618
153. IV. CONSTRUCTION DES OUVRAGES. Courtines. Page: 619
154. Tours Bastionne’es. Page: 621
155. GRANDES PORTES, PASSAGES, ET CORPS DE Garde des Entre’es principales. Page: 626
156. Logement au dessus. Page: 628
157. Poternes de Sortie, Souterrains, et Aqueducs. Page: 629
158. CONTREGARDES, DEMI-LUNES, TENAILLES, ET Ouvrage a corne. Page: 630
159. Reduits dans les Demi-lunes. Page: 632
160. Revetement des Fossez. Page: 632
161. Chemin couvert, et Glacis. Page: 632
162. Ponts de la Place Page: 634
163. Guerites. Page: 635
164. Puits. Page: 636
165. Pave’ de la Place. Page: 636
166. CONDITIONS ELEMENTAIRES DU DEVIS d’un Bâtiment civil. De’blais des Terres. Page: 643
167. Maçonnerie. Page: 644
168. Pierre de Taille. Page: 645
169. Charpente. Page: 645
170. Couverture. Page: 646
171. Menuiserie. Page: 646
172. DE LA FORME DES ADJUDICATIONS, Formalités qui s’y obſervent, & du Stile dans lequel elles ſont conçûës. Page: 648
173. AVERTISSEMENT. Page: 652
174. DEVIS ET CONDITIONS QU’OBSERVERONT les Entrepreneurs des Cazernes ordonnées à faire à Bethune. Premierement. Page: 653
175. II. Page: 653
176. III. Page: 657
177. IV. Page: 657
178. V. Page: 658
179. MEMOIRE POVR SERVIR A LA DISTRIBVTION des Bois employés aux Cazernes de S. Jor, détaillés par étage. Les Bois du Rez. Page: 658
180. Le troisie’me Etage ou Galetas. Page: 660
181. Le Comble et le Plancher en dessous. Page: 660
182. Les deux Escaliers au quartier des Officiers. Page: 661
183. BOIS D’ORME AU QUATRIEME PLANCHER, ET AU Comblage. Page: 661
184. VI. Page: 662
185. VII. Page: 662
186. VIII. Page: 662
187. IX. Page: 663
188. X. Page: 663
189. XI. Page: 663
190. XII. Page: 664
191. XIII. Page: 666
192. XIV. Page: 666
193. XV. Page: 666
194. XVI. Conditions generales. Page: 667
195. Premierement. Page: 669
196. II. Page: 669
197. III. Page: 669
198. IV. Page: 670
199. V. Page: 670
200. VI. Page: 670
201. VII. Page: 670
202. VIII. Page: 670
203. IX. Page: 671
204. X. Page: 671
205. XI. Page: 671
206. XII. Page: 672
207. XIII. Page: 672
208. XIV. Page: 672
209. XV. Page: 672
210. XVI. Page: 673
211. XVII. Page: 673
212. XVIII. Page: 673
213. XIX. Page: 674
214. XX. Page: 674
215. XXI. Page: 674
216. XXII. Page: 675
217. XXIII. Page: 675
218. XXIV. Page: 675
219. DEVIS DE CE QUI EST A FAIRE ET A OBSER VER pour la Conſtruction d’une Citerne qui recevra les Eaux de Pluye qui tombent ſur l’Egliſe Paroiſſiale de Calais. PREMIEREMENT. Remuement des Terres. Page: 677
220. Charpente. Page: 677
221. MAÇONNERIE. Qualite’s de la Chaux. Page: 677
222. Qualite’s du Sable. Page: 678
223. Composition du Mortier. Page: 678
224. Qualite’s de la Brique. Page: 678
225. Qualite’s du Mortier de Ciment. Page: 678
226. Renduits autour du dehors de la Citerne. Page: 679
227. Pave’. Page: 681
228. TABLE DES CHAPITRES ET DES PRINCIPAUX SUJETS CONTENUS DANS CE PREMIER VOLUME. LIVRE PREMIER. Page: 683
229. LIVRE SECOND. Page: 684
230. LIVRE TROISIE’ME. Page: 685
231. LIVRE QUATRIE’ME. Qui traite de la Conſtruction des Edifices Militaires & Civils. Page: 686
232. LIVRE CINQUIE’ ME. Où l’on enſeigne tout ce qui peut appartenir à la Dé-coration des Edifices. Page: 687
233. LIVRE SIXIE’ME. Qui comprend la Maniere de faire les Devis pour la Conſ-truction des Fortifications, & celle des Bâtimens Civils. Page: 688
234. Fin de la Table. Page: 688
1
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6 1[Figure 1]
7
LA SCIENCE
DES

INGENIEURS
DANS
LA
CONDUITE
DES TRAVAUX
DE FORTIFICATION
ET

D’ARCHITECTURE
CIVILE,
DEDIÉE AU ROY.
Par Mr. BELIDOR, Commiſſaire Ordinaire de l’Artillerie,
Profeſſeur
Royal des Mathématiques aux Ecôles du même Corps,
Membre
des Académies Royales des Sciences d’Angleterre &
de
Pruſſe
, &
Correſpondant de celle de Paris.
NOUVELLE EDITION.
2[Figure 2]
A LA HATE,
Chez
PIERRE GOSSE Junior,
Libraire
de S. A. R.
M. DCC. LIV.
8 11[Handwritten note 1] 22[Handwritten note 2]
9 3[Figure 3]
AU ROY,
SIRE,
L’ART de fortifier les Places étant devenu une des par-
ties
la plus eſſentielle à la ſureté des Etats, j’ôſe eſperer que
VOSTRE
MAJESTE’ ne deſaprouvera point la liber-
10EPITRE. que je prens de lui preſenter ce Traité. Il deviendra peut-
être
utile dans un tems Elle veut rendre ſes Frontieres plus
reſpectables
que jamais, moins par la crainte des entrepriſes
de
ceux qui ſeroient jaloux de ſa Gloire, que pour occuper uti-
lement
ſes Troupes &
faire regner l’abondance dans ſon
Royaume
par les fonds conſidér ables qui paſſent dans les mains
de
ſes Sujets.
Vos bontés pour eux, SIRE, s’étendent plus loin,
VOSTRE
MAJESTE’ leur permet de percer des Ca-
naux
dans pluſieurs Provinces pour faciliter le Commerce.
L’on conſtruit de toute part des Ponts & des Chauſſées, qui
vont
rendre les grands Chemins de la France auſſi beaux
que
ceux qui ont tant fait d’honneur aux Romains, les
Sciences
&
les beaux Arts font de nouveaux progrès par les
bienfaits
que VOSTRE MAJESTE’ répand ſur
ceux
qui s’y attachent.
Elle a même voulu qu’à ſon exem-
ple
les Corps Militaires ſe fortifiaſſent dans les connoiſſances
les
plus propres à la Guerre &
à former les Grands-Hom-
mes
;
car, ſans parler des Camps magnifiques qu’Elle a or-
donnés
, ni des avantages qu’Elle fait à la jeune Nobleſſe,
eſt-il
rien de plus digne de ſa Grandeur, que les Ecôles
qu’Elle
a établies pour entretenir ſon Artillerie dans un exer-
cice
continuel.
Tout marque, SIRE, la douceur de vôtre
Regne
, &
le bonheur de la Paix dont nous joüiſſons, ce
11EPITRE. qui devient l’ouvrage de vôtre Sageſſe, depuis que les plus
grands
Princes de l’Europe vous ont choiſi pour l’Arbitre de
leurs
intereſts, comme le ſeul dont la prudence pouvoit cal-
mer
les troubles que les apparences de la Guerre avoient fait
naître
.
Que cette époque, SIRE, vous comble de Gloire,
&
va inſpirer d’amour & de conſiance à toutes les Nations
qui
ſeront ſures de trouver en VOSTRE MAJESTE’
un
Protecteur dont le pouvoir ne ſe fait connoître que par la
Juſtice
&
la Clemence! Que je m’eſtime heureux d’être
ſujet d’un ſi Grand Roy, &
de travailler pour ſon Ser-
vice
! Je ſens bien que ce que je puis faire eſt au-deſſous
d’une
ſi belle deſtinée;
mais je ſçai, SIRE, que vous dai-
gnez
jetter un regard favorable ſur ceux qui tâchent de
marquer
leur zele pour ce qui peut avoir quelque raport
au
bien de l’Etat.
VOSTRE MAJESTE’ commen-
çoit
ſon Regne Glorieux quand j’ai ébauché l’Ouvrage dont
voici
le premier Volume;
les Mathématiques qu’Elle cul-
tivoit
alors me faiſoient découvrir pluſieurs voyes pour per-
fectionner
les Fortifications, je n’ai ceſſé depuis de les ap-
pliquer
à ce qui ſembloit n’avoir pas été traité avec aſſez
de
preciſion, dans l’eſperance que j’arriverois un jour juſ-
qu’au
pied du Trône de VOSTRE MAJESTE’, pour
lui
offrir le fruit de mes veilles:
la ſatisfaction d’y être par-
12EPITRE. venu va faire toute ma felicité; & les recherches les plus
pénibles
n’auront rien qui n’excite de nouveau mon émula-
tion
, lorſque je me rappelleray que le ſecond Volume me
procurera
encore un moment ſi précieux.
Je ſuis,
SIRE,
DE VOSTRE MAJESTE’,
Le trés - humble, très - obéïſſant,
&
très-fidele Sujet & Serviteur,
Belidor.
13 4[Figure 4]
PRÉFACE.
SI l’on conſidére tous les differens Travaux
dont
les Ingenieurs ont la conduite, l’on
conviendra
qu’il n’y a point de Profeſſion
qui
exige plus de connoiſſance que la leur.
Car, ſans parler de la maniere de diſpoſer les Pié-
ces
de Fortification pour les rendre capables de tou-
te
la deffence poſſible malgré les irrégularités des
lieux
&
la figure bizarre d’une enceinte qu’on veut
ménager
, ni de tout ce qui peut les diſtinguer dans
la
Guerre des Siéges, quelle foule d’objets divers ne pre-
ſente
pas la conſtruction des Fortifications, qui eſt la ſeule
choſe
que je me ſuis propoſée dans ce Volume.
On ne peut
parcourir
les Places Frontieres, ſans rencontrer à chaque
pas
des Ouvrages d’une conſtruction particuliere:
quel-
quefois
même, ſans paſſer d’un lieu à un autre, on trouve
dans
le même endroit tout ce qui peut exercer pendant
pluſieurs
années les eſprits les plus laborieux &
les plus
capables
des grandes choſes.
Quand on veut entrer dans
le
détail, tout devient intereſſant, on apperçoit mille cho-
ſes
eſſentielles qui échapent aux yeux de ceux qui regar-
dent
les Fortifications avec indifference:
ici il faudra tra-
vailler
dans des lieux aquatiques qui préſentent cent ſortes
de
difficultés à ſurmonter;
ce ſont des Rochers eſcar-
pés
, qu’il faut ſoûmettre aux regles de l’Art;
plus loin,
conſtruire
des Digues, des Ecluſes, des Ponts, des For-
mes
, des Baſſins, des Jettées, des Fanaux, des Risbans,
des
Moles, &
tant d’autres Ouvrages qui ſe font aux Places
14PRE’ FACE. Maritimes; ailleurs, joindre une Riviere à une autre par
des
Canaux qu’il faudra peut-être faire paſſer ſur des
Montagnes
, pour de-là aller traverſer quelquefois un Ma-
rais
, &
même une Riviere, ſans qu’elle devienne un obſta-
cle
au chemin que le Canal doit parcourir pour faciliter
la
Navigation &
le Commerce; d’autre part, c’eſt un tor-
rent
rapide, qu’il faut maintenir dans ſon lit, en conſtrui-
ſant
des Epys pour en conſerver les bords, ou empêcher
qu’il
ne détruiſe une Iſle fortifiée, ou ne s’aille répandre
dans
la Campagne, &
y cauſer de grands dommages.
Preſentement, ſi l’on examine l’interieur des Places, l’on
y
appercevra des Ouvrages de toute autre eſpece:
ce ſe-
ront
des Portes de Villes, des Ponts, des Batardeaux,
des
Soûterrains, des Arſenaux, des Citernes, &
c. qu’il
faut
ſavoir executer.
Enfin, l’on peut dire qu’un bon
Ingenieur
eſt un homme univerſel;
& que rien ne fait
plus
d’honneur à la France, que d’en avoir un très-grand
nombre
capable de toutes les choſes dont je viens de don-
ner
un crayon.
Quand on enviſage tout ce que comprennent les For-
tifications
, n’a-t-on pas lieu d’être ſurpris qu’il n’y ait
juſqu’ici aucun Traité pour l’Inſtruction des jeunes gens
qui
veulent prendre ce parti;
car, je compte pour rien ceux
qu’on
a mis au jour ſous le Nom de Mr.
le Marêchal de
Vauban
, pour leur donner du crédit, &
qu’il a toûjours
deſavoué
.
D’ailleurs, ces Traités n’aprennent tout au plus
que
le nom des Ouvrages, &
à tracer ſur le Papier un front
de
Poligone avec quelques dehors, dont la plûpart ſont
aſſez
mal entendus:
on n’y fait point mention de la conſ-
truction
ni de tous les détails qui y ont raport.
Ce n’eſt
pas
que nous n’ayons un nombre d’habiles gens qui pour-
roient
nous en donner d’excellens:
pluſieurs ont travaillé
avec
Mr.
de Vauban; & il n’y a rien qu’on ne dût atten-
15PRE’ FACE. dre de leur capacité. Mais, leur ſilence eſt glorieux: le
Roy
leur a confié les Barrieres du Royaume:
ſans ceſſe
occupés
à faire des Ouvrages nouveaux ou à maintenir les
anciens
en bon état, ils ſont privés du loiſir qu’il faudroit
pour
répandre leurs lumieres, &
ſe contentent de les com-
muniquer
à ceux qui travaillent ſous leurs ordres.
Mais, ſi l’on fait réfléxion qu’on s’inſtruit fort lentement
quand
on n’aprend les choſes qu’à meſure qu’elles ſe pre-
ſentent
, &
qu’il arrive rarement qu’un jeune Ingenieur
puiſſe
voir dans une même Province toutes les differentes
eſpeces
de Travaux qui dépendent des Fortifications;
l’on
conviendra
, que rien ne ſeroit plus utile qu’un bon Livre,
dans
lequel il pût acquerir une connoiſſance generale de
toutes
les parties de ſon métier:
afin que, venant à paſſer
d’une
Place à une autre, il ne ſe préſente rien dont il ne
puiſſe
avoir la conduite, dès qu’il joindra la Théorie à ce
que
la Pratique pourra lui apprendre.
Il feroit alors beau-
coup
plus de progrès, &
pourroit en peu de tems ſe met-
tre
en état de marcher ſur les traces des plus grands
maîtres
.
On ne peut diſconvenir, qu’un tel Livre ne fût d’une
grande
utilité;
ſans doute que l’on m’accuſera de temerité
d’avoir
ôſé l’entreprendre.
Quand je l’ai commencé, ſi j’en
avois
conçû toute la conſéquence, je me ſerois bien gardé
d’y
penſer;
peut-être aurois-je pris le parti le plus ſage,
&
me ſerois épargné par-là beaucoup de peines & d’in-
quiétudes
.
Mais, ce n’eſt ordinairement qu’après avoir tra-
vaillé
long-tems, qu’on s’apperçoit du danger qu’il y a de
ſe
faire imprimer;
parceque, devenant plus délicat, on
ceſſe
de voir ſes Ouvrages avec la même complaiſance:
on mépriſe au bout de quatre jours ce qu’on avoit trouvé
paſſable
d’abord, &
on n’eſt jamais content de ſoy par
l’envie
qu’on a de mieux faire.
16PRE’FACE.
Il y a 13 ou 14 ans que j’ai ébauché celui-ci, ſans avoir
me perſuader qu’il méritât d’être mis au jour;
& peut-
être
ne ſeroit-il pas ſorti de mon Cabinet, ſi j’en avois été
entierement
le maître.
Je n’affecte point une fauſſe mo-
deſtie
;
les perſonnes aux lumieres deſquelles j’ai ſoûmis
mes
écrits rendront juſtice à la ſincerité de mes ſentimens:
la gloire d’avoir fait un Livre ne s’eſt jamais preſentée à
mon
eſprit d’une maniere aſſez riante, pour me ſentir flatté
de
la qualité d’Auteur.
Je n’ai jamais perdu de vûë la cen-
ſure
à laquelle j’allois m’expoſer, &
cette penſée m’a même
ſouvent
intimidé:
cependant, j’ai fait enſorte d’en tirer
avantage
, en conſidérant la rigueur du Public comme un
motif
excellent pour me rendre circonſpect.
Tout le mon-
de
eſt d’accord, que ce n’eſt que depuis qu’on l’a regardé
comme
un Juge inexorable, que l’émulation des Gens de
Lettres
s’eſt accrûë, &
que les Bibliotheques ſe ſont groſ-
ſies
d’un grand nombre de Livres en toute ſorte de genre,
qui
ne ſeroient peut-être pas ſi achevés, ſi ceux qui les
ont
produits n’avoient apprehendé le ridicule que les gens
de
bon goût ont coûtume de donner à tout ce qui porte
un
caractere de médiocrité.
Il eſt vrai qu’il y a des ma-
tieres
ſi abondantes par elles-mêmes, que, pour peu qu’on
les
traite avec méthode, on peut ſe tirer plus heureuſe-
ment
d’affaire:
celles dont je parle ſont de cette nature;
&
, pour juger du Plan general que je me ſuis propoſé,
en
voici la Diſpoſition.
Il s’agit de quatre Volumes in-quarto, accompagnés
d’un
très grand nombre de Planches gravées en Taille-
douce
, qui comprennent les Plans, Profils, &
Elevations
des
differens Sujets qu’on s’eſt propoſé de développer.
De ces quatre Volumes, il y en a deux qui regardent l’Art
de
ſortifier les Places dans toute ſorte de ſituation, la
Maniere
de les attaquer &
de les deffendre, relativement
17PRE’FACE. à ce qui s’eſt pratiqué de mieux depuis l’invention de la
Poudre
:
les deux autres ont pour objet la Conſtruction
des
Fortifications &
de tous les Ouvrages qui en font par-
tie
;
& c’eſt le premier de ces deux-là que je donne pre-
ſentement
, puiſque l’Ordre naturel demande que l’on
parle
de la Maniere de conſtruire les Places qu’on veut
fortifier
, avant de donner des Maximes pour les attaquer &

les
deffendre.
Ce n’eſt pas que ces deux Objets n’ayent
un
raport intime;
auſſi l’a-t-on inſinué aux endroits
il convenoit d’en faire mention:
d’ailleurs, on n’a pas
voulu
donner les quatre Volumes à la fois, afin d’avoir
plus
de facilité pour l’Impreſſion, &
ne point engager
le
Public tout d’un coup dans une dépenſe qui auroit
gêner
pluſieurs perſonnes.
Ajoûtons, que les Volumes, qui
conviendroient
aux uns, ne conviendroient peut-être pas
aux
autres, ſelon le goût que l’on peut avoir pour les ma-
tieres
qui interreſſent plus ou moins;
chacun faiſant un
Traité
à part, qui peut être détaché du reſte:
c’eſt pour-
quoi
, je ne m’arrêterai point à les détailler, pour ne m’at-
tacher
uniquement qu’à celui-ci, afin d’éviter la confu-
ſion
que pourroient faire naître tant de Sujets differens.
Ce Volume eſt diviſé en ſix Livres. Dans le premier,
on
enſeigne la Maniere d’appliquer les Principes de la
Mécanique
à la Conſtruction des revêtemens de Maçon-
nerie
, pour ſçavoir l’épaiſſeur qu’il faut leur donner par
raport
à la pouſſée des terres qu’ils ont à ſoûtenir:
on y
fait
voir ſuivant quelle loy cette pouſſée agit, de quelle
réſiſtance
les contreforts peuvent être capables, ſelon leur
longueur
, leur épaiſſeur, &
la diſtance ils ſeroient les
uns
des autres;
en un mot, ce Livre comprend beaucoup
de
choſes très-utiles, dont la plûpart n’avoient pas en-
core
été traitées.
Dans le ſecond, l’on conſidere de quelle maniere ſe fait
18PRE’FACE. la pouſſée des Voûtes, afin d’en tirer des Régles générales
&
certaines pour déterminer l’épaiſſeur de leurs Piés-droits
ſelon
la figure que l’on voudroit donner aux Voûtes dans
les
differens uſages qu’on en fait pour les Fortifications,
ſoit
aux Soûterrains, Portes de Ville, Magaſins à Poudre,
&
c. On y parle auſſi des Culées des Ponts par raport à
la
pouſſée des Arches, &
de pluſieurs Obſervations tou-
chant
l’execution de ces ſortes d’Ouvrages.
Dans le troiſiéme, on trouvera pluſieurs Diſſertations ſur
les
qualités &
le choix des matériaux, avec la maniere de
les
mettre en œuvre dans toute ſorte de travaux, les dé-
tails
dans leſquels il faut entrer pour en faire les Eſtima-
tions
&
les Devis, ce qu’il faut obſerver dans les grands
Atteliers
pour le tranſport &
le remuement des terres, la
façon
de les employer &
comme on doit conſtruire les
Voûtes
des ſoûterrains.
On s’eſt étendu particulierement
ſur
les differentes eſpeces de fondemens qu’on pouvoit
faire
dans toute ſorte d’endroits, principalement dans
ceux
qui preſentent de grands obſtacles à vaincre:
& pour
tout
dire enfin, on a ſupoſé dans ce Livre qu’on avoit une
Place
neuve à bâtir, pour avoir lieu de parler de tous les
gros
Ouvrages de Fortification, &
d’en montrer la conduite
depuis
le tracé du projet juſqu’à ſon entiere execution.
Dans le quatriéme, on a pour objet la Conſtruction
de
tous les Edifices qui ſe font aux Places de Guerre,
comme
ſont les Portes de Ville, Corps de Gardes, Redou-
tes
, Magaſins, Arſenaux, Cazernes, Boulangeries, Can-
tines
, Citernes, &
c. On y donne auſſi des Régles genera-
les
pour l’Architecture Civile, &
des Principes ſur la force
des
Bois de Charpente;
enfin, on eſt entré dans le détail
de
toutes les differentes parties qui ſe rencontrent dans la
Conſtruction
des Edifices.
Dans le cinquiéme, on enſeigne ce qui peut apartenir
19PRE’FACE. à la Décoration, c’eſt-à-dire, que l’on y donne les cinq
Ordres
d’Architecture, avec les Régles &
les Maximes des
plus
fameux Architectes tant anciens que modernes, pour
orner
les Bâtimens &
leur donner cette Elegance qui les
diſtingue
du commun.
Enfin, dans le ſixiéme Livre on montre la Maniere de
faire
les Devis de tous les Ouvrages contenus dans les
précédens
:
on en raporte des Exemples détaillés & cir-
conſtanciés
avec le plus de neteté qu’il a été poſſible:
on
y
trouvera auſſi pluſieurs Obſervations ſur la forme des
Adjudications
, &
les Conditions ſous leſquelles on doit
paſſer
les Marchés aux Entrepreneurs.
Et, pour rendre ce
Livre
plus inſtructif, &
ſuivre l’Eſprit du troiſiéme & du
quatriéme
, on a commencé par donner un Modéle de
Devis
general pour une Place neuve qu’on auroit à conſ-
truire
, accompagné de quelques autres Devis particuliers
qui
ſerviront pour dreſſer ceux des Ouvrages qui ſe font le
plus
ordinairement dans les Places.
Comme ces ſix Livres font autant de petits Traités
complets
dans leur genre, on a affecté en les imprimant
de
les détacher les uns des autres, afin de contribuer à la
ſatisfaction
de pluſieurs perſonnes qui deſiroient les avoir
ſéparés
, oules faire relier en deux Tomes, plus commodes,
ſelon
eux, que s’ils n’étoient qu’en un ſeul;
c’eſt pour-
quoi
les pages de chaque Livre ſont cottées à part.
J’ajoû-
terai
auſſi, que dans le premier &
le ſecond, & dans la
ſuite
des autres, lorſque l’on verra à la marge V.
le C. art.
& c. Cela veut dire, Voyez tel article du Cours de Mathe-
matique
.
J’entends celui que j’ai fait à l’uſage de l’Artille-
rie
&
du Génie, qui ſe trouve chez le même Libraire qui
vend
mes Ouvrages;
car, comme ce Cours a été compoſé
exprès
pour faciliter l’Intelligence des choſes de Théorie
qui
demandoient des Connoiſſances préliminaires, &
que
20PRE’FACE. j’aurois peine à indiquer ailleurs, il étoit naturel que
j’y
euſſe recours plutôt qu’à tout autre.
A l’égard du ſecond Volume, on y trouvera generale-
ment
tous les Ouvrages qui apartiennent à l’Architecture
Hydraulique
, avec un Dictionnaire fort ample des Termes
propres
à la Fortification &
à l’Architecture; & j’ôſe bien
aſſurer
, que ce Volume ſera au moins auſſi interreſſant que
le
premier.
Ayant encore des Augmentations à y faire, il
ne
paroîtra pas cette année, comme je l’avois fait eſperer;
mais, le Public n’y perdra rien, je tacherai de payer avec
uſure
l’attente de ceux qui voudront bien y prendre quel-
que
part:
d’ailleurs, il eſt à propos que je ſache le Juge-
ment
qu’on portera de celui-ci, afin que ſi j’aprenois qu’il y
eût
des Augmentations ou des Corrections à y faire, on pût
les
donner par Suplément.
Pour les Fautes d’Impreſſion,
je
ne doute pas qu’on n’en rencontre quelques-unes;
mais,
je
ne les crois point aſſez de conſequence pour arrêter le
Lecteur
:
c’eſt pourquoi, je n’ai pas fait d’Errata.
Malgré toutes les Meſures que j’ai pu prendre, pour ren-
dre
cet Ouvrage le plus achevé qu’il m’a été poſſible, j’ai
cru
ne devoir le mettre au jour, qu’après l’avoir expoſé
tout
de nouveau à la Cenſure des Ingenieurs du premier
ordre
;
& Mr. le Marquis Dasfeld ayant bien voulu s’inter-
reſſer
à tout ce qui pouvoit perfectionner mon deſſein,
je
l’ai prié de me nommer pour Commiſſaires quatre Di-
recteurs
des Fortifications:
auſſi-tôt qu’il ſe fut rendu à
mes
inſtances, je leur préſentai mon Manuſcrit, qu’ils pri-
rent
la peine d’examiner conjointement avec les Inge-
nieurs
en Chef &
les autres qui ſe ſont trouvés ſur les lieux.
Et comme il eſt permis de ſe faire honneur des Approba-
tions
que les Perſonnes équitables &
éclairées veulent
bien
nous accorder, voici celles de Meſſieurs de Vauban,
Demus
, de Vallory, &
Gittard.
21APPROBATIONS.
NOUS Lieutenant General des Armées du Roy, Grand-Croix de l’Ordre
Militaire
de Saint Louïs, Gouverneur des Ville &
Chateau de Bethune,
Directeur
des Fortifications des Places de la Province d’Artois;
certifions avoir
&
examiné, à la recommandation de M le Marquis Dasfeld, avec autant d’ex-
actitude
qu’il nous a été poſſible, un Manuſcrit intitulé la Science des Ingenieurs
dans
la conduite des travaux de Fortification, par M.
de Belidor, dans le-
quel
nous n’avons rien trouvé qui ne ſoit conforme à ce qui ſe pratique de mieux pour
la
conſtruction des Ouvrages de Fortification, Ecluſes, &
Edifices Militaires: la
plûpart
des matieres qui étoient ſuſceptibles des regles de Geometrie, y ſont traitées
avec
préciſion &
netteté, ce qui pourra contribuer à la perfection des Ouvrages; je
juge
même que les Ingenieurs pourront ſe ſervir très-utilement des régles qui y ſont
enſeignées
, &
qu’en general ce Livre ne peut être que très-avantageux au Service
du
Roy &
à ceux qui ſont chargez de la Conſtruction des Ouvrages de ſa Ma-
jeſté
.
Fait à Bethune ce 17 May 1728. Signé, DE Vauban.
Nous ſouſſigné Chevalier de l’Ordre Royal & Militaire de Saint Louïs, Bri-
gadier
des Armées du Roy, Ingenieur, Directeur des Fortifications des Places du
Soiſſonnois
&
de partie de celles de Picardie; certifions avoir , , & examiné
par
ordre de M.
le Marquis Dasfeld avec toute l’attention dont nous ſommes capa-
bles
, un Manuſcrit contenant 22.
Cahiers, accompagné d’un grand nombre de
Planches
qui doivent compoſer un Ouvrage intitulé la Science des Ingenieurs
dans
la conduite des travaux de Fortification, par M.
de Belidor, dans le-
quel
nous n’avons rien reconnu qui ne ſoit très-bon, très-utile au Service du Roy,
&
avantageux à tous ceux qui s’appliquent à la Profeſſion d’Ingenieur; les matie-
res
y étant traitées ſelon l’uſage que j’ai pratiquer dans pluſieurs Places depuis
56
.
ans que je fais travailler. Fait à S. Quentin le 28 d’Avril 1728. Signé,
Demus.
Nous ſouſſigné Chevalier de l’Ordre Militaire de S. Louïs, Directeur des For-
tifications
de la Flandre;
certifions avoir , , & examiné avec ſoin, par ordre
de
M.
le Marquis Dasfeld, un Manuſcrit accompagné de Planches, qui a pour
titre
la Science des Ingenieurs dans la conduite des travaux de Fortification,
par
M.
de Belidor, dans lequel nous n’avons rien trouvé que de très-bon, très-
utile
, &
demontré avec toute l’exactitude & la capacité requiſe, tant Geometrique-
ment
que par la pratique ordinaire, &
jugeons que ce travail ne peut être que
très-utile
&
avantageux pour le Service du Roy, & à ceux qui s’appliquent à la
connoiſſance
des Fortifications, puiſqu’ils ne pourront point ſe ſervir d’une Methode
plus
facile &
plus exacte que celle qui y eſt démontrée. Fait au Queſnoy ce 2 May
1728
.
Signé, Vallory.
Nous ſouſſigné Chevalier de l’Ordre Militaire de S. Louïs, Commandant pour
le
Roy au Fort de S.
Sauveur de Lille, Ingenieur ordinaire du Roy, ayant la Di-
rection
des Fortifications des Ville &
Citadelle de Lille; certifions avoir , ,
22 & examiné avec ſoin un Manuſcrit qui a pour titre la Science des Ingenieurs
dans
la conduite des travaux de Fortification, par M.
de Belidor, dans le-
quel
nous n’avons rien trouvé que de très bon &
très-utile, bien démontré Geome-
triquement
dans pluſieurs parties eſſentielles qui n’avoient été juſqu’apreſent miſes
en
uſage que par pratique, ce qui pourra beaucoup contribuer à la perfection des
Ouvrages
de Fortifications, &
devenir très-utile pour le Service du Roy, & à
perfectionner
les jeunes Ingenieurs, qui trouveront dans ce Traité avec beaucoup
d’exactitude
&
de netteté ce qui ne ſe rencontre point dans aucuns des Auteurs qui
ont
traité des Fortifications.
Fait à Lille ce 9 May 1728. Signé, Gittard.
Ayant traité dans le cinquiéme Livre, comme je l’ai inſinué cy-devant,
tout
ce qu’on pouvoit dire de plus eſſentiel ſur les Ordres d’Architecture,
j’ai
conſulté auſſi Meſſieurs les Architectes du Roy, entr’autres Mr.
de Cot-
te
, qui a bien voulu prendre la peine d’examiner, non-ſeulement ce qui appar-
tenoit
à la Décoration, mais encore les autres Parties de cet Ouvrage;
&
voici
le Jugement qu’il en a porté.
Nous ſouſſigné Chevalier de l’Ordre de S. Michel, premier Architecte, Inten-
dant
des Bâtimens, Arts, &
Manufactures du Roy, Directeur de l’Academie Ro-
yale
d’Architecture;
certifions avoir & examiné avec beaucoup de ſoin un Ma-
nuſcrit
accompagné d’un grand nombre de Planches, qui compoſent un Livre intitulé
la
Science des Ingenieurs dans la conduite des travaux de Fortification par
M
.
de Belidor, dans lequel nous n’avons rien trouvé qui ne ſoit traité avec beau-
coup
de méthode &
de capacité, les choſes les plus ordinaires y étant miſes dans un
jour
qui les rend intereſſantes, &
celles qui ſont d’une plus grande conſideration étant
perfectionnées
par de nouvelles régles qui rendent cet Ouvrage digne des éloges des
plus
habiles Gens, rien n’étant mieux traité que la Mécanique &
Conſtruction des
Revêtemens
de Terraſſes &
des Voûtes: c’eſt le Jugement que j’ai crû en devoir por-
ter
dans les ſentimens de rendre juſtice à l’Auteur qui travaille avec tant de zele
pour
la perfection des Arts &
des Sciences. Fait à Paris ce 24 May 1728. Signé,
DE Cotte.
J’ay , par l’Ordre de Monſeigneur le Garde des Sçeaux, un Manuſcrit qui a
pour
titre la Science des Ingenieurs dans la conduite des Travaux de Fortifi-
cation
;
& j’ai crû que l’Impreſſion de cet Ouvrage feroit plaiſir à ceux qui ſont
dans
ces Travaux, &
ſeroit d’une grande utilité. Fait à Paris le 25. May
1728
.
Saurin.
23 5[Figure 5]
LA SCIENCE
DES
INGENIEURS
DANS
LA CONDUITE DES TRAVAUX
DE
FORTIFICATION.
LIVRE PREMIER.
l’on enſeigne la maniere de ſe ſervir des principes de la
Mécanique
, pour donner les dimenſions qui conviennent aux
revêtemens
des Ouvrages de Fortification, pour être en
équilibre
, avec la pouſſée des Terres qu’ils ont à ſoûtenir.
DEpuis qu’on a cherché dans les Mathematiques les
moyens
de perfectionner les Arts, on y a fait des
progrès
qu’on n’eût oſé eſperer auparavant;
mais
comme
il n’y a qu’un petit nombre de perſonnes
qui
ſont en état de juger juſqu’où peut mener cette
ſcience
, on a peine à ſe perſuader qu’elle ſoit capable de toutes
les
merveilles qu’on lui attribuë, ce que l’on a découvert de
plus
avantageux, étant juſtement ce qui eſt ignoré du Public,
242LA SCIENCE DES INGENIEURS, & même de ceux quipourroient s’en ſervir utilement, par l’éloigne-
ment
ils ſont de comprendre les principes qui ont conduit à la
recherche
d’une infinité de choſes utiles, à moins qu’ils ne s’en
inſtruiſent
&
neſe mettent, pour ainſi dire, eux-mêmes en état de
faire
des découvertes:
d’ailleurs l’opinion qu’il n’y a que la ſeule
pratique
qui peut les mener au but, eſt encore un obſtacle qui
n’eſt
pas le moins difficile à vaincre, il eſt bien vrai que l’experience
contribuë
beaucoup à donner des connoiſſances nouvelles, &
qu’elle
fournit
tous les jours aux plus habiles gens des ſujets de reflexion
dont
ils ne ſe ſeroient peut-être point aviſés ſi elle ne les avoit
fait
naître.
Mais il faut que cette experience ſoit éclairée, ſans quoi,
l’on
ne peut avoir que des idées très-confuſes ſur tout ce qui ſe
preſente
, on voit toûjours les objets par la même face, on veut
qu’ils
ſoient tels qu’on nous a dit qu’ils étoient, ou tels qu’il a plû
à
notre imagination de nous les répreſenter:
& qu’on ſoit dans le
vrai
ou non, on paſſe toute ſa vie ſans rien ſçavoir de juſte &
de
précis
ſur ce que l’on croit pourtant poſſeder le mieux.
Delà vient
que
bien des choſes imparfaites demeurent toujours dans le même
état
, elles ſe tranſmettent d’une poſterité à l’autre avec les mêmes
défauts
;
& ſi par hazard quelqu’un s’aviſe de les remarquer, auſſi-
tôt
tous les gens du métier ſe révoltent contre la nouveauté, l’on
a
peine à ſe figurer que ceux qui n’ont point travaillé toute leur
vie
à certains ouvrages, puiſſent en raiſonner juſte, &
la verité toute
eſtimable
qu’elle eſt ſe trouve ſouvent obligée de garder le ſilence,
ou
de prendre des meſures &
des ménagemens pour s’inſinuer
Cela
vient ſans doute, de ce que la plûpart des hommes ne con-
ſultent
point aſſés la raiſon;
eſclaves du préjugé, c’eſt preſque toû-
jours
l’uſage qui les détermine;
& pour ne parler que de l’Archi-
tecture
, qui eſt le ſeul objet que j’ai en vûë, n’eſt-il pas ſurpre-
nant
que depuis le tems qu’on la cultive, on l’ait ſi peu perfection-
née
en certains points eſſentiels qui en ſont comme la baſe;
car ſi
l’on
en excepte quelques régles de convenance &
de goût, qui
appartiennent
à la décoration, on n’a rien d’aſſés précis ni d’exact
ſur
la plûpat du reſte, aucun Architecte n’a donné des principes
pour
trouver le point d’équilibre entre les forces agiſſantes &
cel-
les
qui doivent reſiſter, on ne ſçait pas, par exemple, quelle épaiſ-
ſeur
il faut donner aux revêtemens des Terraſſes, ou à ceux des Rem-
pars
, des Quays &
des Chauſſées, aux piés-droits des Voutes, aux
Culées
des Ponts, pour être en équilibre par leur réſiſtance avec
la
pouſſée que ces differens murs doivent ſoûtenir, ſans y employer
des
matériaux ſuperſlus.
253LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
S’il manque quelque choſe à l’Architecture, c’eſt que ceux
qui
en ont traité, ont voulu tirer tout du même fond, &
ſe paſſer
des
ſecours qu’ils ont crû étrangers à leur ſujet, n’ayant pas conſi-
deré
que les ſciences doivent ſe donner des lumieres mutuelles,
&
que celle-ci roulant ſur des rapports, il n’y avoit que les Ma-
thématiques
qui puſſent les déterminer, ils ont pourtant bien ſenti
qu’il
leur manquoit quelque choſe, mais comme la plûpart n’avoient
que
très-peu ou point du tout de connoiſſance de la Mécanique ni
de
l’Algebre, qui ſeules pouvoient donner ce qu’ils cherchoient,
il
n’eſt pas étonnant qu’ils n’y ayent point eu recours, &
qu’ils s’en
ſoient
tenu à une certaine pratique, quià la verité leur a réüſſi dans
bien
des cas, parce qu’ils n’ont point épargné les matériaux, quand
ils
ont eu quelque ſujet d’aprehender queleur ouvrage ne fut point
aſſés
ſolide.
Aprés cela quand on parviendroit à trouver des régles qui don-
neroient
à l’Architecture toute la perfection poſſible, il eſt à crain-
dre
qu’on n’en tire pas toute l’utilité qu’on pouroit ſe promettre;
parce que les régles que les Géometres donneront ne pourront pas
être
entenduës auſſi aiſément qu’on a coûtume d’entendre les Livres
ordinaires
de l’Architecture, &
qu’il faudra abſolument employer
l’Algebre
&
la Mécanique, ces ſortes de choſes ne pouvant s’ex-
pliquer
dans un autre langage.
On aura beau dire qu’on n’y com-
prend
rien, ce ne ſera point la faute de ceux qui auront fait de
leur
mieux pour donner des principes nouveaux &
plus certains
que
ceux que l’on avoit.
Mais pourquoi, dira-t’-on, vouloir aſſujet-
tir
l’Architecture à tant de connoiſſances abſtraites?
Les Architectes
juſqu’ici
n’ont pas ſçû l’Algebre, &
leurs ouvrages n’en ſont pas
moins
ſolides, ni moins beaux.
Je conviens qu’on ne ſauroit trop
les
admirer, &
qu’il eſt ſurprenant qu’ils ayent pu ſe paſſer desré-
gles
dont je parle;
cela vient apparemment du long uſage ils
ont
été de faire executer ſouvent la même choſe, qui leur a fourni
certaines
pratiques dont ils ſe ſont bien trouvés;
mais quel tems
ne
leur a-t’-il pas fallu avant d’être capables de travailler hardiment?

A
peine toute leur vie a-t-elle ſuffire;
la malheureuſe condition
des
hommes étant d’arriver au dernier terme de leurs jours lorſ-
qu’ils
commencent ſeulement à ſavoir quelque choſe;
il faudroit
donc
pour tirer le meilleur parti qu’il eſt poſſible d’une vie ſi cour-
te
apprendre avec méthode, ce qu’on a envie de ſavoir, avoir
des
régles ſures &
démontrées, afin qu’en étant une fois préve-
nu
, on ne ſoit pas obligé d’attendre que l’experience ou le hazard
nous
les apprenne;
ainſi dans quelque profeſſion que l’on ſoit, il
264LA SCIENCE DES INGENIEURS, faut entrer dans ſa carriere avec le plus de fond qu’il eſt poſſible,
enſuite
mettre à profit nos réflexions, ou celles des autres, ſur les
differens
cas qui ſe preſentent;
c’eſt-à-dire, qu’il ſeroit à ſouhaiter
qu’on
commençât ceux qui nous ont précédé ont fini, parce que
ce
qu’ils nous auront laiſſé, nous inſtruira preſque autant que ſi nous
l’avions
pratiqué nous mêmes;
mais quoique bien des choſes leur
ayent
réüſſi, il eſt à propos de ne les imiter que dans celles
l’on
apercevra les raiſons qu’ils ont eu d’agir de telle &
telle ma-
niere
, car comme les lieux, les circonſtances, les differentes eſpe-
ces
de matériaux peuvent favoriſer ou alterer l’execution d’une
même
choſe, il ſeroit à craindre que ce qui a réüſſi aux uns, ne
faſſe
échoüer les autres.
Ainſi pour commencer à ſuivre la mé-
thode
ſelon laquelle il m’a paru que l’Architecture devoit être
traitée
, (c’eſt-à-dire, cette Architecture qui apartient princi-
palement
à l’Ingenieur,) nous allons enſeigner dans ce Livre-ci
une
nouvelle théorie pour régler l’épaiſſeur des revêtemens de
maçonnerie
, qui, à ce que je croi, ſera bien reçûë de ceux qui ſe-
ront
à portée de l’entendre, puiſqu’ils y trouveront la réſolution
d’un
grand nombre de Problemes utiles, dont ils pouront tirer
beaucoup
de connoiſſances:
j’aurois bien voulu me ſervir d’une autre
voïe
que celle de l’Algébre pour me faire entendre, mais je n’ai
m’en paſſer;
ce qui me fait aprehender que ceux qui ne ſont
que
trop prévenus contre cette ſcience, ne ſe previennent auſſi
contre
mon Ouvrage &
n’en tirent pas tout le fruit que j’ai eu
en
vûë de leur procurer:
je n’ai pourtant rien négligé pour me
faire
entendre clairement, je me ſuis ſervi par-tout des expreſſions
les
plus ſimples, terminant chaque propoſition par un calcul Arith-
metique
, &
par des aplications qui pouront être entenduës de
tout
le monde, n’ayant pas voulu conſtruire mes égalités ſelon la
méthode
ordinaire des Géométres, crainte de donner à mon Ou-
vrage
un air ſavant qui n’auroit fait que le rendre encore plus inac-
ceſſible
à ceux pour qui j’écris.
Comme avant toutes choſes, il faut connoître les centres de gra-
vité
de Figures ſur leſquelles nous ſerons obligé d’operer, je vais
enſeigner
ce qu’il faut ſavoir là-deſſus dans le Chapitre ſuivant.
275LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
CHAPITRE PREMIER.
l’on donne la maniere de trouver les centres de gravité de
pluſieurs
Figures.
De’finition.
IL y a dans tous les corps peſans, c’eſt-à-dire, dans toutes les
Figures
peſantes, un point par lequel cette Figure étant ſuſpen-
duë
, ou ſoutenuë comme ſur la pointe d’un pivot fort aiguë, toutes
les
parties de la Figure demeurent en équilibre ou en repos, or
ce
point eſt nommé le centre de gravité de la Figure.
PROPOSITION PREMIERE.
The’oreme.
1. Si l’on diviſe en deux également les côtés opoſés AB, &
11Planch.
1
.
CD, d’un Paralellograme, &
qu’on tire la ligne EF, je dis
que
le centre de gravité de ce Paralellograme, eſt dans le
22Fig. 1. milieu de cette ligne.
Demonstration.
Il eſt certain que la ligne EF, paſſant par le milieu de tous les
élemens
qui compoſent le Paralellograme, leur centre commun de
gravité
ſera dans un des points de cette ligne;
de même ſi par le
milieu
des côtés AC, &
BD, on tire la ligne GH, le centre de
gravité
du Paralellograme ſera auſſi dans cette ligne GH, il ſera
donc
au point I, ces deux lignes ſe rencontrent.
C. Q. F. D.
Remarque premiere.
2. Quoique l’on ait coutume de conſiderer un Plan ſans nulle
épaiſſeur
, quand il s’agit de la ſuperficie des corps, cela n’empêche
pas
qu’on ne puiſſe attribuer une peſanteur aux Plans dont nous
parlons
, ſans que pour cela il faille leur ſupoſer une épaiſſeur ſen-
ſible
:
cependant comme cette peſanteur ne peut être meſurée par
aucun
poids, nous regarderons la valeur de la ſuperficie des Plans,
286LA SCIENCE DES INGENIEURS, comme tenant lieu de la peſanteur qui entre dans la Mécanique
dont
nous parlons;
ainſi on peut imaginer que deux Plans homo-
genes
ſont en équilibre aux extrêmités des bras d’un levier, quand
les
ſuperficies de ces Plans ſont dans la raiſon réciproque des bras
du
levier.
Remarque ſeconde.
3. Puiſque l’on peut conſiderer la ſuperficie d’un Plan comme
exprimant
la peſanteur qu’on lui attribuë, on pourra donc, comme
dans
la Mécanique ordinaire, ſupoſer toute la peſanteur du Plan;
c’eſt-à-dire, ſa ſuperficie réünie autour d’un point pris à volonté
dans
la ligne de direction qui paſſera par le centre de gravité;
par
exemple
, nommant a, la hauteur AC, du Paralellograme;
& b,
11Fig. 1. la baſe CD;
ſa ſuperficie ſera ab; or ſi on la ſupoſe réünie
dans
le poids K, qui eſt dans un des points de la ligne I L, tiree
du
centre de gravité I, l’on poura donc dire que la peſanteur de
ce
poids eſt exprimée par ab.
Remarque troiſiéme.
4. Comme les Plans, dont il ſera queſtion, repréſenteront des
profils
de Maçonnerie ou de Terraſſe, il faudra avoir égard, non-
ſeulement
à leur ſuperficie quand ils tiendront lieu d’une puiſſance
ou
d’un poids, mais encore à la nature des corps dont ils ſeront
la
coupe, par exemple ſi on a un levier dont le point d’apui ſoit
dans
le milieu, &
qu’un Plan de ſix pieds quarrés, provenant d’une
coupe
de Maçonnerie, ſoit ſuſpendu à l’extrémité d’un des bras;
on ne peut pas dire que ce Plan puiſſe ſe mettre en équilibre avec
un
autre de ſix pieds quarrés provenant d’une coupe de terre,
parce
qu’un pied cube de Maçonnerie peſant davantage qu’un pied
cube
de terre, il faut s’imaginer que le premier Plan péſe davan-
tage
que le ſecond, dans la raiſon qu’un pied cube de Maçonnerie
péſe
plus qu’un pied cube de terre;
or comme nous avons be-
ſoin
de connoître ce rapport, parce qu’il aura lieu dans cette Mé-
canique
, l’on ſaura que le poids d’un certain voulume de Maçon-
nerie
eſt à celui d’un pareil volume de terre, à peu-près comme
3
eſt à 2, c’eſt-à-dire, que la terre peſe moins d’un tiers que la
Maçonnerie
.
Remarque quatriéme.
5. Si l’on avoit donc une puiſſance repréſentée par un nombre
297LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. de pieds quarrés provenant d’un profil de terre, qu’on voulut met-
tre
en équilibre avec un poids provenant d’un profil de Maçonne-
rie
, il faudra prendre les deux tiers de la puiſſance, afin de la ren-
dre
homogene à la Maçonnerie;
car comme la terre péſe moins
d’un
tiers que la Maçonnerie, on ne pourra jamais faire avec ces
deux
matieres differentes des rapports de poids à poids, qu’on ne
faſſe
une réduction dans le volume de la plus légere.
PROPOSITION SECONDE.
The’oreme.
6. Si l’on a un triangle A B C, quelconque, & que l’on
11Fig. 2. diviſe la baſe A C, en deux également au point D, je dis
que
le centre de gravité de ce triangle ſera dans le tiers de
la
ligne B D, menée de l’angle B, au milieu de la baſe A C,
qui
lui eſt opoſée.
Demonstration.
Pour le prouver, je diviſe le côtê BC, en deux également au
point
E;
& de l’angle A, qui lui eſt opoſé, je tire la ligne AE,
enſuite
je prolonge le côté BA, indéfiniment, &
des points D &
C
, je mene à la ligne AE, les paralelles DG, &
CH, cette pre-
paration
étant faite;
conſiderés que ſi l’on ſupoſe le triangle ABC,
compoſé
d’une infinité d’élemens paralelles à la baſe AC, la ligne
BD
, les diviſera tous en deux également;
& qu’ainſi le centre
commun
de péſanteur de la ſomme de tous ces élemens ſera dans
l’un
des points de la ligne BD;
de même ſupoſant encore le trian-
gle
ABC, compoſé d’une infinité d’élemens paralelles au côté
BC
, la ligne AE, les partageant en deux également, le centre de
péſanteur
de toute leur ſomme ſera encore dans l’un des points
de
la ligne AE;
or puiſque le centre de gravité de tous les éle-
mens
du triangle de quelque ſens qu’on puiſſe les prendre, eſt
d’une
part dans la ligne BD, &
de l’autre dans la ligne AE, le
centre
de gravité du triangle ſera donc au point F, ces deux
lignes
ſe coupent;
ainſi il faut faire voir préſentement que le
point
F, eſt éloigné de D, du tiers de la ligne BD.
Pour cela remarqués en premier lieu, que dans le triangle BHC,
le
côté BC, eſt diviſé en deux également au point E, &
que la
ligne
AE, étant paralelle à HC, le côté BH, ſera auſſi diviſé
308LA SCIENCE DES INGENIEURS, également au point A; en ſecond lieu, que dans le triangle AHC,
le
côté AC, eſt diviſé en deux également au point D;
que DG,
etant
paralelle à CH, le côté AH, ſera encore diviſé en deux éga-
lement
au point G;
or la ligne AG, étant moitié de AH, elle ſe-
ra
auſſi moitié de AB, puiſque nous avons prouvé que AB, étoit
égal
à AH, ainſi AG, ſera le tiers de BG, mais comme dans le
triangle
BGD, AF, eſt paralelle à GD, il s’enſuit donc que la
ligne
AG, étant le tiers de BG, la ligne FD, ſera le tiers de BD.
C. Q. F. D.
Remarque premiere.
7. Pour appliquer ceci au triangle rectangle, qui eſt celui dont
nous
nous ſervirons le plus ordinairement dans la ſuite, remar-
qués
ſelon le théoreme précédent, qu’ayant diviſé la baſe BC,
11Fig. 3. en deux également au point D:
(car nous prenons ici un des
petits
côtés pour la baſe:)
& tiré la ligne AD, le point E, qui eſt
au
tiers de cette ligne, ſera le centre de gravité du triangle rectan-
gle
ABC, or ſi de ce point l’on abaiſſe la perpendiculaire EF, ſur
la
baſe BC, elle ſera la ligne de direction qui paſſe par le centre
de
gravité;
mais ED, étant le tiers de AD, DF, ſera le tiers de
BD
, à cauſe des paralelles EF, &
AB; ainſi FD, ſera la ſixiéme
partie
de la baſe BC, &
la ligne BF, étant double de FD, elle
ſera
par conſequent les deux ſixiémes, ou ce qui eſt la même
choſe
, le tiers de la baſe BC;
l’on peut donc dire que dans un
triangle
rectangle, la ligne de direction EG, qui paſſe par le centre
de
gravité, paſſe auſſi par le tiers de la baſe BC.
Remarque ſeconde.
8. Si l’on avoit un triangle rectangle, & qu’on voulut réunir toute
ſa
peſanteur, c’eſt-à-dire, ſa ſuperficie dans un des points de la li-
gne
de direction, il n’y auroit qu’à diviſer la baſe BC, en trois
parties
égales, &
de l’extrémité F, du tiers qui répond à l’angle
droit
, abaiſſer une perpendiculaire FG, elle ſera la ligne de di-
rection
que l’on demande;
ainſi nommant a, la hauteur AB,
du
triangle;
& b, la baſe BC; l’on aura {ab/2} pour la valeur du
poids
H, dans lequel on ſupoſe que l’on a réüni la péſanteur, ou
ce
qui eſt la même choſe, la ſuperficie du triangle.
319LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
PROPOSITION TROISIE’ME.
The’oreme.
9. Si l’on a un Trapezoïde ABCD, & que par le milieu
11Fig. 4. O, &
E, des côtés paralelles BC, & AD, l’on tire la ligne
OE
, je dis que ſi l’on diviſe cette ligne en trois parties égales
par
les points F &
G, le centre de gravité du Trapezoïde ſera
dans
l’un des points de la partie du milieu FG.
Demonstration.
Si du point E, l’on mene les lignes EB, & EC, la figure ſera
diviſée
en trois triangles BEC, ABE, &
ECD, or ſi par le point
G
, l’on mene la ligne HI, paralelle à AD, &
qu’on diviſe les
baſes
AE, &
ED, en deux également aux points M, & N, pour
tirer
les lignes BM, &
CN; il eſt conſtant quela paralelle HI, qui
paſſera
par le tiers de la ligne BM, &
CN, donnera les points K,
&
L, qui ſeront les centres de gravité destriangles ABE, & ECD,
par
l’article 6e.
Mais ces triangles ſont égaux, puiſqu’ils ont la
même
hauteur &
des baſes égales, leur centre commun de gravité
ſera
donc dans le milieu de la ligne KL, par conſequent au point
G
.
D’autre côté le centre de gravité du triangle BEC, eſt aupoint
F
, puiſque la ligne OF, eſt le tiers de OE, il s’enſuit donc que le
centre
commun de gravité de ce triangle &
des deux autres ABE,
&
ECD, joints enſemble; c’eſt-à-dire, du Trapezoïde; eſt dans
l’un
des points de la ligne FG.
C. Q. F. D.
PROPOSITION QUATRIE’ME.
Proble’me.
10. Trouver le centre de gravité d’un Trapezoïde.
On vient de voir dans le Théoréme précédent que ſi la ligne
22Fig. 4. OE, qui paſſe par le milieu des paralelles BC, &
AD, étoit divi-
ſée
en trois parties égales, que le centre de gravité de toute la Fi-
gure
ſeroit dans l’un des points de la ligne FG.
Or pour trouver ce
point
, nous regarderons la ligne FG, comme un lévier aux extré-
mités
duquel ſeroient ſuſpendus deux poids, dont celui de l’extré-
3210LA SCIENCE DES INGENIEURS, mité F, ſeroit équivalent au triangle BEC, & l’autre de l’extrémité
G
, équivalent à la ſomme des deux triangles ABE, &
ECD;
& ſi l’on ſupoſe que le centre de gravité que l’on cherche ſoit au
point
P, il eſt conſtant que dans l’état d’équilibre, il y aura même
raiſon
du triangle ſuſpendu au point F, à la partie GP, que de la
ſomme
des triangles ſuſpendus au point G, à la partie FP, mais
comme
ces trois triangles ont la même hauteur, ils ſeront entr’eux
comme
leurs baſes;
c’eſt-à-dire, que le triangle BEC, ſera à la
ſomme
des deux triangles ABE, ECD, comme BC, eſt à AD,
ainſi
pour que le point P, ſoit le centre commun de gravité de
ces
trois triangles ou du Trapezoïde, il faut donc que BC, ſoit à
AD
, comme PG, eſt à PF, ce qui fait voir que pour trouver le
centre
de gravité d’un Trapezoïde, il faut par le milieu des para-
lelles
BC, &
AD, tirer la ligne OE, la partager en trois parties
égales
, &
celle du milieu FG, en deux parties FP, PG, qui ſoient
l’une
à l’autre dans la raiſon de AD, à BC, enſorte que la plus
grande
partie, comme FP, réponde au plus petit côté BC, &
que
la
plus petite, comme PG, réponde au plus grand AD, par exem-
ple
, ſi BC, étoit le tiers ou la moitié de AD, il faudroit que la
partie
PG, fut le tiers ou la moitié de FP.
Comme il ſuffit de ſavoir trouver le centre de gravité des Fi-
gures
précédentes pour ce que nous avons à enſeigner dans ce Li-
vre-ci
, je ne parlerai point de ceux des autres Figures, comme
de
portions de Cercles, d’Ellipſe, &
c. Parce que nous ferons en-
ſorte
de nous en paſſer, n’ayant pas voulu les donner, à cauſe que
les
démonſtrations de ces Problémes ſont extrémement longues par
la
Géométrie ordinaire, &
que ſi j’avois recours aux méthodes
que
ſourniſſent pour cela les nouveaux calculs, je me ſerois ex-
poſé
à n’être entendu que de très-peu de perſonnes, ces calculs
n’étant
connus que des Géomêtres du premier ordre.
6[Figure 6]
3311LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
CHAPITRE SECOND.
l’on enſeigne comme on trouve l’épaiſſeur des Murs que l’on
veut
mettre en équilibre par leur réſiſtance, avec les puiſ-
ſances
qui agiroient pour les renverſer lorſque ces Murs
ſont
élevés à plomb des deux côtés.
PROPOSITION PREMIERE.
Tirée des principes de la Mécanique, & qui doit ſervir
de
Lemme à quelques-unes des Propoſitions qu’on rencon-
trera
dans la ſuite.
11. SI l’on a un lévier ou une balance AB, ſans péſanteur, dont
11Fif. 5. le point d’apui ſoit en C, &
qu’il y ait à l’extrêmité A, un
poids
M, &
au point B, une puiſſance P, en équilibre avec
ce
poids;
on demande de tranſpoſer cette puiſſance à l’extrémité D,
du
bras de lévier CD, plus grand que CB, enſorte qu’elle ſoit en-
core
en équilibre.
L’on ſent bien que cette puiſſance agiſſant en D, n’aura pas
22Voyez le
Cours
de
Mathe-
matiq
. art.
195
.
beſoin d’une ſr grande force qu’elle avoit en B, pour faire le même
effet
ſur le poids M, puiſque ſon action doit diminuer à meſure
que
le lévier augmente, or pour qu’elle faſſe le même effet à l’ex-
trémité
D, qu’à l’extrémité B, il faut que multipliant la force
qu’elle
a en B, par le bras de lévier CB, l’on ait un produit égal
à
celui de la multiplication du bras de lévier CD, par l’effort qu’il
faut
qu’elle faſſe en D, nommant x, ce ſecond effort;
c, le bras
CB
;
& b, le bras CD; l’on aura cb = bx ou bien {cp/b} = x; c’eſt-
à-dire
que pour avoir la force avec laquelle elle agira en D, il faut
multiplier
celle qu’elle avoit en B, par le bras de levier CB, &

diviſer
le produit par toute la longueur CD, &
le quotient ſera
ce
que l’on demande.
Mais ſi le bras de lévier au lieu d’être ſur un ſeul alignement
ACB
, faiſoit un angle comme font ceux du lévier recourbé ABC;
33Fig. 6. il faudroit s’y prendre de la même facon pour tranſpoſer la puiſ-
ſance
;
c’eſt-à-dire, que ſi la puiſſance F, eſt apliquée à l’extrémité
E
, du bras EB, elle agit ſelon une direction perpendiculaire
3412LA SCIENCE DES INGENIEURS, EF, & que l’on veüille la tranſpoſer à l’extrémité A, du lévier
AB
, plus grand que EB, il faudra multiplier la force de cette puiſ-
fance
par le bras EB, &
diviſer le produit par le bras AB, pour
avoir
le quotient, qui ſera la force de la puiſſance G, pour qu’é-
tant
apliquée en A, elle faſſe le même effet qu’en E, en ſupo-
ſant
toujours qu’elle agit ſelon une direction perpendiculaire au
bras
du lévier.
Avertiſſement.
Avant d’entrer en matiere, il eſt bon de faire ici trois ſupoſi-
tions
, dont on conviendra aiſément dans le ſujet que je vais traiter.
12. La premiere eſt que l’on doit regarder un Mur comme
étant
aſſis ſur des fondemens inébranlables, &
que ſi une puiſſance
pouſſoit
ou tiroit le Mur, ſa baſe pouroit s’incliner ſur les fonde-
mens
, comme feroit, par exemple, un cube ou un paralellepipede
poſé
ſur une table.
13. La ſeconde, eſt qu’on doit conſiderer un Mur comme
compoſé
d’une ſeule pierre;
c’eſt-à-dire, dont les parties ſoient
ſi
bien liées, qu’elles ſoient comme indiſſolubles, quelque effort
que
faſſe la puiſſance qui agit, elle peut bien renverſer le Mur,
mais
non pas le rompre.
14. La troiſiéme, c’eſt qu’on peut regarder le profil d’un Mur
comme
exprimant le Mur même, car comme un Mur eſt com-
poſé
d’une infinité de Plans paralelles entr’eux &
perpendiculaires
à
l’horiſon, ce qu’on dira au ſujet d’un de ces Plans, pourra ſe
dire
de même de tous les autres, ainſi la longueur du Mur eſt une
choſe
dont nous ferons abſtraction.
La premiere ſupoſition n’a rien d’extraordinaire, puiſqu’on n’y
ſupoſe
aucune choſe qui n’arrive fort ſouvent dans l’execution:
les piles des Ponts & les Murs qui ſont bâtis ſur Pilotis ſont aſſis
ſur
un plancher qui leur ſert de baſe;
ainſi dans ce cas-là le Mur
ne
doit être conſideré que depuis la retraite juſqu’au ſommet, &

c’eſt
ſur ce pié que nous l’enviſagerons, n’ayant pas jugé à propos
d’admettre
les fondemens dans les calculs que nous ſerons obligés
de
faire, parce que ces fondemens n’ayant point de profondeur
déterminée
, ils n’auroient convenir avec la préciſion que nous
avons
tâché de ſuivre.
La ſeconde ſupoſition n’a rien non plus qui répugne, puiſque
dans
une Théorie comme celle-ci, il eſt à préſumer que la Ma-
connerie
a été faite avec toutes les attentions poſſibles, d’ailleurs
le
plus ou moins de liaiſon que peuvent cauſer les materiaux bons
3513LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. ou mauvais, n’eſt point une choſe qui apartient à ce Livre-ci. Je
n’expliquerai
point la troiſiéme ſupoſition, parce qu’elle eſt aſſés na-
turelle
.
J’ajoûterai encore que pour éviter les répetitions inutiles, nous
ſupoſerons
toûjours que les puiſſances dont nous parlerons, pouſ-
ſent
ou tirent ſelon des directions perpendiculaires à la ligne ver-
ticale
qui détermine la hauteur des Murs, excepté dans les occa-
ſions
on aura ſoin d’avertir du contraire;
& que chacunes de
ces
puiſſances ſeront nommées bf, ſans qu’on doive s’embaraſſer
au
commencement pourquoi l’on prend plûtôt l’expreſſion bf, que
toute
autre pour déſigner la force de la puiſſance, on en verra la
raiſon
dans la ſuite.
PROPOSITION SECONDE.
Proble’me.
15. Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux Murs qui
ſont
élevés à plomb devant &
derriere, pour que par leur pé-
ſanteur
ils ſoient en équilibre avec l’effort qu’ils ont a ſoûtenir.
Ayant un paralellograme rectangle ABCD, qui repréſente le
11Fig. 8. profil d’un Mur dont la hauteur AB, eſt déterminée, &
une puiſ-
ſance
P, qui pouſſe ce Mur ſelon une direction KD;
on demande
qu’elle
épaiſſeur il faudra donner à la baſe BC, pour que ce Mur
par
ſon poids ſoit en équilibre avec l’effort de la puiſſance.
Comme c’eſt la même choſe à la puiſſance P, de pouſſer de K,
en
D, ou de tirer de A en H, pour renverſer le Mur, nous ſu-
poſerons
qu’à l’extrêmité de la corde AH, qui va paſſer ſur une
poulie
L, on a attaché un poids I, qui eſt équivalent par ſa pé-
ſanteur
à la force de la puiſſance:
nous ſupoſerons auſſi qu’ayant
trouvé
le centre de gravité F, du paralellograme, on a réüni
toute
ſa ſuperficie dans le poids G, qui eſt ſuſpendu au milieu F,
de
la ligne BC.
Cela poſé, il faut conſidérer les lignes AB, & BF, qui forment
l’angle
droit ABF, comme le bras d’un lévier recourbé, dont le
point
d’apui eſt à l’angle B, le poids G, à l’extrémité F, du plus
petit
bras BF, &
la puiſſance dans la direction de la corde AH,
qui
eſt attachée à l’extrémité A, du plus grand bras AB, nous
nommerons
a, le bras AB;
& bf, la valeur de la puiſſance ou du
poids
I;
la ligne BC, que nous cherchons, ſera nommée y; pour
3614LA SCIENCE DES INGENIEURS, lors l’on aura ay, pour la ſuperficie du paralellograme, ou ce qui
eſt
la même choſe, pour la valeur du poids G, or il ne s’agit
donc
que de connoître y.
Remarqués, que pour que la puiſſance & le poids ſoient en équi-
11V. le C.
art
. 494.
libre, il faut qu’ils ſoient dans la raiſon réciproque des bras du
lévier
, &
comme on ſupoſe ici l’équilibre, l’on aura donc bf, ay: :
{y/2}, a, qui donne abf = {ayy/2} d’où effaçant a, de part &
d’autre, &
multipliant
le premier membre par 2, pour faire évanouïr la frac-
tion
du ſecond, il vient 2bf = yy, qui ſe réduit à cette derniere
équation
√2bf\x{0020} = y.
APLICATION.
Pour trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner à un Mur qui eſt
pouſſé
par le ſommet ſelon une direction perpendiculaire, il
faut
doubler le nombre qui exprime la valeur de la puiſſance &
en
extraire
la racine quarrée, cette racine ſera ce que l’on demande,
par
exemple ſupoſant que la puiſſance bf, ſoit équivalente à un
plan
de 18 pieds quarrés, il faut doubler ce nombre pour avoir
36
pieds quarrès, dont la racine qui eſt 6, ſera l’épaiſſeur BC,
que
l’on cherche.
Si j’ai ſupoſé que la puiſſance étoit équivalente à un plan de
18
pieds quarrés, il ne faut pas que cela paroiſſe extraordinaire,
puiſque
, comme on l’a déja inſinué dans le ſecond article, les forces
agiſſantes
&
réſiſtantes ne doivent être exprimées dans cette Mé-
canique
qu’avec des plans, comme on en verra encore mieux la
raiſon
ailleurs.
Corollaire I.
16. Si l’on avoit un Mur AD, pouſſé par deux puiſſances qui
22Fig. 7. agiſſent ſelon les directions LB, &
KM, ou qui tirent de l’autre
côté
ſelon les directions AI &
GH, & qu’on veut ſavoir quelle
épaiſſeur
il faudroit donner à ce Mur pour être en équilibre avec
les
deux puiſſances, il faut réünir la puiſſance H, avec la puiſſance
I
, c’eſt-à-dire, la tranſporter à l’extrêmité A, ſelon l’article 11e.
& ſupoſant que la valeur de ces deux puiſſances ſoit exprimée par
bf
, l’on aura comme cy-devant √2bf\x{0020} = y.
3715LIVRE I: DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
Corollaire II.
17. De même ſi I’on avoit une puiſſance apliquée en E,
11Fig. 16. qui tire de E, en H, &
une autre aliquée en B, tirant de B, en
K
, &
qu’on voulut connoitre qu’elle doit être l’épaiſſeur AD, pour
que
le Mur ſoit en équilibre par ſon poids, avec les deux puiſſan-
ces
, en ſupoſant que la puiſſance K, fait beaucoup plus d’effort
au
point B, que la puiſſance H, n’en fait au point E, il faut ré-
duire
la puiſſance H, à l’extrémité C, par l’article 11e.
pour avoir
la
puiſſance I, qui ſera opoſée à la puiſſance K, ainſi étant ſur
un
même alignement, il ſe fera une deſtruction de force;
c’eſt-à-
dire
, que la puiſſance K, que nous avons ſupoſée la plus grande
des
deux, ſera diminuée de toute la puiſſance I;
c’eſt pourquoi ſi
l’on
retranche la plus petite de la plus grande, &
que l’on nomme
la
difference bf, tout le mécaniſme ſe réduira encore à cette derniere
équation
√2bf\x{0020} = y.
Corollaire III.
18. Ayant un Mur AD, & une puiſſance K, apliquée à l’ex-
22Fig. 9. trêmité A du lévier AC, qui tire de A en F, ſelon une direction
oblique
au bras du même lévier, voulant ſavoir quelle épaiſſeur
il
faut donner à la baſe CD, du Mur pour qu’il ſoit en équilibre
par
ſon poids avec l’effort de la puiſſance K;
conſiderés que le
poids
I, équivalent à cette puiſſance n’aura pas tant de force en
agiſſant
ſelon la direction oblique AF, que ſi c’étoit ſelon une di-
rection
AN, perpendiculaire au lévier AC.
Or ſi l’on abaiſſe du
point
d’apui C, la perpendiculaire CG, ſur le prolongement FA,
de
la direction de la puiſſance, on pourra au lieu du bras de lévier
CA
, prendre le bras CG, &
pour lors la propoſition ſubſiſtera toû-
jours
dans ſon entier, puiſque l’on ſait que la puiſſance eſt au poids
dans
la raiſon réciproque des perpendiculaires CG, &
CL, abaiſſées
33V. le C.
art
. 772.
ſur les lignes de direction de la puiſſance &
du poids, ainſi nom-
mant
la ligne CA, c;
le lévier CG, a; & la baſe CD, y; l’on aura
bf
, cy:
: {y/2}, a, qui donne abf = {cyy/2} ou bien √2abf\x{0020}/c = y.
APLICATION.
Pour avoir l’épaiſſeur CD, il faut multiplier la puiſſance I, par
le
lévier CD, diviſer le produit par la hauteur AC, de la muraille,
doubler
le quotient &
en extraire la racine quarrée qui donnera ce
que
l’on cherche.
3816LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE TROISIE’ME.
l’on détermine quelle épaiſſeur il faut donner au ſommet
des
Murs qui ſont élevés à plomb d’un côté &
en talud de
l’autre
, pour que ces Murs puiſſent être en équilibre par
leur
reſiſtance, avec la pouſſée qu’ils ont à ſoûtenir.
IL y a aparence que dès les premiers tems que les Hommes ſe
ſont
aviſé de faire des revêtemens de Maçonnerie pour ſoûtenir
des
Terraſſes ou des Rempars de Fortification, ils ont ſenti la ne-
ceſſité
de leur donner du talud du côté du parement;
mais l’on
ne
ſait pas bien s’ils ont eu deſſein de donner plus d’aſſiete à la
baſe
du Mur, ou ſi c’étoit ſeulement pour que les matériaux ſe
ſoûtiennent
mieux, à l’imitation de ce que l’on fait pour les ouvra-
ges
de Terraſſe;
car il ne paroît pas que leur vûë ait été de rendre
les
revêtemens capables de réſiſter davantage à la pouſſée des terres,
du
moins les Architectes tant anciens que modernes qui ont écrit
n’en
font pas mention;
& ce qui me feroit préſumer qu’ils n’ont
pas
aperçû tout l’avantage des taluds, c’eſt qu’ils ſe ſont conten-
tés
d’établir pour regle générale qu’il falloit donner aux Murs pour
talud
la cinquiéme partie de leur hauteur, &
que dans bien des
occaſions
ils auroient en donner beaucoup plus pour ne
point
employer une quantité prodigieuſe de matériaux ſuperflus,
ils
ne l’ont pas fait;
au contraire ſouvent il leur eſt arrivé de don-
ner
du talud à des Murs qui n’en devoient point avoir, &
d’élever
à
plomb des deux côtés ceux qu’un talud auroit rendu capables d’une
force
beaucoup plus grande, même avec moins de maçonnerie.
Ce-
pendant
il eſt ſi naturel d’apercevoir qu un Mur qui a du talud ré-
ſiſte
mieux qu’un autre qui n’en à point, que, malgré tout ce que
je
pourrois dire pour confirmer ma penſée, j’aime mieux croire
qu’ils
ont que le talud étoit néceſſaire, mais qu’ils n’ont là-
deſſus
que des ſentimens obſcurs, ce qui ne peut arriver autrement
quand
on ne conſidere pas les choſes dans leur principe;
mais
comme
rien, en fait d’Architecture, ne me paroît plus néceſſaire
d’être
bien entendu que ce qui vient de faire le ſujet de cette petite
Diſſertation
, je vais faire enſorte dans ce Chapitre d’en bien déve-
loper
toutes les circonſtances.
3917LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
PROPOSITION PREMIERE.
Proble’me.
19. Ayant un profil de Muraille ABC, triangulaire dont
le
point d’apui eſt en C, &
qu’une puiſſance pouſſe de K, en
B
, pour la renverſer du côté opoſé, on demande quelle épaiſ-
ſeur
il faudra donner à la baſe AC, pour que le poids G,
qu’on
ſupoſe équivalent à la ſuperficie du triangle, ſoit en
équilibre
avec la puiſſance K.
Pour bien entendre ce Probléme, il faut conſiderer les côtés
11Fig. 15. CB, &
CE, de l’angle BCE, comme formant un lévier recourbé
dont
le point d’apui eſt en C, que la puiſſance K, étant apliquée
à
l’extrêmité B, bu bras CB, pouſſe ſelon une direction paralelle à
l’horiſon
, &
par conſequent oblique au bras de lévier, & que le
poids
G, eſt apliqué à l’extrêmité E, de l’autre bras CE, qui eſt
terminé
par la ligne de direction IL, tirée du centre de gravité I,
du
triangle.
Or comme c’eſt la même choſe que la puiſſance K,
pouſſe
de K, en B, ou qu’elle tire de B, en H, ſelon une direction toû-
jours
paralelle à l’horiſon, nous ſupoſerons pour plus de facilité que
le
poids F, eſt équivalent à cette puiſſance, &
abaiſſant la perpendi-
culaire
CD, ſur la ligne BH, la longueur du bras de lévier oblique
CB
, par raport à la puiſſance, ſera réduite à la ligne CD, par l’arti-
cle
18e, &
par-làla puiſſance K, ou F, pourra être admiſe dans ſon
entier
, en ſupoſant qu’elle eſt apliquée à l’extrêmité D, de la perpen-
diculaire
CD, que nous regarderons préſentement comme un des
bras
de lévier.
Sil’on nomme ce bras de lévier, c; auſſi-bien que la
hauteur
BA, qui lui eſt égale, y, la baſe CA;
l’on aura {2y/3} pour l’au-
tre
bras CE, (puiſque par l’article 7e la partie AE, eſt le tiers
de
toute la baſe AC,) cela étant, le poids G, ſera {yc/2}, ainſi l’on
aura
bf, {yc/2} :
: {2y/3}, c, qui donne cette équation {2yyc/6} = bcf, qu’on
rendra
plus ſimple en faiſant la réduction, puiſqu’on n’aura plus
que
{yy/3} = bf, ou bien y = √3bf,\x{0020} qui fait voir qu’on trouvera la
baſe
AC, en triplant la puiſſance K, ou F, &
en extrayant la ra-
cine
quarrée de ce produit.
4018LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Remarque premiere.
20. L’on doit remarquer ici que de toutes les figures que l’on
peut
donner à un profil de muraille qui a quelque pouſſée à ſoûte-
nir
, il n’y en a point il faille moins de maçonnerie que dans
celle
qui eſt triangulaire, parce que le lévier CE, gagne par ſa
longueur
ce que le poids G, a de moins provenant d’un triangle,
11Fig. 15. que s’il provenoit d’un paralellograme, ce que je vais démontrer.
Ayant le paralellograme rectangle AD, dont la hauteur ſoit
égale
à celle du triangle précédent, &
que la puiſſance qui
22Fig. 10. pouſſe de K, en C, ou tire de C, en G, ſelon une direction para-
lelle
à l’horiſon, agiſſe avec la même force que celle du
triangle
ABC, l’on ſait que pour avoir l’épaiſſeur BD, il faut
doubler
la puiſſance K, &
en extraire la racine quarrée, puiſqu’a- 33Art. 15. près avoir fait les opérations ordinaires, il vient pour derniere
équation
√2bf\x{0020} = y, &
comme nous venons d’avoir √3bf\x{0020} = y pour
la
baſe du triangle, l’on peut donc dire que la ſuperficie du profil
rectangle
AD, ſera à celle du profil triangulaire, comme √2bf\x{0020} eſt
à
la moitié de √3bf\x{0020}, puiſque ne prenant que la moitié de la baſe
du
triangle, l’on peut regarder cette moitié comme la baſe du
rectangle
égal au triangle, mais la moitié de √3bf\x{0020} eſt beaucoup
moindre
que √2bf\x{0020}, &
pour en être convaincu, il n’y a qu’à faire
un
triangle rectangle &
iſocelle ABC, & ſupoſer que chaque quarré
44Fig. 14. des côtés BA, &
BC, eſt égal à bf, cela étant, l’hypotenuſe AC,
ou
ce qui eſt la même choſe, √2bf\x{0020}, pourra être regardée comme
exprimant
la baſe BD, du profil rectangle, &
ſi l’on fait un autre
triangle
rectangle ACD, dont le côté CD, ſoit égal à CB, l’hy-
potenuſe
AD, exprimera la baſe AC, du profil triangulaire, &
di-
viſant
cette hypotenuſe en deux également au point E, ſa moitié
AE
, ſera la baſe du paralellograme égal au triangle, ainſi la ſuper-
ficie
du profil rectangle ſurpaſſera autant celle du profil triangulaire,
que
la ligne AC, ſurpaſſe la moitié de la ligne AD, ce que l’on ne
peut
pas exprimer en nombre bien exactement à cauſe des incom-
menſurables
, cependant on peut dire que la maçonnerie du profil
triangulaire
eſt à celle du profil rectangle, à peu-près comme 11.
à 18. ce qui fait voir qu’il y a plus d’un tiers moins dans le pre-
mier
que dans le ſecond.
Il ne faut pas trouver étrange qu’on ſupoſe ici un profil triangu-
laire
, nous ſavons bien qu’on ne fait pas de Mur qui ſoit terminé
4119LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. en arrête comme eſt celui-ci, c’eſt pourquoi on ne doit regarder
cette
propoſition que comme pouvant ſervir à l’intelligence des
autres
.
Remarque ſeconde.
21. Selon la Remarque précédente, l’on voit combien il eſt de
conſéquence
d’avoir égard à la longueur des léviers pour régler
l’épaiſſeur
des Murs qu’on veut mettre en équilibre avec l’effort
qu’ils
ont à ſoûtenir, &
que voici la ſeule voïe par laquelle on
peut
connoître ce point d’équilibre.
C’eſt à quoi Mr. Bullet & plu-
ſieurs
autres n’ont fait aucune attention dans les régles qu’ils ont
crû
donner ſur ce ſujet, auſſi ſont-ils tombés dans des erreurs fort
groſſieres
.
PROPOSITION SECONDE.
Proble’me.
22. Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner au ſommet des
Murs
qui ſont élevés à plomb d’un côté &
qui ont un talud
de
l’autre, pour être en équilibre par leur reſiſtance avec
la
force de la puiſſance qui voudroit les renverſer.
L’on donne, comme nous l’avons dit, pour talud aux Murs des
Rempars
ou des Terraſſes, la cinquiéme partie de leur hauteur;
11Fig. 11. c’eſt-à-dire, que ſupoſant BG, de 30 pieds, les lignes BI, & GH,
ſeront
chacune de 6 pieds;
ainſi quand on cherche quelle épaiſ-
ſeur
il faut donner à ces ſortes de Murs, l’on a toûjours le trian-
gle
GBH, connu, &
le Probléme ne roule plus que ſur l’épaiſſeur
qu’il
faut donner à la partie BD, ou FG, qui étant inconnuë nous
la
nommerons y;
la hauteur BG, ſera nommée c; & la ligne de
talud
GH, d;
cela étant, l’on aura yc, pour la valeur du poids N, &
{cd/2} pour le poids M;
on peut donc dire que le poids N, eſt ſuſpen-
du
à l’extrémité L, du bras de lévier HL, &
le poids M, à l’ex-
trémité
P, du bras HP, qui eſt égal aux deux tiers de la baſe GH,
du
triangle par l’article 7e.
Or comme on ne ſe ſervira que du bras
HL
, il faut donc ſelon l’art.
11e. réünir le poids M, au poids N,
de
maniere qu’il ne péſe pas plus en L, qu’il fait en P, ainſi je
multiplie
le poids M, ({cd/2}) par ſon bras de lévier HP, ({2d/3})
4220LA SCIENCE DES INGENIEURS, pour avoir le produit {2cdd/6} ou bien {cdd/3} qu’il faut diviſer par le
bras
HL, ({y + 2d/2}) &
le quotient {{cdd/3}/{y + 2d/2}} ſera le poids M, apli-
qué
au point L, lequel étant ajoûté avec le poids N, donnera
N
+ M, (cy + {{cdd/3}/{y + 2d/2}}) qu’on pourra ſi l’on veut conſiderer
comme
ne faiſant que le ſeul poids O, qu’il faut ſupoſer être
en
équilibre avec la puiſſance K, (bf,) ainſi le produit de la puiſ-
ſance
K, par la perpendiculaire HI, (c,) qui eſt équivalente à
ſon
bras du lévier par l’article 18e.
ſera égal au produit du poids
O
, par ſon bras de lévier HL, pour lors le premier produit don-
nera
bcf, &
le ſecond {cyy + 2cdy/2} + {cdd/3}, car il eſt à remarquer
qu’ayant
cy + {{cdd/3}/{y + 2d/2}} à multiplier par {y + 2d/2}, il n’y a que le pre-
mier
terme cy, à multiplier effectivement, puiſque pour le ſecond
{{cdd/3}/{y + 2d/2}} il ſuffit de ſuprimer tout-à-fait le diviſeur {y + 2d/2} pour que
la
grandeur {cdd/3} ſoit multipliée par le bras de lévier LH, car c’eſt
multiplier
une grandeur par ſon diviſeur que de ne pas la diviſer
quand
elle doit l’être.
Comme les deux produits précédens donnent cette équation
{cyy + 2cdy/2} + {cdd/3} = {bcf/ }, il ne s’agit plus que d’en dégager l’inconnuë
y
, en faiſant paſſer {cdd/3} du premier membre dans le ſecond, &
effa-
cer
la lettre c, pour avoir yy + 2dy = 2bf - {2dd/3}, mais comme il
manque
dd, au premier membre pour faire un quarré parfait, je l’a- 11V. le C.
art
. 120.
joûte de part &
d’autre, & il vient yy + 2dy + dd = 2bf - {2dd/3} + dd
ou
bien yy + 2dy + dd = 2bf + {dd/3}, &
extrayant la racine quarrée de
4321LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. chaque membre l’on a y + d = √2bf + {dd/3}\x{0020}, ou enſin y = √2bf + {dd/3}\x{0020} - d
APLICATION.
Supoſant que la puiſſance K, de quelque part qu’elle puiſſe ve-
nir
, ſoit exprimée par 52 pieds {1/2}, l’on aura par conſequent bf= 52 {1/2};
or comme la derniere équation que nous avons trouvée montre qu’il
faut
pour avoir l’épaiſſeur BD, doubler la valeur de la puiſſance
qui
donne 105.
ajoûter à cette quantité tiers du quarré de la
ligne
de talud BI, ou GH, &
cette ligne ayant été ſupoſée 6 pieds,
ſon
quarré ſera 36 dont le tiers eſt 12.
qui étant ajoûté avec 105,
donne
117, dont il faut extraire la racine quarrée, que l’on trou-
vera
de 10 pieds 9 pouces 8 lignes qui eſt l’épaiſſeur de la baſe
FH
, de laquelle retranchant la valeur de d, c’eſt-à-dire, la valeur
de
la ligne de talud, l’on aura 4 pieds 9 pouces 8 lignes, qui eſt
l’épaiſſeur
qu’il faut donner au ſommet de la muraille pour être en
équilibre
par ſon poids avec la puiſſance K.
Cette propoſition nous ſervira dans le quatriéme Chapitre à trou-
ver
l’épaiſſeur qu’il faut donner au ſommet des Murs des Rempars
pour
être en équilibre avec la pouſſée des Terres.
Remarque premiere.
23. Quand on a pluſieurs poids apliques à differens endroits d’un
bras
de lévier, à mettre en équilibre avec une puiſſance, il n’eſt pas
toûjours
néceſſaire de réünir les poids ou de les ſupoſer réünis en
un
ſeul, puiſqu’il ſuffit de les multiplier chacun par le bras de lé-
vier
qui lui répond, c’eſt-à-dire, par la diſtance qu’il y a du point
d’apui
aux endroits ces poids ſont apliqués, parce que la mul-
tiplication
rétablit ce que la diviſion peut ôter:
ainſi dans le pro-
blême
précédent, au lieu de multiplier le poids M, par ſon bras
de
lévier HP, &
diviſer enſuite le produit par le bras HL, pour
en
réünir le quotient au poids L, il auroit ſuffi de multiplier le
poids
M, &
N, chacun par leur bras de lévier, c’eſt-à-dire par
leur
diſtance au point d’apui, puiſque d’une façon comme de l’au-
tre
on aura toûjours {cyy + 2cdy/2} + {cdd/3} pour l’un des membres de
l’équation
, dont l’autre ſera, comme à l’ordinaire, le produit de la
puiſſance
agiſſante par le bras de levier qui lui répond;
c’eſt pour-
4422LA SCIENCE DES INGENIEURS, quoi dans la ſuite on ſe paſſera autant qu’on le pourra de ces ſortes
de
diviſions pour rendre les opérations moins compoſées.
Remarque ſeconde.
24. On peut s’apercevoir ici combien le talud qu’on donne à
l’une
des faces d’un mur, changeroit la réſiſtance de ce mur, ſi la
puiſſance
au lieu de tirer de B, en K, tiroit de D, en A, pour
cela
il faut chercher le centre commun de gravité des poids M,
&
N, qui ſera dans un des points du lévier LP, aux extrêmités
duquel
ces poids ſont ſuſpendus, que l’on apercevra en diviſant la
ligne
LP, au point R, de façon que LR, ſoit à RP, comme le
poids
M, eſt au poids N, mais ces deux poids ſont l’un à l’autre
comme
la moitié de GH, eſt à toute la ligne GF, or conſiderant
ces
deux poids M, &
N, comme étant réünis dans le ſeul poids
Q
, l’on aura le bras de lévier RH, quand il s’agira du point d’a-
pui
H, &
le bras de lévier FR, quand le point d’apui ſera ſupoſé
en
F, &
ſi l’on fait attention que le bras de lévier DF, ala même
longueur
que IH, &
que le poids Q, ne change point de ſitua-
tion
, l’on verra que la puiſſance qui tire de B, en I, eſt à celle
qui
tire de D, en A, comme le bras HR, eſt au bras FR.
Remarque troiſiéme.
Il y a encore une Remarque à faire, qui eſt, qu’ayant deux
11Fig. 12.
& 13.
murs AD, &
FI, de même hauteur, le premier élevé à plomb
des
deux côtés, &
le ſecond avec un talud égal de chaque côté,
ce
dernier quoiqu’égal au précédent en ſolidité, reſiſtera beaucoup
plus
que l’autre à l’effort d’une puiſſance qui voudroit le renverſer
à
droite ou à gauche, car ſupoſant que l’épaiſſeur du ſommet FG,
ne
ſoit que les deux tiers de celle du ſommet AB, mais qu’en ré-
compenſe
, la baſe HI, ſoit plus grande que CD, du tiers de la
même
CD, les poids M, &
N, qui exprimeront les ſuperſicies
AD
, &
FI, ſeront égaux; & comme les bras de lévier DB, & IL,
ſont
auſſi égaux, les puiſſances P, &
Q, ſeront donc dans la raiſon
des
bras de lévier LK, &
DE, ainſi la puiſſance P, ne ſera que
les
trois quarts de la puiſſance Q, par la même raiſon ſi l’épaiſſeur
FG
, n’étoit que la moitié de AB, la puiſſance P, ne ſeroit que
les
deux tiers de la puiſſance Q, ce qui prouve bien la néceſſité
de
donner du talud aux murs.
4523LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
PROPOSITION TROISIEME.
Proble’me.
25. Voulant élever un Mur dont l’épaiſſeur BC, au ſom-
met
ſoit donnée, auſſi-bien que ſa hauteur BA;
on demande
quelle
doit être la ligne de talud DE, pour que ce Mur étant
pouſſé
de M, en B, ou tiré de C, en K, par une puiſſance, le
Mur
ABCD, ſoit en équilibre avec cette puiſſance.
Ayant nommé BC, ou AD, a; la hauteur CD, c; la ligne de
11Fig. 17. talud DE, y;
la ſuperficie du rectangle ABCE, ſera ac, qu’on
pourra
conſiderer comme la valeur du poids H, ſuſpendu au point
F
, milieu de la ligne AD, le triangle DCE, ſera {cy/2} qu’on pour-
ra
auſſi conſiderer comme exprimant la valeur du poids I, ſuſ-
pendu
au point G, qui eſt au deux tiers de la ligne DE;
or ſi l’on
multiplie
chacun de ces poids par leur bras de lévier, ou par
leur
diſtance au point d’apui, &
qu’on ajoûte ces deux produits 22Art. 23. enſemble, l’on aura {aac + 2acy/2} + {cyy/3} qui eſt une quantité égale
au
produit de la puiſſance bf, par ſon bras de lévier EL, ce qui
donne
cette équation {aac + 2acy/2} + {cyy/3} = bcf, ou bien yy + 3ay
= 3bf - {3aa/2} or pour dégager l’inconnuë y, il faut ajoûter à
chaque
membre de cette équation le quarré de la moitié du coë-
ficien
du ſecond terme, c’eſt-à-dire le quarré de {3a/2} qui eſt {9aa/4} &

pour
lors l’on aura yy + 3ay + {9aa/4} = 3bf - {3aa/2} + {9aa/4} dont le
premier
membre eſt un quarré parfait, ainſi extrayant la racine
quarrée
de cette équation, l’on aura y + {3a/2} = √3bf - {3aa/2} + {9aa/4}\x{0020}
ou
bien y = √3bf - {3aa/2} + {9aa/4}\x{0020} - {3a/2}, mais comme on peut ré-
duire
{3aa/2} + {9aa/4} en leur donnant un dénominateur commun,
l’on
aura + {3aa/4}, par conſequent l’équation précedente ſera
4624LA SCIENCE DES INGENIEURS, y = √3bf + {3aa/4}\x{0020} - {3a/2} qui donne l’expreſſion la plus ſimple qu’on
puiſſe
avoir de la valeur de la ligne DE.
APLICATION.
Comme je n’ai voulu obmettre aucun des principaux cas
qui
peuvent ſe rencontrer dans la conſtruction des Ouvrages de
Maçonnerie
, j’ai ſupoſé ici qu’il s’agiſſoit de conſtruire un Mur
dont
l’épaiſſeur au ſommet devoit être déterminée pour des rai-
ſons
qui obligeroient d’en uſer ainſi, &
que ce Mur ayant à ſoû-
tenir
l’effort d’une puiſſance devoit avoir neceſſairement un certain
talud
pour que la longueur du lévier qui répond à la baſe étant
augmentée
, ſupléât au deffaut d’epaiſſeur qu’on auroit donnée au
ſommet
, parce qu’il faut s’imaginer que ſi le Mur avoit été fait à
plomb
des deux côtés, l’épaiſſeur qu’on veut lui donner ne ſuffi-
roit
point pour réſiſter à l’effort de la puiſſance, par conſéquent
le
Probléme ſe réduit à trouver la ligne de talud DE.
Or comme
l’équation
y = √3bf + {3aa/4}\x{0020} - {3a/2} vient de nous la donner, il ne
s’agit
plus que d’avoir des nombres qui expriment les lettres du ſe-
cond
membre;
c’eſt pourquoi nous ſupoſerons que la puiſſance bf,
vaut
50 pieds quarrez, &
que a, c’eſt-à-dire la ligne AD, ou BC,
eſt
de 4 pieds, ainſi comme il n’y a que ces deux grandeurs qui ſe
trouvent
dans l’équation, il nous reſte à les joindre enſemble de
la
façon qu’elles y ſont, c’eſt-à-dire qu’au lieu de bf, l’on aura
150
, qu’au lieu de {3aa/4} l’on aura {48/4} ou bien 12 qui eſt la même
choſe
, ainſi joignant 150 avec 12, l’on aura 162 dont il faut ex-
traire
la racine quarrée que l’on trouvera de 12 pieds 8 pouces
9
lignes.
Mais l’équation nous montre que de cette racine il en
faut
ſouſtraire {3a/2} ou bien 12 diviſé par 2 qui eſt 6, &
que la
difference
ſera la valeur de y, retranchant donc 6 de la racine
précédente
, il reſtera 6 pieds 8 pouces 9 lignes pour la ligne de
talud
DE, que l’on cherche.
4725LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
PROPOSITION QUATRIE’ME.
Proble’me.
26. Ayant le profil ABCD, d’un Mur élevé à plomb des
deux
côtés, &
dont l’épaiſſeur BC, eſt tellement proportion-
11Fig. 18.
& 19.
née à la hateur CD, que ce Mur ſoit en équilibre par ſonpoids
avec
la puiſſance P, qui tire de C, en E, on demande de chan-
ger
ce profil-là en un autre IGHL, qui lui ſoit égalen ſuperſi-
cie
, &
en hauteur, & dont le côté GI, ſoit perpendiculaire,
pour
que ce ſecond ſoit en équilibre par ſa réſiſtance à une
puiſſance
Q, dont la force ſeroit double de la puiſſance P.
Pour cela nous nommerons BC, a; CD, de même que GI,
c
;
GH, ou IK, x; KL, y; la puiſſance P, ſera bf, comme à
l’ordinaire
, &
la puiſſance Q, 2bf; cela poſé, la ſuperſicie du rec-
tangle
IGHK, ou ſi l’on veut le poids N, ſera xc, &
celle du
triangle
KHL, ou le poids S, ſera {yc/2}, &
ces deux poids étant
multipliés
par leur bras de lévier, réüniſſant leur produit, on 22Art. 23. aura une quantité égale au produit de la puiſſance par ſon bras de
lévier
, c’eſt-à-dire {xxc + 2yxc/2} + {yyc/3} = 2bfc, ou diviſant tous les
termes
par c, l’on aura {xx+2yx/2} + {yy/3} = 2bf;
mais comme le
rectangle
BD, (ac) eſt ſupoſé égal au Trapezoïde IGHL, il vien-
dra
encore cette équation ac = cx + {cy/2}, d’où dégageant l’in-
connuë
y, l’on aura y = 2a - 2x, &
ſubſtituant la valeur de y,
dans
l’équation {xx + 2xy/2} + {yy/3} = 2bf, cela donne {xx/2} + 2ax
-
2xx + {4aa - 8ax + 4xx/3} = 2bf, qui, étant réduite, donne
4aa
- 2ax - {xx/2} = 6bf, ou bien {xx/2} + 2ax = 4aa - 6bf, &
faiſant
évanoüir
la fraction l’on a xx + 4ax = 8aa - 12bf, à quoiajoûtant
4aa
de part &
d’autre pour rendre le premier membre un quarré
parfait
, il viendra xx + 4ax + 4aa = 12aa - 12bf, d’où l’on tire
x
= √12aa - 12bf\x{0020} - 2a, après avoir extrait la racine quarrée.
4826LA SCIENCE DES INGENIEURS,
APLICATION.
L’on ſait que la puiſſance P, étant en équilibre avec le poids
O
, l’on a a = √2bf\x{0020}, ainſi ſupoſant bf=72, il vient 12 = √2bf,\x{0020} par 11Art. conſéquent l’épaiſſeur BC, ſera de 12 pieds, quant à la hauteur
CD
, nous la ſupoſerons de 30, quoiqu’on puiſſe s’en paſſer ici;
préſentement pour connoître la valeur de x, j’entend l’épaiſſeur
GH
, il ne faut que ſuivre ce qui eſt indiqué dans l’équation der-
niere
, c’eſt-à-dire, ôter de 12aa, qui valent 1728, 12bf, qui eſt
864
&
extraire la racine quarrée de la difference pour avoir 29
pieds
4 pouces 8 lignes, d’où ſouſtrayant la valeur de 2a, qui eſt
24
pieds, l’on aura 5 pieds 4 pouces 8 lignes pour la valeur de x,
ou
l’épaiſſeur GH, par le moyen de laquelle il ſera facile d’avoir
la
ligne KL, ou y, que l’on trouvera de 13 pieds 2 pouces 8 li-
gnes
, à quoi ajoûtant la valeur de x, il viendra 18 pieds 7 pouces
4
lignes pour la baſe IL, du Mur:
or comme le rectangle AC,
ayant
12 pieds de baſe ſur 30 de hauteur vaut 360 pieds de ſuper-
ficie
, &
que celle du Trapezoïde IGHL, en vaut autant (comme
il
eſt aiſé de s’en convaincre ſi l’on en fait le calcul) il s’enſuit
donc
qu’on a ſatisfait exactement aux conditions du Problême.
Remarque.
27. L’on pourroit encore rendre le ſecond profil capable de
ſoûtenir
l’effort d’une puiſſance plus grande que 2bf, car moins le
ſommet
du revêtement aura d’épaiſſeur, &
plus la ligne de talud
augmentera
la longueur du bras de lévier ML, par conſéquent
la
réſiſtance du Mur, &
cette augmentation pourra toûjours aller
en
croiſſant tant que le point H, ſoit confondu avec le point G,
c’eſt-à-dire
que la ligne GH, ſoit réduite à zero;
parce qu’alors le
profil
deviendra un triangle rectangle, qui eſt la figure capable de
ſoûtenir
la plus grande puiſſance qu’il eſt poſſible, comme on l’a
dans l’article 20e, &
je trouve ici que ſi le premier profil étoit
changé
en triangle, au lieu de ſoutenir en équilibre une puiſſan-
ce
de 72 pieds, il en ſoutiendroit une de 145 {1/3}.
49
[Empty page]
50 7[Figure 7]
51
[Empty page]
5227LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
PROPOSITION CINQUIE’ME.
Proble’me.
28. Ayant comme dans le Probléme précédent un profil
11Fig. 18.
& 20.
rectangulaire AC, en équilibre par ſon poids avec une puiſ-
ſance
P, on demande un autre profil GHIK, qui ait la mê-
me
hauteur, que le précédent, mais dont la ſuperficie n’en
ſoit
que les trois quarts, avec cette condition que le Mur GHIK,
ſoit
encore en équilibre par ſa réſiſtance à l’effort de la puiſ-
ſance
P, qu’on ſupoſe agir toûjours avec la même force.
Nommant les lignes BA, ou HG, c; AD, a; HI, ou GL,
x
;
LK, y; l’on aura ac, pour le rectangle BD, cx, pour le rectan-
gle
HL, ou ſi l’on veut pour le poids Q, &
{cy/2} pour le trian-
gle
ILK, qui eſt la même choſe que le poids P;
or comme le
Trapeze
GHIK, ne doit être que les trois quarts du rectangle
BD
, l’on aura donc {3ac/4} = cx + {cy/2}, &
ſi l’on réünit le poids Q,
avec
le poids P, après les avoir multipliés par leur bras de léviers,
l’on
aura une quantité égale au produit de la puiſſance P, qui eſt
toûjours
bf, par le bras de lévier KR, ce qui donne cette ſeconde
équation
{xxc/2} + xyc + {yyc/3} = bcf, ou en effaçant de tous les termes
la
lettre c, {xx/2} + xy + {yy/3} = bf, mais ſi dans la premiere équation
{3ac/4} = cx + {yc/2} l’on dégage y, l’on aura {ba/4} - 2x = y, &
ſupo-
ſant
{6a/4} = n, pour plus de facilité, l’on aura n - 2x = y.
Si pre-
ſentement
l’on ſubſtituë la valeur de y, dans l’équation {xx/2} + yx
+ {yy/3} = bf, elle ſera changée en celle-cy{xx/2} + nx - 2xx
+ {nn - 4nx + 4xx/3} = bf, d’où faiſant évanoüir la fraction l’on a
3xx
+ 6nx - 12xx + 2nn - 8nx + 8xx = 6fb, qui étant réduite
donne
2nn - xx - 2nx = 6bf, ou bien 2nn - 6bf = xx + 2nx;
or
5328LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſi à cette équation l’on ajoûte nn de part & d’autre, l’on aura 3nn
-
6bf = xx + 2nx + nn, dont extrayant la racine quarrée &
déga-
geant
l’inconnuë, il vient enfin √3nn - 6bf\x{0020} - n = x, qui donne
la
valeur de l’épaiſſeur HI.
Pour avoir l’autre inconnuë y, nous ſupoſerons √3nn - 6bf\x{0020}
-
n = d, pour lors l’on aura 2d = 2x, &
mettant la valeur de 2x,
dans
l’équation, n - 2x = y, l’on aura n - 2d = y.
APLICATION.
Comme nous avons ſupoſé {6a/4} = n, & que a, vaut 12 pieds
11Fig. 18.
& 20.
de même que dans le Probléme précédent, n, ſera donc de 18,
par
conſequent 3nn, vaudront 972 pieds.
Or comme bf, vaut en-
core
72, ſi l’on ſouſtrait 6bf, c’eſt-à-dire ſa valeur qui eſt 432
du
nombre précédent, l’on aura 405 pour la difference, dont
extrayant
la racine quarrée, on la trouvera de 23 pieds 3 pouces,
de
laquelle ôtant la valeur de n, qui eſt 18, l’on verra que l’é-
paiſſeur
HI, doit être de 5 pieds 3 pouces, &
que par conſéquent
la
ligne de talud LK, c’eſt-à-dire, y, vaut 7 pieds 6 pouces, à
laquelle
ajoutant GL, je veux dire, 5 pieds 3 pouces, l’on aura
12
pieds 9 pouces pour toute la baſe GK;
ce qui eſt bien évident
puiſqu’un
Trapezoïde qui auroit 30 pieds de hauteur, &
pour
côtés
paralelles une ligne de 5 pieds 3 pouces &
une autre de 12
pieds
9 pouces, vaudra 270 pieds de ſuperficie qui eſt juſtement
les
trois quarts du rectangle BD, qui en doit valoir 360.
Remarque.
29. L’on pourroit, ſi l’on vouloit, diminuer encore la Maçon-
nerie
du Probléme précédent, en ne ſupoſant la ſuperficie du ſe-
cond
proſil, que des deux tiers de celle du premier, &
pour lors
l’on
trouvera que x, ou ſi l’on veut, le ſommet du Mur, ne doit
avoir
que 2 pieds d’épaiſſeur;
mais comme il y a des cas cette
épaiſſeur
ne ſuffiroit pas pour des murs qui ont à ſoûtenir certaine
pouſſée
, on ſera le maître de ne diminuer le Mur que d’un quart
ou
d’un cinquiéme, plus ou moins, ſelon les occaſions;
tout ce que
l’on
doit remarquer, c’eſt que ſi la diminution qu’on voudroit
faire
étoit trop grande, on s’en apercevroit en donnant aux termes
du
premier membre de l’équation √3nn - 6bf\x{0020} - n = x, la valeur
en
nombre des lettres qui le compoſent, car ſi l’on trouve, par
5429LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. exemple, que 3nn, ſoient moindres que 6bf, c’eſt une marque que
ce
Probléme eſt impoſſible;
que ſi l’on trouve √3nn - 6bf\x{0020} = n,
c’eſt
un ſigne que x, eſt égal à zero, c’eſt-à-dire que le ſommet
du
Mur ſera la pointe d’un triangle dont l’épaiſſeur ſera zero.
CHAPITRE QUATRIE’ME.
De la maniere de calculer la pouſſée des Terres que ſoû-
tiennent
le revêtemens des Terraſſes &
des Rempars,
afin
de ſavoir l’épaiſſeur qu’il faut leur donner.
PRINCIPE TIRE’ DE LA ME’CANIQUE.
30. SI l’on a un poids H, ſur un plan incliné AC, & une puiſ-
11Planch.
2
.
ſance K, qui ſoûtienne ce poids ſelon une direction EK,
22Fig. i.
V
. le C.
art
. 781.
& 786.
paralelle à l’horiſon, il eſt démontré dans la Mécanique que la
puiſſance
K, eſt au poids comme la hauteur AB, du plan incliné
eſt
à la longueur BC, de la baſe, or ſi l’on ſupoſe que la hauteur
AB
, ſoit égale à la baſe BC, c’eſt-à-dire que la ligne AC, ſoit la
diagonale
d’un quarré, la puiſſanceſera égale au poids, mais comme
c’eſt
la même choſe que la puiſſance tire de E, en K, ou ſoit
apliquée
au poids même, comme eſt la puiſſance P, qui pouſſe
par
une direction diamêtrale EG, paralelle à l’horiſon, on peut
donc
dire que la puiſſance P, a beſoin d’une force égale au poids
pour
le ſoûtenir en équilibre.
Principe d’Experience.
31. C’eſt une choſe démontrée par l’experience, que les Terres
ordinaires
, quand elles ſont nouvellement remuées &
miſes les
unes
ſur les autres ſans être battuës ni entre-laſſées par aucun faſ-
cinage
, prennent d’elles-mêmes une pente ou talud, qui fait avec
l’horiſon
un angle de 45 degrés, ou qui ſuit la diagonale d’un
quarré
je dis que cela arrive aux Terres ordinaires;
car nous
n’ignorons
pas que ſi elles étoient ſablonneuſes, elles ne faſſent
un
angle plus aigu, &
qu’au contraire ſi elles étoient graſſes &
fortes
elles n’en faſſent un plus ouvert, mais pour tabler ſur quel-
que
choſe de fixe, nous avons ſupoſé une terre qui tiendroit un
milieu
entre ces deux-ci.
5530LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Prévenus de cela, imaginons que contre une Muraille A, on
11Fig. 2. ait ramaſſé des Terres ſoutenuës de l’autre côté par une furface
DE
, qu’une puiſſance Q, qui la maintient peut ôter librement;
ces Terres étant renfermées dans l’eſpace BCDE, comme dans une
caiſſe
, dont le profil CD, ſeroit un quarré, il eſt conſtant que ſi
l’on
ôtoit la ſurface DE, pour laiſſer aux Terres la liberté d’agir,
qu’il
s’en ébouleroit une partie, &
qu’il ne reſteroit que celles du
triangle
CBE, &
que par conſéquent la puiſſance Q, ſoûtient toute
la
pouſſée des Terres dutriangle BDE, je veux dire l’effort qu’elles
font
pour rouler le long du Plan incliné BE, il s’enſuit donc que la
puiſſance
Q, auroit beſoin d’une force exprimée par le triangle
BDE
, ſi effectivement les Terres s’ébouloient avec autant de faci-
lité
qu’un corps Spherique roule ſur un Plan incliné bien poli,
mais
comme leur tenacité fait que leurs parties ne peuvent ſe dé-
tacher
pour s’ébouler, ſans rencontrer beaucoup d’obſtacles, il eſt
certain
, comme l’experience le fait voir, qu’elles ne font pas ſeu-
lement
la moitié de l’effort contre la ſurface DE, qu’elles feroient
ſi
elles étoient ramaſſées dans un corps Spherique, ainſi on peut
donc
conſiderer la puiſſance Q, comme équivalente à un Plan qui
ſeroit
exprimé par la moitié du triangle BDE, pour être en équi-
libre
avec la pouſſée des Terres, ce qui convient d’autant mieux
avec
la pratique qu’on ne les employe jamais pour élever des
Rempars
, des Terraſſes, des Chauſſées, &
c. qu’elles ne ſoient
bien
battuës, &
qu’on n’en ait pour ainſi dire augmenté la tenacité.
Comme c’eſt ſur ce principe que nous agirons dans la ſuite, on
remarquera
que ſi l’on ſupoſe les lignes BD, &
DE, chacune de
deux
pieds, la ſuperficie du triangle ſera de deux pieds quarrés, &

la
puiſſance Q, n’en ſoutenant que la moitié, on peut dire que
la
force de cette puiſſance dans l’état d’équilibre, ſera exprimée par
un
pied quarré.
PROPOSITION PREMIERE.
Proble’me
32. Qui enſeigne comme il faut calculer la pouſſée des
Terres
pour proportionner l’épaiſſeur des Murs qui les doi-
vent
ſoûtenir en équilibre.
Pour ſavoir quel effort font les Terres derriere le revêtement
22Fig. 3. BCDE, je prend la ligne AB, égale à BD, pour avoir le triangle
5631LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE rectangle & iſocelle ABD, qui comprend toutes les Terres qui
pouſſent
, puiſque par l’Article 31.
celles qui ſont ſous la ligne
AD
, ſe ſoutiennent par elles-mêmes, l’angle ADX, étant de 45
degrés
;
mais comme ces Terres agiſſant avec plus ou moins de
force
ſelon qu’elles ſont plus ou moins éloignées du ſommet B,
il
faut faire enſorte de raporter toute la pouſſée au point B;
pour
cela
je diviſe la hauteur BD, en un grand nombre de parties égales,
par
exemple, en autant de parties qu’elle contient de pieds, ainſi
ſupoſant
qu’il ſoit queſtion d’un revêtement de 15 pieds de hau-
teur
, on aura 15 parties égales, &
ſi par chaque point de diviſion
l’on
mene à la ligne DA, les paralelles HG, NM, PO, RQ, &
c.
l’on aura d’abord un petit tiangle HGB, enſuite une quantité de
Trapezes
qui vont toûjours en augmentant, &
qu’on doit conſide-
rer
comme autant de puiſſances qui pouſſent le mur;
or pour ſa-
voir
la pouſſée de chacun, commençons par le triangle HGB,
qu’on
peut regarder ſelon l’Article 31.
comme un corps poſé ſur
le
Plan incliné LGH, qui agit contre la ſurface BH, pour la
renverſer
, ſi l’on nomme b, l’effort que fait le triangle contre la
ſurface
, on pourra, connoiſſant la pouſſée du triangle, connoître
auſſi
celle de tous les Trapezes qui ſont immédiatement après, car
comme
la Trapeze GN, eſt triple du triangle HGB, ſon effort contre
la
ſurface HN, ſera 3 b, &
la pouſſée de tous les autres Trapezes
ſuivans
pourra être exprimée par les differences des quarrés des ter-
mes
d’une progreſſion Arithmétique, ce qui donne cette progreſſion
b
.
3 b. 5 b. 7 b. 9 b. 11 b. 13 b. 15 b. 17 b. 19 b. 21 b. 23 b. 25 b. 27 b. 29 b.
Or
ſi l’on ſupoſe que l’action du triangle HGB, au lieu d’agir le long
de
la ſurface BH, ſoit réünie au point B, que l’action du Trapeze
GN
, ſoit réünie au point H, &
qu’il en ſoit de même pour l’action
de
tousles autres Trapezes réünie aux points N, P, R, &
on pour-
ra
concevoir qu’une puiſſance exprimée par b, agit à l’extrémité B,
du
bras delévier BD, qu’une autre exprimée par 3.
b, agit à l’extrê-
mité
H, du bras de levier DH, &
qu’en étant de même pour
tous
les autres Trapezes ou puiſſances, il y aura autant de léviers
que
de puiſſances, &
cesléviers ſeront dans une progreſſion Arith-
métique
des nombres naturels, dont le premier terme ſera le lévier
BD
, &
le plus petit le lévier DK, de ſorte que la progreſſion des
léviers
ira en diminuant tandis que celle des puiſſances ira en aug-
mentant
;
car ſi l’on range ces deux progreſſions l’une ſur l’autre de
maniere
que chaque puiſſance réponde à ſon lévier, l’on aura
b
.
3 b. 5 b. 7 b. 9 b. 11 b. 13 b. 15 b. 17 b. 19 b. 21 b. 23 b. 25 b. 27 b. 29. b.
15
.
14. 13. 12. 11. 10. 9. 8. 7. 6. 5. 4. 3. 2. 1.
5732LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Mais l’on ſait que les effets de pluſieurs puiſſances apliquées à
des
léviers, ſont dans la raiſon compoſée de leur force &
de la lon-
gueur
de leur léviers;
c’eſt pourquoi, afin d’avoir l’effort dont cha-
que
puiſſance eſt capable, il faudra la multiplier par ſon bras de
lévier
, &
la ſomme de tous les produits ſera égale à l’effort to-
tal
de toutes les puiſſances apliquées à leur bras de léviers;
mais
comme
chaque puiſſance pourra être tranſportée à l’extrêmité B,
du
bras DB, (en diviſant ſelon l’Article 11.
le produit de ſa force
&
de ſon levier par toute la longueur BB,) on n’aura donc qu’à
diviſer
les produits dont nous venons de parler, par le diviſeur
commun
{1240b/15} = 826 {2/3} de ſorte que ſi l’on ſu-
poſe
82 {2/3} = f, l’on aura bf, pour l’effort de toutes les puiſſances
réünies
au point B.
Voulant ſavoir préſentement ce que bf, vaut en pieds quarrés,
il
faut ſe rapeller que b, a été ſupoſé égal à la pouſſée du trian-
gle
HGB, contre la ſurface BH.
Or comme les côtés BG, & BH,
de
ce triangle ſont chacun d’un pied, ſa ſuperficie ſera de 6 pou-
ces
&
la ſurface BH, n’en ſoutenant que la moitié par l’Article
31
, à cauſe de la tenacité des Terres;
b, ſera donc de 3 pouces
de
pieds quarrés, ainſi multipliant 3 pouces par 82 pieds 8 pou-
ces
, le produit ſera 20 pieds 8 pouces pour la valeur de bf.
Il eſt bon que je m’arrête ici un moment, afin d’expliquer pour-
quoi
la tenacité des terres diminuë leur pouſſée de la moitié de
l’effort
qu’elles feroient derriere le revêtement, ſi, au lieu d’agir
comme
elles font, elles agiſſoient comme un corps Spherique qui
ſeroit
ſur le Plan incliné AD, ou comme un coin ABD, dont tou-
tes
les parties ſeroient parfaitement unies.
Remarquez que le triangle GBH, s’apuyant ſur le Trapeze
MGHN
, les terres de ce Trapeze ſont plus preſſées que celles
du
triangle, de même les Terres du Trapeze OMNP, ſont auſſi
plus
preſſées que celles qui ſont dans celui de deſſus, les Terres
du
Trapeze QOPR, plus preſſées encore que celles du précédent,
ainſi
des autres Trapezes, qui ſeront toûjours plus preſſées, à me-
ſure
qu’ils approcheront du Plan incliné AD:
& comme tous ces
Trapezes
depuis le plus petit juſqu’au plus grand ſe ſurpaſſent éga-
lement
, on peut donc dire que leur preſſion ou leur tenacité aug-
mente
dans la raiſon des termes d’une progreſſion Arithmétique,
&
que latenacité qui eſtrépanduë dans tout le triangle ABD, n’eſt
que
la moitié de ce qu’elle ſeroit, ſi ſe trouvant uniforme dans
5833LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. chaque Trapeze, elle étoit égale à celle du dernier. Or comme
la
pouſſée des Trapezes derriere le revêtement CD, doit diminuer
dans
la même raiſon que leur tenacité augmente, il m’a parû que
pour
y avoir égard, il faloit ne prendre que la moitié de la ſuper-
ficie
du petit triangle GBH, pour la valeur de la puiſſance b, ce
que
j’ai fait avec d’autant plus d’aſſurance, que je me ſuis aperçû
que
tous les calculs que j’ai faits pour trouver l’épaiſſeur des revê-
temens
ſe rencontroient parfaitement bien avec ce que l’experience
a
autoriſer:
ainſi je finis cette Digreſſion, pour reprendre la ſuite
de
l’Article précédent.
Mais comme les pieds quarrés que nous venons de trouver ne
ſont
point homogenes, avec ceux qui doivent exprimer la valeur
du
poids r, les uns provenans du triangle de Terre ABD, &
les
autres
du profil de Maçonnerie CD, il faut donc en ſuivant ce
qui
a été dit dans l’Article 5.
faire une reduction dans les premiers,
c’eſt-à-dire
prendre les deux tiers de 20 pieds 8 pouces, parce qu’un
pied
cube de Terre péſe moins d’un tiers qu’un pied cube de Ma-
çonnerie
, &
pour lors bf, ou la puiſſance ne vaudra que 13 pieds
9
pouces 4 lignes.
Preſentement que l’on eſt prévenu de la valeur de la puiſſance
il
ne s’agit plus que de chercher, comme on l’a fait dans le Cha-
pitre
précédent, quelle épaiſſeur il faut donner au ſommet BC, &

à
la baſe DF, du revétement, pour qu’elle ſoit en équilibre par ſon
poids
avec cette puiſſance, ou ſi l’on veut avec la pouſſée des Ter-
res
;
pour cela nous ſupoſerons que la puiſſance, au lieu de pouſſer
de
M, en B, tire de B, en T, ce qui eſt la même choſe, &

menant
du point d’apui F, la perpendiculaire FS, ſur la direction
BT
, on prendra cette perpendiculaire à la place du bras de lévier
FB
, &
c’eſt par cette même raiſon que nous avons regardé ci-
devant
la ligne BD, comme un bras de lévier, dans la longueur
duquel
étoit apliqué un nombre de puiſſances, parce que cette li-
gne
eſt égale à la perpendiculaire FS, &
que par conſequent on
peut
prendre l’un pour l’autre, nous aurons donc le lévier re-
courbé
SFZ:
ainſi nommant SF, ou CF, c; EF, d; l’épaiſſëur BC,
ou
DE, y;
le poids V, ſera. {cd/2} & le poids r, ſera cy, ſi l’on
réünit
le poids V, au poids r, &
qu’on multiplie leur ſomme par
le
bras de lévier ZF, on aura un produit égal à celui de la puiſ-
ſance
T, par ſon bras de lévier SF, avec lequel on formera cette
équation
{cyy/2} + cdy + {cdd/3} = bcf, de laquelle dégageant l’incon-
5934LA SCIENCE DES INGENIEURS, nuë il viendra y = √2bf + {cdd/3}\x{0020} - d, qui donne ce que l’on cher-
che
.
J’ay abregé les opérations qu’il a falu faire pour trouver la valeur
de
y, parce qu’elles ont été expliquées amplement dans l’Article
22
:
j’en uſerai ainſi dans la ſuite, quand il s’agira de la même for-
mule
.
APLICATION.
Il eſt bien aiſé à preſent de mettre en pratique ce quele Probléme
précédent
vient de nous enſeigner, car la derniere équation nous
montrant
que pour avoir la valeur de y, il faut doubler celle de la
puiſſance
X, ajoûter le tiers du quarré de la ligne de talud, extraire
la
racine quarrée de la ſomme de cette quantité, &
en retrancher la
ligne
de talud, ayant trouvé que bf, vaut 13 pieds 9 pouces 4 li-
gnes
, 2bf, vaudront 27 pieds 6 pouces 8 lignes, &
comme la li-
gne
de talud EF, eſt de 3 pieds, qui eſt la cinquiéme partie de la
hauteur
EC, ajoûtant donc à la valeur de 2bf, 3, qui eſt égal à
{dd/3} l’on aura 30 pieds 6 pouces 8 lignes, dont la racine quarrée
eſt
5 pieds 6 pouces 2 lignes, qui eſt l’épaiſſeur qu’il faut donner
à
la baſe DF, du revétement;
par conſequent ſi l’on en retranche
la
valeur de la ligne de talud qui eſt 3 pieds, il reſtera 2 pieds 6
pouces
2 lignes pour l’épaiſſeur du ſommet BC.
En ſuivant la même régle, on trouvera qu’un revêtement de 20
pieds
de hauteur doit avoir au ſommet 3 pieds 3 pouces 5 lignes,
&
ſur la retraite 7 pieds 3 pouces 5 lignes, qu’un autre de 30 pieds
doit
avoir pour épaiſſeur au ſommet 4 pieds 9 pouces 8 lignes,
&
ſur la retraite 10 pieds 9 pouces 8 lignes.
Remarque prémiere.
33. On voit que la valeur de y, eſt un tant ſoit peu plus grande qu’el-
le
ne devroit être naturellement, car quand nous avons ſupoſé que
l’effort
du triangle HGB, étoit réüni au point B, l’on a donné un
peu
plus de force à ce triangle qu’il ne devoit en avoir, parce
qu’agiſſant
le long de la ligne BH, ſon action diminuë à meſure
qu’elle
aproche du point H, le bras de lévier n’étant plus ſi grand;
c’eſt-à-dire, par exemple, que le triangle ne faiſant point autant
d’effort
au point I, qu’au point B, à cauſe que le bras de lévier
ID
, eſt plus petit que BD, on a augmenté la force qui agit au
6035LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. point I, en la ſupoſant en B, de la difference qu’il y a du bras ID,
au
bras BD, ainſi de tous les autres points de la ligne BH, &

comme
nous avons agi de même pour les Trapezes qui ſont après
le
triangle, en ſupoſant leur effort réüni aux points HN, &
c, l’on
voit
que toutes les differences des bras de léviers jointes enſem-
ble
donnent un peu plus de force à la puiſſance qu’elle ne devroit
avoir
, mais ceci n’eſt pas un deffaut, car la puiſſance étant un
peu
au-deſſus de ce qu’elle doit être, il faudra donner au revête-
ment
un peu plus d’épaiſſeur qu’il n’en faudroit pour un parfait
équilibre
, &
c’eſt ce qu’il faut abſolument puiſque quand même
l’on
auroit touvé dans la derniere juſteſſe ce point d’équilibre,
il
faudroit toûjours donner plus d’avantage à la puiſſance reſiſtante
qu’à
celle qui agit, ainſi le calcul précédent eſt fort bon dans la
pratique
, cependant cela n’empêche pas que l’on ne puiſſe quand
on
voudra trouver la valeur de y, la plus aprochante qu’il eſt poſ-
ſible
, en diviſant la hauteur du Mur en un ſi grand nombre de
parties
que la difference des bras de léviers ſoit fort petite;
on en
ſera
quitte pour faire un calcul beaucoup plus long que le précé-
dent
, mais ce ſeroit s’arrêter à la vetille que d’y prendre garde de
ſi
près.
Ainſi on ne peut mieux faire que de donner toûjours aux
progreſſions
des puiſſances &
des léviers, autant de termes qu’il
y
a de pieds dans la hauteur du Mur.
Remarque ſeconde.
34. Je n’ai fait la Remarque précédente, que pour ſatisfaire la dé-
licateſſe
de ceux qui aiment que tout ce qui ſe raporte aux Mathé-
matiques
ſoit toûjours dans la derniere juſteſſe, mais ſi l’on fait
attention
que quand il s’agit de choſes de pratique il faut quelque-
fois
s’écarter d’une trop grande preciſion, crainte qu’elle ne de-
vienne
nuiſible à ce que l’on veut executer, l’on verra que dans
le
ſujet dont il eſt ici queſtion, on auroit tort de faire des revête-
mens
qui fuſſent parfaitement en équilibre avec la pouſſée des
Terres
, ſur-tout quand ils ſervent pour des Chauſſées, des Quays,
&
c. puiſque dans ce cas ils doivent non-ſeulement ſoûtenir les
Terres
, mais encore le poids des Voitures &
l’ébranlement qu’el-
les
peuvent cauſer;
c’eſt pourquoi quand on n’y fera pas des con-
treforts
, je voudrois qu’on leur donnàt un quart plus de force qu’il
ne
leur en faudroit dans l’état d’équilibre, je veux dire que s’il
s’agiſloit
, par exemple, d’un Mur de 15 pieds, la puiſſance bf, au
lieu
de valoir 13 pieds 9 pouces 4 lignes, doit être de 17 pieds
6136LA SCIENCE DES INGENIEURS, 2 pouces 8 lignes, ce qui donnera 3 pieds un pouce pour l’épaiſ-
ſeur
du ſommet BC, &
6 pieds un pouce pour la baſe DF.
Remarque troiſiéme.
Ayant fait ſentir dans pluſieurs endroits de ce Livre, & parti-
culierement
à l’Article 23.
combien le talud qu’on donnoit au
parement
d’un Mur le fortifioit contre l’effort qu’il avoit à ſoûte-
nir
, j’ai crû devoir raporter ici un profil de Rempart aſſés ſingulier
imaginé
depuis peu par des gens qui n’ont peut-être point fait
aſſés
d’attention ſur la maniere dont ſe faiſoit la pouſſée des Terres;
voici de quoi il eſt queſtion.
Pour ne point trop expoſer un revêtement aux injures des Sai-
ſons
, leur ſentiment eſt de faire le parement à plomb &
lui don-
ner
un talud du côté des Terres, dans la penſée que s’apuyant ſur ce
talud
, il y en auroit une partie qui contre-balanceroit la pouſſée
de
l’autre;
pour en juger, il faut du point A, tirer la perpendiculaire
11Fig. 5. AE, à la ligne HD, &
faire EF, égalà cette perpendiculaire, afin
d’avoir
le triangle AEF, qui renfermera toutes les Terres qui agiſ-
ſent
contre la ligne EA, que nous regarderons pour un moment
comme
une ſurface;
dans ce cas il n’y a point de doute que ſi
la
ligne EA, étoit le derriere du revêtement, la pouſſée ne ſe fit
comme
à l’ordinaire:
il s’agit donc de ſavoir ſi celles qui ſont ren-
fermées
dans le triangle EAD, ſoulagent le revêtement, ou ſi au
contraire
elles ſe joignent aux autres pour en augmenter la pouſſée.
Si l’on diviſe la ligne EA, en autant de parties égales que la hau-
teur
du revêtement contient de pieds, &
que l’on faſſe les Trapezes
des
puiſſances comme à l’ordinaire, il eſt conſtant qu’en prolon-
geant
toutes les paralelles au-delà de la ligne EA, juſqu’à la ren-
contre
de la face DA, toutes les puiſſances contenuës depuis F,
juſqu’en
E, ſe trouveront augmentées par les nouveaux Trapezes
qui
regnent depuis I, juſqu’en A, les unes plus, les autres moins,
il
y aura cela de particulier que les puiſſances, qui auront les plus
grands
bras de lévier, ſeront juſtement celles qui auront reçûës
le
plus d’augmentation, or ſi dans cette augmentation generale
on
y comprend encore le petit triangle EDI, qui ſera de conſé-
quence
à cauſe qu’il agit vers le ſommet de la muraille, il ſaute
aux
yeux que le triangle AED, bien loin d’affermir le revêtement
contre
la pouſſée des Terres qui ſont derriere la ligne AE, ne fait
que
le charger beaucoup plus qu’il ne le ſeroit ſi le Mur étoit à
plomb
de ce côté-là.
On pourroit même déterminer avec aſſés de
6237LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. préciſion à quoi peut aller cette nouvelle pouſſée, mais ce ſeroit
perdre
du tems mal-à-propos.
On remarquera ſeulement, qu’en ne donnant point de talud aux
revêtemens
de Fortification, il n’y a point de doute qu’étant bat-
tus
en brêche, la deſtruction ne ſe faſſe plûtôt par la facilité que
les
débris auront de s’ébouler;
d’un autre côté, dans les Pays la
Maçonnerie
n’eſt pas bien bonne, &
les revêtemens ſont ſujets
à
ſurplomber ou à ſoufler, on s’aperçevroit bien-tôt du mauvais
effet
de ce ſyſtême, qui, à ce que je crois, n’aura pas beaucoup de
Partiſans
.
PROPOSITION SECONDE.
Proble’me.
35. Trouver quelle épaiſſeur il faut donner aux revêtemens
des
Rempars de Fortificatïon qui ſont accompagnés d’un
Parapet
.
Nous n’avons parlé juſqu’ici que de l’épaiſſeur des Murs qui ſoû-
tenoient
des Terraſſes, &
non pas de ceux qui ſervent de revête-
mens
aux Rempars des Fortifications:
il y a des gens qui croyent
que
c’eſt à peu-prês la même choſe, mais il y a bien de la diffe-
rence
;
car comme on éleve toûjours ſur ces ſortes de Rempars un
Parapet
de Terre qui fortifie la pouſſée de celles qui ſont déja der-
riere
le revêtement, l’on ſent bien que ces revêtemens-ci doivent
avoir
plus d’épaiſſeur que ceux de Terraſſes:
il eſt vrai qu’il y a un
peu
de difficulté à trouver de combien le Parapet augmente cette
pouſſée
, mais l’on va voir qu’on en peut rendre le calcul auſſi aiſé
que
le précédent.
Ayant pris KD, égal à DB, conſiderés la premiere ligne comme
11Fig. 4. marquant le niveau du Rempart, deſſus lequel l’on a élevé la Ban-
quette
&
le Parapet IGEQ, ſoûtenu par un petit revêtement EC,
auquel
l’on donne ordinairement 4 pieds de hauteur ſur 3 d’épaiſ-
ſeur
;
ſi l’on diviſe la ligne BD, en autant de parties égales qu’il
y
a de pieds dans la hauteur du revêtement, &
que l’on tire toutes
les
lignes comme ST, VX &
c. paralelles à KB, elles formeront
des
Trapezes comme dans la figure précédente, &
ſi l’on prolonge
toutes
ces paralelles juſqu’à la rencontre des lignes qui renferment
le
Parapet &
la Banquette, l’on aura un grand nombre de nouveaux
Trapezes
, dont chacun pourra être regardé comme la quantité
dont
la puiſſance qui lui répond eſt augmentée.
Cela poſé, il faut
6338LA SCIENCE DES INGENIEURS, conſiderer d’abord qu’il y a le long de la ligne EQ, trois Trapezes
&
un triangle dont l’action doit être ſupoſée réünie aux points E, M,
O
, N, extrêmités des bras de léviers AE, AM, AO, AN, &
com-
me
l’effort de chacun de ces Trapezes doit être reduit à l’extrêmité
D
, du bras de lévier BD, il faut multiplier l’expreſſion de la force
dont
chacun eſt capable par ſon bras de lévier, &
pour trouver
cette
expreſſion il n’y a qu’à voir le rapport du petit triangle DST,
à
chaque Trapeze, ainſi ſupoſant que le Trapeze LM, ſoit qua-
druple
du petit triangle, la pouſſée de ce petit triangle étant nom-
mée
b, comme ci-devant, celle du Trapeze LM, ſera 46, &
l’on
trouvera
de même la pouſſée des trois autres Trapezes ſuivans;
après cela il faut multiplier chacune de ces puiſſances par le bras de
lévier
qui lui répond &
écrire les quatre produits à part pour les a-
joûter
quand il ſera tems, avec les autres que nous allons trouver.

Il
faut encore chercher le raport du petit triangle DST, avec tous
les
autres Trapezes PQ, RD, rS, &
c. qui regnent depuis Q, juſ-
qu’en
I, au-deſſus de la ligne DK, afin de voir combien chacun
contient
de fois la puiſſance b, enſuite écrire la progreſſion de
toutes
les puiſſances qui ſont au-deſſous de la ligne DK, comme
on
a fait dans l’Article 32.
l’on aura b, 3b. 5b. 7b. 9b. 11b. & c.
&
voir combien chaque terme doit être augmenté, par exemple,
comme
le petit triangle DST, eſt augmenté de tout le Trapeze
RD
, on doit regarder le Trapeze PT, comme la puiſſance qui
agit
au point D, &
le Trapeze PQ, agiſſant auſſi autour du point
D
, le premier terme de la progreſſion doit être augmenté d’au-
tant
d’unités que la puiſſance b, eſt contenue de fois dans les deux
Trapezes
PT, &
PQ, de même le ſecond terme exprimant le
Trapeze
SX, doit être augmenté d’autant d’unités que la puiſſan-
ce
b, eſt contenue de fois dans RV, ainſi des autres qui doivent
augmenter
ſelon que les Trapezes qui leur répondent dans la fi-
gure
contiennent plus ou moins la puiſſance b, juſqu’à ce que l’on
ſoit
parvenu au point I, parce que pour lors ſi le triangle KDB,
contient
encore quelques puiſſances qui ne ſoient point augmentées
dans
la figure, elles ne doivent pas l’être non plus dans la pro-
greſſion
, &
par conſequent les termes qui leur répondent doivent
être
écrits comme à l’ordinaire.
Après qu’on aura écrit de ſuite toutes les puiſſances qui agiſ-
ſent
le long de la ligne DB, &
qui exprimeront par conſequent la
pouſſée
des Terres du Rempart &
du Parapet à l’exception de celles
qui
agiſſent derriere la ligne EQ, il faudra les multiplier par leur
bras
de léviers comme à l’ordinaire, &
ajoûter à la ſomme de tous
6439LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. les produits, les quatre que nous avons trouvé d’abord au ſujet du
petit
revêtement EC, aprés cela l’on aura l’effet total de toutes
les
puiſſances qui agiſſent derriere le revêtement EQDB, qui étant
diviſé
par la hauteur DB, le quotient donnera la pouſſée des Ter-
res
, ou ſi l’on veut toutes les puiſſances réünies à l’extrêmité D,
du
bras de lévier BD;
de ſorte que s’il s’agit d’un revêtement dont
la
hauteur BD, ſoit de 25 pieds, l’on trouvera que la ſomme de
toutes
les puiſſances réünies au point D, ſera de 342b{2/3}, &
ſu-
poſant
342 {2/3} = f, on aura donc la valeur de bf, qui eſt la puiſ-
ſance
avec laquelle il faut que le revêtement ſoit en équilibre.
Preſentement voulant trouver l’épaiſſeur DC, ou BZ, nous la
nommerons
y;
QC, a; FC, g; la hauteur CZ, c; & la ligne de
talud
ZH, d;
cela poſé, il faut réduire la figure QEFC, que nous
conſidererons
comme un rectangle, à n’avoir qu’une même épaiſ-
ſeur
BC, avec le rectangle BDCZ;
pour cela il faut diviſer ſa
ſuperficie
qui eſt ag, par la ligne DC, (y) &
on aura {ag/y} pour
la
hauteur dont le rectangle DZ, doit être augmenté pour que le
petit
revêtement EC, ſoit uni avec le rectangle DZ;
ainſi multi-
pliant
y par {ag/y} + c, l’on aura ag + cy, égal à toute la ſuper-
ficie
BDQEFZ, que nous ſupoſerons réünie au poids qui eſt ſuſ-
pendu
dans le milieu de la ligne BZ, auquel joignant comme à
l’ordinaire
le poids 3 &
multipliant leur ſomme par le bras de lé-
vier
H 4, il viendra un produit égal à celui de la puiſſance bf, par
ſon
bras de lévier BD, ou H 5, d’où l’on tire cette équation
{yyc/2} + {agy/2} + cdy + agd + {cdd/3} = bfc, qui eſt un peu compoſé, mais
qui
n’eſt pourtant pas difficile à réduire, car ſi l’on change {ag/2}
+ cd, en un rectangle qui ait pour une de ſes dimenſions la gran-
deur
c, &
que l’autre dimenſion ait été trouvée égale à n, l’on
aura
{ag/2} + cd = cn, par conſequent {agy/2} + cdy = cny, or met-
tant
dans l’équation précédente cny, à la place de ſa valeur, l’on
aura
{cyy/2} + cny + agd + {cdd/3} = bfc, de laquelle faiſant évanoüir
la
fraction du premier terme, &
diviſant le tout par c, l’on aura yy
+ 2ny + {2agd/c} + {2dd/3} = 2bf, ou bien yy + 2ny = 2bf - {2agd/c}
6540LA SCIENCE DES INGENIEURS, - {2dd/3} à quoi ajoûtant nn, de part & d’autre, pour rendre le pre-
mier
membre un quarré parfait, il viendra yy + 2ny + nn = 2bf
-
{2agd/c} - {2dd/3} + nn, dont extrayant la racine quarrée, l’on aura
enfin
y = √2bf - {2agd/c} - {2dd/3} + nn\x{0020} - n, qui donne 5 pieds 8 pou-
ces
&
environ 8 lignes pour la valeur de y.
Comme cette opération eſt un peu longue, ſur-tout pour con-
noître
la valeur de y, il vaut beaucoup mieux dans la pratique
faire
abſtraction du petit revêtement EC, &
ne le pas admettre
dans
le calcul Algebrique, &
pour lors l’on aura comme à l’or-
dinaire
l’équation y = √2bf + {dd/3}\x{0020} - d, qui eſt beaucoup plus
ſimple
.
Il eſt vrai que le poids qui exprime la péſanteur de tout
le
revêtement ſera plus léger qu’il ne devroit être de la partie
EC
, mais ce n’eſt point un mal:
au contraire, puiſque l’épaiſſeur
DC
, en ſera un tant ſoit peu plus grande qu’il ne faudroit pour
un
parfait équilibre, il ſemble même qu’on pourroit me reprocher
de
donner dans une trop grande préciſion pour un ſujet qui de
lui-même
demande d’être traité plus cavalierement, car l’épaiſſeur
qu’on
trouvera de plus, en omettant le petit revêtement, ne paſſe
pas
8 ou 9 lignes, comme on le va voir.
APLICATION.
Ne faiſant point mention, comme je viens de le dire, du petit
revêtement
EC, il ne s’agit plus pour avoir l’épaiſſeur DC, en nom-
bres
, que de calculer l’équation y = √2bf + {dd/3}\x{0020} - d, pour ce-
la
il faut ſe rapeller que l’on a trouvé que f, valoit 342 {2/3}, qu’il
faut
multiplier par la valeur de b, qui eſt 3 pouces, parce que
le
petit triangle DST, vaut 6 pouces, &
qu’il n’y en a que la moi-
tié
qui agit contre la ſurface DT, ou comme on l’a ſupoſé, contre
le
point D, &
l’on aura 85 pieds 8 pouces pour la valeur de bf,
mais
comme bf, doit être diminué d’un tiers à cauſe que cette
grandeur
exprime la valeur d’une ſuperficie de Terre par l’Article
5
, il faut donc prendre les deux tiers de 85 pieds 8 pouces, pour
avoir
57 pieds un pouce 4 lignes pour la valeur de bf, réduite,
c’eſt-à-dire
pour qu’elle puiſſe entrer dans le calcul de la Maçonne-
6641LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. rie. Or comme dans la formule, bf, eſt multiplié par 2, il faut auſſi
doubler
57 pieds un pouce 4 lignes pour avoir 114 pieds 2 pouces
8
lignes, à quoi ajoûtant le tiers du quarré de la ligne de talud,
qui
eſt 8 pieds 4 pouces, l’on aura 122 pieds 6 pouces 8 lignes,
dont
la racine quarrée eſt 11 pieds 10 pouces pour l’épaiſſeur BH,
ſur
la retraite, d’où retranchant la ligne de talud qui eſt 5 pieds,
l’on
trouvera 6 pieds 10 lignes pour l’épaiſſeur DC, que le Mur doit
avoir
au ſommet;
& comme l’on n’a trouvé que 6 pieds 2 lignes,
il
s’enſuit, comme je l’ai inſinué, que la difference eſt 8 lignes.
Remarque premiere.
36. L’on voit qu’en ſuivant ce que je viens d’enſeigner, on peut
trouver
avec aſſés de préciſion la pouſſée des terres, qui compoſent
le
Rempart &
le Parapet: On pourroit ſeulement ſe plaindre que
c’eſt
un travail un peu long de calculer la valeur de tous les Tra-
pezes
qui ſont au-deſſus de la ligne DK, à cauſe qu’ils ſont irrégu-
liers
, c’eſt pourquoi j’ai cherché une voye plus abregée, &
j’en
ai
trouvé une qui rend les opérations tout auſſi aiſées, que s’il n’y
avoit
point de Parapet;
la voici.
Il faut commencer par faire abſtraction de tout ce qui eſt au-
deſſus
de la ligne KC, c’eſt-à-dire qu’il ne faut conſiderer que le
triangle
de terre KDB, &
le profil de la maçonnerie BDCH, comme
11Fig. 4. s’il s’agiſſoit d’un revêtement de Terraſſe, ainſi que dans l’Art.
32.
enſuite écrire la progreſſion des puiſſances en lui donnant autant
de
termes que la hauteur DB, contient de pieds, &
ſupoſant qu’elle
en
contienne 25, j’écris 1b.
3b. 5b. 7b. 9b. 11b. 13b. 15b. 17b. 19b.
21b
.
23b. 25b. 27b. 29b. 31b. 33b. 35b. 37b. 39b. 41b. 43b. 45. b.
47b
.
49b. J’ajoûte dix unités à chacun des vingts premiers termes
de
cette progreſſion pour avoir 11b.
13b. 15b. 17b. 19b. 21b. 23b.
25b
.
27b. 29b. 31b. 33b. 35b. 37b. 39b. 41b. 43b. 45b. 47b. 49b.
dont
les cinq derniers termes ſont les mêmes que dans la progreſſion
précédente
, parce qu’ils n’ont pas été augmentés;
car, comme je
l’ai
dit, il n’y a qu’aux vingt premiers termes qu’il faut ajoûter 10,
ſoit
que le revêtement ait 30, 40, ou 50 pieds de hauteur, les au-
tres
termes qui ſuivent les vingt premiers devant toûjours reſter
comme
ſi on n’avoit fait aucun changement à la progreſſion;
je
multiplie
préſentement chaque terme par ſon bras de lévier, com-
me
à l’ordinaire, j’entens que le premier terme 11 b ſera multi-
plié
par 25, le ſecond 13 b par 24, le troiſiéme 15 b par 23, &

ainſi
des autres;
car je ne fais aucun changement dans la progreſſion
6742LA SCIENCE DES INGENIEURS, des nombres naturels qui expriment la longueur des léviers, toutes
les
multiplications étant faites, la ſomme des produits ſera 8625 b.
qui étant diviſé par 25, le quotient donnera 345 b. ainſi f, qui dans
l’Art
.
25, étoit de 342 {2/3} ſera ici de 345, ce qui fait environ
2
unités de plus, par conſéquent dans l’équation y = √2bf + {dd/3}\x{0020}
-
d, bf, au lieu de valoir 57 pieds un pouce 4 lignes, vaudra 57
pieds
6 pouces, qui donne environ 5 pouces de plus, &
continuant
le
reſte de l’opération, je trouve que y, vaut 6 pieds un pouce 2 li-
gnes
, au lieu qu’elle n’a été trouvée dans l’Article précédent que
de
6 pieds 10 lignes, ce qui fait une difference de 4 lignes.
J’ai cherché, ſelon ces deux methodes, l’épaiſſeur qu’il falloit
donner
au ſommet de pluſieurs revêtemens, les prenant à des hau-
teurs
arbitraires, j’ai trouvé que mes opérations donnoient la mê-
me
choſe pour la valeur de y, à trois ou quatre lignes près, qui
eſt
une difference de ſi peu de conſequence, qu’il m’a paru qu’il
valoit
beaucoup mieux ſuivre cette méthode-ci que l’autre.
On demandera peut-être la raiſon qui m’a fait ajoûter dix unités aux
20
premiers termes de la progreſſion, mais je n’en ai d’autres à don-
ner
, ſinon que je me ſuis aperçû, après avoir beaucoup cherché,
que
ces dix unités, ajoûtées de ſuite, faiſoient une compenſation
pour
les puiſſances &
les léviers, qui donnoient la même choſe
que
les Trapezes qui ſont au-deſſus de la ligne KC, qui compo-
ſent
le Parapet, quoique ces Trapezes allaſſent tantôt en augmen-
tant
, tantôt en diminuant:
auſſi ne faut-il regarder cet abregé que
comme
un moyen qui n’eſt bon que dans la pratique, &
dont on
peut
ſe ſervir auſſi utilement que de la méthode que j’ai expliquée
dans
l’Art.
35. ſans laquelle je n’aurois pas trouvé celle-ci.
Remarque ſeconde.
On ne pratique plus guére des revêtemens de Maçonnerie au-
deſſus
du cordon, pour ſoûtenir les terres du Parapet, parce qu’on
s’eſt
aperçû que les éclats, que cauſoit cette Maçonnerie quand elle
11Fig. 6. étoit battuë du Canon, devenoient nuiſibles à ceux qui étoient
derriere
le Parapet;
d’ailleurs, qu’il falloit plus de tems & de diffi-
culté
pour percer les embraſures en tems de ſiége, que ſi ce Pa-
rapet
n’étoit revêtu que de gazons ou de placage ſur les deux tiers
de
talud, qui eſt le parti que l’on prend ajourd’hui:
pour cela l’on
éloigne
un peu le pied du Parapet du ſommet de la muraille, afin
6843LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. qu’il ſe ſoûtienne mieux, comme on le voit dans la 6e. Figure;
mais, que le Parapet ſoit revêtu ou non, la méthode que je viens de
donner
, pour calculer la pouſſée des Terres, ſera toûjours la même
auſſi-bien
que pour les demi revêtements.
USAGE D’UNE TABLE
Pour trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux Revêtemens de
Terraſſes
& à ceux des Rempars de Fortification.
37. Comme il y a des gens qui pourroient ſe trouver embaraſſés
de
ſe ſervir des Régles que j’ai enſeignées au ſujet des revêtemens
des
Terraſſes &
des Rempars, faute de bien entendre les raiſons
ſur
leſquelles elles ſont établies, j’ai crû qu’il étoit à propos de
donner
une Table qui les diſpenſât de faire de longs &
pénibles
calculs
, dans leſquels il eſt toûjours dangereux de ſe tromper, à
moins
qu’on n’y aporte une grande attention;
& afin d’éviter les
moindres
fautes, j’ai fait faire ceux, qui ont ſervi à compoſer cette
Table
, par trois perſonnes fort intelligentes, qui chacune en par-
ticulier
faiſant les mêmes opérations, je n’euſſe plus qu’à voir ſi
elles
ſe raportoient, de ſorte que quand elles differeroient en quel-
que
choſe, je puſſe voir de quelle part l’erreur pouvoit provenir:
ainſi l’on peut s’aſſurer que ces calculs ont été faits avec toute la
préciſion
poſſible.
La premiere Colomne comprend toutes les hauteurs des Murs
depuis
10 juſqu’à 100, allant en progreſſion Arithmetique dont la
difference
eſt 5, c’eſt-à-dire que le premier nombre apartient à un
Mur
qui auroit 10 pieds de hauteur, le ſecond à celui qui en au-
roit
15, le troiſiéme à celui qui en auroit 20, &
ainſi de ſuite juſ-
qu’à
100, faiſant attention que cette hauteur ne doit être compriſe
que
depuis la retraite juſqu’au cordon, aux revêtemens quiſoûtien-
nent
un Parapet;
parce que l’on fait abſtraction du petit revêtement
EC
, &
que tous ces revêtemens ſont ſupoſés avoir pour talud
du
côté du parement, la cinquiéme partie de leur hauteur, l’autre
côté
étant élevé à plomb.
J’ai été fàché, après avoir calculé cette Table, d’avoir donné
aux
Murs un talud ſi conſiderable, parce que la pratique de la plû-
part
des Ingenieurs d’aujourd’hui eſt de ne donner que le 7e.
de la
hauteur
pour talud, leur raiſon étant qu’un plus grand talud expoſe
trop
le parement aux injures de l’air, ce qui cauſe des écorche-
mens
au bout de quelques années, au lieu que cela n’arrive pas
6944LA SCIENCE DES INGENIEURS, quand on leur en donne moins: cependant, comme cela oblige à
augmenter
beaucoup l’épaiſſeur du ſommet, je doute qu’on aban-
donne
abſolument l’ancienne méthode, c’eſt-à-dire celle de Mr.
de
Vauban
qui dans ſon profil général donne pour talud la cinquiéme
partie
de la hauteur;
& c’eſt à ſon exemple que j’ai pris le même
parti
, ne pouvant avoir un meilleur garent.
La ſeconde Colomne comprend les puiſſances équivalentes à la
pouſſée
des Terres que doit ſoûtenir un revétement de Terraſſes,
de
Quays, de Chauſſées, &
c. afin que dans les occaſions l’on
auroit
beſoin de connoître cette pouſſée, on la trouve ici tout
d’un
coup, ſans faire aucun calcul:
ainſi ſi l’on vouloit ſavoir, par
exemple
, quel effort font les Terres raportées derriere un revête-
ment
de 30 pieds de hauteur, ou, ce qui revient au même, quelle
ſeroit
la force de la puiſſance qui agiroit au ſommet du revêtement
&
qui ſeroit équivalente à la pouſſée de toutes les Terres qui agiſ-
ſent
derriere le revêtement depuis le haut juſqu’en bas, on cher-
chera
dans la premiere Colomne le nombre 30, &
l’on prendra
dans
la ſeconde celui qui lui répond, que l’on trouvera de 52 pieds
6
pouces 4 lignes, qu’on doit regarder comme équivalant à des
pieds
provenans d’une coupe de Maçonnerie, parce qu’on a fait la
réduction
de ceux de Terre, afin de pouvoir les comparer avec
les
profils de Maçonnerie, ou les poids qui les expriment, comme
je
l’ai aſſés expliqué dans l’article 5.
La troiſiéme Colomne contient, comme la ſeconde, un nom-
bre
de pieds, pouces, &
c. quarrés, qui expriment auſſi la pouſſée
des
Terres, mais differemment, parce qu’on y a compris celles
du
Parapet &
du Rempart, comme on en a fait mention dans les
Articles
35 &
36.
La quatriéme Colomne donne l’épaiſſeur que chaque revêtement
doit
avoir au ſommet par raport à ſa hauteur, pour être en équili-
bre
par ſon poids avec la pouſſée des Terres:
ainſi voulant ſavoir
l’épaiſſeur
qu’il faut donner au ſommet d’un revêtement qui auroit
30
pieds de hauteur, il n’y a qu’à chercher dans la premiere Co-
lomne
le nombre 30, &
l’on regardera dans la quatriéme le nom-
bre
qui lui répond;
on trouvera 4 pieds 9 pouces 8 lignes pour
ce
que l’on demande, ainſi des autres.
La cinquiéme Colomne comprend l’épaiſſeur des mêmes revê-
temens
, avec cette difference qu’au lieu d’être en équilibre avec
la
pouſſée des Terres, comme dans la quatriéme, les épaiſſeurs
qu’on
y donne apartiennent à des revêtemens, dont la réſiſtance
ſeroit
au-deſſus de l’équilibre, d’un quart de la force de la pouſſée
7045LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. des Terres: c’eſt-à-dire par exemple, que ſiun Mur de 30 pieds de
hauteur
eſt en équilibre avec 200 toiſes cubes de Terre en ne lui
donnant
que 4 pieds 9 pouces 8 lignes au ſommet, comme dans
la
quatriéme Colomne, il pourroit en ſoutenir 250 ſi on lui donnoit
l’épaiſſeur
qui ſe trouve dans la cinquiéme, qui eſt de 5 pieds 11
pouces
une ligne:
ceci répond à ce qui a été dit dans l’Article 34.
on l’a calculé exprès pour ſervir à déterminer l’épaiſſeur des revê-
temens
des Terraſſes, des Quays, des Chauſſées, &
c. auſquels ne
voulant
point faire des contreforts, on eſt bien aiſe de mettre leur
réſiſtance
au-deſſus de la pouſſée des Terres afin d’agir en toute
ſureté
;
au lieu que ſi l’on s’étoit attaché préciſement à l’équilibre,
il
eût été à craindre que les ébranlemens cauſés par les Voitures
ne
produiſiſſent des ſecouſſes qui auroient mettre par accident
la
pouſſée des Terres au-deſſus de la réſiſtance du revêtement:

malgré
cette précaution, je conviens que les quatre ou cinq pre-
miers
termes de cette Colomne ne donnent point aſſés d’épaiſſeur
aux
Murs qui leur répondent, pour pouvoir s’en ſervir ſans con-
treforts
, parce que dans la pratique on ne doit point abſolument
conſiderer
la Maçonnerie comme indiſſoluble, ſur-tout quand elle
eſt
nouvellement faite;
mais à l’exception de ces trois ou quatre
termes-là
, auſquels il eſt à propos d’avoir égard, on pourra ſe ſer-
vir
des autres ſans crainte.
Il ſemblera peut-être, ſelon ce que je viens de dire, que la qua-
triéme
Colomne eſt aſſés inutile, puiſqu’on lui préferera toûjours la
cinquiéme
;
mais, comme c’eſt elle qui donne le point d’équilibre,
pour
augmenter la puiſſance d’un quart, &
que d’ailleurs elle nous
ſervira
dans la ſuite quand nous parlerons des contreſorts, il étoit
néceſſaire
de ne pas l’obmettre.
Quant à la ſixiéme Colomne, elle donne l’épaiſſeur du ſommet
des
revêtemens des Rempars à la hauteur du cordon, dans le cas
ces Rempars ſoûtiendroient un Parapet, &
ſeroient en équili-
bre
par leur réſiſtance à la pouſſée des Terres qui compoſent le
Rempart
&
le Parapet: on ne parle point de combien il faudroit
augmenter
l’épaiſſeur de ces revêtemens pour mettre leur réſiſtance
au-deſſus
de la pouſſée des Terres, parce que cela auroit été inutile,
à
cauſe qu’il convient mieux d’y ajoûter des contreforts pour les
raiſons
qu’on verra dans le cinquiéme Chapitre.
Les termes de la quatriéme, cinquiéme, & ſixiéme Colomne
ſervant
à donner l’épaiſſeur du ſommet des revêtemens, on n’a pas
parlé
de celles que doivent avoir leurs baſes, parce que, pour la
trouver
, on n’a qu’à ajoûter à celle du ſommet la cinquiéme par-
7146LA SCIENCE DES INGENIEURS, tie de la hauteur du revêtement qu’on veut élever; par exemple,
ſi
l’on ajoûte 6 pieds à 4 pieds 9 pouces 8 lignes, l’on aura 8
pieds
9 pouces 8 lignes pour l’épaiſſeur que doit avoir ſur la re-
traite
un revêtement qui auroit 30 pieds de hauteur, &
qui ſelon
la
quatriéme Colomne ſeroit en équilibre avec la pouſſée des Ter-
res
:
il en ſera de même pour tous les autres revêtemens de la cin-
quiéme
&
ſixiéme Colomne.
Comme les hauteurs des revêtemens qui ſont dans la premiere
Colomne
vont en augmentant de cinq pieds, n’ayant pas voulu
ſuivre
la progreſſion des nombres naturels, à cauſe que la Table
eût
été d’un trop grand travail, il eſt bon de dire quelque choſe
ſur
ce qu’il convient de faire quand on voudra chercher l’épaiſſeur
d’un
revêtement dont la hauteur ne ſe raporteroit pas préciſement
avec
quelques-uns des termes de la premiere Colomne.
Par exem-
ple
, s’il s’agiſſoit d’un revêtement de 28 ou 29 pieds de hauteur,
on
pourra prendre l’épaiſſeur qui répond à 30, quoiqu’elle ſoit un
peu
plus forte qu’il ne faut.
Mais, ſi la hauteur étoit de 26 ou 27
pieds
, il faudra, dans le cas d’équilibre, ajoûter l’épaiſſeur qui ré-
pond
à 30 pieds, avec celle qui répond à 25, &
prendre la moitié
de
la ſomme;
c’eſt-à-dire 4 pieds 9 pouces 8 lignes, avec 4 pieds
7
lignes, pour avoir 8 pieds 10 pouces 3 lignes, dont la moitié
eſt
4 pieds 5 pouces 1 ligne, qui eſt ce que l’on demande:
on
pratiquera
la même choſe pour la cinquiéme &
la ſixiéme Colomne.
8[Figure 8]
72
[Empty page]
73 9[Figure 9]
74
[Empty page]
7547LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
TABLE
Pour régler l’Epaiſſeur qu’il faut donner aux Revêtemens de
Maçonnerie
qui ſoûtiennent des Terraſſes ou Rempars.
11Hauteur \\ des re- \\ vête- \\ mens. ### Valeur des puiſ- \\ ſances qui ſont \\ équivalentes à la \\ pouſſée des Ter- \\ res qui n’ont \\ point de Para- \\ pet. ### Valeur des puiſ- \\ ſanees qui ſont \\ équivalentes à la \\ pouſſee des Ter- \\ res du Rémpart \\ & du Parapet des \\ Ouvrages de For- \\ tification. ### Epaiſſeur du ſom- \\ met des revête- \\ mens qui ſont \\ en équilibre avec \\ la pouſſée des \\ Terres lorſqu’il \\ n’y a pas de Pa- \\ rapet. ### Epaiſleur du ſom- \\ met des revête- \\ mens dont la ré- \\ ſiſtance eſt au- \\ deſſus de l’équi- \\ libre d’un quart \\ de la pouſſée. ### Epaiſſeur des re- \\ vêtemens qui \\ ſont en équili- \\ bre par leur ré- \\ ſiſtance avec des \\ Rempars qui \\ ſoûtiennent un \\ Parapet.
pieds
. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pou. # lig.
10
. # 6. # 5. # 0. # 15. # 7. # 0. # 1. # 9. # 1. # 1. # 11. # 6. # 3. # 8. # 4.
15
. # 13. # 9. # 4. # 27. # 1. # 4. # 2. # 6. # 2. # 2. # 9. # 11. # 4. # 6. # 8.
20
. # 23. # 11. # 0. # 41. # 5. # 0. # 3. # 3. # 5. # 3. # 8. # 3. # 5. # 4. # 6.
25
. # 36. # 6. # 0. # 57. # 6. # 0. # 4. # 0. # 7. # 4. # 6. # 7. # 6. # 1. # 2.
30
. # 52. # 6. # 4. # 74. # 4. # 0. # 4. # 9. # 8. # 5. # 4. # 9. # 6. # 9. # 0.
35
. # 71. # 0. # 0. # 95. # 3. # 4. # 5. # 6. # 11. # 6. # 3. # 1. # 7. # 4. # 8.
40
. # 92. # 3. # 0. # 117. # 8. # 0. # 6. # 3. # 10. # 7. # 1. # 6. # 8. # 1. # 2.
45
. # 116. # 3. # 0. # 142. # 7. # 0. # 7. # 1. # 3. # 7. # 11. # 10. # 8. # 7. # 11.
50
. # 143. # 1. # 0. # 170. # 1. # 0. # 7. # 10. # 5. # 8. # 10. # 0. # 9. # 3. # 00.
55
. # 172. # 8. # 0. # 200. # 3. # 0. # 8. # 7. # 6. # 9. # 8. # 4. # 9. # 11. # 10.
60
. # 205. # 0. # 4. # 233. # 1. # 0. # 9. # 4. # 9. # 10. # 6. # 8. # 10. # 9. # 1.
65
. # 240. # 2. # 0. # 271. # 10. # 0. # 10. # 2. # 0. # 11. # 5. # 1. # 11. # 4. # 3.
70
. # 278. # 1. # 0. # 306. # 9. # 0. # 10. # 11. # 0. # 12. # 3. # 4. # 12. # 0. # 8.
75
. # 318. # 9. # 0. # 347. # 10. # 0. # 11. # 8. # 3. # 13. # 1. # 8. # 12. # 9. # 1.
80
. # 362. # 3. # 0. # 391. # 7. # 6. # 12. # 5. # 4. # 14. # 0. # 0. # 13. # 5. # 6.
85
. # 408. # 6. # 0. # 438. # 6. # 0. # 13. # 2. # 7. # 14. # 10. # 3. # 14. # 2. # 1.
90
. # 457. # 6. # 0. # 487. # 3. # 8. # 13. # 11. # 9. # 15. # 8. # 6. # 14. # 10. # 9.
95
. # 526. # 10. # 6. # 556. # 10. # 6. # 14. # 8. # 10. # 16. # 6. # 11. # 15. # 7. # 5.
100
. # 563. # 11. # 0. # 594. # 10. # 0. # 15. # 6. # 1. # 17. # 5. # 3. # 16. # 4. # 2.
7648LA SCIENCE DES INGENIEURS,
PROPOSITION TROISIE’ME.
Proble’me
38. Voulant augmenter l’épaiſſeur d’un revêtement qui
ſeroit
en équilibre avec la pouſſée des Terres, on demande de
combien
la réſiſtance de ce revêtement deviendra plus forte
qu’elle
n’étoit par rapport à l’augmentation qu’on veut faire.
Pour réſoudre ce Probléme, nous ſupoſerons que a, exprime l’é-
paiſſeur
au ſommet d’un revêtement quelconque, quand la réſiſtance
du
Mur eſt égale à la pouſſée des Terres, &
que m, exprime la nouvel-
le
épaiſſeur compoſée de la premiere &
de l’augmentation propo-
ſée
;
cela poſé, ſi dans le premier membre de l’équation yy + 2dy
+ {2dd/3} = 2bf, ( nous avons Art.
22. que le poids étoit en
équilibre
avec la puiſſance) l’on met a, au lieu de y, l’on aura
aa
+ 2da + {2dd/3} pour la réſiſtance dont le revêtement eſt capable
étant
en équilibre avec la pouſſée des Terres;
& mettant encore
m
, à la place de y, dans la même équation, l’on aura mm + 2dm
+ {2dd/3} pour la réſiſtance du revêtement après avoir augmenté
ſon
épaiſſeur, par conſéquent le rapport que nous cherchons ſera
égal
à {aa + 2da + {2dd/3}/mm + 2dm + {2dd/3}} qu’on connoîtra en mettant des nombres
à
la place des Lettres.
APLICATION.
Remarqués que le numerateur de la fraction précedente n’eſt au-
tre
choſe que le quarré de a + d, c’eſt-à-dire le quarré de l’épaiſ-
ſeur
de la baſe, du revêtement moins le tiers du quarré de la ligne
de
talud, &
que le dénominateur eſt auſſi égal au quarré de la
baſe
du revêtement, dont on a augmenté l’épaiſſeur, moins le tiers
du
quarré de la même ligne de talud.
Or s’il s’agit d’un revêtement
de
30 pieds de hauteur, qui ſoûtienne un Rampart avec un Parapet,
ſelon
la ſixiéme Colomne de la Table, l’épaiſſeur de ce revêtement
7749LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. au ſommet dans l’état d’équilibre, ſera 6 pieds 9 pouces, à quoi
ajoûtant
la ligne de talud qui eſt 6 pieds, l’épaiſſeur de la baſe ſera
12
pieds 9 pouces, dont le quarré eſt 162 pieds 6 pouces 9 lignes
duquel
retranchant 12 qui eſt le tiers du quarré de la ligne de ta-
lud
, il reſtera 150 pieds pour la valeur de aa + 2da + {2dd/3} en né-
gligeant
les 6 pouces 9 lignes qui ne feroient qu’embarraſſer.
Mais
ſi
l’on veut augmenter de 15 pouces l’épaiſſeur en queſtion, la
baſe
ſera de 14 pieds, dont le quarré eſt 196, d’où retranchant en-
core
12, il reſtera 184 pour mm + 2dm + {2dd/3}, ainſi l’on aura
{150/184} qui étant réduit donne à peu-près {5/6} ce qui fait voir que
les
15 pouces dont on a augmenté l’épaiſſeur du revêtement le
rendent
plus fort de la cinquiéme partie de la force qu’il lui auroit
fallu
pour être en équilibre avec la pouſſée des Terres.
PROPOSITION QUATRIE’ME.
Proble’me.
39. Connoiſſant la hauteur & les épaiſſeurs du ſommet &
de
la baſe d’un Mur qui ne ſoûtient aucune pouſſée, trouver
quelle
eſt la puiſſance avec laquelle il pourroit être en
équilibre
.
Si un Mur AD, eſt élevé à plomb des deux côtés; qu’on nom-
11Planch,
3
.
me c, ſa hauteur AC;
a, l’épaiſſeur AB, ou CD; & x, une puiſ-
22Fig. 1. ſance P, qui tireroit de A, en F, le poids M, ſera ac;
il eſt conſ-
tant
que le point d’apui étant en C, l’on aura x, ac, :
: {a/2}c, dont
le
produit des extrêmes &
celui des moyens donnent, après la ré-
duction
, {aa/2} = x.
Mais, ſi le Mur étoit comme le Profil CA, c’eſt-à-dire qu’il fût
33Fig. 2 élevé à plomb d’un côté &
qu’il eût un talud de l’autre, il eſt cer-
tain
que la puiſſance que l’on cherche tirant de E, en Q, feroit un
effet
tout different que dans la figure précédente;
or pour trouver
la
valeur de cette puiſſance, nous nommerons DF, a;
FA, d; la
hauteur
EF, c;
& la puiſſance Q, y; cela poſé, ayant réüni le
poids
O, au poids N, &
multiplié leur ſomme par le bras G A,
l’on
aura un produit égal à celui de la puiſſance Q, (y) par la per-
7850LA SCIENCE DES INGENIEURS, pendiculaire AB, & ſi de chacun de ces produits l’on efface
la
lettre c, il viendra {aa/2} + ad + {dd/3} = y, qui fait voir que
la
puiſſance Q, eſt égale à la moitié du quarré de l’épaiſſeur CE,
ou
DF, plus autiers du quarré de la ligne de talud FA, plus enfin
à
un rectangle compris ſous DF, &
FA.
APLICATION.
On peut faire uſage de cette Propoſition, pour voir ſi des Murs,
qui
ne ſoûtiennent rien, peuvent ſervir de revêtement à des Rem-
pars
qu’on voudroit élever derriere, puiſque cherchant dans la
Table
à quoi peut aller la pouſſée des Terres, on s’appercevra ſi
ces
Murs ont aſſés de force, car ſi le mur qui eſt élevé à plomb des
deux
côtés a par exemple ſix pieds d’épaiſſeur, la moitié de ſon
quarré
ſera 18, ainſi il ne pourra tout au plus ſoûtenir qu’une puiſ-
ſance
équivalante à 18 pieds quarrés.
De même, dans le ſecond Profil, ſupoſant l’épaiſſeur D F, de 4
pieds
, la ligne de talud F A, de 5, ſuivant ce qu’enſeigne l’équa-
tion
{aa/2} + ad + {dd/3} = y, l’on trouvera que la puiſſance Q, eſt
de
36 pieds 4 pouces, &
que par conſéquent la pouſſée des Terres
qu’on
voudroit lui faire ſoûtenir ne doit point paſſer cette quan-
tité
.
CHAPITRE CINQUIE’ME.
De la conſidération des Murs qui ont des Contreforts.
TOut le monde ſait que les contreforts qu’on éleve avec les
murs
contribuent beaucoup à les fortifier contre la pouſſée des
Terres
ou des Voûtes quand ils en ſoûtiennent, mais il ne paroît
pas
qu’on ſe ſoit apliqué à éxaminer de combien ils pouvoient ren-
dre
ces murs capables d’une plus ou moins grande réſiſtance, ſe-
lon
la longueur, l’épaiſſeur, la diſtance, &
même la figure qu’on
donneroit
aux contreforts.
Ce ſujet eſt pourtant digne d’attention,
ſur-tout
quand il s’agit de certains Ouvrages qui doivent plûtôt ti-
rer
leur ſolidité des régles de l’art, que de l’abondance des maté-
riaux
, puiſque ſi l’on connoiſſoit bien le mécaniſme qui apartient à
7951LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. ce ſujet, on éleveroit des Edifices qui ſeroient encore plus hardis
que
la plûpart de ceux qui font tant d’honneur aux ſiécles paſſés;
on travailleroit avec ſûreté, & l’on n’apercevroit pas une certaine
timidité
qui eſtaſſés ordinaire aux Ouvrages des Modernes:
les an-
ciens
Architectes paroiſſent en ceci plus éclairés;
s’ils n’avoient
pas
des régles certaines &
démontrées comme celles qu’on deman-
de
, ils agiſſoient au moins avec unjugement qui en aprochoit beau-
coup
:
les beaux monumens qu’ils nous ont laiſſés en font foi, leurs
Egliſes
ſont d’une légereté admirable, il ſemble qu’ils ont uſé de
quelques
moyens extraordinaires, qu’on a perdu avec eux;
cepen-
dant
, ſi l’on y prend garde de près, l’on verra que tout ce qui en
fait
le merveilleux, n’eſt autre choſe que la bonne liaiſon des ma-
teriaux
, la ſituation &
l’étenduë des contreforts dont ils ſe ſont
toûjours
ſervi heureuſement, &
comme peu de gens s’arrêtent à
cette
derniere particularité faute d’en connoître tout le mérite,
ils
ſont ravis d’un étonnement qu’ils ne ſavent à quoi attribuer:
les
Egliſes
que l’on a bâti dans ces derniers tems, &
entr’autres quel-
ques-unes
de Paris, ſont bien éloignées d’intriguer perſonne:
ſi el-
les
cauſent quelque ſurpriſe, c’eſt de les voir ſi materielles, qu’elles
ſemblent
avoir épuiſé toutes les Carrieres du Pays.
Eſt-il poſſi-
ble
que l’intervalle de quelques ſiécles rende les hommes ſi opoſés
ſur
une même choſe?
Ne conviendra-t’-on jamais, que dans tout
ce
que l’on fait qui eſt ſuſceptible de plus &
de moins, il y a un
certain
point d’où dépend la conſtruction la plus parfaite qu’il eſt
poſſible
d’atteindre, &
que c’eſt à ce point-là qu’il faut uniquement
s’apliquer
, afin d’y demeurer fixe quand on l’aura une fois trouvé?

De
pareilles recherches ſeroient d’un grand avantage pour la per-
fection
de l’Architecture;
on ne peut trop engager ceux qui la
cultivent
d’y travailler, &
comme les contreforts y doivent avoir
beaucoup
de part, nous allons faire enſorte dans ce Chapitre d’en
bien
déveloper toute la Théorie;
mais, avant cela, il eſt à propos
que
j’avertiſſe qu’il faut ſupoſer que les contreforts, dont nous par-
lerons
, ont été conſtruits dans le même tems que les murs qu’ils
ſoûtiennent
, &
que la liaiſon eſt ſi parfaite, que de part & d’autre
elle
ne fait plus qu’un ſeul corps.
8052LA SCIENCE DES INGENIEURS,
PROPOSITION PREMIERE.
Proble’me.
40. Ayant le Profil ABCD, d’un mur élevé à plomb des
deux
côtés &
ſoutenu par des contreforts repréſentés par le rec-
tangle
AEFC, on demande ſi une puiſſance Q, agiſſoit de A,
en
B, pour renverſer ce mur du côté du parement, ou une autre
P
, de A, en E, pour le renverſer du côté des contreforts, quel
eſt
le raport de la réſiſtance du mur dans ces deux cas, ou ce qui
eſt
la même choſe, le raport de la puiſſance Q, à la puiſſance P,
ſupoſant
qu’elles agiſſent chacune en particulier.
Conſiderés la Figure 5. qui repréſente le Plan de la Maçonne-
11Fig. 4.
& 5.
rie du Profil qui eſt au-deſſus, dont les contreforts ſont rectan-
gles
&
égaux dans ce Plan, l’on ſupoſe que l’épaiſſeur LI, des
contreforts
eſt égale à l’épaiſſeur C D, de la muraille;
que leur lon-
gueur
FC, eſt double de leur épaiſſeur, &
que leur diſtance CL,
ou
IK, eſt double de la longueur FC, ainſi nommant l’épaiſſeur
CD
, ou LI, a;
FC, ſera 2a, & CL, ou IK, ſera 4a; quant à la
hauteur
AC, de la muraille &
des contreforts, nous la nomme-
rons
b, cela poſé, ab, ſera la valeur du rectangle AD, ramaſſé
dans
le poids N, qui eſt ſuſpendu dans le milieu de la ligne CD,
&
2ab, ſera la valeur du rectangle EC: or comme cette muraille
n’a
point de longueur déterminée, nous n’y aurons point égard;
cependant les contreforts étant à une certaine diſtance, & ne for-
mant
point de maſſif continu, comme la muraille fait dans ſa lon-
gueur
, on ne peut pas dire que 2ab, expriment la valeur des contre-
forts
, puiſque pour cela il faudroit qu’il n’y eût point d’intervalle
entr’eux
;
il faut donc réduire la valeur des contreforts, de façon
qu’on
puiſſe la conſiderer comme ſi elle régnoit ſur toute la lon-
gueur
du mur:
pour cela l’on n’a qu’à diviſer 2ab, par 5, & l’on aura
{2ab/5} égal à l’expreſſion du poids M, qu’on doit regarder comme
équivalant
à tous les contreforts réünis enſemble dans un des points
de
la ligne G M, tirée du centre de gravité.
Preſentement, il faut réünir le poids M, au poids N, enſorte
qu’il
péſe autant en H, qu’il péſe en G, par raport au point d’apui
8153LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. D, ainſi je multiplie la valeur du poids M, par ſon bras de lévier
GD
, (2a) pour avoir {4aab/5}, que je diviſe par le bras HD,
({a/2}) le quotient eſt {8ab/5}, qui étant ajoûté avec le poids N,
(ab) donne {13ab/5} pour la ſomme des poids M, &
N, réünis ſi
l’on
veut dans le ſeul poids O:
maintenant ſi l’on nomme x, la puiſ-
ſance
Q, &
qu’on conſidere les lignes HD, & BD, comme fai-
ſant
un lévier recourbé dont le point d’apui eſt en D, l’on aura
BD
, (b) HD, ({a/2}) :
: O, ({13ab/5}) x, qui donne cette équa-
tion
bx = {13aab/10}, ou bien x = {13aa/10} qui fait voir que la puiſſance
Q
, eſt {13aa/10}.
Si au lieu de ſupoſer le point d’apui en D, on le ſupoſe en F,
l’on
aura le lévier recourbé EFH, à l’extrêmité d’un des bras du-
quel
eſt encore le poids O, qui exprime toûjours la muraille &
les
contreforts
, &
la puiſſance P, à l’autre bras, laquelle étant nom-
mée
y, donnera dans l’état d’équilibre EF, (b) FH, ({5a/2}) :
:
{29ab/25}, y.
D’où l’on tire y = {29aa/10}, par conſéquent Q, (x) P,
(y;)
{13aa/10}, {29aa/10} ou comme treize eſt à vingt-neuf.
Remarque premiere.
41. Cette propoſition montre clairement qu’un mur qui a des
contreforts
réſiſte beaucoup plus à l’effort d’une puiſſance quand
elle
agit dans un ſens opoſé aux contreforts, que lorſqu’elle pouſſe
du
côté des contreforts mêmes, à cauſe de la difference des bras
de
léviers qui répondent à la baſe.
Remarque ſeconde.
42. L’on remarquera encore, que ſi dans les revêtemens de For-
tifications
&
de Terraſſes, l’on n’avoit égard qu’à la pouſſée des Ter-
res
, il vaudroit beaucoup mieux faire les contreforts en dehors
qu’en
dedans:
cependant cela ne ſe pratique point ainſi, pour ne pas
choquer
la vüë, &
pour d’autres raiſons qui ſe font aſſés ſentir; mais
8254LA SCIENCE DES INGENIEURS, quand il s’agit de ſoûtenir les piés-droits d’une Voûte, c’eſt alors
qu’il
faut abſolument les placer en dehors, afin qu’ils ſoient direc-
tement
opoſés à la pouſſée.
Remarque troiſiéme.
43. Pour faire voir à quel point un mur, qui ſoûtient quelque
pouſſée
, eſt capable de réſiſter davantage lorſqu’il y a des contre-
forts
que quand il n’y en a point, quoique la même quantité de
Maçonnerie
ſubſiſte de part &
d’autre, augmentons par plaiſir l’é-
paiſſeur
CD, de la muraille de toute la maçonnerie qui eſt employée
11Fig. 4.
& 5.
dans les contreforts:
pour cela je diviſe la longueur FC, (2a) par
5
, pour avoir {2a/5} qui ſera l’épaiſſeur RC, réduite, qui étant ajoû-
tée
avec CD, donnera {7a/5} pour toute l’épaiſſeur RD, ou PX, du
22Fig. 3. nouveau Profil rX, qui étant multipliée par la hauteur rP, (b)
donne
{7ab/5} pour la valeur du rectangle rX, réüni au poids T, qui
eſt
ſuſpendu dans le milieu V, de la ligne PX:
or ſupoſant le point
d’apui
en X, &
une puiſſance S, qui tire de R, en S, nommant
cette
puiſſance z, l’on aura dans le cas d’équilibre RX, (b) XV,
({7a/10}):
:T, ({7ab/5}) z, qui donne {49aa/50} = z, & comme 49 ne
differe
de 50 que d’une unité, nous ſupoſerons aa = z.
Preſentement, pour comparer la puiſſance Q, ({13aa/10}) à la puiſ-
ſance
S, on donnera à la ſeconde le même dénominateur qu’à la
prémiere
, &
pour lors l’on aura Q, S, : : {13aa/10}, {10aa/10}, qui é-
tant
réduite, donne Q, S, :
: 13, 10. L’on peut donc conclure
de
tout ceci, que plus les contreforts ſeront longs, &
plus le bras
de
lévier ſera à l’avantage de la puiſſance réſiſtante, c’eſt pour-
quoi
dans les occaſions l’on peut ſe diſpenſer de donner une
grande
épaiſſeur aux contreforts, il vaut mieux étendre ſur leur
longueur
, que ſur leur épaiſſeur, la maçonnerie qu’on leur deſtine,
afin
que l’ouvrage en ſoit encore plus inébranlable.
8355LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
PROPOSITION SECONDE.
Proble’me.
44. Ayant un revêtement de Terraſſe ABCD, & une puiſ-
11Fig. 6.
& 7.
ſance P, dont la force eſt ſupoſée beaucoup au-de ſſus de la ré-
ſiſtance
, dont le revêtement eſt capable par ſon poids, on deman-
de
de quelle longueur il faudra faire les contreforts qu’on
voudroit
y ajoûter afin que le tout ſoit en équilibre avec cet-
te
puiſſance.
Pour bien entendre ce Probleme il faut être prévenu que la
hauteur
CE, du revêtement eſt ſupoſée de 30 pieds, &
qu’ainſi
ſelon
la regle générale, la ligne de talud ED, doit être de 6 pieds.
Or ſi ce revêtement avoit des Terres à ſoûtenir, on verra dans la
Table
que la puiſſance équivalente à leur pouſſée, c’eſt-à-dire la
puiſſance
P, eſt de 52 pieds 6.
pouces 4 lignes, & que pour met-
tre
le revêtement en équilibre avec cette puiſſance, il faudroit
donner
4 pieds 9 pouces 8 lignes à l’épaiſſeur BC, du ſommet,
par
conſéquent ſi l’on diminuoit cette épaiſſeur de quelque choſe;

c’eſt-à-dire
, par exemple, que ſi au lieu de lui donner 4 pieds 9
pouces
8 lignes, on ne lui donnoit que 3 pieds, la puiſſance étant
toûjours
ſupoſée la même, il eſt certain que le revêtement ne ſeroit
plus
en équilibre, parce que le bras de lévier ID, ſera racourci,
&
le poids M, diminué, ce qui mettroit la puiſſance beacoup au-
deſſus
de la réſiſtance du revêtement:
cependant comme on veut
maintenir
l’un &
l’autre en équilibre, on prend le parti de faire des
contreforts
, &
la queſtion ſe réduit à ſavoir quelle longueur il
faudra
leur donner par raport à leur épaiſſeur, &
à la diſtance
ils
ſeront poſés, afin qu’ils ſupléent à l’épaiſleur qu’on a donnée
de
moins qu’il ne falloit au ſommet BC.
Pour cela nous nommerons BC, ou AE, a; CE, c; ED, d; GA, y; &
nous
ſupoſerons que n, marque toute l’épaiſſeur AD, de la baſe, afin
d’avoir
n = a + d, &
que la puiſſance P, eſt toûjours exprimée par bf:
cela étant le poids Mſera ac, & le poids N, ſera {dc/2}; à l’égard du poids
L
, il ſeroit exprimé par cy, ſi le rectangle F A, étoit le proſil d’un
mur
qui regnât ſur toute la longueur du revêtement;
mais n’étant
que
celui des contreforts, il faut comme nous l’avons dit dans l’art.
8456LA SCIENCE DES INGENIEURS, 40 avoir égard à leur diſtance & à leur épaiſſeur. Or ſi l’on ſupoſe que
de
l’eſpace LMON, qui régne derriere le revêtement, il n’y en ait
qu’un
quart qui ſoit occupé par les contreforts;
c’eſt-à-dire, que
donnant
, par exemple, 4 pieds à l’épaiſſeur BC, ou EF, de chaque
contrefort
, on en laiſſe 12 d’intervalle de C, en D, tous les con-
treforts
pourront être exprimés par {cy/4}, de même que tout le revéte-
ment
ABCD, par ac + {cd/2}, il ne s’agit donc plus que de réünir les poids
L
, &
N, avec le poids M, pour ne faire enſemble qu’un ſeul poids
O
, qui faſſe le même effet étant ſuſpendu au point I, par raport
au
point d’apui, D, qu’ils font étant ſuſpendus en H, &
en K, pour
cela
l’on ſait qu’il faut multiplier le poids N, ({cd/2}) par ſon bras
de
levier KD, ({cd/3}) de même que le poids L, ({cy/4}) par ſon
bras
de lévier HD, (n + {y/2}) &
diviſer chaque produit par le
bras
ID, &
qu’alors l’on aura {{cyy + 2cny/8} + {cdd/3}/{a + 2d/2}} + ac, pour la va-
leur
du poids O, or multipliant ce poids par ſon bras de lévier
ID
, l’on aura un produit égal à celui de la puiſſance P, (bf,)
par
ſon bras de lévier DQ, (c,) par conſéquent cette équation
{cyy + 2cny/8} + {cdd/3} + {caa + 2cad/2} = bcf, d’où effaçant c, &
faiſant paſſer
du
premier membre dans le ſecond, les termes l’inconnuë ne ſe
trouve
point, l’on aura {yy + 2ny/8} = bf - {aa - 2ad/2} - {dd/3};
ſi de cette
équation
l’on fait évanoüir la fraction du premier membre &
qu’on
ajoûte
nn, de part &
d’autre pour rendre le premier membre un
quarré
parfait, l’on aura yy + 2ny + nn = 8bf - 4aa - 8ad - {8dd/3}
+ nn, d’où extrayant la racine quarrée &
dégageant l’inconnuë,
il
viendra pour derniere équation y = √8bf - 4aa - 8ad - {8dd/3}\x{0020}
+ nn - n, qui donne ce que l’on cherchoit.
APLICATION.
Pour ſavoir en nombre quelle doit être la longueur des contre-
8557LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. forts, il faut ſe rappeller que l’on a ſupoſé que la puiſſance bf, va-
loit
52 pieds 6 pouces 4 lignes, que a, valoit 3 pieds, d, 6.
& a
+ d, ou n, vaudra donc 9 pieds;
ainſi en ſuivant ce qui eſt en-
ſeigné
dans la derniere équation, l’on aura 8bf = 420 pieds 2 pou-
ces
8 lignes.
4aa = 36, 8ad = 144, {8dd/3} = 96, & nn = 81. Mais
cette
équation montre auſſi qu’il faut ajoûter 8bf, avec nn;
c’eſt-
à-dire
, 420 pieds 2 pouces 8 lignes, avec 81 pour avoir 501
pieds
2 pouces 8 lignes, &
qu’il en faut ſouſtraire 4aa. 8ad &
{8dd/3} ou leur valeur 36, 144, 96, qui font 276, &
de la difference
qui
eſt 225 pieds 2 pouces 8 lignes, en extraire la racine quarrée,
qu’on
trouvera d’environ 15 pieds, de laquelle ſouſtrayant n, qui
vaut
9 pieds, la difference ſera 6 pieds pour la valeur de y, ou,
ſi
l’on veut, pour la longueur qu’il faudra donner aux contreforts.
Remarque prémiere.
45. Si l’on vouloit que les contreforts & le revêtement au lieu
d’être
en équilibre par leur réſiſtance avec la puiſſance P, fuſſent
capables
de ſoûtenir l’effort d’une autre puiſſance qui ſeroit plus
forte
d’un quart que celle-ci, il faudroit au lieu de ſupoſer bf, égal à
52
pieds 6 pouces 4 lignes, le ſupoſer de 65 pieds 8 pouces;
pour
lors
les contreforts auront 9 pieds 6 pouces 4 lignes de longueur &

non
pas 6 pieds.
Remarque ſeconde.
46. Nous venons de ſupoſer que l’eſpace LMNO, qui regne der-
11Fig. 7. riere le revêtement étoit rempli par un quart de maçonnerie &
par
trois
quarts de terre, parce que l’intervalle AB, d’un contrefort
à
l’autre, eſt triple de l’épaiſſeur BC, de chaque contrefort, &
c’eſt
pour
cela que nous avons diviſé la longueur EB, par 4, parce qu’en
effet
la ligne AC, qui vaut quatre parties égales peut-être regardée
comme
le dénominateur d’une fraction, dont le numerateur eſt
égal
à la partie BC, qui eſt un quart de toute la ligne AC;
mais ſi
l’on
vouloit que les contreforts fuſſent plus près les uns des autres;
enſorte qu’ils ne fuſſent éloignés, par exemple, que du double de
leur
épaiſſeur, pour lors l’étenduë qu’occuperont tous les contre-
forts
ſera à celui qui regne entre les deux paralelles LM, &
NO,
comme
un eſt à trois, ce qui fait voir qu’au lieu de diviſer la lon-
gueur
inconnuë des contreforts;
c’eſt-à-dire, y par 4, il ne fau-
8658LA SCIENCE DES INGENIEURS, droit la diviſer que par 3, ou par 2, ſi l’on vouloit que les contre-
forts
ne fuſſent diſtans les uns des autres que d’un intervalle égal à
leur
épaiſſeur:
enfin ſi l’on vouloit que l’étenduë occupée par les
contreforts
ſoit à tout l’eſpace renfermé par les paralelles comme
2
eſt à 5, il faudroit multiplier y par 2 &
le diviſer enſuite par 5,
parce
qu’alors l’on aura {2y/5} qui exprimera la réduction des contre-
forts
;
or comme 5 marque tout l’eſpace renfermé entre les para-
lelles
, &
2 celui qui eſt occupé par les contreforts, ſi l’on retran-
che
donc 2 de 5, il reſtera 3, &
les nombres deux & trois marque-
ront
le rapport de l’épaiſſeur des contreforts à leur diſtance:
il eſt
bon
de faire attention à ceci, quoique ce ne ſoit qu’une bagatelle,
parce
que dans le Probléme ſuivant nous chercherons quel doit
être
le raport de l’épaiſſeur des contreforts à leur diſtance, cela
pourra
nous ſervir.
PROPOSITION TROISIE’ME.
Proble’me.
47. Ayant déterminé la longueur AG, des contreforts,
11Fig. 6. l’épaiſſeur BC, du revêtement, &
ſa ligne de talud ED, on
demande
quelle épaiſſeur ilfaudra donner aux contreforts par
rapport
à la diſtance il faudra les éloigner les uns des au-
tres
pour que toute la Maçonnerie ſoit en équilibre avec la
puiſſance
P, qui tireroit de C, en Q.
On ſupoſe encore ici, comme on l’a fait ailleurs, que la puif-
ſance
P, eſt beaucoup au-deſſus de la réſiſtance dont le revête-
ment
ABCD, eſt capable par ſon poids, &
qu’ainſi il faut faire
des
contreforts pour donner au revêtement la force qui lui man-
que
:
or comme dans le Probléme précédent, nous avons cherché
quelle
longueur il faloit donner à ces contreforts pour rencontrer
le
point d’équilibre, ici l’on ſupoſe que cette longueur a été déter-
minée
, &
qu’il s’agit ſeulement de ſavoir quel raport il doit y avoir
de
l’épaiſſeur des contreforts à leur diſtance, afin qu’ils compoſent
enſemble
un maſſif ſuffiſant pour rendre le revêtement capable de
ſoûtenir
l’effort de la puiſſance.
Ayant nommé GA, h; BA, c; AE, a; ED, d; AD, n; c’eſt-
8759LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. à-dire n = a + d, & la puiſſance P, bf; comme à l’ordinaire, l’on
aura
{cd/2} pour le poids N, &
ac, pour le poids M; quant au poids L,
comme
il ne doit exprimer qu’une partie du rectangle GFBA, on
ne
peut pas dire que ch, ſoit la valeur de ce poids, parce que ch,
doit
être diviſé par une certaine grandeur qui determine le raport
de
l’épaiſſeur des contreforts avec leur intervalle;
or comme on
ne
connoît pas cette grandeur, nous la nommerons x, &
pour lors
le
poids L, ſera {ch/x}.
Preſentement, ſi l’on réünit les trois poids L,
M
, N, en un ſeul O, &
qu’on le multiplie par le bras de lévier ID,
l’on
aura un produit égal à celui de la puiſſance P, par ſon bras de
lévier
DQ, qui donnera cette équation {chh + 2cnb/2x} + {aac + 2adc/2}
+ {cdd/3} = bfc, dont je n’explique point les opérations qui l’ont for-
mée
, parce qu’elles ſont les mêmes que celles de la propoſition
précédente
, il ſuffira ſeulement de dire que pour avoir la valeur
de
l’inconnuë x, il faut d’abord effacer c, de toute part, &
faire
paſſer
{aa + 2da/2} + {dd/2} du premier membre dans le ſecond, afin d’avoir
{hb + 2nh/2x} = bf - {aa - 2da/2} - {dd/3} d’où faiſant évanoüir la fraction
du
premier membre, il viendra hh + 2nh = 2xbf - xaa - 2xad
-
{2xdd/3} or ſi l’on diviſe cette équation par 2bf - aa - 2ad
-
{2dd/3} elle ſera changée en celle-ci 2bf-aa-2ad-{2dd/3} = x,
qui
donne la valeur de x.
APLICATION.
Supoſant que la puiſſance P, ſoit de 66 pieds, que GA, ou h,
ſoit
de 7 pieds, ED, ou d, de 6, AE, ou a, de 3, l’on aura 9
pour
la valeur de n:
cela poſé, le dividende de l’équation précé-
dente
ſera 175, &
le diviſeur ſera 63, ainſi faiſant la diviſion, l’on
aura
pour quotient 2 + {7/9} ou ce qui eſt la même choſe {25/9} = x,
c’eſt-à-dire
, qu’il faut diviſer ch, par {25/9} mais comme {ch/{25/9}} eſt la
8860LA SCIENCE DES INGENIEURS, même choſe que {9ch/25}, l’on voit que ſuprimant ch, qui eſt inutile, &
retranchant
le numerateur du dénominateur, il vient {9/16} qui mar-
que
le raport de l’épaiſſeur qu’il faut donner aux contreforts avec
l’intervalle
dont ils doivent être éloignés les uns des autres;
c’eſt-
à-dire
, par exemple, que ſi l’on donnoit 4 pieds {1/2} d’épaiſſeur
aux
contreforts, il faudroit les conſtruire a 8 pieds les uns des
autres
.
PROPOSITION QUATRIE’ME.
Proble’me.
48. Ayant déterminé la longueur GA, des contreforts,
11Fig. 6. leur épaiſſeur &
leur diſtance, de même que la ligne de
ED
, &
la hauteur CE, l’on demande qu’elle épaiſſeur il
faudra
donner au ſommet BC, du revêtement pour qu’il
ſoit
en équilibre par ſon poids avec une puiſſance qui tire-
roit
de C, en Q.
Nous nommerons GA, h; ED, d; la hauteur CE, c; l’épaiſſeur
BC
, ou AE, x;
& la puiſſance bf, comme à l’ordinaire; or com-
me
l’on ſupoſe que l’eſpace occupé par les contreforts eſt à toute
l’étenduë
LMNO, comme 2 eſt à 5, la reduction des contreforts,
ou
ſi l’on veut, la valeur du poids L, ſera donc {2hc/5}, le poids M,
ſera
xc, &
le poids N, {cd/2}; ſi préſentement l’on réünit ces trois
poids
dans un ſeul O, &
qu’on multiplie enſuite ce poids par le bras
ID
, l’on aura comme ci-devant un produit égal à celui de la puiſ-
ſance
P, par ſon bras de lévier DQ.
par conſéquent cette équation
{xxc/2} + xcd + {2xhc/5} + {hhc/5} + {2hdc/5} + {ddc/3} = bfc, d’où faiſant paſſer du pre-
mier
membre dans le ſecond les termes l’inconnuë ne ſe trouve
point
, &
diviſant le tout par c, l’on aura {xx/2} + xd + {2xh/5} = bf - {hh/5}
-
{2hd/5} - {dd/3}, mais ſi l’on ſupoſe n = d + {2h/5} l’on aura nx,
= dx + {2hx/5} &
mettant nx, à la place de ſa valeur dans l’équation
8961LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. précédente, & multipliant le tout par 2 pour faire évanoüir la frac-
tion
{xx/2} elle ſera changée en celle-ci, xx + 2nx = 2bf - {2hh/5}
-
{4dh/5} - {2dd/3} à laquelle ajoûtant nn, de part &
d’autre, il viendra
xx
+ 2nx + nn = 2bf + nn - {2bh/4} - {4dh/5} - {2dd/3};
or ſi de cette
équation
l’on en extrait la racine quarrée, &
qu’on dégage en-
ſuite
l’inconnuë, on aura cette derniere équation,
x
= √2bf + nn - {2hh/4} - {4dh/5} - {2dd/3}\x{0020} - n, qui donne ce que
l’on
cherche.
APLICATION.
Si l’on ſupoſe que la puiſſance bf, ſoit de 55 pieds & que GA,
(h) ſoit de 5, &
la ligne de talud ED, de 4, l’on n’aura qu’à faire
les
mêmes opérations par les nombres que celles qui ſont indiquées
dans
la derniere équation, &
l’on trouvera que l’épaiſſeur BC, ou
AE
, doit être de 4 pieds 5 pouces 4 lignes, pour que le revête-
ment
joint aux contreforts ſoit en équilibre avec la puiſſance.
Remarque.
49. Après qu’on aura trouvé le point d’équilibre au ſujet de quel-
qu’un
des Problémes précédens, on pourra mettre le revêtement
&
les contreforts au-deſſus de la pouſſée des terres, ſoit en donnant
un
peu plus d’épaiſſeur au ſommet, ou en augmentant la ligne de
talud
ou la longueur des contreforts, je n’en donne point d’exemple,
parce
que ceci peut ſe faire ſans aucune difficulté.
Examen des differentes Figures qu’on peut donner à la baſe des
contreforts
.
50. On a inſinué au commencement de ce Chapitre, qu’il fal-
loit
avoir égard à la figure qu’il convenoit de donner à la baſe des
contreforts
, ſelon les differens uſages des murs auſquels ils ſeroient
apliqués
;
comme c’eſt ici l’endroit d’en examiner toutes les cir-
conſtances
, voici ce qui m’a parû qu’on pouvoit dire ſur ce ſu-
jet
.
Quand il s’agit des murs qui ne ſoûtiennent aucune pouſſée com-
me
ſont ceux de clôture, &
qu’on juge à propos d’y faire des con-
9062LA SCIENCE DES INGENIEURS, treforts, il ſemble qu’il eſt aſſés indifferent de donner à leur baſe
telle
figure que l’on voudra, parce que dans ce cas, les contre-
forts
ne ſervent guere qu’à donner plus d’aſſiette aux murs, &
com-
me
on a coûtume de faire leur baſe rectangulaire, il ne ſera pas
mal
de ſuivre l’uſage, c’eſt pourquoi nous ne nous y arrêterons
point
.
Mais quand les contreforts ſont apliqués derriere des revêtemens,
qui
doivent ſoûtenir des terres &
autres poids conſidérables, la baſe
qui
convient le mieux eſt de la faire comme ECDF;
c’eſt-à-dire,
11Fig. 9. lui donner plus de largeur à la queuë CD, qu’à la racine EF, par-
ce
que le centre de gravité au lieu d’être dans le milieu de ſa lon-
gueur
, comme au rectangle AB, ſera plus éloigné du point d’apui,
par
conſéquent le bras de lévier, qui répond au poids, devenant plus
long
, le revêtement ſera capable d’une plus grande réſiſtance qu’au-
paravant
avec la même quantité de maçonnerie;
& ſi j’ai ſupoſé
rectangulaire
la baſe des contreforts qui ont eu lieu dans les pro-
poſitions
précédentes, ce n’eſt pas que j’aie voulu montrer qu’il
falloit
la faire ainſi, ç’a été ſeulement pour agir avec plus de ſim-
plicité
.
Si les contreforts ſont en dehors, c’eſt-à-dire, opoſés à la pouſ-
ſée
de la puiſſance qui agit, comme aux piés-droits des Voûtes, il
faut
au contraire faire leurs baſes plus larges à la racine qu’à la queuë
comme
IHGK, parce que le centre de gravité ſera plus éloigné
22Fig. 9. du point d’apui, &
que le bras de lévier qui répond au poids ſe
trouvera
encore allongé comme dans le cas précédent, mais dans
un
ſens contraire, ce qui donnera beaucoupplus de force aux piés-
droits
&
aux contreforts. Je ne parle pas de pluſieurs autres figures
qu’on
pourroit donner à la baſe des contreforts pour fortifier en-
core
davantage les revêtemens, parce que ces figures dépendroient
de
certaines courbes qu’il ſeroit bien difficile de faire entendre, non-
ſeulement
aux maçons, mais même à ceux qui les dirigent, j’ai de
la
répugnance auſſi-bien qu’eux pour tout ce qui n’eſt pas d’une
utilité
eſſentielle, ſur-tout dans les choſes qui demandent d’être
executées
par des voyes ſimples.
Mais pour juger exactement de la réſiſtance dont les revêtemens
peuvent
être capables par raport à la figure qu’on donnera à leurs
contreforts
, nous ſupoſerons que le profil Lr, apartient à trois re-
vêtemens
differens, dont le premier auroit tous ſes contreforts
comme
AB, le ſecond comme CF, &
le troiſiéme comme HK;
33Fig. 8.
& 9.
que ces contreforts ſont égaux enſuperficie, &
que par conſéquent
la
quantité de maçonnerie eſt égale pour chacun des revêtemens.
9163LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. Cela poſé, remarqués que dans le rectangle AB, le centre de gra-
vité
eſt au point O, milieu de la longueur LR (par l’art.
I.) qui ré-
pond
auſſi au profil:
mais qu’il n’en eſt pas de même de l’autre plan
CF
, puiſque pour avoir ſon centre de gravité, ſelon l’art.
10. il
faut
diviſer la ligne LR, en trois également, enſuite couper la par-
tie
du milieu MQ, au point N, de maniere que NM, ſoit à NQ,
comme
EF, eſt à CD;
or ayant fait CD, double de EF, NQ, ſera
double
de NM, par conſequent le point N, ſera le centre de gra-
vité
;
mais dans le profil, le poids qui exprimera le contrefort pé-
ſera
plus en N, qu’en O, dans la raiſon de NZ, à OZ, qu’on doit
regarder
comme des bras de léviers dont le point d’apui eſt en Z,
par
conſéquent le contrefort CF, réſiſtera plus que AB, dans la rai-
ſon
des lignes NZ, &
OZ.
Cependant le contrefort CF, réſiſtera encore bien davantage que
HK
, ſi la ligne GK, eſt double de HI, car pour lors MP, ſera
double
de PQ, parce que le centre de gravité ſera au point P, &

le
poids qui y ſera ſuſpendu ne péſera pas tant que s’il étoit en O,
&
encore moins que s’il étoit en N, dans la raiſon que PZ, ſera
plus
petit que NZ.
Il ſuit de ce que l’on vient de dire, que plus les lignes égales
CD
, &
GK, ſeront plus grandes que EF, & HI, plus le contre-
fort
CF, aura ſa réſiſtance au-deſſus de HK, quand les baſes de
ces
deux contreforts ſeront égales en ſuperficie.
Voulant exprimer d’une maniere generale, la reſiſtance dont cha-
cun
des trois revêtemens eſt capable, nous nommerons RV, a;
VZ, d; Vr, c; RZ, q; LR, h; & le tiers de la même ligne LR, n;
l’on
aura {aac + 2acd/2} + {cdd/3} pour le rectangle Rr, &
le triangle
de
talud réüni autour du point T, multiplié par le bras de lévier
TZ
;
d’autre côté ch, exprimera la valeur du rectangle des contre-
forts
, &
ſi l’on ſupoſe que ſelon l’Article 46, la maçonnerie de ces
contreforts
occupe un tiers de l’eſpace qui eſt entre la queuë &
la
racine
, l’on aura {ch/3} pour la valeur des contreforts réduite, qu’il
faut
multiplier par les bras des léviers OZ ({2q + 3n/2}) NZ ({3q + 5n/3})
PZ
({3q + 4n/3}) dont les produits ſeront {2cbq + 3chn/6}, {3chq + 5hcn/9},
{3chq + 4chn/9} qu’il faudroit diviſer par TZ, pour réünir chaque poids
au
point T;
mais comme ces grandeurs doivent-être enſuite mul-
9264LA SCIENCE DES INGENIEURS, tipliées par la même ligne TZ, quand on voudra former les équa-
tions
des poids &
des puiſſances par leur bras de léviers, on ſe con-
tentera
d’ajouter chacun de ſes produits avec {aac + 2acd/2} + {ddc/3}
ainſi
nommant x, la puiſſance qui ſera en équilibre avec le premier
revêtement
des contreforts AB, l’on aura {aa + 2ad/2} + {dd/3} + {2hq + 3hn/6}
= x, nommant y, celle du revêtement dont les contreforts ſeront
comme
CF, l’on aura {aa + 2ad/2} + {dd/3} + {3hq + 5hn/9} = y, enfin nom-
mant
z, la puiſſance qui eſt en équilibre avec la réſiſtance du
revêtement
, dont les contreforts ſont comme HK, l’on aura
{aa + 2ad/2} + {3hq/3} + {3hq + 4hn/9} = z, par conſéquent ſi on donne des
valeurs
en nombre aux lignes qui ſont exprimées par les lettres qui
compoſent
les premiers membres des équations précédentes, il ſera
aiſé
de connoître le raport des trois puiſſances, x, y, z, qui fera
voir
de combien ces revêtemens ont plus de force les uns que les
autres
.
Il ſuit de tout ce que l’on vient de voir, que ſi l’on veut faire
des
revêtemens qui ayent la même hauteur, &
des pouſſées égales
à
ſoûtenir, que pour les mettre en équilibre, on ſera contraint de
donner
plus d’épaiſſeur au ſommet de ceux qui auront leurs con-
treforts
comme HK, que s’ils les avoient comme CF.
Je ne ſais par quelle raiſon on fait ordinairement les contreforts
des
revêtemens de fortification plûtôt comme HK, que comme
CF
, ſi ce n’eſt pour les lier davantage à la muraille, puiſque ſi l’on
en
excepte ce motif qui eſt de conſéquence, ſur-tout quand on n’a
pas
de bons matériaux, on ne peut pas douter qu’il ne faille beau-
coup
plus de maçonnerie, ſelon la premiere maniere, queſelon la ſe-
conde
, pour faire le même effet:
il y en a qui veulent que ce ſoit
pour
diminuer la pouſſée des Terres;
mais c’eſt une erreur, puiſ-
qu’elles
agiront de même, de quelque façon que les contreforts
ſoient
, comme il eſt aiſé de le prouver.
D’autres prétendent que
c’eſt
afin qu’ils ſoûtiennent plus long-tems la violence du Canon
quand
on bat en brêche, &
qu’ils empêchent que la chemiſe d’un
Ouvrage
ne ſoit pas ſi-tôt ruinée:
cette raiſon n’eſt pas meilleure que
la
précédente, comme on le va voir.
Supoſant que la muraille ait été ruinée juſqu’à la racine des con-
treforts
, on ſait bien que quand les batteries des aſſiégeans en ſont
, les contreforts ne ſont pas un petit obſtacle à l’avancement de
9365LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. la brêche, puiſqu’ayant moins de priſe que le reſte, ce n’eſt pas
ſans
difficulté que l’ennemi parvient à les raſer, au point de ren-
dre
la brêche praticable.
Or, la queſtion ſe réduit à ſavoir lequel
des
deux contreforts CF, ou HK, ſoûtiendra plus long-tems le choc
des
boulets;
pour en juger, nous les examinerons comme s’ils
étoient
détachés du revêtement.
On ne peut pas diſconvenir que la face FH, étant celle qui ſe
11Fig. 10.
& 11.
préſente à l’ennemi, ne ſoit plûtôt détruite que l’autre BC, parce
que
les angles aigus F, &
H, ont peu de ſolidité; & comme ce
qui
reſtera du contrefort va toûjours en diminuant vers la queuë,
l’ébranlement
augmentant à meſure que les premieres parties ſeront
détachées
, la deſtruction totale ſera bien-tôt achevée.
Il n’en eſt pas de même ſelon l’autre figure; car comme la face
BC
, préſente un plus petit front, elle ſera moins en priſe, les an-
gles
obtus B &
C ſe ſoûtiendront davantage que les autres F &
H
.
D’ailleurs les faces AB, & BC, ne ſe préſentant que de biais, le
boulet
ne les choquera point avec la force abſoluë, ainſi la deſ-
truction
ne pourra ſe faire que ſucceſſivement, à meſure que les par-
ties
qui ſont immédiatement derriere la ligne BC, ſeront détruites;
& je ne doute nullement que s’il faut 40 coups de Canon pour
raſer
le contrefort FH, il n’en faille plus de 60 pour le contrefort
AC
;
& comme il arrivera la même choſe à tous les autres qui ac-
compagneront
ce dernier dans l’étenduë de la brêche, on ne peut
pas
conteſter qu’un revêtement dont les contreforts ſont plus épais
à
la queuë qu’à la racine, ne ſe ſoûtiennent bien plus long-tems que
s’ils
étoient faits comme on les pratique ordinairement.
Au reſte
je
ne veux rien décider abſolument là-deſſus, j’expoſe mes refle-
xions
, on en fera l’uſage qu’on jugera à propos;
ce que je pourrois
dire
pour juſtifier ce que j’avance quelquefois, qui n’eſt pas con-
forme
à l’uſage, c’eſt que je ne rapporte rien qui ne ſoit établi ſur
des
démonſtrations.
Pour lier cette diſſertation avec les propoſitions de ce Chapitre,
il
eſt à propos de faire remarquer, que ſoit qu’on ſe ſerve des con-
22Fig. 9. treforts comme CF, ou comme HK, on réſoudra tous les Problé-
mes
précédens de la même façon que ſi ces contreforts étoient
comme
AB, puiſqu’il n’y aura d’autre difference que dans la ſitua-
tion
du centre de gravité;
c’eſt pourquoi quand ils ſeront comme
CF
, il faudra multiplier la ſuperficie des contreforts par la ligne
NZ
, &
quand on les fera comme HK, il faudra la multiplier par
PZ
, &
non pas par OZ, à cauſe que le bras de lévier eſt augmenté
dans
le premier cas, &
diminué dans le ſecond: à cela près, tout
9466LA SCIENCE DES INGENIEURS, le reſte ſe fera comme il a été enſeigné.
Mr. Delormes, me voyant travailler à cet Ouvrage, me dit qu’ayant
démoli
dans la derniere Guerre pluſieurs Places du Duc de
Savoye
, entr’autres Pignerol, Verceilles, Hivrée, &
Veruë, il avoit re-
marqué
que tous les contreforts des revêtemens de ces Places
étoient
liés enſemble par une Arcade, qui alloit ſe terminer à la hau-
teur
du.
cordon, & qu’au-deſſus des Arcades & des contreforts,
il
regnoit une eſpece de banquette ſur laquelle repoſoit la plus
grande
partie des Terres du Parapet:
cela lui a fait penſer, que pour
fortifier
les revêtemens contre la pouſſée des Terres, l’effet du
Canon
, &
empêcher que la brêche ne ſe fit ſi-tôt, on pourroit dans
l’entre-deux
des contreforts faire une Arcade, qui, régnant ſur toute
leur
longueur, contribuëroit beaucoup à rendre le revêtement plus
ſolide
, ſans être obligé de lui donner tant d’épaiſſeur au ſommet,
ſur-tout
quand il s’agiroit d’une hauteur de Rempart conſidérable;
& ſon deſſein ſeroit, que faiſant ces Arcades en plein ceintre, la
hauteur
ſous la clef fut environ les deux tiers de toute la hauteur
du
revêtement ou des contreforts depuis la retraite juſqu’au cor-
don
.
L’avantage de cette conſtruction eſt que l’ennemi, après avoir
ruïné
la chemiſe, ſeroit encore, non-ſeulement dans la néceſſité de
battre
les contreforts, mais auſſi de détruire les Arcades qui ſe-
roient
d’un grand obſtacle à l’éboulement des Terres &
à l’avan-
cement
de la brêche;
deſorte qu’à le bien prendre, il auroit deux
revêtemens
pour un à ruiner.
Je viens d’aprendre que Mr. du Vivier, Ingénieur en Chef de
Charlemont
, a propoſé depuis peu un nouveau ſiſtême de revête-
ment
, dans lequel il employe quatre Arcades l’une ſur l’autre pour
lier
les contreforts;
& par-là le revêtement devient ſi ſolide, qu’il
lui
ſuffit de donner trois pieds d’épaiſſeur ſur la retraite comme au
ſommet
, parce qu’il eſt fait à plomb devant &
derriere, ſans doute
pour
ne point expoſer le parement aux injures de l’air, qui eſt une
précaution
que j’aprouverai toûjours, malgré tout ce que j’ai
dire
en faveur des taluds;
mais comme ce n’a été que dans l’eſprit
d’une
Théorie qui ne doit rien laiſſer échaper de tout ce qui mé-
rite
quelque attention, j’ai toûjours entendu, que quand il ſeroit
queſtion
d’élever des murs, on ne doit point ſe ſervir de mes re-
marques
au préjudice des attentions qu’on doit avoir dans la pra-
tique
par raport à la qualité des materiaux qu’on employe &
aux
autres
circonſtances inſéparables de l’objet que l’on a en vûë:
pour
tout
dire en un mot, quand on aura occaſion de donner beaucoup
de
talud à un mur ſans qu’il devienne contraire à ſa durée, on ne
9567LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. doit point y manquer, parce qu’il faudra moins de Maçonnerie;
mais ſi l’on s’aperçoit qu’il puiſſe devenir nuiſible dans la ſuite, il
vaut
mieux lui en donner moins &
ne point s’embaraſſer ſi l’on em-
ploye
plus de matériaux, il arrivera toûjours que ſi l’on perd d’un
côté
l’on gagnera de l’autre.
Je prévois que bien des gens, qui ne jugent des choſes que ſu-
perficielement
, &
même ſouvent ſansles entendre, diront peut-être
après
avoir ce que je viens d’écrire, que j’aurois me diſpen-
ſer
de prendre tant de peine pour développer un ſujet ſur lequel on
ſait
à quoi s’en tenir depuis long-tems, puiſque je ne dois point
ignorer
que Mr.
de Vauban a donné un Profil qui convient à toute
ſorte
de Rempars.
Je ne diſconviens pas que ce Profil ne ſoit
bien
imaginé:
mais, qu’il me ſoit permis de demander ſi l’on a quel-
que
certitude de la juſteſſe de ſes dimenſions;
car, comme il n’eſt
établi
ſur aucun principe démontré, il pouroit bien n’être pas ſi
juſte
qu’on ſe l’eſt imaginé:
ce n’eſt pas au reſte que je veüille en
diminuër
le mérite, je fais trop de cas de tout ce qui vient de ſon il-
luſtre
Auteur, pour m’emanciper dans une cenſure, qui me ſiéroit
mal
;
mais, comme le reſpect qu’on doit à la memoire des grands-hom-
mes
ne nous oblige point à recevoir aveuglement tout ce qui vient
d’eux
, je vais faire un Paralelle du Profil général avec les Régles
que
je viens d’établir.
51. Paralelle du Profil general de Mr. de Vauban avec
les
Régles des Chapitres précédens.
Mr. de Vauban s’étant aperçû que les anciens Ingenieurs n’é-
toient
point d’accord ſur les dimenſions qu’il falloit donner aux
revêtemens
de Maçonnerie, les uns les faiſant d’une épaiſſeur ex-
traordinaire
, &
les autres leur donnant à peine celle qu’il falloit
pour
ſoûtenir le poids des Terres, a établi un Profil general ac-
commodé
à toutes ſortes de hauteurs de Rempars depuis dix pieds
juſqu’à
quatre-vingts;
& quoiqu’il ſoit aſſés connu de ceux qui s’a-
pliquent
aux Fortifications, il m’a parû que je ne ferois pas mal
d’en
donner l’Explication telle qu’on la tient de Mr.
de Vauban lui-
11Explica-
tion
qui
eſt
relati-
ve
au
Profil
de
Mr
. de
Vauban
.
même, avant d’entrer dans aucun détail, afin qu’on puiſſe verifier
mes
Obſervations, ſans être obligé d’aller chercher ce Profil ailleurs.
10. Dans le Pays la Maçonnerie eſt fort bonne, on peut fixer
l’épaiſſeur
au ſommet à quatre pieds &
demi; mais dans les lieux
elle ne le ſera pas, il faudra l’augmenter juſqu’à cinq pieds ſix
pouces
, &
même plus, ſi elle eſt fort mauvaiſe.
9668LA SCIENCE DES INGENIEURS,
20. Que les contreforts aux angles ſaillans doivent être redou-
blés
&
braſés de part & d’autre par raport aux lignes droites qui for-
11Fig. 12. ment ces angles.
30. Qu’ils ſeront toûjours élevés à plomb à l’extrémité & par
les
côtés, &
bien liés au corps de la muraille.
40. Que les contreforts ſeront élevés auſſi haut que le cordon;
ils ſeroient encore meilleurs, ſi on leur donnoit deux pieds de plus
pour
le ſoûtien du Parapet.
50. Que dans les Ouvrages le revêtement n’eſt élevé qu’à
moitié
ou aux trois quarts du Rempart, &
le ſurplus en gaſons en
placage
, il faudra régler ſon épaiſſeur comme s’il devoit être élevé
en
Maçonnerie juſqu’au ſommet du rempart:
par exemple, ſi on
élevoit
quinze pieds en gaſon au-deſſus du revêtement, il faudroit
augmenter
l’épaiſſeur au ſommet de trois pieds, avec cinq qu’elle
auroit
déja, pour en avoir huit à la naiſſance du gaſon.
60. Qu’il faut augmenter la grandeur & la ſolidité des contre-
forts
à proportion de l’élevation du revêtement:
par exemple, ſi
le
revêtement a 35 pieds de haut, ſavoir 20 en revêtement &
15
en
gaſon, il faudra y faire les contreforts qui ont été reglés par
le
Profil de 35 pieds de haut, &
que le revêtement ait la même
épaiſſeur
à 20 pieds de haut comme s’il en avoit 35.
70. Que dans les endroits on fera des Cavaliers comme à
Maubeuge
, il faudra augmenter le ſommet du Profil d’un demi
pied
d’épais pour chaque cinq pieds que le Cavalier ſera élevé au-
deſſus
du revêtement, &
la ſolidité des contreforts à proportion:
ce qui doit s’entendre des gros revêtemens de la place, & non pas
de
ceux que l’on fait quelque fois aux Cavaliers, &
ſeulement quand
le
pied du Cavalier aproche de trois à quatre toiſes du Parapet.
80. Que les deux dernieres Colomnes de la Table portent en
toiſes
, pieds, &
pouces cubes, ce que chaque toiſe courante de
tous
ces differens Profils en contient, réduction faite des contreforts.
90. Que ces Profils ne ſont propoſés que pour la Maçonnerie
qui
doit ſoûtenir de grands poids de Terre nouvellement remuée,
&
non pas celle qu’on endoſſe contre la terre vierge, qui ne l’a pas
encore
été comme ſont la plûpart des revêtemens de Foſſés.
Mr. de Vauban raporte, à la ſuite de cette Explication, une Table
compoſée
de pluſieurs Colomnes, les Dimenſions de chaque
Profil
particulier qu’on voit contenuës dans la figure, ſont rapor-
tées
&
proportionnées à ce qu’il dit, au poids des Terres qu’ils au-
ront
à ſoûtenir;
& , pour en marquer la bonté, il ajoûte qu’on l’a ex-
perimentée
ſur plus de 500000 toiſes cubes de Maçonnerie baties
à
150 Places fortifiées par les ordres de Loüis le Grand.
9769LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE.
TABLE
Pour expliquer les Dimenſious contenuës au Profil général
de
Mr. de Vauban.
11Hauteur \\ des pro- \\ fils ou \\ revête- \\ mens. # Epaiſſeur \\ des re- \\ vêtemens \\ au ſom- \\ met. # Epaiſſeur \\ des re- \\ vêtemens \\ ſurla re- \\ traite. # Diſtance \\ du milieu \\ d’un con- \\ trefort à \\ l’autre. # Diſtance \\ du milieu \\ d’un con- \\ trefort à \\ l’autre. # Longueur \\ des con- \\ treforts. # Epaiſſeur \\ des con- \\ treforts à \\ la racine. # # Epaiſſeur \\ des con- \\ treforts à \\ la queuë. # # # # Solidité de la Ma- \\ çonnerie par toiſes \\ courantes, les con- \\ tréforts étant de \\ 18 pieds en 18 \\ pieds. # # # # Solidité de la Ma- \\ çonnerie par \\ toiſes courantes \\ les contreforts \\ étant de 15 \\ pieds en 15 \\ pieds.
pieds
. # pieds. # pieds. # pieds. # pieds. # pieds. # pieds. # pi. # po. # pie. # pou. # lig. # poi. # pie. # pou. # lig. # poi.
10
# 5 # 7 # 18 # 15 # 4 # 3 # 2. # 0 # 2. # 0. # 11. # 1 # 2. # 1. # 1. # 4
20
# 5 # 9 # 18 # 15 # 6 # 4 # 2. # 8 # 4. # 5. # 0. # 5 # 4. # 5. # 9. # 4
30
# 5 # 11 # 18 # 15 # 8 # 5 # 3. # 4 # 8. # 3. # 3. # 1 # 8. # 5. # 1. # 4
40
# 5 # 13 # 18 # 15 # 10 # 6 # 4. # 0 # 13. # 2. # 6. # 2 # 14. # 0. # 2. # 8
50
# 5 # 15 # 18 # 15 # 12 # 7 # 4. # 8 # 19. # 3. # 8. # 10 # 20. # 4. # 2. # 8
60
# 5 # 17 # 18 # 15 # 14 # 8 # 5. # 4 # 27. # 1. # 10. # 2 # 29. # 6. # 2. # 8
70
# 5 # 19 # 18 # 15 # 16 # 9 # 6. # 0 # 36. # 3. # 9. # 4 # 39. # 3. # 4. # 0
80
# 5 # 21 # 18 # 15 # 18 # 10 # 6. # 8 # 47. # 4. # 5. # 4 # 51. # 2. # 8. # 0
Tous les revêtemens depuis 10 pieds juſqu’à 80 ſont ſupoſés avoir
pour
talud la cinquiéme partie de la hauteur, comme on en peut juger
par
la figure générale:
quoique la plûpart des Ingenieurs trouvent ce
talud
trop grand, Mr.
de Vauban l’a pourtant ſuivi dans toutes les
Places
qu’il a fait bâtir;
& comme il y a aparence qu’il n’ignoroit pas
les
raiſons que l’on a aujourd’hui d’en donner moins, il faut croire
qu’il
ne les a pas jugé aſſés fortes pour y avoir égard.
Pour ne pas ſe meprendre dans l’uſage de cette Table, j’ajoûte-
rai
au ſujet des contreforts, que Mr.
de Vauban propoſe de les faire
de
18 pieds en 18 pieds, comme on le voit dans la quatriéme co-
lomne
, ou bien de 15 pieds en 15 pieds, comme il eſt marqué dans
la
cinquiéme;
c’eſt-à-dire, que ſi l’on eſtimoit que le revêtement
d’un
des Profils, dont on voudroit ſe ſervir, ne fût point aſſés ſolide
pour
ſoûtenir le poids des Terres, au lieu de donner 18 pieds du
milieu
d’un contrefort à l’autre, on n’en donneroit que 15:
aparam-
ment
que ſon deſſein a été qu’on en uſàt ainſi, lorſque le revêtement
9870LA SCIENCE DES INGENIEURS, auroit à ſoùtenir quelque choſe de plus que le ſempart ordinaire,
comme
ſeroit, par exemple, un Cavalier ou quelque retranchement,
puiſque
dans les Fortifications de Landau, du neuf-Briſac, de Béfort,
&
c. il les a mis à la diſtance de 18 pieds: mais, d’une façon comme
de
l’autre, il donne toûjours les mêmes Dimenſions aux contreforts;
c’eſt-à-dire, que ſoit qu’on les faſſe de 15 piedsen 15 pieds, ou de
18
en 18, ils ont la même longueur &
la même épaiſſeur à la racine
qu’à
la queuë, comme on le voit dans la Table.
Comme il entre plus de maçonnerie dans les revêtemens, dont
les
contreforts ſont de 15 pieds en 15 pieds, que dans ceux ils
ſont
de 18 en 18, il a donné les deux dernieres colomnes de la Ta-
ble
:
dans la penultiéme on y trouve en toiſes, pieds, & pouces cu-
bes
(comme il l’a dit dans le huitiéme article de ſon Explication)
la
valeur d’une toiſe courante des revêtemens, y compris les con-
treforts
réduits, lorſqu’ils ſont de 18 pieds en 18 pieds;
& la derniere
eſt
auſſi la valeur d’une toiſe courante des mêmes revêtemens lorſ-
qu’ils
ne ſont que de 15 p.
en 15 p. Mais on remarquera que cette
valeur
de la toiſe courante, dans l’une &
l’autre colomne, ne doit
être
comptée que pour la maçonnerie des révêtemens au-deſſus de
la
retraite, parce qu’il n’y eſt pas queſtion des fondemens, à cauſe
que
la difference du terrain peut les rendre plus profonds dans un
endroit
que dans l’autre.
On remarquera encore, que ſelon ce qui eſt raporté dans la ſep-
tiéme
&
huitiéme colomne, auſſi-bien qu’au Profil général, tous les
contreforts
ſont plus épais à la racine qu’à la queuë, &
que cette
épaiſſeur
de la queuë eſt les deux tiers de celle de la racine, la-
quelle
va toûjours en augmentant d’un pied à meſure que la hau-
teur
des revêtemens augmente de 10, &
que la longueur des mê-
mes
contreforts augmente de deux pieds en ſuivant encore la pro-
portion
des hauteurs.
Aux contreforts dont j’ai parlé dans l’art. 50. j’ai ſupoſé que la
racine
GK, étoit double de la queuë HI, parce que voulant les diſ-
poſer
dans un ſens contraire, comme au contrefort CF, pour les
11Fig. 9. raiſons que j’en ai donné, il ma parû qu’il valoit mieux faire la li-
gne
EF, moitié de CD, que ſi elle en étoit les deux tiers, à cauſe
que
ſelon l’art.
50. plus la queuë des contreforts ſera au-deſſus de
la
racine, plus le revêtement aura de force;
c’eſt pourquoi je n’ai
point
ſuivi la pratique de Mr.
de Vauban.
Si l’on prend garde à la ſeconde colomne de la Table, l’on verra
que
les revêtemens, à quelque hauteur qu’on veüille les faire, doi-
vent
toûjours avoir cinq pieds au ſommet, ainſi ils ne ſont aug-
9971LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. mentés en épaiſſeur que ſur la retraite, de la quantité dont la ligne
de
talud devient plus grande à meſure que l’élevation eſt plus con-
ſiderable
, ce qui ne rendroit pas ces revêtemeus proportionnés à
la
pouſſée qu’ils ont à ſoûtenir, ſi ce défaut n’étoit reparé en par-
tie
par l’augmentation qu’on doit faire aux contreforts, ſelon ce
qui
eſt dit dans le ſixiéme article de l’explication.
Mais, voilà
le
Profil général ſuffiſamment détaillé, paſſons au Paralelle que je
me
ſuis propoſé.
Quand on eſt accoûtumé d’agir ſelon les principes des Mathé-
matiques
, on ſe fait aiſément des difficultés:
à moins que l’éviden-
ce
ne régne dans tout ce que l’on nous donne pour juſte, l’eſprit
n’eſt
point ſatisfait;
& ce qui paroît indubitable aux yeux de tout
le
monde, donne ſouvent de grands ſujets d’inquiétude aux Géo-
mêtres
.
J’ai été long-tems dans cette diſpoſition à l’occaſion du Pro-
fil
général de Mr.
de Vauban: ce Profil, me ſuis-je dit pluſieurs fois,
doit
être bon, puiſque l’on s’en eſt toûjours ſervi avec ſuccès.
Cela vient-il de ce que les revêtemens qu’on y propoſe ſont en équi-
libre
avec la pouſſée des Terres?
Ou ſeroit-ce à cauſe qu’ils ſont
tellement
au-deſſus de cette pouſſée, qu’il ne peut jamais leur arri-
ver
d’être renverſés?
Si ç’en eſt-là la raiſon, on employe peut-être
ſans
le ſavoir une grande quantité de maçonnerie ſuperfluë:
ſi au
contraire
ils n’ont que les dimenſions qui leur conviennent pour
être
un peu au-deſſus de la pouſſée des Terres, on ne peut pas
s’hazarder
à élever ſur un Rempart, comme on le fait quelquefois,
des
Cavaliers, des retranchemens, ou quelque autre Ouvrage, pour
ſe
couvrir contre les commandemens, parce que le revêtement, ſe
trouvant
trop foible pour ſoûtenir cette nouvelle charge, pourroit
culbuter
dans le Foſſé, comme cela n’eſt pas ſans exemple.
Ces
réfléxions
me faiſoient ſentir qu’il falloit ſavoir calculer la pouſſée
des
Terres pour y proportionner les revêtemens quand on vouloit
les
conſtruire, ou bien pour ſavoir de quelle force ils étoient capa-
bles
après qu’étant une fois conſtruits, on vouloit augmenter la
charge
.
Or, comme c’eſt-là ce que nous nous propoſons d’exami-
ner
ici, nous nous atacherons aux ſix premiers revêtements du Pro-
fil
général, parce qu’il y a aparence qu’il en ſera des autres qui les
ſuivent
comme de ceux-ci, &
nous commencerons par chercher
quelle
eſt la puiſſance avec laquelle chacun d’eux doit être en équi-
libre
, en leur ſupoſant les mêmes dimenſions qui leur répondent
dans
la Table.
Faiſant abſtraction de la petite muraille CN, à laquelle nous
11Fig. 13. n’aurons point égard, parce qu’elle eſt toûjours la même dans cha-
10072LA SCIENCE DES INGENIEURS, que Profil, & que d’ailleurs elle n’eſt plus guére d’uſage, nous
nommerons
l’épaiſſeur AC, ou BD, a;
la hauteur CD, c; la ligne
de
talud DE, d;
la longueur GB des contreforts h; la diſtance
KE
, du centre de gravité des contreforts au point d’apui, n;
& le
raport
de l’eſpace qu’occupe chaque contrefort à l’intervalle
ils
ſont du milieu de l’un au milieu de l’autre, ſera exprimé
par
{p/q}.
Cela poſé, ſi l’on multiplie ch par {p/q} l’on aura {pch/q} pour la
valeur
des contreforts réduite, laquelle étant multipliée par le bras
de
lévier EK, (n) il viendra {pchn/q};
multipliant de mêmele poids
R
, ({dc/2}) par ſon bras de lévier ME, ({2d/3}) &
le poids Q, (ac)
par
le ſien LE;
ajoûtant ces trois produits enſemble, l’on aura
{pchn/q} + {2acd + aac/2} + {cdd/3}, pour la valeur des poids P, Q, R, réünis
au
point L, &
multipliée par le bras de lévier LE, ſelon l’art. 22.
égale au produit du bras de lévier AB, ou ES, par la puiſſance
que
l’on cherche, laquelle étant nommée x, donne, en effaçant c,
{phn/q} + {2ad + aa/2} + {dd/3} = x, qui eſt une équation générale qui
conviendra
à tel Profil de revêtement que l’on voudra, puiſqu’il
ne
faudra avoir égard qu’à la valeur des lettres.
Voulant apliquer cette équation à un revêtement de 20 pieds
de
hauteur, on aura recours à la Table de Mr.
de Vauban, pour
voir
les meſures qui lui apartiennent, &
l’on trouvera que d=4,
a
=5, h=6, n=11 pieds, 9 pouces, 6 lignes, comme l’épaiſ-
ſeur
des contreforts eſt les deux tiers de celle de la racine, &
que
par
conſéquent ces contreforts ont leur baſes trapezoïdes:
remar-
qués
que prenant le Profil GC, pour celui ſur lequel nous opérons
preſentement
, la ligne BG, ſelon l’art.
10. doit être diviſée entrois
parties
égales, &
celle du milieu HI, coupée de façon au point K,
pour
avoir le centre de gravité, que KI, ſoit à KH:
dans la rai-
ſon
de l’épaiſſeur de la queuë à celle de la racine, j’entends comme
2
eſt à 3, ainſi KI, ſera les {2/5} de HI, ou IB, mais comme la
toute
GB, vaut 6, HI, ou IB, ne vaudra que 2, à quoi ajoûtant les
{2/5} du même IB, l’on aura 2 pieds, 9 pouces, 6 lignes pour la
valeur
de KB, qui étant jointe à BE, (a + d) l’on aura 11 pieds,
10173LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. 9 pouces 6 lignes pour la valeur de n; pour ſavoir auſſi ce que
doit
valoir {p/q}, conſiderés que p, doit marquer l’épaiſſeur de cha-
que
contrefort, &
q, l’intervalle de leur milieu: ajoûtant donc les
dimenſions
de la racine avec celles de la queuë, telles qu’on les
trouve
dans la Table, je veux dire 4 pieds, avec 2 pieds 8 pouces,
l’on
aura 6 pieds 8 pouces, dont la moitié qui eſt 3 pieds 4 pou-
ces
, ſera l’épaiſſeur moyenne des contreforts, par conſéquent la
valeur
de p;
quant à celle de q, elle ſera toûjours 18, parce que
c’eſt
la diſtance du milieu d’un contrefort à l’autre, ainſi {p/q} ſera
la
même choſe que {40/216} ou bien {5/27;
} multipliant cette quantité par
la
valeur de nh, l’on trouvera 12 pieds 5 pouces pour {phn/q}, l’on
trouvera
auſſi que {2ad + aa/2} vaut 32 pieds 6 pouces, &
{dd/3}5 pi.
4 pouces.
Joignant donc tous ces nombres enſemble, il viendra 50 pieds
4
pouces 10 lignes pour la valeur de x;
c’eſt-à-dire, pour la puiſ-
ſance
avec laquelle le revêtement de 20 pieds du Profil général
peut
être en équilibre;
c’eſt en faiſant les mêmes calculs avec toute
la
préciſion imaginable, que j’ai trouvé que le revêtement de 10
pieds
de hauteur étoit en équilibre avec une puiſſance de 28 pieds
10
pouces;
celui de 20, avec 50 pieds 4 pouces 10 lignes; ce-
lui
de 30, avec 81 pieds un pouce;
celui de 40, avec 123 pieds
10
pouces;
celui de 50, avec 175 pieds 10 pouces; enfin celui
de
60, avec 237 pieds, 7 pouces.
Pour ſavoir préſentement le raport de la réſiſtance de chacun de
ces
revêtemens avec les puiſſances qui exprimeroient la pouſſée
des
Terres qu’ils ont à ſoûtenir, il faut chercher la valeur de ces
puiſſances
pour 10, 20, 30, 40, 50, &
60 pieds de hauteur dans
la
troiſiéme colomne de la Table que nous avons donnée art.
37.
& l’on trouvera qu’elles ſont équivalentes à 15 pieds 7 pouces;
41
pieds 5 pouces;
75 pieds 4 pouces; 117 pieds 8 pouces;
170
pieds un pouce &
à 233, qui étant comparés avec la réſiſtan-
ce
des revêtemens, l’on aura {15/28}, {41/51}, {75/82}, {117/124}, {170/176}, {233/237}, ou à
peu-près
{1/2}, {1/4}, {1/8}, {1/19}, {1/29}, {1/58}, ce qui fait voir que le revê-
tement
de 10 pieds ſelon le Profil général eſt en état de ſoutenir une
pouſſée
double de celle qu’il ſoûtient naturellement;
que celui de
10274LA SCIENCE DES INGENIEURS, 20, eſt au-deſſus de l’équilibre d’un quart de la réſiſtance qu’il lui
faut
;
celui de 30, n’eſt au-deſſus de l’équilibre que d’un huitiéme;
celui de 40, d’un dix-neuviéme; celui de 50, d’un vingt-uniéme;
&
celui de 60, d’un cinquante-huitiéme.
Comme les raports précédens ont été trouvés par des régles
inconteſtables
, on ne peut donc douter que, dans le Profil géné-
ral
, la réſiſtance des revêtemens ne diminuë à proportion qu’ils
ont
plus d’élevation, puiſque tandis que celui de 10 pieds eſt au-
deſſus
del’équilibre de toute la pouſſée qu’il devroit ſoûtenir natu-
rellement
, celui de ſoixante n’a ſa réſiſtance que d’un cinquante-
huitiéme
au-deſſus de l’équilibre, qui étant une difference fort pe-
tite
, on peut regarder ce revêtement comme en équilibre avec la
pouſſée
des Terres;
ainſi dans ceux qui ſont plus élevés, il eſt à
préſumer
que ſuivant les proportions du Profil général, la pouſſée
deviendra
au-deſſus de la réſiſtance:
au lieu qu’il faudroit que le
revêtement
fût toûjours capable de réſiſter avec une force plus
grande
que la pouſſée, afin de n’avoir rien à craindre des accidens
qui
peuvent arriver, ſoit de la part des grandes pluyes, qui au bout
d’un
certain tems peuvent augmenter conſidérablement le poids
des
terres, ſoit par les ébranlemens qui arrivent quelquefois par le
bruit
du Tonnerre, ou du Canon qu’on tire ſur les Rempars, qui
pourroient
produire des ſecouſſes capables de cauſer le renverſe-
ment
de quelque face d’ouvrages.
D’ailleurs, quand mêmetous ces
mouvemens
ne ſurviendroient point, il y a encore une raiſon pour
mettre
les revêtemens beaucoup au-deſſus de la pouſſée;
c’eſt qu’en
tems
de ſiége, quand un ouvrage eſt battu en bréche, la violence
du
Canon ne peut manquer de cauſer un grand mouvement dans
les
parties de la maçonnerie &
dans les terres, qui pourroit préci-
piter
l’avancement de la brêche, parce que le revêtement ſe trou-
vant
au-deſſous de la pouſſée, comme je le ſupoſe, il auroit plus
de
penchant à culbuter:
on me dira peut-être, que c’eſt vouloir
examiner
les choſes trop phyſiquement;
mais, dansun ſujet comme
celui-ci
, il faut avoir égard à tout.
On fera encore attention que ſi au lieu de donner cinq pieds
d’épaiſſeur
au ſommet, on n’en donnoit que quatre &
demi dans
les
endroits la maçonnerie ſeroit fort bonne, comme il eſt dit
dans
le premier article del’Explication de Mr.
de Vauban, ceſeroit
alors
qu’on auroit tout à craindre du peu de réſiſtance des revê-
temens
de 40, 50, 60, &
70 pieds de hauteur, puiſqu’elle ſe trou-
veroit
au-deſſous de la pouſſée des terres:
car, comme je l’ai dit,
article
13, la liaiſon doit être ſupoſée ici la meilleure qu’il eſt poſ-
10375LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. ſible, & on ne doit avoir égard qu’au poids & à la longueur du bras
de
lévier qui répond à la baſe du mur;
ce qui feroit croire que Mr.
de Vauban n’a pas cette conſideration.
Malgré ce que je viens de dire, je ne regarde pas le Proſil gé-
néral
aſſés défectueux pour ne pouvoir pas s’en ſervir;
l’expe-
rience
, qui prouve le contraire, ne ſeroit pas de mon côté:
je vou-
drois
ſeulement qu’on ne donnât pas tant d’épaiſſeur au ſommet
des
petits revêtemens, &
que pour plus de ſûreté on en donnât
davantage
à celui des plus élevés;
car, je ne vois pas la néceſſité
de
donner cinq pieds au ſommet de celui qui n’en auroit que dix
en
hauteur, comme s’il en avoit quatre-vingt, puiſque, ſi l’on y fait
attention
, c’eſt juſtement de-là que vient le défaut du Profil géné-
ral
;
car comme il faut que les proportions de toutes les parties
de
chaque revêtement augmentent ou diminuent dans la même
raiſon
, ſelon que l’élevation eſt plus grande ou plus petite, afin
que
la réſiſtance ſoit toûjours proportionnée à la pouſſée, il n’y a
point
de doute que ſi une des dimenſions du Profil demeure conſ-
11Fig. 12. tante comme eſt ici celle du ſommet, la pouſſée des terres ne ſoit
au-deſſous
de la réſiſtance des petits revêtemens, &
ne devienne au-
deſſus
de celle des plus grands:
il faut donc que le bras de lévier
22Fig. 18. LE, augmente dans la raiſon de la hauteur AB, pour que la pro-
portion
ne ſoit point interrompuë, au lieu qu’elle ne peut man-
quer
de l’être, tant que les lignes BD, AC, demeureront toûjours
de
cinq pieds, &
que les trois autres AB, BG, DE, augmente-
ront
ou diminuëront.
Or pour ſavoir de combien il faudroit augmenter l’épaiſſeur du
ſommet
des grands revêtemens, &
diminuer celle des petits pour
les
bien proportionner à la pouſſée des terres &
rendre régulier le
Profil
général, nous prendrons pour exemple celui de la figure 13.
& nous nommerons GB, h; KB, g; BD, y; l’on aura g + y + d,
&
{pch/q} ſera la valeur des contreforts réünie autour du centre
de
gravité CK, qui étant multipliée par le bras de lévier KE, don-
nera
{pchg + pchy + pchd/q} pour le produit.
De même, ſi l’on multiplie
le
poids Q (yc) par LE, ({y/2} + d) &
le poids R ({dc/2}) par ME
({2d/3}), joignant ces trois produits enſemble, la ſomme ſera égale
au
produit de la puiſſance hf, par ſon bras de lévier;
ce qui donne,
en
effaçant c de part &
d’autre, {phg + phy + phd/q} + {yy/2} + yd + {dd/3}
10476LA SCIENCE DES INGENIEURS, = bf. Or ſi l’on ſupoſe ny = {phy/q} + dy, &
mettant
ny, à la place de ſa valeur dans l’équation précédente, l’on
aura
{phg + phd/q} + {dd/3} +{yy/2} + ny=bf, d’où faiſant paſſer du pre-
mier
membre dans le ſecond les termes, y ne ſe trouve point,
&
multipliant le tout par 2, il vient yy + 2ny = 2bf - {2dd/3}
-
{2phg - 2phd/q}, ou yy + 2ny + nn = 2bf - {2dd/3} - {2phg - 2phd/q}
+ nn, en ajoûtant nn de part &
d’autre qui donne
y
= √2bf - {2dd/3} - {2phg - 2phd/q} + nn\x{0020} - n, qui eſt une équa-
tion
qui conviendra à tel revêtement que l’on voudra du Profil
general
, puiſqu’il n’y aura que la valeur des lettres qui en fera la
différence
.
Nous ſervant de cette équation pour ſavoir quelle épaiſſeur il
faut
donner au ſommet d’un revêtement de 40 pieds de hauteur,
tiré
du Profil general, afin que ce revêtement ſoit au-deſſus de la
pouſſée
des terres, de telle quantité que l’on voudra, par exemple
d’un
ſixiéme de la même pouſſée, qui doit ſuffire comme j’en ferai
voir
la raiſon dans la ſuite;
il faut chercher dans la troiſiéme co-
lomne
des puiſſances, quelle eſt la valeur de celle qui exprime la
pouſſée
des terres du Parapet &
du Rempart de 40 pieds, l’on trou-
vera
qu’elle eſt de 117 pieds 8 pouces, dont il faut prendre le ſixié-
me
qui eſt 19 pieds 7 pouces 4 lignes, qui étant ajoûtés avec la
valeur
de la puiſſance même, l’on aura 137 pieds 3 pouces 4 lignes
pour
la valeur de bf, qui étant multipliée par 2, afin de ſuivre ce
qui
eſt marqué dans l’équation, il vient 274 pieds 6 pouces 8 lignes
pour
2bf;
& pour avoir de ſuite la valeur des quantités poſitives,
remarqués
que les contreforts pour 40 pieds dans la Table du Profil
general
, ont ſix pieds de racine &
quatre de queuë, & que par con-
ſéquent
l’épaiſſeur moyenne eſt cinq, qui eſt la valeur P, com-
me
la diſtance du milieu d’un contrefort à l’autre eſt toûjours 18
pieds
;
l’on aura donc dans ce cas-là {p/q} = {5/18}: & comme nous
avons
n = {ph/q} + d, n, vaudra donc 10 pieds 9 pouces 4 lignes, dont
le
quarré eſt 116 pieds un pouce 11 lignes, qui étant ajoûtés avec
la
valeur de 2bf, donnent 390 pieds 8 pouces 7 lignes pour les
deux
grandeurs poſitives 2bf + nn;
& cherchant la valeur des né-
105
[Empty page]
106 10[Figure 10]
107
[Empty page]
10877LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. gatives - {2dd/3} - {2phg - 2phg/q}, on trouvera que leur ſomme eſt
113
pieds 4 lignes, qui étant retranchée du nombre précédent, la
différence
eſt 277 pieds 8 pouces 3 lignes, dont la racine quarrée
eſt
16 pieds 8 pouces 9 lignes, d’où il faut retrancher la valeur
de
n, c’eſt-à-dire, 10 pieds 9 pouces 4 lignes, il reſtera 5 pieds
11
pouces 5 lignes, qui eſt l’épaiſſeur qu’il faut donner au ſommet
du
revêtement de 40 pieds du Profil general, pour que ſa réſiſtance
ſoit
au-deſſus de la pouſſee des terres de la ſixiéme partie de la for-
ce
de cette pouſſée.
C’eſt en faiſant les mêmes opérations rélativement à la valeur des
termes
de la formule générale, qu’on trouvera que l’épaiſſeur au
ſommet
pour le revêtement de dix pieds, doit être de 3 pieds 5
pouces
4 lignes;
pour celui de 20, de 4 pieds 8 pouces 9 lignes;
pour celui de 30, de 5 pieds 5 pouces 9 lignes; pour celui de
50
, de 6 pieds 2 pouces 10 lignes;
& pour celui de 60, de 6
pieds
8 pouces 10 lignes.
Convaincu, comme je viens de le prouver, que la plûpart des
revêtemens
du Profil géneral n’étoient pas capables de toute la
réſiſtance
qui paroît leur être neceſſaire pour ſoûtenir la pouſſée
des
terres &
tous les ébranlemens qui peuvent ſurvenir, on ſera ſans
doute
ſurpris que tous ceux que l’on a conſtruits ſe ſoûtiennent en
bon
état depuis long-tems, ſans qu’il leur ſoit arrivé aucun acci-
dent
:
ce qui ſemble détruire mes raiſonnemens, tout démontrés
qu’ils
ſoient.
Cependant l’on verra que cela ne peut guéres arriver
autrement
, ſi l’on fait attention que trois raiſons en ſont la cauſe;
la premiere, c’eſt que les revêtemens que l’on fait d’ordinaire aux
Fortifications
paſſent rarement 35 à 40 pieds, &
qu’à cette hauteur
la
réſiſtance ne laiſſe pas d’être encore beaucoup au-deſſus de la
pouſſée
, comme nous le venons de voir;
la ſeconde, que les terres
n’ont
jamais toute la pouſſée dont elles ſont capables, parce que
quand
on éleve les Rempars, on les entretient avec des lits de faſ-
cinage
, qui font qu’elles ſe ſoûtiennent preſque d’elles-mêmes;
la
troiſiéme
, c’eſt que le pied du revêtement eſt bien lié avec les fon-
demens
, leſquels étant enterrés ne peuvent pas facilement incliner
du
côté du Foſſé, quand même la réſiſtance du revêtement ſeroit
au-deſſous
de l’équilibre:
joignons à cela, que le ſommet des contre-
forts
étant couvert par cinq ou ſix pieds de terres qui compoſent le
Parapet
, ces terres font l’effet d’une puiſſance qui contre-balance
en
partie l’effort de pluſieurs autres puiſſances qui agiroient pour
renverſer
le revêtement;
c’eſt pourquoi j’ai dit ci-devant, qu’il ſuf-
10978LA SCIENCE DES INGENIEURS, firoit de rendre les revêtemens capables de ſoûtenir une pouſſée
qui
ne fut que de la ſixiéme partie audeſſus de celle que cauſent
naturellement
les terres qui ſont élevées derriere;
car enfin les ter-
res
du Parapet agiront d’autant plus puiſſamment ſur les contreforts
pour
les retenir, que ces contreforts ſeront plus longs:
ainſi plus les
revêtemens
ſeront élevés, &
plus dans ce ſens ils trouveront d’obſ-
tacles
à incliner;
il n’y a que dans le cas les terres du Parapet
ſeroient
éboulées quand on bat en brêche, il y auroit quelque
choſe
à craindre, parce que le deſſus des contreforts n’étant plus
retenu
, le revêtement pourroit culbuter ſi la réſiſtance étoit au-
deſſous
de l’équilibre:
quand je dis que cela pourroit arriver ici,
ſi
les terres du Parapet ceſſoient d’apuyer ſur les contreforts, je
veux
parler des revêtemens qui ſont fort enterrés &
dont l’aſſié-
geant
eſt un tems à ne battre que le ſommet des ouvrages, ſans
pouvoir
découvrir le reſte, ainſi on aura toûjours ſujet de rendre
les
revêtemens plus forts que foibles.
Comme on s’eſt toûjours bien trouvé des revêtemens de 30 à
35
pieds de hauteur, en ne leur donnant que cinq pieds d’épaiſ-
ſeur
au ſommet, il ſemble que ce que l’on peut faire de mieux
pour
ſe ſervir en toute ſûreté du Profil general, ſans être obligé
de
faire tous les calculs que je viens de raporter, c’eſt de donner
quatre
pieds d’épaiſſeur au ſommet du revêtement de dix pieds,
quatre
&
demi à celui de vingt, cinq à celui de trente, cinq &
demi
à celui de quarante, &
ainſi des autres dont on augmentera
toûjours
l’épaiſſeur de ſix pouces, à meſure que la hauteur aug-
mentera
de dix pieds;
& à l’égard des autres dimenſions on les
déterminera
comme elles ſont marquées dans la Table du Profil
general
;
pour lors tout ſera bien proportionné, & preſque d’accord
avec
ce que peuvent fournir les régles les plus exactes:
il eſt vrai
que
l’épaiſſeur du ſommet du revêtement de dix pieds ſera un peu
plus
grande qu’ellene devroit être;
mais ce revêtement en ſoûtien-
dra
plus long-tems l’effet du Canon.
Tout ce que je viens de dire ſert, non-ſeulement à faire voir ce
que
l’on peut penſer pour &
contre le Profil general, mais encore
à
mettre les gens du métier en état d’examiner les choſes avec pré-
ciſion
, &
par des voyes qui menent à la verité, & dont les prin-
cipes
peuvent ſervir à quantité d’autres ſujets qui auroient raport
à
celui-ci:
ainſi quand même on reſteroit dansl’opinion de ſe ſervir
du
Profil general tel qu’il eſt ſans y faire aucun changement, cette
diſſertation
n’en ſeroit pas moins utile;
c’eſt pourquoi il n’y a point
d’aparence
qu’on ſoit en droit de me reprocher d’écrire des cho-
11079LIVRE I. DE LA THEORIE DE LA MAÇONNERIE. ſes ſuperfluës, puiſque les Mathématiques ont toûjours cela d’heu-
reux
, que s’il leur arrive quelquefois d’être apliquées à des ſujets qui
paroiſſent
de petite conſéquence, elles s’y rendent au moins néceſ-
ſaires
par le tour qu’on leur a fait prendre, &
c’eſt cette eſpece de
ſagacité
que je cherche ſur toutes choſes à inſinuer à ceux qui veu-
lent
s’inſtruire ſérieuſement, &
ſe mettre en état de juger avec
des
vûës claires &
diſtinctes de tout ce qui ſe préſente.
J’ay penſé pluſieurs fois en écrivant ce premier Livre, que des
perſonnes
, qui n’ont qu’une médiocre connnoiſſance de l’Algebre,
ſeroient
peut-être embarraſſées de ſçavoir pourquoi après avoir fait
paſſer
tous les termes ſe trouve l’inconnu, dans le même membre,
il
falloit ajouter de part &
d’autre le quarré de la moitié du coëfficient
du
ſecond terme, pour faire de ce membre un quarré parfait;
&
qu’un
petit éclairciſſement ſur ce ſujet pouvant leur faire plaiſir, la
remarque
ſuivante ne ſeroit point inutile pour l’Intelligence des
articles
22, 25, 26, &
c.
52. Remarque ſur la réſolution des Problêmes du
deuxiéme
dégré.
Si l’on a deux grandeurs liées enſemble par le ſigne + ou - comme
y
± a, je dis que le quarré de ces deux grandeurs ſera égal au quarré
de
la premiere, plus au quarré de la ſeconde, plus ou moins le pro-
duit
de la premiere par le double de la ſeconde;
ce qui eſt bien
évident
, puiſqu’il vient yy ± 2ay + aa, qui renferme les quarrés de
y
&
de a, & le produit de y & de 2a.
De même, ſi la ſeconde des deux grandeurs étoit multipliée ou
diviſée
comme dans cet exemple, y + 2a, y + {3a/2}, y + {5a/2}, y
-
{ab/c}, le quarré donnera toûjours yy + 4ay + 4aa, yy + 3ay
+ {9aa/4}, yy + 5ay + {25aa/4}, yy - {2aby/c}, + {aabb/cc}, l’on trouve en-
core
le quarré de la premiere &
de la ſeconde grandeur, & le pro-
duit
de la premiere par le double de la ſeconde;
car multipliant 2a,
{3a/2}, {5a/2}, {ab/c}, par deux, il vient 4a, 3a, 5a, {2ab/c}, dont le produit
par
la premiere grandeur y, donne 4ay, 3ay, 5ay, {2ab/c}.
Puiſque les coëfficiens ſont doubles des racines du ſecond quarré,
on
peut conclure que toutes les fois que l’on aura le quarré d’un
inconnu
plus ou moins, cet inconnu multiplié par un coëfficient
11180LA SCIENCE DES INGENIEURS. quelconque, on pourra regarder ce coëfficient comme le double
de
la racine du quarré, qui manque, pour que l’inconnu ſe trouve
compris
dans un quarré parfait, &
qu’ainſi on aur a toûjours la racine
de
ce quarré, en prenant la moitié du coëfficient du ſecond terme.
Quand il arrive que le coëfficient ſe trouve compoſé de pluſieurs
termes
, il faut les ſupoſer n’en valoir tous enſemble qu’un ſeul;
par exemple, ſi l’on avoit yy + {2ay/3} - {3bdy/5c} + 2dy + {bby/d}, on
ſupoſera
{2a/3} - {bd/5c} + 2d + {bb/d} = n;
& comme en multipliant
cette
équation par y, l’on a {2ay/3} - {3bdy/5c} + 2dy + {bby/d} = ny,
on
pourra mettre ny, à la place de ſa valeur;
& au lieu de ce qui
précéde
on aura yy + ny, qu’on pourra changer en quarré, en y ajoû-
tantle
quarré de la moitié du coëfficient, c’eſt-à-dire le quarré de {n/2},
afin
d’avoir yy + ny + {nn/4};
& pour éviter les fractions, on peut encore
ſupoſer
le coëfficient complexe égal à 2n, plûtôt qu’à n ſeul, par-
ce
qu’alors ayant 2ny, au lieu de ny, le quarré ſera yy + 2ny + nn.
Fin du premier Livre.
11[Figure 11]
112 12[Figure 12]
LA SCIENCE
DES
INGENIEURS
DANS
LA CONDUITE DES TRAVAUX
DE
FORTIFICATION.
LIVRE SECOND.
Qui tr aite de la Mécanique des Voûtes, pour montrer la ma-
niere
de déterminer l’épaiſſeur de leurs Piés-droits.
SI l’on a bien conçû ce que je viens d’enſeigner dans
le
Livre précédent, l’on conviendra ſans doute qu’il
y
a une méthode de conſiderer les Sujets qui ſe ra-
portent
à l’Architecture, par laquelle on eſt ſûr de
ne
pas donner dans le faux, dès qu’on ſaura ſe ſer-
vir
heureuſement des connoiſſances acquiſes par l’étude des Ma-
thématiques
;
les principes qu’elles nous preſentent ſont d’une
ſi
grande fécondité, qu’il n’y a rien à quoi ils ne ſoient aplicables,
principalement
ceux de la Mécanique.
C’eſt vainement qu’on vou-
dra
nous perſuader que la pratique, abandonnée à elle-même, peut
arriver
au point de perfection;
l’experience prouve ſouvent
1132LA SCIENCE DES INGENIEURS, le contraire, & j’en vais faire voir un exemple au ſujet des Voûtes,
qui
viendra fort à propos, pour faire ſentir combien il eſt de conſe-
quence
de ne pas ſuivre ſans examen les principes qui ne ſont auto-
riſés
que par l’uſage;
mais, avant cela, il faut que j’inſinuë de quelle
maniere
ſe fait la pouſſée des Voûtes, afin d’examiner ſile ſentiment
qu’on
en doit avoir peut s’accorder avec les productions de la pra-
tique
.
Comme je ſerai obligé d’employer encore l’Algebre en parlant
des
Voûtes, bien des gens qui ne l’entendent point ſe mettront
peut-être
de mauvaiſe humeur de ce que, non content d’en avoir
rempli
tout le premier Livre, je m’en ſers encore dans le ſecond;
mais je les prie de m’excuſer & de lire celui-ci tout de ſuite,
afin
de profiter des endroits qui ſont faciles à entendre, tels que les
Aplications
&
la plus grande partie des Remarques: en recompenſe,
dans
le deſſein de leur faire ma cour, ils trouveront dans le quatrié-
me
Chapitre des Méthodes générales pour avoir l’épaiſſeur des Piés-
droits
de toute ſorte de Voûtes par le ſeul calcul des nombres, ſans
le
melange d’aucun Caractere Algebrique;
moyennant cette con-
dition
, j’eſpere que nous vivrons bien enſemble.
CHAPITRE PREMIER.
l’on enſeigne comme ſe fait la pouſſée des Voûtes.
SI l’on conſidere la Voûte rAZ, formée par une quantité de
11Planch.
4
.
Fig. 1.
Vouſſoirs égaux, l’on ſait que ces Vouſſoirs, quand il s’agit d’une
Voûte
en plain-ceintre, ont été taillés de maniere que leurs joints
prolongés
viennent ſe rencontrer au centre du demi cercle;
ainſi
ces
Vouſſoirs étant plus larges à la tête qu’en bas, doivent être re-
gardés
comme des coins qui s’apuyent &
ſe ſoutiennent les uns les
autres
, &
réſiſtent mutuellement à l’effort de leur péſanteur qui
les
porte à tomber:
car nous ſupoſons ici (pour mieux apercevoir
l’effet
des Vouſſoirs) qu’ils ne ſont entretenus par aucun ciment,
&
ont la liberté de gliſſer comme ſi leurs faces étoient polies, nous
ſupoſerons
encore que les points O, A, D, F, &
c. marquent les
centres
de gravité des Vouſſoirs, &
qu’en commençant par la
clef
, on a tiré par les points A, &
O, une ligne AV perpendicu-
laire
ſur la face C;
que par les points A & D, on en a tiré une
autre
AP, ſur la face B;
par les points D & F, on en a tiré une
autre
DQ, ſur la face E;
& qu’on a continué de même, afin d’en
1143LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. avoir autant que de Vouſſoirs: cela poſé, conſiderez que la clefétant
ſoutenuë
par les deux Vouſſoirs voiſins, comme par des plans in-
clinés
, elle fait le même effet qu’un coin, qui, étant chaſſé dans un
corps
, tend à le partager en deux par un effort qui ſe fait ſelon
des
directions AB, &
AC, perpendiculaires aux deux plans in-
clinés
BI, &
CI; car l’on peut prendre ici la péſanteur du coin pour
la
puiſſance qui le chaſſe ;
ainſi les deux puiſſances qui ſoûtien- 11V. le C.
Art
. 810.
dront les faces BI &
CI, en équilibre contre la force du coin, agi-
ront
ſuivant des lignes de direction AP, &
AV, perpendiculaires
aux
mêmes faces, &
comme ces directions viennent ſe rencontrer
au
centre de gravité A, l’on peut ſupoſer que la péſanteur du
coin
eſt réünie, on peut donc dire que ces puiſſances auront beſoin
d’autant
plus de force que les angles P AI, &
V AI, ſeront plus ou-
verts
, ou ce qui revient au même, que les faces BI, &
CI, ſeront
moins
inclinées par raport à la verticale AI;
car ſi elle l’étoit infi-
niment
peu, c’eſt-à-dire, preſque perpendiculaire à l’horiſon, les
directions
des puiſſances P &
V, ſe trouvant directement opoſées,
il
leur faudroit une force extrême pour pouvoir ſoûtenir le point
péſant
A, équivalent au Vouſſoir, au lieu que plus les angles qu’elles
formeront
avec la verticale AI, ſeront aigus, &
moins elles au-
ront
beſoin de force;
puiſqu’alors leurs directions n’étant plus ſi
opoſées
entr’elles, elles le ſeront davantage à la péſanteur du poids.
Ce que nous venons de voir au ſujet de la clef, pourra auſſi ſe
dire
des Vouſſoirs D &
O; car le Vouſſoir D, par exemple, ayant
auſſi
la figure d’un coin, il agira pour écarter les deux faces voiſi-
nes
;
mais non pas ſi puiſſamment ſur la face E, que la clef A, fait ſur
la
face B, à cauſe que le plan EI, étant plus incliné que le Plan
BI
, par raport à la verticale AI, l’angle QDK, formé par la ligne
de
direction DK, &
la ligne de direction DQ, de la puiſſance qui
ſeroit
en équilibre avec l’effort que fait le Vouſſoir D, ſur la face
E
, eſt plus aigu que l’angle P AI;
de même le Vouſſoir F, fera
encore
moins d’effort contre la face G, que le précédent n’en fait
contre
la face E, parce que l’angle RFL, eſt encore plus aigu que
l’angle
QDK.
Or comme toutes les puiſſances qui ſoûtiendroient
les
Vouſſoirs depuis la clef juſqu’aux piés-droits agiront toûjours
ſelon
des directions qui feront des angles plus aigus avec les
lignes
tirées du centre de gravité des Vouſſoirs, leur force ira donc
toûjours
en diminuant;
& comme ces puiſſances ont été ſupoſées
équivalentes
aux efforts que font les Vouſſoirs, il s’enſuit que ceux-
ci
pouſſent avec une force qui va toûjours en diminuant depuis la
clef
juſqu’aux piés-droits.
1154LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Cependant, comme le Vouſſoir D, agit en même tems ſur les
deux
faces E, &
B, on voit qu’il ne peut s’apuyer contre la face
B
, ſans s’opoſer en partie à l’effort que fait la clef contre cette
même
face, &
que par conſéquent il doit arriver une deſtruction
de
forces entre la clef &
le vouſſoir D: de même les deux vouſ-
ſoirs
F &
D, agiſſants auſſi dans un ſens opoſé eu égard à la face
E
, il y aura encore une deſtruction de forces entre ces deux vouſ-
foirs
, ainſi des autres ſuivans pris d’eux deux.
Il eſt bien vrai que
comme
la clef pouſſe avec plus de force contre la face B, que le
vouſſoir
D, n’en a pour la repouſſer, la deſtruction de forces ne
ſera
point entiere, il en reſtera toûjours à la clef une certaine quan-
tité
, mais qui ne ſera pas ſi grande qu’elle eût été ſi le vouſſoir D,
ne
faiſoit aucun effet ſur la face B:
de même quoique le vouſſoir
D
, ſoit repouſſé par l’autre F, il reſtera encore à ce premier une
certaine
quantité de force;
ainſi en général on peut dire qu’un vouſ-
ſoir
qui eſt au-deſſus d’un autre, a plus de force pour pouſſer l’in-
ferieur
, que celui-ci n’en a pour le repouſſer, &
comme les vouſ-
ſoirs
depuis la clef ju’qu’à la naiſſance de la voûte, vont toûjours
en
exerceant une moindre partie de leur péſanteur, ſur ceux qui
ſont
immediatement deſſous l’effort que chaque vouſſoir fait pour
repouſſer
;
celui qui eſt ſuperieur va toûjours en diminuant à me-
ſure
que les plans EI, &
GI, ſont moins inclinés à l’horiſon, par-
ce
qu’alors ces Plans portent une plus grande partie du poids, par
conſequent
celle qui tend à gliſſer fait moins d’effet contre la puiſ-
ſance
qui voudroit lui réſiſter, tellement qu’on peut dire que l’ef-
fort
que tous les vouſſoirs font de bas en haut, va toûjours en di-
minuant
en venant de la clef vers les piés-droits dans la même rai-
ſon
que l’effort qui ſe fait du haut en bas.
Comme le réſultat de l’effort que les vouſſoirs font à droit & à
gauche
de la clef tendra à écarter ce qui leur peut réſiſter, c’eſt-à-
dire
les piés-droits, c’eſt l’effort total de tous ces vouſſoirs qu’on
apelle
pouſſée, qui n’agit pourtant pas tout-à-fait comme je viens de
l’inſinuer
, puiſqu’il ne paroit pas poſſible que tous les vouſſoirs qui
compoſent
une V oûte puiſſent ſe ſoûtenir d’eux-mêmes ſans être en-
tretenus
par du Ciment ou Mortier;
carles vouſſoirs ſuperieurs ayant
plus
de force pour pouſſer les inferieurs, que ceux-ci n’en ont pour
les
repouſſer, il eſt conſtant que ceux qui auront moins de force
ſeront
contrains de s’élever:
ce qui laiſſant la liberté de tomber à
ceux
qui ſont au-deſſus, tout l’arrangement des vouſſoirs ſe dé-
truiroit
, &
par conſéquent la Voûte même; & ce n’eſt que dans le
cas
tous les vouſſoirs auroient une pouſſée égale qu’ils ſe main-
1165LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. tiendroient en équilibre ſans le ſecours d’aucune matiere qui les
entretiennent
;
mais pour cela il faudroit augmenter leur péſanteur,
en
venant de la clef vers les piés-droits, afin que chacun puiſſe par
ſon
poids réſiſter d’autant plus, que le Plan, ſur lequel il eſt apuyé,
eſt
moins incliné par raport à celui qui eſt au-deſſus:
or puiſqu’une
Voûte
telle que celle qui eſt repreſentée dans la figure ne pourroit
ſe
ſoutenir ſans ciment, ce n’eſt donc pas les efforts effectifs des
vouſſoirs
qu’il faut conſidérer, mais ſeulement la tendance qu’ils
ont
à agir.
Comme il doit y avoir ſur la baſe de chaque pié-droit un point
vient aboutir l’effort qui ſe fait à droit &
à gauche, on remar-
quera
que ces points répondent neceſſairement aux angles S &
X,
qu’on
doit regarder comme des points d’apuy qui apartiennent à des
léviers
, qui à la vérité ne ſont point ſenſibles aux yeux, mais qui
pour
cela n’en ont pas moins de réalité, comme on en va juger.
Si la pouſſée d’une Voûte n’étoit point partagée le long de cha-
que
quart de cercle AR &
AZ, mais qu’elle fut toute réünie à deux
points
, comme R &
Z; il eſt conſtant qu’on auroit de chaque côté
un
lévier recourbé RSH, &
ZXM, dont les puiſſances ſeroient apliquées
aux
extrêmités R &
Z, des bras SR & ZX, & les poids qui ſont
équivalens
à la réſiſtance des piés-droits aux extrêmités H &
M,
des
bras SH &
XM; mais comme il y a autant de puiſſances que
de
vouſſoirs, ſi l’on en excepte les deux R &
Z, qui n’ont point de
pouſſée
, il faut donc que chaque puiſſance ait ſon lévier particulier,
ou
que ce lévier ſoit exprimé par une ligne qui puiſſe être admiſe
en
ſa place.
Or comme ces lignes ne peuvent être que les perpen-
diculaires
SP, SQ, SR &
c. tirées du point d’apui S, ſur les directions
des
puiſſances qui ſoutiendroient les vouſſoirs, l’on voit clairement
à
quoi doit ſe réduire tout le mécaniſme qui régne ici;
deſorte que
pour
proportionner l’épaiſſeur des piés-droits, à la pouſſée d’une
Voûte
, il faut ſavoir trouver l’effort que fait chaque vouſſoir par
raport
à ſa péſanteur abſoluë &
les perpendiculaires SP, SQ, SR & c.
On peut tirer pluſieurs conſéquences de ce que nous venons de
dire
:
la premiere, que dans une Voûte l’on ſupoſeroit (comme
on
l’a fait ici,) que les vouſſoirs ne ſont entretenus par aucun ci-
ment
, plus leur tête ſera petite, &
plus la Voûte aura de pouſſée;
car ces vouſſoirs étant régardés comme des coins, ils auront d’au-
tant
plus de force, que leur face prolongée feront un angle plus
aigu
:
d’ailleurs les perpendiculaires SP, SQ, SR & c. qui répondent
aux
puiſſances qui ſoutiennent les premiers vouſſoirs, devenant plus
grandes
à meſure que les faces de ces vouſſoirs ſeront moins incli-
1176LA SCIENCE DES INGENIEURS, nées à la verticale AI, la longueur des bras des léviers ſe trouvera
augmentée
:
ce qui donnera plus d’avantage à la pouſſée des vouſ-
ſoirs
.
La ſeconde, c’eſt que plus la Voûte aura d’épaiſſeur, & plus la
pouſſée
ſera grande, puiſque les vouſſoirs devenant plus longs &

par
conſéquent plus péſans, ils agiront plus puiſſamment.
La troiſiéme, que plus les piés-droits qui ſoutiennent une Voû-
te
ſeront élevés, &
plus il leur faudra d’épaiſſeur pour ſoutenir la
pouſſée
;
car comme on ne peut augmenter la hauteur des piés-droits
ſans
que les perpendiculaires SP, SQ &
c. ne deviennent auſſi plus
grandes
, il s’enſuit que les bras des léviers qui répondent aux puiſ-
ſances
, ou ſi l’on veut à l’effort de chaque vouſſoir, ſe trouvant
augmentés
, ils auront tous enſemble plus de force pour renverſer
les
piés-droits.
Quoique ce que je viens de dire ſoit bien naturel, c’eſt pourtant
à
quoi les Architectes qui ont parlé des Voûtes n’ont fait aucune at-
tention
;
& , afin qu’on puiſſe en juger, voici comme parle Mr.
Blondel dans ſon Cours d’Architecture, qui eſt le premier qui m’eſt
tombé
ſous la main.
Il faut (dit-il) „donner des épaiſſeurs aux pies-
droits qui ſoutiennent des Voûtes ſelon la difference des pouſſées,
„&
c’eſt ce qui ſe fait par une régle de pratique en cette maniere.
Partagez l’arc en trois parties égales, & menant une des cor-
11Fig. 5.
6
. & 9.
des par le point de l’impoſte, prenez en dehors ſur la même,
continuez
une ligne qui lui ſoit égale, la droite, menée à plomb
par
l’extrêmité de cette ligne, déterminera l’épaiſſeur du pié-
droit
;
comme ſi diviſant l’arc ACBD, en trois parties égales aux
points
CD, je mene la corde DB, paſſant par le point de l’im-
poſte
en B, je n’ai qu’à prendre en dehors ſur la même droite
continuée
, la partie BE, égale à BD, &
menant les deux perpen-
diculaires
EG &
BF, elles détermineront l’épaiſſeur du pié-droit
BGEF
, qui ſera proportionnée à la pouſſée de l’arc ACDB.
L’on voit que dans cette régle il n’eſt fait aucune mention de
l’épaiſſeur
de la Voûte, ni de la hauteur des piés-droits, qui ſont
pourtant
deux circonſtances auſquelles il faut avoir égard abſolu-
ment
pour les raiſons que j’en ai données plus haut.
PRINCIPE TIRE’ DE LA MECANIQUE.
2. Il eſt démontré dans la Mécanique que trois puiſſances P, Q, R,
22Fig. 2. qui tirent ou pouſſent au tour d’un point A, ſelon des directions
AP
, AQ, AR, ſeront en équilibres entr’elles, ſi après avoir fait
1187LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. le paralellograme ABCD, la puiſſance P, eſt exprimée par le côté
AB
, la puiſſance Q, par le côté AD, &
la puiſſance R, par la
diagonale
CA:
ou, ce qui revient au même, ſi chaque puiſſance eſt
exprimée
par un des côtés du triangle ABC, parce qu’à la place de
AD
, l’on pourra prendre BC, qui lui eſt égal ;
ſupoſant donc 11V. le C.
Art
. 767.
qu’on ſoit bien prevenu de cette verité, voici une propoſition
fondamentale
qu’on en peut tirer.
Ayant trois puiſſances P, Q, R, qui tirent ou pouſſent toutes
trois
enſemble au tour du point A, je dis qu’elles ſeront en équi-
libres
, ſi la force avec laquelle chacune agit eſt exprimée par un
des
côtés du triangle EFG, qui couperoit en angles droits la ligne
de
direction de chaque puiſſance.
Pour le prouver, remarquez que ſi la ligne AO, eſt perpendicu-
laire
ſur le côté EF;
& la ligne CT, ſur le côté EG (comme nous
le
ſupoſons) l’on aura les deux triangles AOF &
FTE, ſemblables,
puiſqu’ils
ont chacun un angle droit, &
l’angle OFT, qui leur eſt
commun
;
ainſi l’angle E, ſera égal à l’angle O A E. Par un ſembla-
ble
raiſonnement on verra auſſi que le triangle FAS eſt ſemblable
au
triangle FTG, &
que de même l’angle G, ſera égal à l’angle
FAS
;
mais comme ce dernier l’eſt encore à l’angle alterne BCA, il
s’enſuit
donc que le triangle ABC eſt ſemblable au triangle EFG:
ainſi les trois côtés du grand triangle pourront donc être pris à la
place
de ceux du petit, &
par conſequent exprimer le raport de
chaque
puiſſance dont ils coupent la ligne de direction en angles
droits
;
mais comme nous avons que ces trois puiſſances étoient
en
équilibre, lorſque leur raport étoit exprimé par les côtés du petit
triangle
ABC, l’on peut donc dire qu’elles ſeront encore en équilibre
quand
leur raport ſera exprimé par les côtés du triangle EFG.
C.
Q
.
F. D.
Corollaire Premier.
3. Il ſuit que quand on aura trois puiſſances P, Q, R, qui tirent
22Fig. 3. ou pouſſent au tour du point H, ſi elles ſont en équilibre, on con-
noîtra
toûjours le raport que ces puiſſances ont entr’elles, puiſqu’on
n’aura
qu’à couper chaque ligne de direction en angles droits par
une
ligne tirée à telle diſtance que l’on voudra du point H;
car ces
trois
lignes venant à ſe rencontrer, donneront les côtés du trian-
gle
IKL, qui exprimeront le raport des puiſſances;
c’eſt-à-dire,
que
ſil’on ſupoſe que la puiſſance P, ſoit exprimée par IK, la puiſ-
ſance
Q, le ſera par KL, &
la puiſſance R, par IL.
1198LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Corollaire Second.
4. Il ſuit encore que connoiſſant les trois côtés du triangle IKL,
11Fig. 4. avec une des trois puiſſances, on pourra connoître les deux autres
puiſſances
;
car ſi (par exemple) l’on a la puiſſance P, & qu’on
veüille
connoître la ſeconde Q, on n’aura qu’à dire comme le côté
KI
, eſt au côté KL, ainſi la puiſſance P, eſt à la puiſſance Q, que
l’on
trouvera par la régle de proportion auſſi-bien que la troiſiéme
puiſſance
R.
Corollaire Troisie’me.
5. Dans les triangles les ſinus des angles étant dans la même rai-
ſon
que leurs côtés opoſés, on peut ajoûter encore que ſi l’on avoit
un
triangle IKL, dont les trois côtés fuſſent en mêmé raiſon que
les
puiſſances PQR, ſi on ne connoiſſoit pas ces côtés, il ſuffiroit
de
connoître la valeur des angles qui leur ſont opoſés, parce que
les
ſinus de ces angles pouvant être pris pour les côtés mêmes, ils
exprimeront
plus exactement le raport en nombre, &
par conſé-
quent
les puiſſances, deſorte que ſi on connoiſſoit la valeur de la
puiſſance
Q, &
les trois angles I, K, L, on trouvera les deux au-
tres
puiſſances P &
R, en ſe ſervant des Tables de Sinus.
Corollaire Quatrie’me.
6. Il ſuit enfin que ſi on a trois puiſſances, dont deux priſes
enſemble
ſoient plus grandes que la troiſiéme, connoiſſant le
raport
de ces trois puiſſances, on pourra déterminer ſelon quelle
direction
chaque puiſſance doit tirer ou pouſſer, pour qu’agiſſant
toutes
enſemble autour d’un point, elles ſoient en équilibre, puiſ-
que
pour cela il ne faut que ſe donner trois lignes qui ayent entre
elles
le même raport que les trois puiſſances en queſtion, enſuite
faire
un triangle de ces trois lignes;
après quoi ſi d’un point quel-
conque
pris dans la ſuperficie du triangle, l’on abbaiſſe des perpen-
diculaires
ſur les côtés, elles détermineront les directions, ou, ce qui
eſt
la même choſe, les angles que les puiſſances doivent former
entr’elles
.
Remarque premiere.
7. Il n’eſt pas neceſſaire que les trois puiſſances P, Q, R, ti-
rent
ou pouſſent toutes trois enſemble le point H, pour être en
1209LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. équilibre, il peut y en avoir deux qui tirent, & une autre qui le
pouſſe
en ſens contraire.
Remarque ſeconde.
8. On prendra garde auſſi que ce n’eſt pas une neceſſité que les
trois
côtés du triangle, qui déterminent le raport des puiſſances,
ſoient
coupés par les lignes de directions de ces puiſſances, ni que le
point
ces puiſſances concourent ſoit renfermé dans ce triangle,
puiſqu’il
ſuffit que les côtés prolongés du triangle ſoient coupés en
angles
droits;
par exemple, ſi les côtés du triangle MKN, ſont diſ-
poſés
de façon que quelqu’un d’eux, comme KM &
KN, étant pro-
longés
vers I &
vers L, coupent les directions HP & HQ, a an-
gles
droits &
que la direction HR, prolongée vers O, aille couperle
côté
MN, auſſi à angles droits, je dis que les côtés du triangle MKN,
détermineront
encore le rapport des puiſſances, quoique le point
H
ne ſoit point dans ce triangle;
car les choſes étant telles que nous
le
ſupoſons, les lignes MN &
IL ſeront paralelles, puiſqu’elles ſont
toutes
deux coupées à angles droits par la ligne OR:
par conſe-
quent
le triangle MKN ſera ſemblable à IKL;
or ſi les côtés de ce
dernier
expriment le raport des trois puiſſances PQR, comme nous
l’avons
fait voir ci-devant, ceux de l’autre MKN, exprimeront
auſſi
le même raport;
ainſi le petit triangle pourra tenir lieu du
grand
.
Remarque troiſiéme.
9. Si l’on avoit un corps F, poſé ſur un Plan incliné BC, il eſt
11Fig. 4. conſtant que (telle que ſoit la figure de ce corps) il ne ſe main-
tiendra
point en repos à moins qu’une puiſſance Q, ne le ſoûtien-
ne
;
or ſi l’on vouloit ſavoir quel eſt le raport de la puiſſance au
poids
dans la ſituation ſe trouve cette puiſſance, il faut conſi-
derer
d’abord qu’au lieu d’une puiſſance, nous en pouvons conce-
voir
trois.
La premiere ſera la péſanteur abſoluë du corps, qui tend
au
centre de la Terre ſelon une direction FG, qui, paſſant dans ſon
centre
de gravité, eſt perpendiculaire à l’horiſon.
La ſeconde ſera
l’effort
que ce corps fait ſur le Plan ſi l’on prolonge la ligne FD
juſqu’en
R, on peut concevoir la ligne DR comme la direction
d’une
puiſſance qui pouſſe de P en D, pour faire équilibre à l’ef-
fort
que ſoûtient le Plan incliné.
La troiſiéme ſera la puiſſance Q,
qui
empêche le corps de tomber.
Cela poſé, ſi l’on prolonge la li-
gne
de direction GF du poids juſqu’en O, &
qu’on la coupe à
12110LA SCIENCE DES INGENIEURS, angles droits par ligne HI; & de même la direction EQ, par la
ligne
IK, on aura le triangle HIK, dont le côté HK éxprimera la
puiſſance
P, puiſqu’il coupe à angles droits la ligne de direction
RF
;
le côté HI exprimera la péſanteur abſolue du poids F; & le
côté
IK, la puiſſance Q, dans le cas le tout ſeroit en équilibre;
par conſéquent on peut dire que la péſanteur abſolue du poids F, eſt
à
la puiſſance Q, comme le côté HI, eſt au côté IK:
d’autre part la
péſanteur
abſolue du poids eſt à la puiſſance Q, &
à l’effort que ſoû-
tient
le plan incliné, ou la puiſſance P, comme HI eſt à HK;
ainſi
quand
on connoîtra la péſanteur du poids F, &
le ſinus des angles
du
triangle HIK, on pourra donc connoître l’effort que font les
deux
puiſſances P &
Q.
Il faut s’apliquer à bien entendre cette derniere Remarque rélati-
vement
à ce qui a été dit dans les articles qui précédent, parce qu’elle
contribuëra
beaucoup à faciliter l’intelligence de ce que nous avons
à
enſeigner par la ſuite;
c’eſt ainſi que l’eſprit préparé à ce qu’on a
deſſein
de lui inſinuer, les choſes qui lui paroiſſoient les plus com-
pliquées
, lui deviennent ſenſibles dès qu’il apperçoit quelque jour
il peut ſe reconnoître.
CHAPITRE SECOND.
De la maniere de calculer l’épaiſſeur de piés-droits des Voûtes
en
plain ceintre, pour être en équilibre par leur réſiſtance
avec
la pouſſée qu’ils ont à ſoûtenir.
10. LA neceſſité de ſe ſervir de mortier dans la conſtruction de
la
maçonnerie, &
principalement dans celle des Voûtes,
pour
lier les Pierres, fait qu’on peut ſe diſpenſer de calculer la
pouſſée
de tous les vouſſoirs, chacun en particulier;
il ſuffit d’en
conſiderer
une certaine quantité, comme ne faiſant enſemble qu’un
ſeul
vouſſoir, afin d’éviter l’extrême longueur des calculs qu’on ſeroit
obligé
de faire, ſi l’on en uſoit autrement;
car les ſujets qui ſe ra-
portent
à la pratique doivent être conſiderés relativement à ce qu’ils
ſont
dans l’execution, &
non pas tout-à-fait comme l’imagination
nous
les repreſente:
par exemple, l’on remarque que quand les piés-
droits
d’une Voûte ſont trop foibles pour en ſoûtenir la pouſſée,
la
Voûte ſe fend vers le milieu des reins;
c’eſt-à-dire entre l’impoſte
12211LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. & la clef; ainſi ayant une Voûte en plain ceintre BDI, dont cha-
que
quart de cercle BD &
DI, ſoit diviſé en deux également au point
11Fig. 7. C &
H, l’experience montre que c’eſt toûjours aux endroits FC &
H
&
c. que la Voûte ſe deſunit quand ſa pouſſée eſt au-deſſus de la
réſiſtance
des piés-droits.
Or, puiſque le plus foible d’une Voûte eſt
vers
le milieu des reins, il eſt donc naturel de ſupoſer que c’eſt-là
ſe fait toute l’action de la pouſſée, &
de conſiderer les deux par-
ties
de la Voûte CG &
CE, (que nous nommerons vouſſoirs) comme
ne
compoſant qu’une ſeule pierre, chacune en particulier, dont l’une
CE
eſt parfaitement liée avec ſon pié-droit BP, &
l’autre CG agit
comme
un coin qui ſeroit introduit entre les deux plans FA &
GA
pour
les ſéparer;
ou bien l’on pourra prendre toute la partie ſupe-
rieure
CGH de la Voûte, qui tend à ſéparer comme un coin les deux
Plans
AF &
A & c. & dans ce ſens, ce ſera cette partie qui cauſera
toute
la pouſſée;
la moitié CG agira pour écarter le corps P FCS,
(compoſé du pié-droit PB &
du vouſſoir EC, comme je l’ai inſi-
nué
d’abord) &
alors il ſuffira pour calculer cette pouſſée de n’a-
voir
égard qu’à la moitié de la Voûte depuis le point d’apui P, juſ-
qu’au
ſommet DG, puiſque l’on concevra la même choſe pour l’au-
tre
moitié.
Conſidérant le vouſſoir ſupérieur FD, comme n’ayant aucune
liaiſon
avec le reſte de la maçonnerie, la pouſſée qui ſe fera à l’é-
gard
du point d’apui P, ſera la plus grande qu’il eſt poſſible;
puiſ-
que
dans une Voûte il n’arrive jamais que les vouſſoirs agiſſent
auſſi
puiſſamment qu’ils feroient ſi leurs joints étoient extrêmement
polis
, ſans trouver d’obſtacle de la part du mortier ni du frotement:
par conſéquent ſi l’on cherche à proportionner la réſiſtance du pié-
droit
P B à cette plus grande pouſſée, on donnera à la puiſſance
réſiſtante
une force un peu au-deſſus de celle qu’il lui faudroit effec-
tivement
pour ſoûtenir l’effort du vouſſoir FD, dans le cas il
ſeroit
lié avec le reſte de la Voûte;
ainſi cette ſupoſition ne pou-
vant
que contribuer à la fermeté des piés-droits, il s’enſuit que
conſidérer
ici les choſes dans la rigueur de la Théorie, c’eſt leur
donner
tout l’avantage qu’on peut déſirer dans la pratique.
Cela poſé, ſi l’on éleve une perpendiculaire LO ſur le milieu du
joint
FC, cette perpendiculaire exprimera la direction de la puiſ-
ſance
qui ſoûtiendroit l’effort que fait le vouſſoir FD, ſur le plan
incliné
F A ;
de même ſi ſur le milieu du joint GD on éleve une 22Art. 1. autre perpendiculaire HW, elle exprimera auſſi la direction de la
puiſſance
qui ſoûtiendroit l’effort que feroit le vouſſoir contre le
Plan
vertical G A:
enfin ſi du point X, (que je ſupoſe le centre
12312LA SCIENCE DES INGENIEURS, de gravité du vouſſoir) on abaiſſe une perpendiculaire XR à l’ho-
riſon
, elle exprimera la direction, ſuivant laquelle ce vouſſoir tend
au
centre de la Terre , par conſéquent nous avons ici trois puiſ- 11Art. 9. ſances, qui dans l’état d’équilibre ſeront exprimées par les trois
côtés
du triangle rectangle ALK , car le côté LK, étant perpen- 22Art. 2.
& 3.
diculaire ſur la direction XR exprimera la péſanteur abſoluë du
vouſſoir
FD;
de même le côté LA étant perpendiculaire ſur la di-
rection
LO de la puiſſance O, il exprimera la force de cette puiſ-
ſance
pour ſoûtenir la pouſſée qui ſe fait ſur le joint FC;
enfin la
direction
HW de la puiſſance W, étant perpendiculaire ſur la ligne
GA
, le côté KA exprimera l’effort de cette puiſſance;
mais com-
me
elle n’entre point ici dans le calcul, nous en ferons abſtraction
à
l’avenir, pour ne conſidérer que la ſeule puiſſance O, dont le bras
de
lévier ſera exprimé par la perpendiculaire PO, tirée du point d’a-
pui
P ſur la direction LO:
prévenu de tout ceci, je ne crois pas
qu’on
rencontre aucune difficulté à bien entendre les propoſitions
qui
vont faire l’objet de ce Chapitre.
PROPOSITION PREMIERE.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits des
Voûtes
en plain ceintre, pour être en équilibre par leur réſiſ-
tance
avec la pouſſée qu’ils ont à ſoûtenir.
11. Ayant mené par le point L milieu de FC, la ligne MK pa-
ralelle
à ZA, &
prolongé PZ juſqu’en M, & abaiſſé la perpendi-
33Fig. 7. culaire LV ſur AB, nous nommerons LK, ou KA, a, LA, b;
BV,
c
;
ZP, d; ZB ou P S, y; ainſi ML ou MN, ſera y + c, & MP ſera
a
+ d, par conſéquent NP ſera a + d - c - y;
& ſi l’on ſupoſe
a
+ d - c = f, l’on aura f - y, pour la valeur de NP:
la ſuperficie
de
chaque vouſſoir CG &
CE, ſera nommée nn; enfin ſi du centre
de
gravité Q, du vouſſoir CE, l’on abaiſſe la perpendiculaire QR,
ſur
la baſe PS, RS ſera nommé g;
par conſequent P R ſera y - g.
Cela poſé, la premiere choſe qu’il faut chercher eſt l’expreſſion
du
bras de lévier PO;
pour cela conſiderés que les triangles LKA
&
NOP, ſont ſemblables, puiſqu’ils ſont rectangles & izocelles, &
que
par conſéquent LA (b).
LK (a): : NP (f - y.) PO {(af - ay)/b}.
D’un autre côté remarquez que la péſanteur abſolue du vouſſoir ED
12413LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. eſt à l’effort que ſoûtient le joint FC, ou la puiſſance O, comme
LK
eſt à -3.
0, ou bien, ab : : nn. {bnn/a}: ainſi multipliant {bnn/a} (qui eſt 1 l’expreſſion de la puiſſance O) par ſon bras de lévier PO, l’on aura
nnf-nny
pour la pouſſée de la Voûte par raport au point d’apui P;
& comme nous voulons mettre cette pouſſée en équilibre avec la
réſiſtance
du pié-droit joint au vouſſoir EC, il faut multiplier la ſu-
perficie
du rectangle PB qui eſt d y, par le bras de lévier PT({y/2})
moitié
de PS pour avoir {dyy/2};
& comme nous avons encore le
vouſſoir
EC, dont la ligne de direction QR, tirée du centre de gra-
vité
perpendiculaire ſur PS marque que PR (y-g) eſt le bras de
lévier
qui répond à l’action de ce vouſſoir, il faut donc multiplier
nn
par y-g pour avoir nny-nng, qui étant ajoûté avec {dyy/2}, donnera
une
expreſſion égale à la puiſſance réſiſtante;
par conſéquent l’on
a
cette équation nnf-nny={dyy/2}+nny-nng, d’où faiſant paſſer
du
premier membre dans le ſecond, le terme ſe trouvera l’in-
connu
, &
du ſecond dans le premier, le terme l’inconnu ne
ſe
trouve point, l’on aura après avoir multiplié par 2 &
diviſé par d,
{2nnf+2nng/d}=yy+{4nny/d}, qui eſt une équation dont il ſera aiſé d’a-
voir
la valeur de l’inconnu, en ajoûtant à chaque membre le quarré
de
la moitié du coëficient du ſecond terme, afin de rendre le ſecond
membre
un quarré parfait;
& alors il viendra {2nnf+2nng/d}+{4n4/dd}
=yy+{4nny/d}+{4n4/dd}, dont extrayant la racine quarrée &
déga-
geant
l’inconnu, il vient √2nnf+2nng/d+4n4/dd\x{0020}-{2nn/d}=y.
APLICATION.
Quand on eſt une fois parvenu à trouver une expreſſion qui don-
ne
la valeur de l’inconnu, il n’y a plus qu’à faire par les nombres
ce
que la derniere équation nous a indiqué;
cependant comme les
calculs
, tout aiſés qu’ils ſont, pourroient embarraſſer ceux quin’en
ont
point l’habitude, je vais, comme dans le Livre précédent, en
détailler
les opérations.
Nous ſupoſerons que le rayon AB eſt de 12 pieds; que le rayon
11Art. 4
12514LA SCIENCE DES INGENIEURS, AE eſt de 15; par conſéquent la Voûte en aura 3 d’épaiſſeur:
ainſi AL (b) ſera de 13 pieds 6 pouces, LK ou KA (a) de 9 pieds
10
pouces, &
BV (c) ſera de 2 pieds 2 pouces; nous ſupo-
ſerons
auſſi que ZP (d) ou la hauteur des piés-droits eſt de 15
pieds
, &
que RS (g) eſt d’un pied; & ſelon toutes ces ſupoſitions
a
+d-c=f ſera de 22 pieds 2 pouces:
de ſorte que f+g ſera
23
pieds 2 pouces;
or comme il ne nous reſte plus que de con-
noître
nn, il n’y a qu’à chercher la ſuperficie des deux cercles qui
auroient
pour rayons AC &
AF; c’eſt-à-dire, 12 & 15 pieds, ôter la
plus
petite de la plus grande, &
prendre la huitiéme partie de la
différence
qu’on trouvera d’environ 32 pieds, qui ſera la valeur de
nn
;
c’eſt-à-dire, de chaque vouſſoir CG ou CE. Preſentement que
l’on
connoît la valeur de toutes les lettres, il ne s’agit plus que de
faire
les mêmes opérations que celles qui ſont indiquées dans l’é-
quation
√2nnf+2nng/d+4nn4/dd\x{0020}-{2nn/d}=y, dans laquelle je re-
marque
que f+g eſt multiplié par 2nn.
Or comme f+g vaut 23
pieds
2 pouces, &
nn, 23 pieds dont le double eſt 64, je multi-
plie
donc 64 par 23 pieds 2 pouces, &
je diviſe le produit par la
valeur
de d, qui eſt 15, &
le quotient donne 98 pieds 10 pouces:
enſuite
je remarque que le troiſiéme terme de mon équation eſt le
quarré
de {2nn/d};
c’eſt-à-dire, de 64 diviſé par 15, qui donne 18,
qui
étant ajoûté avec 98 pieds 10 pouces, l’on aura 116 pieds 10
pouces
, dont il faut extraire la racine quarrée que l’on trouvera
de
10 pieds 9 pouces 7 lignes;
mais comme l’on voit dans l’équa-
tion
qu’il faut ôter de cette racine {2nn/d}, il faudra donc ſouſtraire ſa
valeur
, c’eſt-à-dire, 4 pieds 3 pouces de 10 pieds 9 pouces 7 li-
gnes
, &
la différence qui eſt 6 pieds 6 pouces 7 lignes, ſera la va-
leur
de y;
c’eſt-à-dire, l’épaiſſeur PS qu’il faudra donner aux piés-
droits
de la Voûte dont il s’agit pour être en équilibre avec la
pouſſée
.
On prendra garde que l’épaiſſeur que l’on vient de trouver n’eſt
pas
celle que je prétend qu’il faut donner au pié-droit d’une Voûte
qui
auroit les mêmes dimenſions que celle qu’on a ſupoſée ici, puiſ-
qu’après
avoir trouvé le point d’équilibre, il faut, comme on l’a dit
pluſieurs
fois dans le Livre précédent, mettre toûjours la puiſſance
réſiſtante
au-deſſus de la pouſſée, afin d’agir en toute ſeureté, ce
qui
ſe fera en donnant au pié-droit 5 ou 6 pouces d’épaiſſeur de
plus
que n’en demande le calcul, ou bien en ajoûtant des contreforts
comme
nous en ferons mention ailleurs.
12615LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
Remarque premiere.
12. Quand on a trouvé une expreſſion Algebrique qui marque
la
pouſſée d’une Voûte, il eſt facile de réſoudre pluſieurs cas qu’on
11Fig. 8. peut propoſer au ſujet des Bâtimens dans leſquels on doit faire des
Voûtes
:
en voici un autre qui ſe rencontre fort ſouvent.
On a deſſein de faire une Voùte ELM élévée ſur despiés-droits
EA
&
MN, & l’on veut faire au-deſſus de la Voûte un Bâtiment,
ſoit
pour la couvrir contre les injures du tems, ou pour y pratiquer
quelque
logement, ainſi qu’on le fait au-deſſus du paſſage des Portes
des
Villes;
pour cela on ſera obligé d’élever à droit & à gauche deux
pignons
IG &
OP ſur les piés-droits, qui, étant chargés de ces deux
nouveaux
corps de Maçonnerie, n’auront pas beſoin de tant d’é-
paiſſeur
que s’ils n’avoient que leur hauteur naturelle;
on demande
donc
(étant prévenu de la hauteur IF &
de l’épaiſſeur IK, que doi-
vent
avoir les murs qu’on veut élever en même tems que les piés-
droits
) qu’elle doit être l’épaiſſeur AB, pour que le tout ſoit en
équilibre
?
Nous ſupoſerons pour plus de facilité, que le mur IG fera élevé
ſur
le milieu du pié-droit;
enſorte que les centres de gravité H &
Q
des deux murs IG &
DB ſoient dans la même ligne HC qui tombe
ſur
le mileu de AB, &
que la Voûte dont il eſt queſtion a les
mêmes
dimenſions que cy-devant, &
nommées par les mêmes Let-
tres
:
cela poſé, il eſt certain que ſi on ne faiſoit pas mention comme
dans
la figure précédente du mur IG, la réſiſtance du pié-droit
ſeroit
exprimée par {dyy/2}+nny-nng;
mais comme il faut y ajoû-
ter
le poids de ce mur, multiplié par le bras de lévier AC, ſi on nom-
me
IF, h;
& IK, r; l’on aura donc {dyy/2}+nny+{bry/2}-nng pour
la
réſiſtance d’un pié-droit de la Voûte qui devant être en équilibre
avec
la pouſſée, par conſéquent cette équation {ddy/2}+nny+{bry/2}
-nng
=nnf-nny, qui ne differe de celle que nous avons vûe ci-
devant
que de ſeul terme {bry/2};
c’eſt pourquoi faiſant les mêmes
choſes
qu’on a déja faites pour dégager l’inconnu, &
pour en avoir
la
valeur en nombre, l’on trouvera en déterminant les dimenſions
h
&
r; combien il faudra donner de moins à l’épaiſſeur des piés-droits
que
dans le cas précédent.
12716LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Remarque ſeconde.
13. Nous venons de ſupoſer que l’extradoſe de la Voûte, ſur la-
quelle
nous avons operé, étoit circulaire, parce qu’il s’en rencontre
qui
ont cette figure;
mais comme dans les Places de Guerre les
Voûtes
des ſouterrains &
celles des Magaſins à poudre ont toûjours
leurs
extradoſes terminés en dos d’âne, pour l’écoulement des eaux de
11Fig. 10. pluye, &
pour qu’elles réſiſtent mieux en tems de Siége au choc
des
bombes, il eſt bon de nous arrêter ici un moment pour faire
voir
qu’on trouvera l’épaiſſeur des piés-droits de ces ſortes de Voûtes
de
la même maniere que dans le Probléme précédent.
Prenant pour exemple le Profil d’un Magaſin à Poudre, il faut
être
prévenu que pour mettre ces ſortes d’édifices à l’épreuve de
la
Bombe, on donne ordinairement à la Voûte 3 pieds d’épaiſſeur
au
milieu des reins;
c’eſt-à-dire, qu’ayant diviſé le quart de cercle
BD
, en deux également au point C, on prolonge le rayon AC, juſ-
qu’en
F, enſorte que CF, ſoit de 3 pieds:
& afin de bien diriger
les
pantes GH, &
GI, on les fait perpendiculaires ſur le rayon AF,
&
alors elles forment un angle droit HGI, au ſommet, qui eſt l’an-
gle
qui convient le mieux pour ne point rendre le Magaſin trop
élevé
ni trop écraſé.
Cela poſé, ſi l’on ſupoſe le rayon AB, de 12 pieds; la ligne AF,
de
15;
& la hauteur du pié-droit ZP auſſi de 15, nous aurons les
mêmes
lignes que ci-devant, &
chacune ſera exprimée par les mê-
mes
lettres &
les mêmes nombres, & il n’y aura que les deux parties
égales
CFGD &
CFHB de la Voûte qui ſeront differentes, étant
beaucoup
plus conſidérables:
ce qui changera la valeur de nn.
Les triangles LKA & NOP, étant enſemble, l’on aura LA (b)
LK
(a) :
: NP (f-y). PO ({af-ay/b)} & comme la partie CFGD
de
la Voûte agit toûjours ſur le joint FC ou ſur la puiſſance O, dont
la
direction OL eſt perpendiculaire ſur le milieu du joint FC, l’ex-
preſſion
de cette puiſſance ſera encore {nnb/a}, laquelle étant multi-
pliée
par ſon bras de lévier PO, il vient nnf-nny pour la pouſſée
de
la Voûte par raport au point d’apui P.
D’un autre côté la réſiſtance du pié-droit ſera le produit de ſa ſu-
perficie
par la moitié de la baſe PS, qui donne {dyy/2}, à quoi ajoûtant
le
produit de la ſuperficie de la partie CFHB par ſon bras de lévier
PR
(y-g) l’on aura {dyy/2}+nny-nng pour l’expreſſion de la
12817LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. puiſſance réſiſtante; par conſéquent cette équation nnf-nny
={dyy/2}+nny-nng, qui étant la même que celle qu’on a trouvée
dans
la propoſition précédente, ſe réduira à √2nnf+2nng/d+{4n+/dd}\x{0020}
-
{2nn/d}=y, qui donnera la valeur de l’inconnu en ſuivant ce qui
a
été enſeigné dans l’aplication.
On remarquera, comme je l’ai déja dit, qu’il faudra chercher une
nouvelle
valeur de nn, ce qui eſt bien aiſé;
car comme l’on con-
noît
les côtés AF &
FG, du triangle rectangle FGA, auſſi-bien que
le
rayon AC, on n’aura qu’à retrancher le ſecteur ACD, du trian-
gle
, la difference ſera la valeur de la partie CFGD, ou de nn, que
l’on
trouvera de 56 pieds.
On prendra garde auſſi que la partie FHBC, de la Voûte qui eſt
une
avec le pié-droit étant d’une figure différente que dans le Pro-
bléme
précédent, le centre de gravité Q, ne ſera point dans la mê-
me
poſition par raport à la baſe PS, puiſque la ligne RS, ſera né-
ceſſairement
plus grande que dans la figure 7.
ce qui fait que la va-
leur
de g, ne peut être d’un pied comme nous l’avons ſupoſé ci-
devant
;
auſſi l’ai-je eſtimé de 18 pouces: or ſi l’on a égard à tout
ce
que je viens de dire, on trouvera en faiſant le calcul numeri-
que
que l’épaiſſeur PS, des piés-droits doit être de 7 pied 8 pou-
ces
6 lignes dans l’état d’équilibre.
Remarque troiſiéme.
14. Mais ſi l’on avoit une Voûte BDH, dont le deſſus fut ter-
miné
par un Plan horizontal QX, il eſt conſtant que prolongeant
11Fig. 11. les rayons AC &
Ar, (qui diviſent les quarts de cercles DB &
DH
, en deux également juſqu’à la rencontre de la ligne QX) la
partie
ſuperieure CWIrD, de la Voûte exercera toute la pouſſée
que
doivent ſoûtenir les piés-droits:
or voulant ſavoir l’épaiſſeur
qu’il
faut leur donner, je prolonge SB juſqu’en R, &
conſidere le
rectangle
PQRS, comme le pié-droit qui répond au vouſſoir OWGD;
mais, dira-t’on, ce vouſſoir anticipe ſur le pié-droit de tout le trian-
gle
FWR, par conſéquent le pié-droit a plus de ſuperficie qu’il ne
devroit
avoir:
cela eſt vrai; mais auſſi je compte de faire abſtrac-
tion
du triangle mixte BFC, qui apartient naturellement au pié-
droit
, afin d’éviter les petites circonſtances qui pourroient rendre le
Probléme
embarraſſant:
ainſi pour le ramener à la propoſition pré-
12918LA SCIENCE DES INGENIEURS, cédente, je prends la partie CF égale à DG, & j’éléve ſur ſon mi-
lieu
L la perpendiculaire LO, pour marquer la direction de la puiſ-
ſance
O, &
je tire les lignes MK & LV comme ci-devant, & les
nomme
auſſi-bien que les autres par les mêmes lettres dont on s’eſt
déja
ſervi, excepté MP que nous nommerons f:
cela poſé, remar-
quez
que les triangles ſemblables LKA &
PON donne LA (b).
LK (a) : : PN (f - c - y). PO ({af - ac - ay/b}), & que la pé-
ſanteur
abſoluë du vouſſoir CWGD (nn) eſt encore à la pouſſée,
ou
ſi l’on veut à l’effort de la puiſſance O, comme LK (a) eſt à
LA
(b);
ce qui donne toûjours{nnb/a} pour l’expreſſion de cette
puiſſance
, qui étant multipliée par ſon bras de lévier PO, l’on aura
fnn
- cnn - ynn, pour le produit qui doit être égal dans l’état d’é-
quilibre
à la péſanteur du pié-droit PQRS, multiplié par ſon bras de
lévier
PT;
ainſi ayant nommé QP, d; & PS, y; l’on aura {dyy/2}
pour
la réſiſtance du pié-droit, par conſéquent cette équation
fnn
- cnn - ynn = {dyy/2}, qui étant multiplié par 2, &
diviſé par d,
donne
2fnn - 2cnn = yy + {2nny/d}, de laquelle dégageant l’inconnu,
il
vient {√2fnn - 2cnn\x{0020}/d} + {√n4\x{0020}/dd} - {nn/d} = y.
Si l’on ſupoſe préſentement le rayon AB de 12 pieds; GD, de
3
;
BS, de 15; QP (d) ſera de 30; LK ou LV (a) ſera de 9 pieds
10
pouces;
MP (f) de 24 pieds 10 pouces; BV (c) de 2 pieds 2
pouces
;
& nn ſera de 56 piéds: or ſi l’on fait toutes les opérations
qui
ſont indiquées dans la derniere équation, l’on trouvera que l’é-
paiſſeur
P S dupié-droit, c’eſt-à-dire y, doit être de 7 pieds 6 pouces,
pour
être en équilibre avec la pouſſée de la Voûte.
15. Je ſuis bien-aiſe de faire obſerver ici en paſſant, que toutes
les
fois que nous avons multiplié l’expreſſion de la puiſſance O,
c’eſt-à-dire
{nnb/a} par ſon bras de lévier PO ({af) - ac - ay/b}) les
lettres
a &
b, ſe ſont évanouïes, n’étant reſté pour le produit que
fnn
- cnn - ynn, qui n’eſt autre choſe que celui de f - c - y par
nn
;
or comme f - c - y, eſt l’expreſſion de l’hipotenuſe NP du
triangle
rectangle PON, &
nn la ſuperficie du vouſſoir CWGD, l’on
peut
donc tirer cette conſéquence qui eſt quetoutes les fois que
le triangle LKO ſera ſemblable au triangle PON, on n’aura qu’à
multiplier l’expreſſion de la péſanteur abſoluë du vouſſoir par celle
13019LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.de l’hipotenuſe NP; pour avoir la pouſſée de la Voûte par raport
au point d’apui P, ſans être obligé de faire aucune analogie;
c’eſt ce
que
nous ſuivrons à l’avenir pour abreger les opérations;
maisl’on
fera attention que ceci n’a lieu que quand il eſt queſtion d’une
Voûte en plein ceintre.
Remarque quatriéme.
16. L’on remarquera encore, que (ſi l’on vouloit conſtruire un
11Planch.
3
.
Fig. 2.
édifice l’on ſeroit obligé de faire pluſieurs Voûtes les unes ſur
les
autres ſoûtenuës par les mêmes piés-droits) il n’y auroit pas plus
de
difficulté à trouver l’epaiſſeur de ſes piés-droits, que l’on n’en
a
eu dans les cas précédens;
il arrivera ſeulement que les calculs
ſeront
un peu plus compoſés, comme on en va juger.
Si l’on conſidere le profil repréſenté par la Figure 2. l’on verra
qu’on
y ſupoſe deux étages:
le premier, qui eſt couvert par deux
Voûtes
de même grandeur, pourra être pris ſi l’on veut pour un
ſoûterain
, au-deſſus duquel eſt un magaſin qui compoſe le ſecond
étage
;
& comme ce magaſin eſt couvert par une Voûte qui eſt ſoûte-
nuë
par les mêmes piés-droits que celle du ſoûterrain, la pouſſée des
deux
Voûtes répondra au même point d’apui P;
par conſéquent ſi
on
diviſe les quarts de cercles BD &
WQ en deux également, &
qu’on
éleve aux points L &
X, les perpendiculaires LO & XE, elles
répréſenteront
comme à l’ordinaire la direction des puiſſances qui
ſoûtiendroient
en équilibre la pouſſée des vouſſoirs LG &
XQ; par
conſéquent
, ſi du point d’apui P l’on abaiſſe ſur ces directions les
perpendiculaires
PO &
PE, l’on aura d’une part le triangle LKA ſem-
blable
à PON, &
de l’autre le triangle XIS ſemblable à PEH; or
pour
avoir la pouſſée des deux vouſſoirs LG &
XQ, on n’aura qu’à
multiplier
la ſuperficie du premier LG par l’hipotenuſe NP du trian-
gle
rectangle PON, &
celle du ſecond XQ par l’hipotenuſe PH
du
triangle PEH, &
ajoûter ces deux produits enſemble; ainſinom-
mant
LV ou MZ, a;
BV, c; ZP, d; MP ſera a + d; & ZB étant
toûjours
y, ML ou MN ſera y + c;
par conſéquent NP ſera a + d 22Art. 15. - c - y; & ſi l’on ſupoſe pour abreger a + d - c = f, NP ſera
f
- y qui étant multiplié par nn ſuperficie du vouſſoir LG, l’on aura
nnf
- nny pour le premier produit (c’eſt-à-dire) pour l’expreſſion
de
la pouſſée de la Voûte ſuperieure, de même ſi on nomme Wr
b
;
& RP: h; RX ou RH ſera y + b, par conſéquent HP ſera h - b
-
y, Et ſupoſant encore pour abreger h - b = p HP ſera p - y
qui
étant multiplié par la ſuperficie du vouſſoir XQ que nous nom-
merons
qq, l’on aura pqq - qqy pour le ſecond produit, ou ſi l’on
13120LA SCIENCE DES INGENIEURS, veut pour la pouſſée de la Voûte inferieure, qui étant ajoûtée avec
celle
de la ſuperieure, il viendra nnf - nny + pqq - qqy pour la
pouſſée
que ſoûtient le pié-droit P B:
& comme la réſiſtance du
pié-droit
jointe au vouſſoir ZLB, eſt exprimée comme ci-devant par
{ddy/2} - nny - nng (car nous faiſons abſtraction de la partie XW de
la
Voûte du ſouterrain, parce que cette partie ſe trouve preſque en-
tierement
enclavée dans le pié-droit) l’on aura donc cette équa-
tion
nnf - nny + pqq - qqy = {dyy/2} + nny - nng;
d’où faiſant paſſer
dans
le ſecond membre les termes ſe trouvent l’inconnu, &
du
ſecond
dans le premier ceux l’inconnu ne ſe trouve point, l’on
aura
nnf + {nng + pqq/d} = {yy/2} + {2nny + qqy/d} après avoir diviſé par
d
;
& ſi l’on ſupoſe {2nn + qq/d} = r, mettant r à la place de ſa valeur
multipliant
toute l’équation par 2, &
faiſant du ſecond membre un
quarré
parfait, l’on aura 2nng + 2nnf + 2pqq + rr = yy + 2ry + rr,
d’où
dégageant l’inconnu il vient enfin 2nng + 2nnf + 2pqq + rr - r
= y, qui donne en terme connu la valeur de y;
ainſi l’on n’aura
qu’à
déterminer ſi l’on veut les dimenſions de la figure pour avoir
la
valeur des lettres, &
enſuite faire avec les nombres les mêmes
opérations
que celles qui ſont indiquées dans l’équation, &
l’on
trouvera
l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits pour être en
équilibre
avec la pouſſée des deux Voûtes.
Quand les Voûtes ſont couvertes par une ſurface horiſontale
ſervant
de rez-de-Chauſſée à l’étage qui eſt au-deſſus, il n’eſt pas
néceſſaire
d’avoir égard aux poids des terres ou des autres maté-
riaux
qu’on met au-deſſus des reins pour remplir les vuides;
car
comme
ces matériaux agiſſent dans un ſens perpendiculaire, ils
font
un effort qui diminuë en quelque façon la pouſſée puiſqu’ils
aident
les piés-droits à y réſiſter:
ainſi il ſuffira de conſidérer la Voû-
te
pour en avoir les piés-droits, comme s’il n’étoit pas queſtion de
cette
nouvelle charge, c’eſt pourquoi je n’en ai pas fait mention
dans
les calculs précédens.
Remarque cinquiéme.
Il ſe fait quelquefois des Voûtes dont l’impoſte ſaille au-delà du
11Planch.
5
.
Fig. 1.
mur, &
alors cette Voûte eſt nommée encorbeillement, parce qu’elle
eſt
portée par des corbeaux de Pierre:
telle eſt la Voûte en plain
13221LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. ceintre BDH, quirepoſe ſur les corbeaux BE & HX, dont la ſaillie
EB
&
HX eſt à peu-près égale à l’épaiſſeur de la Voûte: comme
cette
conſtruction n’eſt guére ſolide, je me garderai bien de la pro-
poſer
pour modele, principalement dans les ouvrages de Fortifica-
tions
, il faut que les Voûtes ſoient d’une certaine épaiſſeur &
ſo-
lidement
établis:
mon deſſein eſt ſeulement de montrer qu’elle
a
beaucoup moins de pouſſée, que ſi elle repoſoit directement ſur
les
piés-droits comme à l’ordinaire, &
qu’on peut la mettre en uſage
dans
les bâtimens civils, quand on veut voûter quelqu’endroit dont
les
murs qui doivent ſervir de piés-droits ſe trouvent tous faits, mais
trop
foibles, parce qu’ils peuvent avoir été bâtis anciennement ſans
qu’on
ait eu en vuë de leur faire porter une Voûte.
Or, pour juger de combien cet encorbeillement ſoulage les piés-
droits
, nous tirerons les lignes comme à l’ordinaire, &
nous nom-
merons
CV, c;
ZC ou PS, y; ZP, d; MP, f; SR, g; ainſi ML
ou
MN ſera y + c;
& par conſéquent NP ſera f - c - y, & comme
nous
ſupoſons, que la ſuperficie de chaque vouſſoir LGD ou LCB
eſt
toûjours exprimée par nn il s’enſuit par l’article 15.
que multi-
pliant
nn par NP (f - c - y) on aura fnn - cnn - nny, pour la
pouſſée
de la Voûte;
d’un autre côté la réſiſtance des piés-droits
ſera
toûjours {dyy/2}, à quoi ajoûtant celle du vouſſoir CLB
qui
eſt le produit de nn par le bras de lévier P R (y + g) l’on au-
ra
cette équation fnn - cnn - nny = {dyy/2} + ynn + gnn, ou bien
{2fnn - 2cnn - 2gnn/d} = yy + {4nny/d} après avoir fait la réduction,
multiplié
par 2 &
diviſé par d, or ſi l’on change le ſecond mem-
bre
en un quarré parfait &
qu’on dégage enſuite l’inconnu il viendra
{√2fnn - 2cnn - 2gnn\x{0020}/d} + {√4n4\x{0020}/dd} - {2nn/d} = y.
Pour connoître la valeur de l’inconnu, nous ſupoſerons que le
rayon
AB eſt de 12 pieds, que la Voûte en a trois d’épaiſſeur, que
les
piés-droits ont 15 pieds de hauteur, &
que la ligne SR (g) eſt
de
2 pieds, ainſi on trouvera que MP (f) vaut 24 pieds 10 pouces
&
que EV (c) vaut 5 pieds 2 pouces; or puiſqu’on a la valeur de
toutes
les lettres quiſe trouvent dans le premier membre de l’équa-
tion
précédente, on trouvera en faiſant les opérations qui y ſont
indiquées
, que l’épaiſſeur des piés-droits doit être de 5 pieds 5 pou-
ces
;
& comme nous avons dans l’art. 11. que les piés-droits d’une
Voûte
qui auroit les mêmes dimenſions que celle-ci ſans être ſou-
13322LA SCIENCE DES INGENIEURS, tenuë par des corbeaux, devoit avoir 6 pieds 6 pouces 7 lignes
d’épaiſſeur
, il s’enſuit que l’encorbeillement donnera 1 pied 1 pou-
ce
7 lignes pour la différence de l’épaiſſeur des piés-droits.
On fera attention (quand on fait des Voûtes par encorbeillement)
de
charger les piés-droits d’une bonne maçonnerie IR pour mainte-
nir
ſolidement la queuë des pierres qui compoſent les corbeaux,
afin
d’avoir un contre-poids qui faſſe équilibre à celui de la Voûte.
PROPOSITION SECONDE.
Proble’me.
Trouver quelle épaiſſeur il faut donner aux piés-droits d’u-
ne
Voûte lorſque ces piés-droits auront un talud déterminé.
17. Nous avons ſupoſé juſqu’ici que les piés-droits des Voûtes
étoient
élevés à plomb des deux côtés, parce qu’il n’arrive guére
qu’on
les faſſe autrement:
cependant, ſi on ſe rapelle ce qui a été
dit
dans le premier Livre, l’on verra que leur donnant un peu de
talud
du côté opoſé à la pouſſée, on pourra avec moins de Ma-
çonnerie
les mettre en état de ſoutenir la pouſſée de la Voûte;
&
c’eſt
ce que l’on ſe propoſe d’expliquer ici, afin de ne rien négliger
de
tout ce qui peut interreſſer le ſujet que je traite.
Pour trouver l’épaiſſeur ZB ou PS du pié-droit PB auquel on ſe
propoſe
de donner un talud exprimé par FZ ou PX, je tire toutes
les
lignes qu’on a tirées dans les Figures précédentes, &
je nomme
KA
ou MF, a;
FZ ou PX, b; BV, c; ZX ou FP, d; ZB, y; ainſi FV
11Fig. 3. ou ML ou MN ſera b + c + y;
& MP a + d, par conſéquent NP
ſera
a + d - b - c - y;
& ſupoſant a + d - b - c = f, NP ſera
f
- y;
or, comme les triangles LKA & PON ſont ſemblables, mul-
tipliant
f - y par nn;
c’eſt-à-dire par la ſuperficie du vouſſoir LGD,
on
aura nnf - nny pour l’expreſſion de la pouſſée de la Voûte par
raport
au point d’apui P.
Preſentement, pour avoir celle de la réſiſtance du pié-droit, je
conſidére
que la ſuperficie du triangle rectangle PZX eſt {bd/2} &
que
ſi
la ligne PR eſt les deux tiers de PX, le point R ſera celui on
pourra
réünir la ſuperficie du triangle;
ainſi multipliant {bd/a} par {2b/3},
l’on
aura après la réduction {bbd/3} pour le produit de la ſuperficie du
13423LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. triangle par le bras de lévier Pr, je multiplie de même la ſuperfi-
cie
du rectangle XZBS (dy) par le bras delévier PT (b + {y/2}) pour
avoir
bdy + {dyy/2}:
enfin comme le centre de gravité Q du vouſſoir
ELB
répond au point R, je multiplie ſaſuperficie nn par le bras de lé-
vier
PR;
c’eſt-à-dire par b + y - g (car je ſupoſe toûjours RS = g) &
le
produit donne bnn + ynn - gnn;
or ajoûtant enſemble ces trois
produits
, l’on aura la réſiſtance du pié-droit, par conſéquent cette
équation
fnn - nny = {bbd/3} + bdy + {dyy/2} + bnn + nny - gnn, ou
bien
{fnn - bnn + gnn/d} + {bb/3} = {yy/2} + {2nny/d} + by, (après avoir diviſé
par
d, &
fait paſſer dans les mêmes membres les termes ſetrou-
vent
l’inconnu.)
Or ſi l’on ſupoſe {2nn/d} + b = p, & qu’on met-
te
p à la place de ſa valeur, on pourra du ſecond membre en faire
un
quarré parfait &
dégager l’inconnu comme à l’ordinaire pour avoir
cette
derniere équation {2fnn + 2gnn - 2bnn/d} - {2bb/3} + pp - p\x{0020} = y.
APLICATION.
Supoſant la hauteur du pié-droit FP, (d) de 15 pieds, & ſon
talud
que EZ (b) de 3, KA (a) ſera de 9 pieds 10 pouces, BV (c)
de
2 pieds 2 pouces, ainſi a + d - b - c, c’eſt-à-dire f ſera de
19
pieds 8 pouces, &
la ſuperficie du vouſſoir LGD de 32 pieds;
or pour avoir la valeur de p qui eſt la ſeule lettre qui nous reſte à
connoître
, je me rapelle qu’on a ſupoſé {2nnd/d} + b = p, &
comme
{2nn/d} vaut 4 pieds 3 pouces, &
b 3 pieds; p vaudra donc 7 pieds
3
pouces;
ainſi ayant la valeur de toutes les lettres, je fais avec
les
nombres les mêmes opérations quiſont indiquées dans l’équation
{2fnn + 2gnn - 2bnn/d} - {2bb/3} + pp - p\x{0020} = y;
& je trouve que y ou
ſi
l’on veut l’épaiſſeur de ZB eſt de 3 pieds 9 pouces 3 lignes;
c’eſt-
à-dire
que ſi l’on donne 3 pieds de talud au pié-droit &
3 pieds 9
pouces
3 lignes d’épaiſſeur au ſommet, ils ſeront en équibre par
leur
réſiſtance avec la pouſſée de la Voûte.
13524LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Remarque prémiere.
18. Pour juger combien il faudroit moins de Maçonnerie pour
les
piés-droits de la Voûte que nous venons de calculer, que pour
ceux
du premier Problême, il n’y a qu’à comparer l’épaiſſeur du
Profil
de l’un, avec celle du Profil de l’autre, puiſqu’ils ontla même
hauteur
:
pour cela j’ajoûte les lignes ZB & PS enſemble; c’eſt-à-
dire
3 pieds 9 pouces 3 lignes, &
6 pieds 9 pouces 3 lignes, &
prens
la moitié de la ſomme qui eſt de 5 pieds 3 pouces 3 lignes
pour
l’épaiſſeur réduite, qui étant comparée avec 6 pieds 6 pouces
7
lignes, épaiſſeur des piés-droits du premier Probléme, la diffé-
rence
ſera d’un pied trois pouces 4 lignes:
ce qui fait voir qu’en don-
nant
au pié-droit un talud tel que nous l’avons ſupoſé, on employera
environ
un cinquiéme moins de Maçonnerie, que ſi l’on avoit fait
ces
pié-droits à plomb des deux côtés.
Remarque ſeconde.
19. Quand on a trouvé, comme dans le premier Probléme, l’é-
paiſſeur
qu’il faut donner aux piés-droits d’une Voûte, pour être en
équilibre
avec la pouſſée, on peut ſans augmenter la depenſe mettre
la
réſiſtance des piés-droits beaucoup au-deſſus de la pouſſée afin d’ê-
tre
ſûr que quelque choſe qui arrive les piés-droits demeurerontiné-
branlables
:
pour cela il ne faut que diminuer un peu l’épaiſſeur des
piés-droits
au ſommet, &
augmenter celle de la baſe de la même quan-
tité
;
par exemple, ſi l’on a trouvé qu’il falloit 7 pieds d’épaiſſeur aux
piés-droits
, on en donnera 6 au ſommet &
8 à la baſe.
Les murs, qui ſont expoſés à l’injure de l’air, & qui ont un talud,
étant
plus ſujets à être dégradés que ceux qui n’en ont point, on
ne
manquera pas de dire que dans la pratique on fera peu d’atten-
tion
à l’avantage que je prétend en tirer:
l’on prendra là-deſſus le
parti
qu’on jugera à propos, ce que l’on vient d’enſeigner n’en ſera
pas
moins vrai.
13625LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
PROPOSITION TROISIE’ME.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits des
Voûtes
lorſque ces piés-droits ſont accompagnés de contreforts.
Je ſupoſe qu’il eſt queſtion de conſtruire une Voûte dont les piés-
droits
doivent être ſoûtenus par des contreforts;
que l’on eſt con-
venu
de la longueur &
de l’épaiſſeur de ces contreforts, auſſi-bien
que
de la diſtance des uns aux autres;
& qu’il n’eſt plus queſtion que
de
ſavoir l’épaiſſeur qu’il faudra donner aux piés-droits, afin qu’é-
tant
aidés des contreforts, le tout ſoit en équilibre avec la pouſſée.
Si l’on conſidére la Figure cinquiéme, l’on verra que le point
d’apui
qui ſoûtient tous les efforts de la pouſſée de la Voûte n’eſt plus
comme
ci-devant à l’endroit r de la baſe des piés-droits, mais bien
à
l’extrêmité P de la queuë des contreforts rPQC;
ce qui montre
que
la perpendiculaire PO, abaiſſée ſur la direction LO de la puiſ-
ſance
, exprime le bras de lévier qui répond à cette puiſſance:
cela poſé, ayant tiré les autres lignes comme à l’ordinaire, nous
nommerons
KA ou MZ, a;
ZC ou Pr, b; BV, c; Cr, d; CB ou
11Fig 4.
& 5.
rS, y;
ainſi ML ou MN, ſera b + c + y; & MP, a + d; par conſé-
quent
NP, a + d - b - c - y, ou bien f - y en ſupoſant a + d
-
b - c = f.
Comme le triangle PON eſt ſemblable à LKA, il s’enſuit que mul-
tipliant
la ſuperficie du vouſſoir LGD (nn) par NP (f - y) on
aura
fnn - ynn pour l’expreſſion de la pouſſée de la Voûte:
pre- 22Art. 15. ſentement pour avoir celle de réſiſtance des piés-droits & des con-
treforts
, je conſidére que les contreforts, tels que ceux dont on ſe
ſert
pour ſoûtenir les Voûtes, ont toûjours leur ſommet QC, termi-
en pante, pour faciliter l’écoulement des eaux de pluye;
c’eſt
pourquoi
j’abaiſſe la perpendiculaire QH ſur Cr, &
diviſe CH en
deux
également au point I, afin d’avoir la ligne Ir, que nous nom-
merons
h;
qui étant multiplié par Pr (b), l’on aura bd pour la ſu-
perficie
de la coupe du contrefort PQCr, que nous ſupoſerons réü-
ni
au point T milieu de Pr (comme ſi cette coupe étoit un rec-
tangle
) afin d’éviter les petits détails auſquels on ſeroit aſſujeti, ſi
l’on
vouloit examiner les choſes dans toute leur préciſion;
ainſi
multipliant
bh par PT({b/2}) on aura {bbb/2} pour le produit du poids 4
par
ſon bras de lévier.
13726LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Car nous ſupoſons que la baſe des contreforts eſt rectangulaire;
mais comme il faut avoir égard au raport de l’épaiſſeur des contre-
forts
à leur diſtance, nous ſupoſerons que ce raport eſt comme 1 à
2
;
c’eſt-à-dire par exemple, que ſi les contreforts ont trois pieds
d’épaiſſeur
, ils ſeront à 6 de diſtance;
ainſi comme ils occupent un
tiers
de l’eſpace qui regne derriere les piés-droits, il faudra donc
diviſer
{bbb/2} par trois, afin d’avoir {bbb/6} pour la réſiſtance des con-
treforts
, comme on l’a expliqué dans l’article 46 du premier Livre.
Delà je paſſe aux piés-droits rB, dont la ſuperficie, ou ſi l’on veut
le
poids 5, eſt dy, qui étant multiplié par ſon bras de lévier PX
(b + {y/2}) l’on aura bdy + {dyy/2};
; enfin je multiplie la ſuperficie du
vouſſoir
CFB (nn), c’eſt-à-dire, le poids 6, par ſon bras de lévier PR
(b + y - g) &
le produit donne nnb + nny - nng, qui étant ajoûté
avecles
deux précédens, on aura l’expreſſion de la puiſſance réſiſtan-
te
, qui étant comparée avec celle qui agit, donne cette équation dans
l’état
d’équilibre:
nnf - nny = {bbb/6} + bdy + {dyy/2} + nnb + nny - nng,
laquelle
étant réduite, il vient {nnf + nng - nnb/d} - {bbb/6d} = {yy/2} + {2nny/d}
+ by;
& ſupoſant {2nn/d} + b = p; on mettra p à la place de ſa
valeur
pour changer le ſecond membre en un quarré parfait,
&
dégager l’inconnu, afin d’avoir cette derniere équation
{2nnf + 2nng - 2nnh/d} - {bbb/3d} + pp - p\x{0020} = y, qui donne ce que l’on
demande
.
APLICATION.
Supoſant le rayon AB de 12 pieds; AF de 15; KA (a) ſera toû-
jours
de 9 pieds 10 pouces, BV (c) de 2 pieds 2 pouces, &
le
vouſſoir
LGD (nn) de 56 pieds quarrés;
d’un autre côté nous ſu-
poſerons
que la longueur Pr (b) des contreforts eſt de 5 pieds;
que la hauteur ZP (d) des piés-droits eſt encore de 15 pieds; &
que
CH eſt égal à HQ:
par conſéquent Ir ſera de 12 pieds 6 pou-
ces
.
On trouvera auſſi que f eſt de 17 pieds 8 pouces, & p de 12
pieds
6 pouces:
cela poſé, ſi l’on fait avec la valeur des let-
tres
les opérations qui ſont marquées dans l’équation
{2nnf - 2nng - 2nnb/d} - {bbb/3d} + pp - p\x{0020} = y, l’on trouvera que
l’épaiſſeur
rS des piés-droits doit être de 3 pieds 1 pouce 5 lignes,
13827LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. pour qu’aidés des contreforts ils ſoient en équilibre avec la pouſſée
de
la Voûte.
Remarque premiere.
21. Pour connoître l’épargne qu’on peut faire ſur la Maçonnerie,
quand
on employe des contreforts, il faut ſe reſſouvenir que dans
l’Article
13.
nous avons trouvé qu’il falloit donner 7 pieds 8 pou-
ces
6 lignes d’épaiſſeur aux piés-droits d’une Voûte ſemblable à celle-
ci
pour être en équilibre avec la pouſſée;
ainſi cette dimenſion étant
multipliée
par la hauteur 15 des piés-droits, le produit ſera 115
pieds
7 pouces 6 lignes pour l’eſtimation des mêmes piés-droits:
preſentement ſi on multiplie auſſi l’épaiſſeur que nous venons de
trouver
;
c’eſt-à-dire, 3 pieds 1 pouce 5 lignes, par 15, l’on trouvera
environ
47 pieds 6 pouces pour l’eſtimation des piés-droits rB;

mais
comme il faut auſſi faire celle des contreforts, je multiplie leur
hauteur
réduite Ir, qui eſt 12 pieds 6 pouces, par la longueur Pr, de
5
pieds, &
je prens le tiers du produit à cauſe que les contreforts
n’occupent
qu’un tiers de l’eſpace qui regne derriere les piés-droits,
&
il vient 20 pieds 10 pouces, que j’ajoûte avec 47 pieds 6 pou-
ces
, pour avoir 68 pieds 4 pouces, qui étant comparés avec 115
pieds
7 pouces 6 lignes, la différence eſt 47 pieds 3 pouces 6 lignes:

ce
qui fait voir qu’on employera environ deux cinquiémes moins de
Maçonnerie
, en ajoûtant des contreforts tels que nous venons de
les
ſupoſer, qu’il n’en auroit fallu en n’en faiſant point:
par conſé-
quent
, ſi au lieu de donner 5 pieds de longueur aux contreforts, on
leur
en donnoit 5 pieds &
demi, la réſiſtance des piés-droits ſeroit
beaucoup
au-deſſus de la pouſſée de la Voûte, &
on épargneroit en-
core
bien de la Maçonnerie;
ou ſi l’on veut on pourroit laiſſer les
contreforts
comme ils ſont, &
donner 3 pieds & demi dépaiſſeur aux
piés-droits
:
ce qui reviendra à peu-près au même.
Remarque ſeconde.
22. On obſervera en paſſant qu’en reglant la diſtance des con-
treforts
, on ne doit pas troples éloigner nileur donner trop de lon-
gueur
, crainte d’affoiblir l’épaiſſeur des piés-droits, ſi l’on vouloit
conſidérer
le tout dans l’état d’équilibre;
puiſqu’il faut avoir égard
à
la liaiſon des matériaux qui ne doivent point dans la pratique être
regardés
comme abſolument indiſſolubles:
je veux dire (par exem-
ple
) que ſi l’on s’apercevoit que pour avoir donné trop de longueur
aux
contreforts, la valeur de y ne fût point ſuffiſante pour rendre
13928LA SCIENCE DES INGENIEURS, les piés-droits d’une épaiſſeur raiſonnable, deſorte qu’on pourroit
craindre
que la pouſſée de la Voûte fit ſouffler la Maçonnerie entre-
deux
contreforts, il vaudroit mieux diminuer la longueur des con-
treforts
afin que les piés-droits en devinſſent plus épais;
par la même
raiſon
il eſt plus à propos de partager la Maçonnerie qu’on deſtine
à
ſoûtenir les piés-droits en multipliant les contreforts, que d’en met-
tre
une moindre quantité, &
les faire plus épais; je veux dire par
exemple
que ſi l’on vouloit ſoûtenir une Voûte par des contreforts,
dont
la Maçonnerie occupât un tiers de l’eſpace qui regne entreles
piés-droits
&
la queuë des contreforts, au lieu de faire les contreforts
de
6 pieds d’épaiſſeur &
de 12 pieds de diſtance de l’un à l’autre,
il
vaudroit beaucoup mieux ne leur donner que 3 pieds d’épaiſſeur,
&
les mettre à ſix pieds de diſtance; parce que plus les piés-droits
auront
de points d’apui, &
plus l’ouvrage ſera ſolide: l’on ſent bien
que
je veux parler des contreforts qui ſont apliqués aux ouvrages
de
Fortiſications;
car je n’ignore pas que quand il s’agit de quel-
qu’autre
édifice, il faut que la décoration &
la ſolidité ſoient de
concert
(comme par exemple aux Egliſes) il n’eſt pas toûjours libre
de
déterminer la diſtance des contreforts, puiſqu’il faut avoir égard
à
la largeur des croiſées qui ſont pratiquées entre-deux, &
aux en-
droits
de la Voûte qui doivent être arboutés préférablement à d’au-
tres
, parce que dans ces ſortes d’édifices les Voûtes n’agiſſent point
par-tout
également, leur pouſſée ſe réüniſſant à certains points, qui
indiquent
d’eux-même la poſition des contreforts.
Remarque troiſiéme.
23. On peut encore remarquer, que la pouſſée d’une Voûte
augmente
ou diminuë ſelon que le point d’apui P, eſt éloigné du
point
S, extrêmité de la perpendiculaire BS;
car ſil’on ſe rapelle que
cette
pouſſée dépend du produit de la péſanteur rélative du vouſ-
ſoir
LGD par la perpendiculaire PO, l’on verra que plus le point
d’apui
P ſera éloigné de S, plus la perpendiculaire PO ſera racour-
cie
;
ainſi plus la baſe des piés-droits aura de largeur & moins il fau-
dra
de réſiſtance pour ſoûtenir la pouſſée:
que s’il arrivoit que le
point
d’apui P fut tellement éloigné de S que la ligne de direction
LO
paſſat pour le point P, c’eſt-à-dire, que les points O &
P fuſ-
ſent
confondus, alors l’action du vouſſoir LGD ne feroit aucun
effet
ſur le pié-droit:
car la ligne MP deviendroit zéro, & zéro
multiplié
par nn, ne peut donner que zéro.
14029LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
Remarque quatrième.
24. Puiſque tous les points d’apui qui ſoûtiennent la pouſſée d’une
Voûte
ſe rencontrent poſitivement ſous la queuë des contreforts,
on
voit qu’en conſtruiſant les fondemens on ne ſauroit les faire trop
ſolides
en ces endroits-là;
c’eſt pourquoi je voudrois qu’ils fuſſent
compoſés
des plus gros quartiers de pierres poſées ſur deux rangs
de
madriers, quand même le terrain ſur lequel ou voudroit aſſeoir
la
Fondation paroîtroit ferme;
puiſqu’il n’y a point à douter que la
Voûte
, ſi elle eſt maſſive, ne cauſe par ſa pouſſée quelque af-
faiſſement
à l’extrêmité des contreforts:
il paroît même que pour
plus
de ſûreté on ne feroit pas mal de faire les fondemens des con-
treforts
d’un pied &
demi ou deux pieds plus longs que les contre-
forts
mêmes, donnant auſſi beaucoup de retraite ſur les côtés, afin
d’avoir
de grands ampâtemens, qui allongent le bras de lévier &

fortifient
le point d’apui.
J’ai un Magaſin à poudre dont la Voûte
s’eſt
fenduë des deux côtés au milieu des reins depuis un pignon
juſqu’à
l’autre, peu de tems après avoir été bâti, quoique les dimen-
ſions
des piés-droits &
des contreforts fuſſent beaucoup au-deſſus
de
celles qu’il auroit falu pour en ſoutenir la pouſſée, &
que la Ma-
çonnerie
fut fort bonne;
ayant examiné de quelle part cela pouvoit
provenir
, je me ſuis aperçû que le terrain au-deſſus des fondemens
de
la queuë des contreforts avoit flêchi, au lieu que cela ne ſeroit
pas
arrivé ſi l’on avoit mis deux ou trois bons madriers l’un ſur l’au-
tre
pour aſſurer le point d’apui.
Les Ingenieurs qui ont beaucoup d’experience ſentiront mieux
que
perſonne la conſéquence de cette remarque, non-ſeulement au
ſujet
des contreforts;
mais encore pour tous les autres fondemens
qui
doivent ſervir de point d’apui:
auſſi voit-on que M. de Vauban
en
fortifiant le neuf Briſack a aſſuré le bord des fondemens de tous
les
revêtemens de Maçonnerie par un rang de madriers qui regne le
long
du pourtour de chaque ouvrage.
14130LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE TROISIE’ME.
Dela maniere detrouver l’épaiſſeur des pié-droits des Voûtes
ſurbaiſſées
en tiers-points, en plate-Bande, & celles des cu-
lées
des Ponts de Maçonnerie.
JE crois avoir ſuffiſamment expliqué les Voûtes en plein ceintre
dans
le Chapitre précédent pour n’en plus faire mention;
c’eſt
pourquoi
je vais examiner dans celui-ci celles que l’on nomme
ſurbaiſſées
ou Elliptiques, les autres qu’on apelle Gothiques, ou en
tiers-points
, enfin celles que l’on nomme plate-bande, parce qu’elles
ne
font aucune courbure ſenſible, étant plates comme un plat-fond.
Cependant, comme les Voûtes ſurbaiſſées dont nous allons parler ſe-
ront
ſupoſées parfaitement Elliptiques, &
non point tracées par des
portions
de cercle comme font la plûpart des Ouvriers, il eſt bon
avant
toutes choſes de prévenir le lecteur de quelque propriété des
Sections
Coniques, auſquelles nous ſerons obligé d’avoir recours,
afin
de ne rien ſupoſer dont on n’aperçoive ſur le champ les raiſons;

ainſi
on fera bien de s’apliquer à ce qui ſuit.
Principes tirés des Sections Coniques.
25. Il eſt démontré dans les Sections Coniques, que ſi l’on méne
11Plan. 5.
Fig. 7.
une ordonnée GH au grand axe AB d’une Ellipſe, le rectangle com-
pris
ſous AG &
GB eſt au quarré de GH, comme le quarré de AF
eſt
au quarré de FD:
ainſi nommant AF, a; FD, b; GF, x; GH, y;
on aura aa - xx. yy : : aa. bb.
Second Principe.
26. Il eſt auſſi démontré, que ſi l’on fait FI troiſiéme proportion-
22V. le C.
Art
. 436.
nelle à FG &
à FA, tirant la ligne HI, elle ſera tengente au point
H
, ce qui donne FI={aa/x}, d’où l’on tire IG={aa-xx/x}.
14231LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
Troiſiéme Principe.
27. Si au point H, une tengente HI, touche l’Ellipſe on éle-
ve
une pérpendiculaire HK qui aille rencontrer l’axe AB au point
K
, je dis que FG eſt à GK comme le quarré de AF eſtau quarré de
FD
, ou, ce qui revient au même, comme le rectangle de AG par
GB
eſt au quarré GH.
Pour le prouver, conſiderés que les triangles IGH & GHK, ſont
ſemblables
, par conſéquent IG ({aa-xx/x}), GH (yy) :
: GH
(y);
GK{(yy)/aa-xx; /x} ou ce qui eſt la même choſe {yyx/aa-xx}; comme
nous
avons l’expreſſion de KG, il n’eſt donc queſtion que de prouver
que
GF (x) eſt à GK ({yyx/aa-xx}) commele rectangle de AG par GB
(aa-xx) eſt au quarré de GH (yy), ce qui eſt bien évident, puiſ-
que
le produit des extrémes &
celui des moyens donnent l’un &
l’autre
yyx;
car on remarquera que c’eſt multiplier le ſecond terme
yyx
par aa-xx que de ne le pas diviſer par la même quantité.
Comme les propriétés de l’Ellipſe ſont toujours les mêmes, ſoit
que
la tengente aille rencontrer le grand axe AB prolongé, ou le
petit
axe DE auſſi prolongé, l’on verra par une démonſtration ſem-
blable
à la précédente, que ſi la perpendiculaire élevée ſur la tengen-
te
IO alloit rencontrer le petit axe ED au point L, l’on auroit encore
le
quarré de EF eſt au quarré de AF comme la coupée MF eſt à la
ligne
ML.
Corollaire Premier.
28. Il ſuit du premier principe, que quand on connoîtra les deux
diamêtres
AB &
ED d’une Ellipſe, & la diſtance du centre F au point
G
on aura mené une ordonnée GH, qu’on connoîtra toujours
la
valeur de cette ordonnée en nombre, en diſant ſi le quarré du
demi
diamêtre AF donne tant pour le quarré du diamêtre FD, que
donnera
la difference du quarré de AF au quarré FG, pour le quarré
GH
que l’on cherche?
lequel étant trouvé, on n’aura qu’à en ex-
traire
la racine quarrée, qui ſera la perpendiculaire GH.
Corollaire Second.
29. Il ſuit auſſi du troiſiéme principe, que ſi on avoit beſoin de
14332LA SCIENCE DES INGENIEURS, connoître la valeur de la partie ML, compriſe entre l’ordonnée HM
&
la perpendiculaire HL élevée à l’extremité de la tengente IH,
on
n’aura qu’à dire ſi le quarré EF donne le quarré FB, que don-
nera
la ligne FM pour la valeur de la ligne ML;
ce qu’on trouvera
en
faiſant la régle.
Remarque.
30. Comme l’on ne parvient avec le ſecours de l’Algebre à la
11Fig. 6. connoiſſance des grandeurs que l’on cherche, que par le moyen
de
celles que l’on connoît déja, il faut néceſſairement, pour déter-
miner
l’épaiſſeur des piés-droits qui ſoûtiennent les Voûtes Ellipti-
ques
, connoître certaines lignes qu’on ne peut avoir que mécani-
quement
(c’eſt-à-dire) en traçant une demi Ellipſe ſemblable à celle
dont
on veut faire la Voûte;
& comme les Ellipſes en pareil cas ne
ſauroient
être trop grandes, afin d’avoir ce que l’on demande avec
plus
de préciſion;
voici comme on s’y prendra.
Ayant tracé ſur le parquet d’une Chambre ou ſur une grande
Table
uneligne AB de 5 à 6 pieds de longueur, pour ſervir de grand
axe
, on la diviſera en deux également au point D, &
à ce point
on
élevera la perpendiculaire DC dont la longueur doit avoir le
même
raport avec la ligne AB, que la hauteur de la Voûte dans œu-
vre
qu’on ſe propoſe de faire, aura avec ſa largeur:
enſuite il faut
tirer
les lignes CE &
EF, enſorte qu’elles ſoient chacune égales à la
moitié
du grand axe AB, afin d’avoir les points E &
F, qui ſeront
les
foyers de l’Ellipſe:
après cela, l’on aura de la ficelle bien fine
&
bien unie ou un cordon de ſoye, & on prendra dans cette ficelle
une
longueur qui ſoit parfaitement égale à l’axe AB, on attachera
les
deux extrêmités de cette longueur aux points E &
F, & on ſe
ſervira
d’un poinçon pour tenir la ficelle tenduë, avec lequel on
tracera
en même tems la courbe AGHB en allant du point A au
point
C, &
du point C au point B; car l’on entend bien que cette
ficelle
doit gliſſer autour du poinçon G, &
qu’elle doit être toûjours
également
tenduë:
cette maniere de tracer l’Ellipſe eſt la plus com-
mode
que je ſache;
j’ay jugé à propos de la raporter ici, quoiqu’elle
ſoit
aſſés connue;
mais ce n’eſt point un mal de rendre les choſes
préſentes
, quand on rencontre les occaſions d’en faire uſage.
L’Ellipſe étant tracée, il faut faire une échelle & avoir égard à la
22Fig. 6. quantité des pieds qu’on veut donner de largeur à la Voûte;
ſic’eſt
par
exemple 24 pieds, je diviſe la ligne AB en quatre parties égales
&
une de ces parties étant diviſée en pieds, pouces, & lignes, on
connoîtra
la valeur des lignes qu’on ſera obligé de tracer dans
14433LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. l’Ellipſe. Par exemple, ſi on avoit quelque raiſon pour abaiſſer du
point
H, pris ſur la courbe la perpendiculaire HI, à l’axe AB,
on
pourra avec l’échelle trouver la valeur de la coupée DI, &
de
l’ordonnée
IH, en pieds pouces &
lignes auſſi exactement qu’on
peut
le déſirer dans la Pratique.
Nous allons faire uſage de tout
ceci
.
PROPOSITION PREMIERE.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits d’une
voûte
Elliptique.
31. Comme la pouſſée d’une Voûte ſe fait toujours ſelon les di-
11Fig. 8. rections des tangentes menées à la courbe qu’elle forme, il faut com-
mencer
par diviſer le quart d’Ellipſe BD, en deux également au
point
L, pour mener à ce point la tangente LO, &
ſur l’extrêmité
L
, perpendiculaire LA, qui étant prolongée juſqu’en F, parta-
gera
comme à l’ordinaire la demi Voûte en deux parties à peu-près
égales
;
alors la ligne FA, pourra être regardée comme le plan in-
cliné
ſur lequel agit le vouſſoir FGDL, &
la ligne OL, comme la
direction
de la puiſſance qui ſeroit en équilibre avec l’action du
même
vouſſoir:
on ſera peut-être ſurpris que cette direction ne ſoit
pas
perpendiculaire ſur le milieu du joint FL, comme dans lespro-
blémes
précédents;
mais comme il falloit neceſſairement qu’elleré-
pondit
au point L, pour avoir les lignes LK, LV, KA, nous avons
été
obligé d’en uſer ainſi afin d’agir avec plus de préciſion, mais
nous
y aurons égard dans l’application;
ainſi ſupoſant les autres li-
gnes
tirées comme ci-devant, nous nommerons LK, a;
KA, b;
LA, c; BV, d; BS, f; MP, g; ZB, y; & le vouſſoir CG, ou CE,
nn
.
Cela poſé, je conſidere que les triangles LKA & LMN, étant
ſemblables
donnent AK (b), LK (a):
: LM (y+d), MN({ay+ad/b})
par
conſequent NP ſera {gb-ad-ay/b}, &
commelestriangles LKA
&
NOP, ſont encore ſemblables on aura auſſi LA(c), AK (b): : NP
({gb-ad-ay/b}), PO ({gb-ad-ay/c}) qui donne l’expreſſion du
14534LA SCIENCE DES INGENIEURS, bras de lévier PO, preſentement pour avoir l’expreſſion de la puiſ-
ſance
O, je conſidere que la peſanteur abſoluë du vouſſoir LGD,
eſt
à ſon effort ſur le joint FL, comme LK (a) eſt à LA (c), &

qu’ainſi
il faudra multiplier {cnn/a} par le bras de lévier PO, qui donne
{gbnn/a}-nnd-nny pour l’expreſſion de la pouſſée de la Voûte par
raport
au point d’apui P, d’un autre côté pour avoir celle de la ré-
ſiſtance
du pié-droit PB, jointe au vouſſoir FB, je multiplie le
rectangle
PB (fy) par PT ({y/2}) &
la ſuperficie du vouſſoir FB (nn)
par
le bras de lévier PS (y);
(car je ſupoſe que la ligne de direc-
tion
tirée du centre de gravité Q, tombe à peu-près au point S, ce
vouſſoir
étant beaucoup plus incliné que dans la Voûte en plein
ceintre
) ainſi ajoûtant ces deux produits enſemble pour les com-
parer
avec la pouſſée de la Voûte, il vient cette équation {gbnn/a}
-dnn-nny
={fyy/2}+nny, laquelle étant réduite, diviſée par f,
&
multipliée par 2, il vient {2gbnn/af}-{2dnn/f}=yy-{4nny/f}: or chan-
geant
le ſecond membre en un quarré parfait, &
dégageant l’in-
connu
, on aura {2gbnn/af}-{2dnn/f}+{4n+/ff}-{2nn/f}=y, qui donne ce
que
l’on cherche.
APLICATION.
Pour raporter le Probleme précédent à la pratique, il faut com-
mencer
par tracer une grande Ellipſe comme on l’a enſeigné dans
l’Article
36.
Enſorte que les deux demi axes ſoient dans la raiſon
des
lignes HB &
HD; par exemple ſi la largeur de la Voûte dans
œuvre
étoit de 24 pieds, &
que la hauteur DH, fut les deux tiers
11Fig. 8. de cette même largeur, BH ſeroit de 12 pieds, &
DH de huit; or
diviſant
un quart de cette Ellipſe en deux également, on abbaiſſera
du
point de diviſion une perpendiculaire comme LV, dont il ſera
aiſé
de connoître la valeur par le moyen de l’échelle auſſi-bien que
de
la ligne VH ou LK, ayant donc fait moi-même ce que je viens
de
dire, j’ai trouvé que LV ou KH, étoit de 6 pieds 3 pouces,
&
que LK ou VH, étoit de 7 pieds 6 pouces; & comme il faloit
auſſi
connoître KA, j’ai dit ſelon l’Article 29.
comme le quarré de
DA
eſt au quarré de HB, de même la ligne KH eſt à la ligne KA,
que
j’ai trouvée de 14 pieds 9 lignes.
14635LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
La Voûte étant ſupoſée de 3 pieds d’épaiſſeur, pour avoir la ſu-
perficie
des voſſoirs FD ou FB, j’ai cherché celle de la grande
&
la petite Ellipſe , & ayant retranché l’une de l’autre, j’ai pris la 11V. le C.
Art
. 574.
huitiéme partie de la difference qui m’a donné 27 pieds;
ainſi ſu-
poſant
la hauteur du pié-droit de 15 pieds, on aura la valeur de
toutes
les lettres qui ſe trouvent dans l’équation précédente, puiſ-
que
LK (a) ſera de 7 pieds 6 pouces, KA(b) de 14 pieds 9 lignes,
BV
(d) de 4 pieds 6 pouces, ZP (f) de 15 pieds, MP (g) de
21
pieds 3 pouces;
à quoi il faut ajoûter la moitié de l’épaiſſeur de
la
Voûte pour avoir 22 pieds 9 pouces, &
CG (nn) de 27 pieds:
ainſi ayant fait les mêmes opérations avec les nombres que celles
qui
ſont indiquées dans la derniere équation, j’ai trouvé que y, c’eſt-
à-dire
l’épaiſſeur des piés-droits, devoit être de 8 pieds 8 pouces.
La tengente LO donnant un bras de lévier OP plus court que ſi la
ligne
de direction de la puiſſance étoit perpendiculaire ſur le milieu du
joint
FL, comme eſt par exemple CX, j’ai augmenté la valeur de la
ligne
MP, de la moitié de l’épaiſſeur de la Voûte, afin que le bras de
lévier
PO, ſe trouvant allongé de la ligne XO égal à CL, cette ſolu-
tion
répondit à peu près aux autres précédentes.
Remarque premiere.
32. On voit que les Voûtes ſurbaiſſées ont plus de pouſſée que
22Planch.
5
.
Fig. 8.
celles qui ſont en plain ceintre;
car comme l’angle OLV formé par
la
ligne de direction OL &
la perpendiculaire LV, eſt plus grand
que
dans les profils précédents, il arrive que le bras de lévier PO,
ſe
trouve alongé, ce qui doit augmenter la force de la puiſſance
agiſſante
:
or comme plus le demi axe DH, ſera petit égard à
l’autre
HB, plus le bras de lévier PO augmentera, il s’enſuit que
plus
une Voûte eſt ſurbaiſſée &
plus elle a de pouſſée.
Remarque ſeconde.
33. Il eſt bon d’obſerver auſſi que les vouſſoirs qui compoſent
une
Voûte ſurbaiſſée devant avoir neceſſairement pluſieurs centres,
cette
Voûte n’eſt pas à beaucoup près ſi forte que celle en plein
ceintre
, parce que, dans cette derniere, l’effort de tous les vouſ-
ſoirs
ſe réüniſſant à un ſeul point, ils ſe fortifient mutuellement,
&
ſont capables de mieux ſoûtenir l’action de quelque grand far-
deau
ou de quelque choc violent, comme ſeroit celui des bom-
bes
;
ainſi quand il eſt queſtion des ſoûterains qu’on veut mettre à
14736LA SCIENCE DES INGENIEURS, l’épreuve, il n’y a point de Voûte qui convienne mieux que celle
en
plein ceintre.
PROPOSITION SECONDE.
Proble’me.
Trouver quelle épaiſſeur il faut donner aux piés-droits
des
Voûtes en tiers-points pour être en équilibre avec la pouſ-
ſée
des mêmes Voûtes.
34. L’on ſait que la Voûte en tiers-point ou Gothique, étant for-
11Plan. 6.
Fig. 1.
mée par deux arcs de cercle égaux, cette Voûte doit avoir neceſ-
ſairement
deux centres dont la poſition dépend de l’élevation qu’on
veut
lui donner:
par exemple, ſi la ligne BI, détermine la largeur
de
la Voûte, les centres peuvent être aux points B &
I, ou à quel-
qu’autres
points G &
H, également éloignés du milieu A: quand
on
prend les points B &
I pour centre, la largeur BI, devient le
raïon
avec lequel on décrit les deux arcs, &
alors la Voûte eſt auſſi
élevée
qu’on a coûtume de la faire quand il s’agit d’une Egliſe ou
de
quelque bâtiment civil;
mais, s’il eſt queſtion d’un Magaſin qu’on
veut
mettre à l’épreuve de la bombe, on ſe garde bien de lui
donner
tant d’élevation, parce qu’elle ſeroit trop foible.
La ma-
niere
la plus convenable eſt de diviſer les lignes AI &
AB, en deux
parties
égales aux points H &
G pour avoir les centres ſervant à
décrire
les arcs BD &
DI avec les raïons HB & GI; ainſi ſupoſant
que
la Voûte, ſur laquelle nous allons opérer, ait été tracée de
cette
maniere, on diviſera l’arc BCD en deux également au point
C
, enſuite on tirera les raïons HF, HT, la corde BD, &
les autres
lignes
comme à l’ordinaire.
Ayant nommé LK a; KQ b; LQ c; BV d; ZP f; MP g; ZB y;
ML ſeray + d; cela poſé, remarquez queles triangles LK Q & LMN
étant
ſemblables, l’on aura KQ (b), KL (a):
: LM (d + y)
MN
({ad + ay/b}), ainſi la ligne NP ſera {bg-ad-ay/b}:
& com-
me
le triangle LKQ eſt auſſi ſemblable à NOP, on aura encore
LQ
(c), KQ (b):
: NP ({bg-ad-ay/b}), PO ({bg-ad-ay/c}).
Préſentement, faites attention que dans le triangle rectangle
LKQ
le côté LK, peut exprimer la peſanteur abſoluë du vouſſoir
14837LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. LDT, puiſque la ligne de direction tirée de ſon centre de gravité
eſt
coupée en angle droit par ce côté de même la ligne de direction
OL
de la puiſſance O, étant perpendiculaire ſur le côté LQ, il ex-
primera
le fort du vouſſoir ſur le joint FC:
ainſi nommant nn, la
ſuperficie
de ce vouſſoir, ſon effort ſera encore {cnn/a}, qui étant mul-
tiplié
par le bras de lévier PO, l’on aura {bgnn/a} - dnn - nny, pour
la
pouſſée de la Voûte par raport au point d’apui P:
d’un autre côté
ſi
l’on ſupoſe que la ligne de direction tirée du centre de gravite du
vouſſoir
LFB vient tomber au point S, afin de rendre le calcul plus
ſimple
, la réſiſtance du pié-droit joint au vouſſoir qui lui répond,
ſera
exprimée comme ci-devant par{fyy/2} + nny, qui étant comparé
avec
la pouſſée de la Voûte l’on aura dans l’état d’équilibre {bgnn/a}
-
dnn - nny = {fyy/2} + nny, d’où on tirera comme à l’ordinaire
{2bgnn/af}-{2dnn/f}+{4n4/ff}\x{0020}-{2nn/f} = y.
APLICATION.
Pour raporter ce Probléme à la pratique, nous ſupoſerons que
la
ligne BI eſt de 24 pieds:
cela étant HB ou HD ſera de 18 pieds,
&
AH de 6, ainſi dans le triangle rectangle ADH dont on connoît
deux
côtés, il ſera aiſé de connoître l’angle AHD, qu’on trouvera
de
70 degrés 30 minutes, dont la moitié ſera pour l’angle LHV du
triangle
rectangle LVH duquell’on connoît le côté LH, carla Voûte
aïant
trois pieds d’épaiſſeur, ce côté ſera de 19 pieds &
demi; ainſi
comme
nous avons un triangle rectangle dans lequel on connoît
deux
angles &
un côté, on trouvera par le calcul ordinaire que LV
eſt
de 11 pieds 3 pouces, &
VH d’environ 16 pieds, d’où retran-
chant
AH de ſix, il en reſtera 10 pour VA, ou LK:
ainſi connoiſ-
ſant
un des côtés du triangle rectangle LKQ avec l’angle aigu LQK
(puiſqu’il eſt complement de l’angle AHQ) on trouvera que le
côté
KQ eſt à peu-près de 7 pieds, deſorte que ſi l’on ſupoſe que
la
hauteur du pié-droit eſt encore de 15 pieds, on aura la valeur
de
toutes les lettres excepté nn;
car LA (a) ſera de 10 pieds, KQ
(b) de 7, BV (d) de 2, ZP (f) de 15, à quoi ajoûtant LV ou
MZ
, qu’on a trouvé de 11 pieds 3 pouces, on aura 16 pieds 3 pou-
ces
pour MP (g).
14938LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Comme il nous reſte à trouver la valeur de nn, je cherche la
ſuperficie
des cercles qui auroient pour raïon HB &
HE; c’eſt-à-
dire
18 &
21 pieds, & après les avoir trouvé j’en prend la diffe-
rence
qui eſt de 368 pieds quarrés qui eſt la valeur de la couronne,
dont
la ſuperficie du vouſſoir LDT fait partie.
Or pour avoir cette
partie
, je dis, comme 360 degrés valeur de la circonférence du
cercle
eſt à 35 dégrés 15 minutes, valeur de l’arc FT;
ainſi 368 pieds
difference
de deux cercles, eſt à la ſuperficie CFTD, qu’on trou-
vera
de 35 pieds 9 pouces 4 lignes, faiſant les opérations indiquées
dans
l’équation {2bgnn/af} - {2dnn/f} + {4n+/ff} - {2nn/f} = y.
On trouvera que
la
valeur de y, c’eſt-à-dire l’épaiſſeur des piés-droits, doit être de
5
pieds 3 pouces.
Quoique la perpendiculaire AX & le raïon HT ſe coupent au
point
D &
forme l’angle TDX, qui comprend un petit eſpace
qui
rend le vouſſoir ſuperieur LX plus grand que l’inferieur LEB,
je
n’ai pas laiſſé que deles conſidérer égaux, parce que la difference
eſt
trop peu de choſe pour y avoir égard dans la pratique.
Remarque prémiere.
35. On remarquera que les Voûtes en tiers-points ont beaucoup
moins
de pouſſée que celles qui ſont en plein ceintre, parce que
la
ligne de direction OL de la puiſſance qui ſoûtiendroit le vouſſoir
LTD
, faiſant un plus petit angle avec la verticale LV, que dans la
Voûte
en plein ceintre il faut neceſſairement que le bras de lévier
PO
, ſoit plus court que ſi la Voûte étoit moins élevée, tellement
qu’on
peut dire que plus le raïon HB de l’arc BD ſera grand &

moins
il faudra donner d’épaiſſeur aux piés-droits.
Remarque ſeconde.
36. Si les Voûtes en tiers-points ou les ſurbaiſſées avoient leurs
extradoſes
dirigées en pente, on trouvera toûjours l’épaiſſeur de
leurs
piés-droits comme on a fait dans l’Article 13.
puiſque les opé-
rations
ne differeront en rien de celles qu’on vient de voir dans les
deux
propoſitions précédentes, il n’y aura ſeulement que la ſeule
expreſſion
nn du vouſſoir qui pourra valoir un plus grand nombre
de
pieds quarrès.
De même, ſi on vouloit que les pieds-droits de ces deux eſpeces
de
Voûtes fuſſent accompagnés de contreforts, on ſuivra ce qui
15039LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. a été enſeigné dans l’Article 20, n’ayant pas jugé à propos de répeter
ce
qui a été dit à ce ſujet, pour ne point ennuïer.
PROPOSITION TROISIE’ME.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux-piés-droits qui
ſoûtiendroient
une Plate-Bande.
37. La premiere choſe, dont il faut être prévenu, eſt que pour
11Planch.
6
.
Fig. 2.
avoir la coupe des clavaux qui doivent compoſer une Plate-Bande,
on
trace un triangle équilateral ALF ſur la ligne LF qui exprime
la
largeur de la Plate-Bande, enſuite on diviſe cette largeur en au-
tant
de parties égales, qu’on voit à peu-près qu’elle doit contenir
de
clavaux, &
du point A comme centre on tire des lignes qui
paſſant
par chaque point de diviſion, leſquelles allant rencontrer
GI
, marquent la figure &
la grandeur des clavaux: ainſi ſupoſant
que
la platte-bande DEFL ait été conſtruite de la façon que je viens
de
dire, nous en prendrons la moitié DCKL, pour être conſiderée
comme
une ſeule pierre qui faiſant l’effet d’un coin dont les faces
ſeroient
DA &
CA, agit contre le point L, pour renverſer le pié-
droit
MS;
c’eſt pourquoi il faut abbaiſſer au point L la perpendicu-
laire
LO ſur DA, pour avoir la ligne de direction de la puiſſance
qui
ſoûtiendroit l’effort de la demi platte-bande DK, &
alors la per-
pendiculaire
PO ſera comme à l’ordinaire le bras de lévier de cette
puiſſance
;
pour en avoir l’expreſſion nous nommerons LK a; par
conſequent
LA ſera 2a, puiſqu’à cauſe du triangle équilateral LA eſt
double
de LK, d’un autre côté KA ſera nommé b;
LM y; MP f;
& la ſuperficie LDCK nn; cela poſé, remarquez qu’à cauſe de l’angle
droit
OLA, les trois triangles AKL, LMN, NOP, ſont ſemblables:

ainſi
KA (b) KL (a):
: LM (y) MN ({ay/b}) par conſequent NP
ſera
{fb - ya/b} d’où l’on tire AL (2a) AK (b) :
: PN ({fb - ay/b}). PO
({fb - ay/2a}).
Si l’on fait attention que la peſanteur abſoluë de la demi plate-
bande
LDCK, eſt à l’effort qu’elle fait contre le pié-droit comme
LK
eſt à LA, l’on verra que LA étant double de LK, l’effort que
foûtient
la puiſſance O doit être exprimée par 2nn:
c’eſt pourquoi
15140LA SCIENCE DES INGENIERS, multipliant cette quantité par le bras de lévier PO, l’on aura (après
la
réduction) {bfnn/a} - nny, pour l’expreſſion de la pouſſée de la
plate-bande
par raport au point d’apui P, qui étant comparé à la
réſiſtance
des piés-droits, c’eſt-à-dire à {fyy/2}, l’on aura {bfnn/a} - nny
= {fyy/2} dans l’état d’équilibre;
ou bien {2bnn/a} = yy + {2nny/f} après a-
voir
multiplié par 2, &
diviſé par f: or ſi l’on change le ſecond
membre
en un quarré parfait, &
qu’on dégage enſuite l’inconnu, il
viendra
{√2bnn/a} + {n+/ff}\x{0020} - {nn/f} = y.
APLICATION.
Supoſant que la hauteur LS (f) des piés-droits ſoit de 15 pieds,
que
la largeur LF de la Voûte ſoit de 24, &
ſon épaiſſeur CK de 3,
on
verra que LK (a) eſt de 12 pieds, KA (b) de 20 pieds 9 pou-
ces
4 lignes, &
la ſuperficie LDCK (nn) de 38 pieds 3 pouces
quarrés
:
ainſi, faiſant les opérations qui ſont indiquées dans la der-
niere
équation, elles donneront 9 pieds 2 pouces pour la valeur de
y
, c’eſt-à-dire pour l’épaiſſeur des piés-droits.
Remarque.
38. La plate-bande eſt de toutes les Voûtes celle qui a le plus
de
pouſſée, &
qui a le moins de force; c’eſt pourquoi elle n’eſt pas
d’uſage
pour les Fortifications, ne s’employant guére que dans les
grands
édifices, &
avec des dépenſes conſiderables, à cauſe des bar-
res
de fer dont on ſe ſert pour ſoulager les piés-droits, &
pour lier
les
clavaux enſemble.
S’il s’agiſſoit de quelque Porte-Cochere, il faut pour emp êcher
que
la plate-bande ne porte tout le poids du mur qui ſeroit élevé
deſſus
, faire un arc de décharge qui ſoit appuyé ſur les piés-droits.
15241LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
PROPOSITION QUATRIE’ME.
Proble’me.
La péſanteur de la clef d’une Voûte en plain ceintre étant
déterminée
, on demande de combien il faut augmenter celle
de
chaque Vouſſoir pour qu’ils ſoûtiennent tous d’eux-mê-
me
en équilibre.
39. Nous avons fait voir dans l’article 1. que tous les vouſſoirs qui
11Fig. 3.
& 4.
compoſent une Voûte avoient plus ou moins de pouſſée ſelon qu’ils
étoient
plus près ou plus éloignés de la clef, &
que cette pouſſée
allant
toujours en diminuant à meſure que les plans ſur leſquels ces
vouſſoirs
agiſſoient, étoient moins inclinés à l’horiſon, les vouſſoirs
ſuperieurs
ne manqueroient pas d’écarter ceux qui ſont immédia-
tement
au-deſſous, s’ils n’étoient entretenus par du mortier:
ce-
pendant
comme ce ſeroit un avantage pour la ſolidité des édifices
que
tous les vouſſoirs qui compoſent une Voûte ne fiſſent pas plus
d’effort
les uns que les autres, juſqu’à pouvoir ſe ſoutenir d’eux-
même
par leur propre poids, ſans le ſecours d’aucune matiere étran-
gere
, Mr.
de la Hire a cherché de combien il faloit augmenter
leur
peſanteur au-deſſus de celle de la clef, pour gagner par leurs
propres
poids la force qu’ils avoient de moins par leur ſituation;
& comme ce Probléme eſt aſſés curieux, j’ai crû qu’on ſeroit bien
aiſe
que je le raportaſſe ici.
Ayant une Voûte en plain ceintre ABC, compoſée de pluſieurs
vouſſoirs
égaux, ſi par le ſommet B de la clef, on tire la ligne BO
perpendiculaire
au rayon GB, qu’on prolonge juſqu’à la rencontre
de
BO, tousles rayons qui répondent aux lits des vouſſoirs P, Q, R, S,
&
c. Je dis que tous ces vouſſoirs ſeront en équilibre, ſi leur péſan-
teur
abſolue eſt exprimée par les lignes HK, KL, LM, MN, &
c.
Pour le prouver, remarquez que les trois puiſſances, qui appar-
22Planch.
6
.
Fig. 3.
tiennent au vouſſoir P, ſont exprimées par les côtés du triangle
GHK
, que celles qui apartiennent au vouſſoir Q, le ſont par ceux
du
triangle GKL;
ainſi des autres vouſſoirs R & S, dont les puiſſan-
ces
ſeront toûjours repreſentées par les côtés des triangles ils
ſont
renfermés, puiſque les directions de ces puiſſances ſeront per-
pendiculaires
aux côtés des triangles ou à leurs parties prolongées:
or ſi la peſanteur du vouſſoir P eſt exprimée par la ligne HK, &
celle
du vouſſoir Q par la ligne KL, il eſt certain qu’ils ſeront en
équilibre
, puiſque la ligne KG qui eſt un côté commun aux trian-
15342LA SCIENCE DES INGENIEURS, gles qui apartiennent aux vouſſoirs P & Q, exprime en même tems
la
force avec laquelle le vouſſoir P pouſſe le vouſſoir Q, &
celle
avec
laquelle le premier eſt repouſſé par le ſecond;
de même ſi la
péſanteur
du vouſſoir R eſt exprimée par LM, il ſera auſſi en équi-
libre
avec le vouſſoir Q, le ſuperieur pouſſant l’inferieur avec la
même
force dont il eſt repouſſé, puiſque cette force eſt exprimée
de
part &
d’autre par la ligne GL qui eſt auſſi un côté commun aux
triangles
qui apartiennent aux vouſſoirs Q &
R. Enfin ſi la péſan-
teur
du vouſſoir S eſt exprimée par MN, l’on verra par un ſembla-
ble
raiſonnement qu’il ſera en équilibre avec le vouſſoir P, puiſ-
que
ces deux vouſſoirs agiront l’un ſur l’autre avec la même force
GM
:
à légard du vouſſoir T qui répond au pié-droit, ſa péſanteur
ne
peut pas être déterminée, les lignes BO &
GC étant paralelles ne
ſe
rencontreront jamais, ce qui montre que ce vouſſoir doit être
d’une
péſanteur infinie pour réſiſter à l’effort de tous les autres dans
le
cas il pourroit gliſſer ſur un plan infiniment poli;
mais com-
me
dans la pratique il n’eſt pas queſtion de ces ſortes de plans &

qu’au
contraire il ſe rencontre toûjours beaucoup de frotement,
il
ſuffit de donner à ce vouſſoir le plus de péſanteur qu’il eſt poſ-
ſible
.
L’on remarquera que les differentes péſanteurs des vouſſoirs
peuvent
être exprimées par la difference des tangentes des angles
que
font les joints en commençant au milieu de la clef, puiſque
les
lignes KL, LM, MN, qui expriment la péſanteur des vouſſoirs
P
, Q, R, S, marquent la difference des tangentes des angles BGK,
BGL
, BGM, &
BGN. Or comme on a la valeur de tous ces angles,
par
la diviſion qu’on a faite du demi cercle, il s’enſuit qu’ayant leur
tangentes
dans les Tables des Sinus, ſi l’on en prend les differences,
l’on
aura des nombres qui exprimeront les raports de la péſanteur
des
vouſſoirs;
ainſi connoiſſant la péſanteur de la clef, on pourra
(par la regle de proportion) connoître celle de chaque vouſſoir,
afin
de voir combien il faudra les faire plus longs les uns que les
autres
;
c’eſt-à-dire, combien il faudra leur donner plus de queuë
pour
qu’ils faſſent à peu-près le même effort.
Je dis à peu-près; car
comme
on employe ordinairement du mortier pour les entretenir,
il
n’eſt pas neceſſaire d’obſerver une proportion bien exacte dans le
raport
de leur péſanteur, il ſuffit ſeulement d’y avoir égard quand
on
veut faire des édifices ſolides.
15443LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
PROPOSITION CINQUIE’ME
Proble’me.
Trouver quelle eſt la courbe qu’il conviendroit de donner
à
une Voûte, pour que tous les vouſſoirs, étant égaux en pé-
ſanteur
, ſoient en équilibre.
40. Si l’on tire ſur un plan vertical une ligne AB paralelle à l’hori-
11Fig. 7. ſon, &
qu’à deux points C & D, pris dans cette ligne, l’on attache
les
extrêmités d’une chaine compoſée de petits couplets &
qu’on
leur
laiſſe la liberté de prendre la ſituation qui leur convient, je dis
qu’ils
compoſeront tous enſemble une courbe CFD, dont la figure
repreſente
celle qu’il faudroit donner à une Voûte, pour que tous
les
vouſſoirs ſoient en équilibre quoiqu’égaux en péſanteur.
Si l’on diviſe la ligne CD en deux parties égales au point E, &
qu’on
abaiſſe la perpendiculaire EF, il eſt conſtant qu’elle ira ren-
contrer
le point F qui ſera le plus bas de la courbe;
car, à cauſe
de
la flexibilité de la chaine &
l’uniformité qu’on ſupoſe dans les
couplets
, la partie CF ſera égale à la partie DF, elles auront tou-
tes
deux la même figure, &
tous les points pris dans la longueur
CF
&
DF, à une égale diſtance des extremités C & D, ſe trouveront
également
ſitués par raport à la perpendiculaire EF, par conſéquent
cette
chaine forme une courbe réguliere, qui a pour axe EF.
Or
tous
les couplets qui compoſent cette chaine étant ſupoſés égaux
en
grandeur &
en péſanteur, ſe maintiendront en équilibre entr’eux,
&
tendront chacun en particulier au centre de la terre par des lignes
deldirections
, qui étant tirées de leur centre de gravité peuvent être
regardées
comme perpendiculaires à l’horiſon:
& ſi l’on attribuë à
chacun
de ces couplets une péſanteur égale, mais incomparablement
au-deſſus
de celle qu’ils ont naturellement, ils ſe ſoûtiendront toû-
jours
dans le même état ils étoient auparavant, n’y ayant point
de
raiſon pour quel’un détourne lautre de la direction vers laquelle
ſa
péſanteur le faiſoit tendre;
mais ſil’on faiſoit enſorte que les cou-
plets
ſe trouvaſſent tellement unis les uns aux autres qu’ils ne com-
poſaſſent
qu’un ſeul corps incapable d’aucune flexibilité, il ne leur
arriveroit
rien de particulier, ſinon d’être obligé de garder la ſitua-
tion
ils étoient les uns par raport aux autres, de quelque ſens
qu’on
veuille mettre la chaine, &
tant qu’elle ſera attachée aux
15544LA SCIENCE DES INGENIEURS, points C & D, il lui ſera indifferent que tous les couplets ſoient
unis
ou non, qu’on augmente leur péſanteur, ou qu’on la laiſſe
comme
elle étoit en premier lieu:
on pourroit même ſuſpendre des
poids
égaux au bas de chacun, ſans que cela cauſât aucun change-
ment
à la courbe CFD.
Prevenu de cela, on ſçait qu’on ne dérange rien dans l’équilibre
des
puiſſances en changeant ſeulement leur direction en ſens con-
traire
:
ainſi dans la ſupoſition que tous les couplets ſont unis à ne
pouvoir
ſe déranger de la figure curviligne qu’ils compoſent tous
enſemble
, ſi l’on fait tourner la chaine CFD ſur la ligne CD comme
11Fig. 8. ſur un axe pour prendre la ſituation opoſée, mais toûjours verti-
cale
CFD, tous les couplets, gardant entr’euxla même ſituation qu’ils
avoient
auparavant, tendront au centre de la terre ſelon les mêmes
lignes
de direction;
& ſoit qu’on augmente leur péſanteur ou non,
pourvû
que cette augmentation ſoit la même, ils ſe maintiendront
toûjours
en équilibre, &
ils ne feront pas plus d’effort pour tomber
que
s’ils n’étoient point entretenus par quelque cauſe qui les em-
pêche
de ſe déranger.
Supoſant preſentement que la courbe CFD repreſente l’intradoſe
d’une
Voûte ABC, qui ſoit par-tout d’une égale épaiſſeur, &
qu’à
la
place des couplets on imagine des Vouſſoirs fort petits qui ayent
la
même péſanteur &
dont les lignes de directions tirées de leur
centre
de gravité ſeront les mêmes que celles des couplets, ces
22Fig. 5. vouſſoirs demeureront en équilibre ainſique l’étoient ces couplets,
deſorte
que s’ils ſont bien unis les uns contre les autres par un ci-
ment
qui les réduiſe tous à ne faire qu’un ſeul corps, ils compo-
ſeront
enſemble la Voûte ABC, dont toutes les parties ſeront en
équilibre
.
Si l’on vouloit faire uſage de cette courbe, je crois qu’on ſeroit
obligé
de raprocher ſes deux entrêmités G &
H, afin qu’elles ſoient
diſpoſées
comme EA &
FC, & non pas comme EG & FH, qui ne
conviendroit
pas dans l’execution, à cauſe que la naiſſance de la
Voûte
feroit un Farret avec le pié-droit, ce qui choqueroit la vûë,
il
eſt bon de profiter de ce que la théorie peut enſeigner;
mais
quand
il s’agit de la pratique, on peut ſans ſcrupule ne le pas
ſuivre
exactement pour raporter les choſes à l’uſage.
On trouvera
dans
le ſecond tome de l’Analiſe du R.
P. Reyneau l’équation de
la
chainette &
la maniere de la tracer, c’eſt pourquoi je n’en parle
point
ici.
15645LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
APLICATION.
Si l’on vouloit conſtruire une Voûte naturelle dont la largeur &
11Fig. 7. la hauteur fuſſent données, il faut ſur une ſurface verticale tracer
une
ligne CD égale à la largeur de la Voûte, abaiſſer du milieu de
cette
ligne une perpendiculaire EF, égale à la hauteur qu’on veut
lui
donner, enſuite attacher l’extrêmité d’une chaine au point C,
&
porter l’autre extrêmité vers D, de maniere qu’en augmentant
ou
diminuant la chaine ſon propre poids la faſſe paſſer par le point
F
, lorſqu’elle ſera arrêtée aux endroits C &
D; après cela on pourra
avec
un crayon que l’on conduira tout du long de la chaine (ſans
pourtant
la faire vaciller) tracer une courbe, &
là-deſſus on pourra
établir
la figure du faux ceintre de la Voûte, la coupe des vouſſoirs,
&
le reſte.
Je crois que ceux qui ſont dans l’uſage de faire conſtruire des
Voûtes
, ſans y prendre garde de ſi près, ne feront pas grand cas des
deux
propoſitions précédentes, auſſi ne les ai-je raportées que pour
les
curieux qui voyent toujours avec plaiſir ce qui peut avoir ra-
port
à leur métier;
cen’eſt pas qu’on n’en puiſſe faire uſage, puiſque
la
premiere nous aprend que pour rendre des Voûtes ſolides, il eſt
bon
d’en fortifier les reins le plus qu’il ſera poſſible, &
particuliere-
ment
vers les piés-droits, afin de donner, pour ainſi dire, un contre-
poids
à la pouſſée des vouſſoirs ſuperieurs.
PROPOSITION SIXIE’ME.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux Culées des
Ponts
de Maçonnerie.
41. La maniere de régler l’épaiſſeur des Culées des Ponts eſt
un
Probléme qui apartient à ce Livre-ci;
car les Ponts ſont com-
poſés
d’Arches, &
les Arches ne ſont autre choſe que des Voûtes:
auſſi ſa ſolution dépent-elle des régles que nous venons d’en-
ſeigner
, ou pour mieux dire elle n’en eſt qu’une répétition accom-
pagnée
de quelque circonſtance particuliere aux Ponts de Maçon-
nerie
.
On ſupoſe qu’il eſt queſtion d’un Pont compoſé d’une ſeule Arche
en
plain ceintre comme dans la figure 6.
dont l’épaiſſeur GD eſt
15746LA SCIENCE DES INGENIEURS, déterminée de même que le diamêtre BI & la hauteur BS depuis
la
derniere retraite des fondemens juſqu’à la naiſſance de l’Arche,
&
qu’il s’agit de ſçavoir l’epaiſſeur PS ou MQ, qu’il faut donner
à
la Culée MS pour qu’elle ſoit en équilibre avec la pouſſée qu’elle
doit
ſoutenir.
Cela poſé, on ſaura queles Culées d’un Pont peuvent
être
conſtruites de deux manieres:
la premiere eſt de faire un corps
de
Maçonnerie comme SZ dans la 9.
figure, dont la hauteur ZP ou
BS
ne ſurpaſſe point la naiſſance de l’Arche:
la ſeconde eſt d’élever
11Fig. 6.
& 9.
la Culée juſques vers le milieu des reins del’Arche, afin de les ren-
dre
capables de mieux ſoûtenir l’effort de la partie ſuperieure,
comme
dans la figure 6.
à laquelle nous nous attacherons unique-
ment
comme la plus conforme à l’uſage.
Ayant diviſé le quart de cercle BD en deux également au point C,
on
tirera le rayon AF:
on diviſera auſſi la ligne FC en deux égale-
ment
au point L par lequel on menera MK paralelle au diamêtre
BI
qui determinera la hauteur de la Culée, on prolongera la ligne
SB
juſqu’au point Q de la circonférence, &
on tirera le rayon AQ,
&
les autres lignes LO, LV, & OP, comme à l’ordinaire.
Pour réduire en équation la pouſſée de l’Arche & la réſiſtance
des
Culées, nous nommerons LK ou KA, a;
BV, c; MP, d; Sr,
g
;
PS, y; la ſuperficie CFGD, nn; & la partie BQFC, hh: ainſi
MN
ou ML ſera c + y;
& NP ſera d - c - y; & ſi l’on ſupoſe
d
- c = f, NP ſera f - y.
L’on ſait par l’Article 14. que multipliant la ſuperficie CFGD
(nn) par l’hipotenuſe NP (f - y) du triangle rectangle NOP, lorſ-
qu’il
s’agit d’une Voûte ou d’une Arche en plein ceintre, que le pro-
duit
donne une expreſſion égale à la puiſſance qui ſoutiendroit la
pouſſée
de la partie CFGD, ainſi cette pouſſée ſera nnf - nny,
qu’il
faut mettre en équilibre avec la réſiſtance du pié-droit PMQS,
joint
à la partie BQFS;
c’eſt-à-dire avec dy & hh, multipliés par le
bras
de lévier PT ({y/2}) &
Pr (y + g) dont les extrêmités T & r
répondent
aux lignes de directions tirées de leur centre de gravité;
c’eſt-à-dire, avec {dyy/2} & hhy + hhg, qui donnent cette équation
fnn
- nny = {dyy/2} + hhy + hhg, d’où faiſant paſſer dans le même
membre
les termes ſe trouvent l’inconnu, &
dans l’autre ceux
l’inconnu ne ſe trouve point, l’on aura après avoir diviſé par d,
{fnn + ghh/d} = {yy/2} + {nny + hhy/d}, &
ſi l’on ſupoſe {nn + hh/d} = p, &
15847LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. qu’on mette p à la place de ſa valeur multipliant toute l’équation
par
2, on pourra du ſecond membre en faire un quarré parfait en
ajoûtant
pp de part &
d’autre afin d’avoir {2fnn + 2ghh/d} + pp = yy
+ 2py + pp, dont extrayant la racine &
dégageant l’inconnu, l’on
aura
enfin √2fnn - 2ghh + pp\x{0020} - p = y, qui donne ce que l’on
cherche
.
APLICATION.
Pour avoir la valeur de l’inconnu, nous ſupoſerons le diamêtre
BI
de 72 pieds, l’épaiſſeur DG de 6, &
la hauteur BS de 12, ainſi
la
ligne AL ſera de 15, &
l’on trouvera que BV (c) eſt de 8 pieds
5
pouces, &
LV de 27 pieds 7 pouces, par conſéquent MP (d) ſera
de
29 pieds 7 pouces:
& comme nous avons ſupoſé d - c = f,
f
ſera donc de 31 pieds 2 pouces;
on trouvera auſſi que la partie
CFGD
(nn) eſt de 184 pieds quarrés.
Comme nous avons auſſi beſoin de la figure BQFC, remarquez
que
la ligne BQ eſt moyenne proportionnelle entre les parties EB
&
BH, du diamêtre EH; ainſi multipliantleur valeur, c’eſt-à-dire,
6
pieds par 78, on trouvera en extrayant la racine quarrée du pro-
duit
21 pieds 6 pouces 6 lignes, pour la perpendiculaire BQ, par
le
moyen de laquelle on aura la ſuperficie du triangle ABQ, qui
eſt
de 389 pieds 3 pouces;
or cherchant auſſi la valeur du ſecteur
EAQ
qui eſt de 477 pieds 3 pouces, on en retranchera celle du
triangle
ABQ, la difference ſera 88 pieds, pour le ſecment EBQ,
qui
étant auſſi retranché de 184 pieds, valeur de EFCB, la differen-
ce
ſera 96 pieds pour la partie BQFC, par conſéquent la valeur de hh.
D’un autre côté le centre de gravité de cette partie étant au point X,
l’on
verra que la perpendiculaire Xr, vient tomber environ à 2
pieds
9 pouces du point S, enfin comme nous avons ſupoſé {nn + hh/d}
= p, l’on trouvera que p vaut à peu-près 7 pieds 1 pouce, ainſi
comme
toutes les lettres du premier membre de l’équation
{2fnn/d} - {2ghh/d} + pp\x{0020} - p = y, viennent d’être déterminées en
nombre
, ſi l’on fait les mêmes opérations qui s’y trouvent indiquées,
l’on
trouvera que y, ou ſi l’on veut l’épaiſſeur PS de la Culée, doit
être
de 11 pieds pour ſoûtenir en équilibre la pouſſée de la partie de
l’Arche
qui lui répond.
15948LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Remarque premiere.
42. On pourra ſe diſpenſer dans la pratique d’avoir égard à la
partie
BQF, qui rend ce Probléme aſſés compoſé, &
n’avoir atten-
tion
qu’au vouſſoir CFGD &
à la Culée MS, alors l’équation ſera
beaucoup
plus ſimple, puiſque, dans l’état d’équilibre, on aura fnn
-
nny = {dyy/2}, qui étant réduit donne après avoir dégagé l’inconnu
{2fnn/d} + {n+/dd}\x{0020} - {nn/d} = y, dont le calcul numerique n’eſt pas long,
puiſque
, pour avoir la valeur de toutes les lettres, on n’aura ſeule-
ment
qu’à chercher celle des lignes LV, VB, &
la ſuperficie de la
partie
CFGD;
il eſt vrai que l’épaiſſeur de la Culée ſera un peu plus
forte
qu’elle ne devroit être pour un parfait équilibre, puiſqu’ayant
calculé
cette derniere équation, j’ai trouvé qu’elle donnoit 13 pieds
2
pouces 8 lignes, au lieu de 11 pieds, pour la valeur de y;
mais
comme
ce n’eſt pas l’équilibre que l’on cherche, puiſqu’il faut toû-
jours
mettre la puiſſance réſiſtante au-deſſus de l’agiſſante, il vaut
beaucoup
mieux, comme je l’ai déja dit, faire abſtraction de la
partie
BQFC, pour trouver plus facilement l’épaiſſeur quel’on de-
mande
&
être plus aſſuré de la ſolidité de l’ouvrage.
Remarque ſeconde.
43. En cherchant l’épaiſſeur qu’il falloit donner aux Culées,
nous
n’avons point eu égard au poids dont l’Arche pouvoit être
chargée
au-delà du ſien propre, de la part des materiaux qui doi-
vent
compoſer la Chauſſée &
des Voitures qui paſſeront deſſus,
parce
que je laiſſe à la diſcretion de ceux qui ſont chargés de l’exe-
cution
de ces ſortes d’ouvrages, d’en augmenter l’épaiſſeur autant
qu’ils
le jugeront à propos:
je crois que ſi on l’augmentoit d’un
ſixiéme
de ce que donne le calcul, que c’eſt la plus grande aug-
mentation
qu’on puiſſe faire;
c’eſt-à-dire, qu’au lieu de 13 pieds 2
pouces
8 lignes, il faudroit lui donner environ 15 pieds &
demi.
Remarque troiſiéme.
44. Nous avons ſupoſé un Pont d’une ſeule Arche, parce que
quand
il y en auroit davantage, ce ne ſeroit jamais que la pouſſée
de
la premiere &
de la derniere que l’on conſidéreroit pour leur
16049LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. opoſer des Culées, puiſque les autres qui ſont compriſes entre cel-
les-ci
ſe ſoutiennent mutuellement en équilibre ſur les piles qui les
portent
, à moins que ces Arches ne ſoient beaucoup plus grandes
que
celles des extrêmités du Pont;
car alors il pourroit arriver que
la
pouſſée des petites Arches ſeroit augmentée par celle des autres
plus
grande.
Remarque quatriéme.
45. Quand on fait des Arches d’une grandeur extraordinaire,
&
qu’on eſt obligé de donner une épaiſſeur conſiderable aux Culées,
on
peut, pour diminuer une trop grande quantité de Maçonnerie,
donner
beaucoup de talud aux extrêmités de la Culée, comme un
tiers
on un quart de la hauteur, ou y faire des contreforts comme
on
l’a enſeigné dans les Articles 17.
& 20.
Remarque cinquiéme.
46. Si au lieu d’une Arche en plain ceintre on en avoit une ſurbaiſ-
ſée
, on trouvera l’épaiſſeur qu’il faut donner aux Culées en ſuivant
ce
qui a été enſeigné dans les Articles 30.
& 31. puiſque ſi l’on en
excepte
quelque particularité qu’il y a ici, &
qui ne ſe trouve pas
dans
les Voûtes, tout le reſte eſt la même choſe.
PROPOSITION SEPTIE’ME.
Proble’me.
Trouver quelle eſt la portée des Vouſſoirs, depuis leur in-
trados
, juſqu’à leur extrados, &
quelle doit être la largeur
des
piles pour toute ſorte de grandeur d’Arche.
47. Danstous les Edifices il eſt queſtion de Voûte, il doit regner
une
certaine proportion dans les dimenſions de leur parties, d’où dé-
pend
toute la ſolidité;
par exemple, nous venons de voir au ſujet des
Ponts
, qu’il falloit qu’il y eût un raport d’égalité entre la réſiſtance des
Culées
&
la pouſſée des Arches; mais comme ces Arches peuvent être
de
differente grandeur, il faut abſolument que leur épaiſſeur ſoit pro-
portionnée
à leur ouverture, afin que celle qui auroit 12 ou 15
toiſes
réſiſte auſſi-bien au poids des materiaux &
des voitures dont
elle
pourra être chargée, qu’une autre qui n’auroit que 12 ou 15
16150LA SCIENCE DES INGENIEURS, pieds; mais la ſolution de ce Probléme dépend plûtôt de l’intelligen-
ce
de ceux qui font travailler, que de la Géometrie:
c’eſt pourquoi
il
ſemble que le meilleur parti eſt de s’en raporter à l’experience;
c’eſt-à-dire d’examiner avec attention les anciens monumens de cette
eſpece
, afin qu’ayant reconnu la qualité des pierres qu’on y a em-
ployé
, la longueur des vouſſoirs à pluſieurs grandeurs d’Arches dif-
férentes
, on ſoit en état de calculer une table qui puiſſe ſervir dans
tous
les cas qu’on peut rencontrer.
C’eſt ce que Mr. Gautier a fait:
nul
n’étoit plus capable que lui de remplir un pareil deſſein;
il a
&
fait la deſcription des plus beaux Ponts qui ont été bâtis en
France
, tant par les anciens que par les modernes:
ainſi, il me
ſuffira
de raporter la Table qu’il a calculée pour la portée des vouſ-
ſoirs
;
on verra qu’il a égard aux pierres dures & à celles qui ne
le
ſeroient pas, afin qu’on ait recours à la colomne dont la pierre
auroit
quelque raport avec celle qu’on veut employer.
Ceux, qui
n’ont
pas une grande connoiſſance des travaux, ſeront peut-être
ſurpris
de voir dans la colomne l’on ſupoſe la pierre tendre des
vouſſoirs
de 8 &
même de 9 pieds de longueur, par la difficulté
qu’il
y auroit d’avoir des pierres d’un ſi grand apareil;
auſſi ne pré-
tend-on
pas que ces vouſſoirs ſoient abſolument compoſés d’une
ſeule
pierre, puiſque quand on n’en a pas d’aſſés grandes on les al-
longe
pour faire ce qu’on apelle des vouſſoirs ſans fin.
C’eſt ainſi qu’on
en
a uſé pour conſtruire le Pont Royal des Thuilleries à Paris.
La largeur, que l’on doit donner aux Piles des Ponts par raport à
l’ouverture
des Arches, eſt encore une difficulté ſur laquelle les Ar-
chitectes
ne s’accordent point, &
que la Geometrie paroît ne pouvoir
entreprendre
, puiſqu’elle dépend abſolument de la conſiſtance de la
pierre
:
car comme il s’agit de rendre les Piles aſſés fortes pour
ſoutenir
le poids des Arches, &
tout ce qu’elles peuvent porter, il
n’y
a pas de doute que la pile qui n’auroit qu’une mediocre largeur,
&
qui ſeroit conſtruite de bonne & grande Pierre de Taille, ne ſou-
tienne
plûtôt une Arche de 15 toiſes d’ouverture, qu’une autre
Pile
qui auroit deux fois plus de largeur, mais qui n’auroit que le
parement
de Pierre dure, &
le dedans rempli de mauvais moîlon,
n’en
ſoûtiendroit une de huit toiſes.
Cependant, il eſt de conſéquen-
ce
de ſe ſervir de bonne Pierre, pour n’être pas contraint de donner
une
trop grande largeur aux Piles, parce que ſi le lit de la Rivierre
ſur
laquelle on veut faire un Pont eſt reſſerré, il eſt à craindre que le
courant
de l’eau, ſe trouvant gêné, ne renverſe le Pont dans le tems
des
grandes inondations, comme cela arrive aſſés ſouvent.
Un autre
inconvenient
encore des Piles trop larges;
c’eſt que leurs avant-becs
16251LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. preſentent de grandes faces qui donnent beaucoup de priſes aux
glaces
quand la Riviere charie;
& les chocs violens qui ſurviennent
alors
peuvent mettre le Pont en danger, comme cela eſt arrivé au
Pont
Marie à Paris.
Mais pour ſuivre une regle qui détermine la lar-
geur
des Piles, je crois que celle qui convient mieux eſt de leur
donner
la cinquiéme partie de la largeur des Arches;
c’eſt-à-dire,
par
exemple, que ſi l’on a un Pont compoſé de cinq Arches, &
que
celle
du milieu ait 60 pieds d’ouverture, les Piles qui la ſoutien-
dront
doivent en avoir 12 de largeur;
que ſi les Arches collateral-
les
ont chacune à droit &
à gauche 50 pieds d’ouverture, les Piles
qui
leur répondront en auront 10.
Il ne faut pourtant pas ſuivre ſi
conſtamment
cette proportion, qu’on ne s’en écarte quand il ſe
rencontrera
quelque circonſtance qui pourroit obliger de donner
aux
Piles plus ou moins de largeur, ſelon que la bonne ou mau-
vaiſe
qualité des materiaux l’exigeroit.
Je crois qu’il eſt à propos de dire que les Arches des Ponts doi-
vent
toûjours être en nombre impair, afin qu’il s’en trouve une
grande
au milieu qui laiſſe un paſſage libre au courant de l’eau, &

que
cette Arche étant plus élevée facilite le paſſage des Bateaux
chargés
.
Voilà ce que je m’étois propoſé de dire ici ſur les Ponts, pour
faire
mention ſeulement de quelques régles generales qui avoient
raport
aux Voûtes;
car, comme leur conſtruction demande des
connoiſſances
bien au-delà de celles qu’il faut pour les Edifices or-
dinaires
, nous reprendrons ce ſujet dans l’Architecture Ydrolique
afin
de ſatisfaire ceux qui ont un interêt particulier de s’en inſtruire.
Voici la Table dont je viens de parler, l’on obſervera que la
premiere
&
la quatriéme colomne comprennent l’ouverture des
Arches
, qui vont toûjours en augmentant ſelon la ſuite des nombres
naturels
.
13[Figure 13]
16352LA SCIENCE DES INGENIEURS,
TABLE
POVR CONNOISTRE LA PORTE’E DES VOVSSOIRS
depuis
leur intrados à leur extrados pour toute ſorte de grandeur
d’Arche
.
11Ou- \\ vertu \\ re des \\ Arches. ### Vouſſoirs de \\ Pierres dures. ### Vouſſoirs de \\ Pierres tendres. # Ouver- \\ ture des \\ Arches. ### Vouſſoirs de \\ Pierres dures. ### Vouſſoirs de \\ Pierres tendres.
pieds
. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pou. # lig.
1
# 1 # 0 # 6 # 1 # 6 # 0 # 28 # 2 # 2 # 0 # 2 # 11 # 6
2
# 1 # 1 # 0 # 1 # 7 # 2 # 29 # 2 # 2 # 6 # 2 # 11 # 9
3
# 1 # 1 # 6 # 1 # 8 # 4 # 30 # 2 # 3 # 0 # 3 # 0 # 0
4
# 1 # 2 # 0 # 1 # 9 # 6 # 31 # 2 # 3 # 6 # 3 # 0 # 10
5
# 1 # 2 # 6 # 1 # 10 # 8 # 32 # 2 # 4 # 0 # 3 # 1 # 8
6
# 1 # 3 # 0 # 2 # 0 # 0 # 33 # 2 # 4 # 6 # 3 # 2 # 6
7
# 1 # 3 # 6 # 2 # 0 # 8 # 34 # 2 # 5 # 0 # 3 # 3 # 0
8
# 1 # 4 # 0 # 2 # 1 # 6 # 35 # 2 # 5 # 6 # 3 # 3 # 10
9
# 1 # 4 # 6 # 2 # 2 # 3 # 36 # 2 # 6 # 0 # 3 # 4 # 0
10
# 1 # 5 # 0 # 2 # 3 # 0 # 37 # 2 # 6 # 6 # 3 # 4 # 6
11
# 1 # 5 # 6 # 2 # 4 # 0 # 38 # 2 # 7 # 0 # 3 # 5 # 0
12
# 1 # 6 # 0 # 2 # 4 # 6 # 39 # 2 # 7 # 6 # 3 # 5 # 6
13
# 1 # 6 # 6 # 2 # 5 # 0 # 40 # 2 # 8 # 0 # 3 # 8 # 0
14
# 1 # 7 # 0 # 2 # 6 # 0 # 41 # 2 # 8 # 10 # 3 # 8 # 10
15
# 1 # 7 # 6 # 2 # 6 # 9 # 42 # 2 # 9 # 8 # 3 # 9 # 8
16
# 1 # 8 # 0 # 2 # 7 # 0 # 43 # 2 # 10 # 6 # 3 # 10 # 6
17
# 1 # 8 # 6 # 2 # 8 # 0 # 44 # 2 # 11 # 4 # 3 # 11 # 4
18
# 1 # 9 # 0 # 2 # 9 # 0 # 45 # 3 # 0 # 0 # 4 # 0 # 0
19
# 1 # 9 # 6 # 2 # 9 # 3 # 46 # 3 # 0 # 10 # 4 # 0 # 10
20
# 1 # 10 # 0 # 2 # 9 # 6 # 47 # 3 # 1 # 8 # 4 # 1 # 8
21
# 1 # 10 # 6 # 2 # 9 # 9 # 48 # 3 # 2 # 6 # 4 # 2 # 6
22
# 1 # 11 # 0 # 2 # 10 # 0 # 49 # 3 # 3 # 4 # 4 # 3 # 0
23
# 1 # 11 # 6 # 2 # 10 # 3 # 50 # 3 # 4 # 0 # 4 # 3 # 10
24
# 2 # 0 # 0 # 2 # 10 # 6 # 51 # 3 # 4 # 10 # 4 # 4 # 8
25
# 2 # 0 # 6 # 2 # 10 # 9 # 52 # 3 # 5 # 8 # 4 # 5 # 6
26
# 2 # 1 # 0 # 2 # 11 # 0 # 53 # 3 # 6 # 6 # 4 # 6 # 4
27
# 2 # 1 # 6 # 2 # 11 # 3 # 54 # 3 # 7 # 4 # 4 # 7 # 2
16453LIIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES.
SVITE DE LA TABLE.
11Ou- \\ vertu- \\ re des \\ Arches. ### Vouſſoirs de \\ Pierres dures. ### Vouſſoirs de \\ Pierres tendres. # Ouver- \\ ture des \\ Arches. ### Vouſſoirs de \\ Pierres dures. ### Vouſſoirs de \\ Pierres tendres.
pieds
. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pieds. # pou. # lig. # pieds. # pou. # lig.
55
# 3 # 8 # 0 # 4 # 8 # 0 # 88 # 5 # 10 # 6 # 6 # 10 # 3
56
# 3 # 8 # 10 # 4 # 8 # 10 # 89 # 5 # 11 # 4 # 6 # 11 # 2
57
# 3 # 9 # 8 # 4 # 9 # 7 # 90 # 6 # 0 # 0 # 7 # 0 # 0
58
# 3 # 10 # 6 # 4 # 10 # 3 # 91 # 6 # 0 # 10 # 7 # 0 # 10
59
# 3 # 11 # 4 # 4 # 11 # 2 # 92 # 6 # 1 # 8 # 7 # 1 # 8
60
# 4 # 0 # 0 # 5 # 0 # 0 # 93 # 6 # 2 # 6 # 7 # 2 # 6
61
# 4 # 0 # 10 # 5 # 0 # 10 # 94 # 6 # 3 # 4 # 7 # 3 # 0
62
# 4 # 1 # 8 # 5 # 1 # 8 # 95 # 6 # 4 # 0 # 7 # 3 # 10
63
# 4 # 2 # 6 # 5 # 2 # 6 # 96 # 6 # 4 # 10 # 7 # 4 # 8
64
# 4 # 3 # 4 # 5 # 3 # 0 # 97 # 6 # 5 # 8 # 7 # 5 # 6
65
# 4 # 4 # 0 # 5 # 3 # 10 # 98 # 6 # 6 # 6 # 7 # 6 # 4
66
# 4 # 4 # 10 # 5 # 4 # 8 # 99 # 6 # 7 # 4 # 7 # 7 # 2
67
# 4 # 5 # 8 # 5 # 5 # 6 # 100 # 6 # 8 # 0 # 7 # 8 # 0
68
# 4 # 6 # 6 # 5 # 6 # 4 # 101 # 6 # 8 # 10 # 7 # 8 # 10
69
# 4 # 7 # 0 # 5 # 7 # 2 # 102 # 6 # 9 # 8 # 7 # 9 # 7
70
# 4 # 7 # 6 # 5 # 8 # 0 # 103 # 6 # 10 # 6 # 7 # 10 # 3
71
# 4 # 8 # 10 # 5 # 8 # 10 # 104 # 6 # 11 # 4 # 7 # 11 # 2
72
# 4 # 9 # 8 # 5 # 9 # 7 # 105 # 7 # 0 # 0 # 8 # 0 # 0
73
# 4 # 10 # 6 # 5 # 10 # 3 # 106 # 7 # 0 # 10 # 8 # 0 # 10
74
# 4 # 11 # 4 # 5 # 11 # 2 # 107 # 7 # 1 # 8 # 8 # 1 # 8
75
# 5 # 0 # 0 # 6 # 0 # 0 # 108 # 7 # 2 # 6 # 8 # 2 # 6
76
# 5 # 0 # 10 # 6 # 0 # 10 # 102 # 7 # 3 # 4 # 8 # 3 # 0
77
# 5 # 1 # 8 # 6 # 1 # 8 # 110 # 7 # 4 # 0 # 8 # 3 # 10
78
# 5 # 2 # 6 # 6 # 2 # 6 # 111 # 7 # 4 # 10 # 8 # 4 # 8
79
# 5 # 3 # 4 # 6 # 3 # 0 # 112 # 7 # 5 # 8 # 8 # 5 # 6
80
# 5 # 4 # 0 # 6 # 3 # 10 # 113 # 7 # 6 # 6 # 8 # 6 # 4
81
# 5 # 4 # 10 # 6 # 4 # 8 # 114 # 7 # 7 # 4 # 8 # 7 # 2
82
# 5 # 5 # 8 # 6 # 5 # 6 # 115 # 7 # 8 # 0 # 8 # 8 # 0
83
# 5 # 6 # 6 # 6 # 6 # 4 # 116 # 7 # 8 # 10 # 8 # 8 # 10
84
# 5 # 7 # 4 # 6 # 7 # 2 # 117 # 7 # 9 # 8 # 8 # 9 # 7
85
# 5 # 8 # 0 # 6 # 8 # 0 # 118 # 7 # 10 # 6 # 8 # 10 # 3
86
# 5 # 8 # 10 # 6 # 8 # 10 # 119 # 7 # 11 # 4 # 8 # 11 # 2
87
# 5 # 9 # 8 # 6 # 9 # 7 # 120 # 8 # 0 # 0 # 9 # 0 # 0
16554LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE QUATRIE’ME.
Qui comprend des Regles pour trouver l’épaiſſeur des piés-
droits
des Voûtes de toute ſorte d’eſpece, par le ſeul cal-
cul
des nombres, pour l’intelligence de ceux qui ne ſavent
pas
l’Algebre.
48. JE me ſuis engagé, au commencement de ce ſecond Livre, de
donner
des Régles pour trouver l’épaiſſeur des piés-droits des
Voûtes
, afin de ſe paſſer du calcul Algebrique &
contribuer à
la
ſatisfaction des perſonnes, qui, quoiqne très-habiles d’ailleurs dans
l’Architecture
Militaire ou Civile, ne s’y ſont point apliquées.
Quand on écrit pour le public, & qu’il s’agit d’un Ouvrage comme
celui-ci
, il faut autant qu’il eſt poſſible faire enſorte d’être enten-
du
de tout le monde, principalement de ceux qui ſe contentent
de
ſavoir la pratique des choſes, &
qui veulent bien s’en raporter
à
la bonne foy d’un Auteur;
ſoûmiſſion qu’il faut avoir neceſſai-
rement
, quand on ne peut en juger par ſoi-même:
car, comme il
eſt
une infinité de ſujets qu’on ne peut comprendre ſans des con-
noiſſances
préliminaires, il ne dépend pas toujours de lui de ſe
rendre
intelligible à ceux qui ignorent le langage dont il eſt obligé
de
ſe ſervir;
ce qui fait, qu’avec les expreſſions les plus claires, il
n’en
paroît pas moins obſcur.
Mais j’eſpere qu’il viendra un tems
ou
les Geomêtres, les Phiſiciens, les Ingenieurs, &
les Architectes
penſeront
à peu-près de même.
Il y a 80 ans, qu’on ſavoit à peine
ce
que c’étoit que l’Algebre:
aujourd’hui, il y a peu de perſonnes
qui
ſe mêlent de ſcience, qui n’en ſachent aſſés pour s’en ſervir utile-
ment
;
& je ne doute point qu’à l’avenir on ne l’aprenne auſſi com-
munément
que l’Arithmetique.
Pour remplir parfaitement le deſſein que je me ſuis propoſé
dans
ce Chapitre, je n’y ſupoſerai rien de ce qui a été dit dans les
précédens
.
Je ferai comme ſi je commençois ſeulement à parler
des
Voûtes, ce qui m’obligera à des répétitions indiſpenſables.
Mais comme je ne parle pas à ceux qui pourront ſe paſſer de ce
que
je vais dire, ils auroient mauvaiſe grace de s’en plaindre, d’au-
tant
plus qu’ils ne ſeront peut-être pas fachés de faire uſage des pra-
tiques
dont il va être queſtion, pour ſe diſpenſer d’un calcul plus
compoſé
;
car il eſt à propos que l’on ſache que les opérations, que
16655LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. l’on va faire, m’ont été fournies par les formules Algebriques, que
l’on
a vûes à la fin de chaque Propoſition du 2 &
3 Chapitre, & que
je
n’aurois imaginer ſans leur ſecours:
cependant, les calculs en
ſont
plus courts que ceux que l’on a vûs dans les Aplications des
mêmes
Chapitres, parce que j’en ai ſuprimé quelque circonſtance
dont
on pouvoit ſe paſſer;
& en cela je me ſuis un peu relàché de
cette
grande préciſion que l’on exige en matierre de Géométrie,
mais
toûjours en faveur de la pratique, c’eſt-à-dire, en faveur de
la
ſolidité de l’édifice que l’on voudroit conſtruire, puiſque les épaiſ-
ſeurs
des piés-droits que nous allons trouver auront deux ou trois
pouces
de plus que n’auroient donné les régles les plus exactes.
PROPOSITION PREMIERE.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur des piés-droits d’une Voûte en plain-
ceintre
, pour être en équilibre avec la pouſſée qu’ils
ont
à ſoutenir.
49. Quand on veut connoître l’épaiſſeur qu’il faut donner aux
piés-droits
d’une Voûte de telle figure qu’elle puiſſe être, ſoit en
plain
Ceintre, Elliptique, en tiers-point, &
c. il faut d’abord être
prévenu
de quatre choſes eſſentielles;
la premiere, la largeur & la
hauteur
de la Voûte dans œuvre;
la ſeconde, l’épaiſſeur de cette
Voûte
à l’endroit des reins;
la troiſiéme, ſa figure exterieure; & la
quatriéme
, la hauteur des piés-droits:
enſuite il ſuffit de ſavoir un
peu
de Géométrie pratique, &
la racine quarrée, pour trouver le reſte
comme
on le va voir dans les exemples ſuivans.
Premier Exemple.
50. On propoſe une Voûte en plain ceintre, dont l’extrados ſeroit
11Plan. 4. circulaire comme dans la figure 7.
qu’il faut conſiderer ſans ſe mettre
22Fig. 7. en peine de la ſignificatiou des lignes dont nous ne ferons pas men-
tion
;
on ſupoſe que la hauteur BS des piés-droits eſt de 15 pieds, le
raïon
AB de 12, &
l’épaiſſeur de la Voûte de 3 pieds, par conſéquent
le
raïon AE ou AF ſera de 15.
Cela poſé, pour trouver l’épaiſſeur PS
des
piés-droits, il faut ſe propoſer quatre opérations.
Pour la premiere, il faut chercher la ſuperficie des deux cercles
qui
auroient pour raïon AB &
AE; (c’eſt-à-dire 12 & 15 pieds)
16756LA SCIENCE DES INGENIEURS. prendre le quart de leur difference, (& l’on aura 64 pieds quarrés)
qu’il
faut diviſer par la hauteur du pié-droit;
(c’eſt-à-dire par 15) &
le
quotient donnera 4 pieds 3 pouces 4 lignes, que nous nomme-
rons
premier terme.
Pour la ſeconde, il faut ajoûter au raïon AC la moitié de l’épaiſ-
ſeur
de la Voûte, pour avoir la ligne AL de (13 pieds &
demi)
qu’il
faut quarrer &
prendre la moitié du produit (c’eſt-à-dire 91
pieds
1 pouce 6 lignes) &
en extraire la racine quarrée (qu’on trou-
vera
de 9 pieds 10 pouces) qu’on ajoûtera à la hauteur du pié-droit,
&
l’on aura 24 pieds 10 pouces que nous nommerons deuxiéme
terme
.
Pour la troiſiéme, il faut ajoûter enſemble le premier & le ſecond
termes
, (c’eſt-à-dire 4 pieds 3 pouces 4 lignes, &
24 pieds 10 pouces,
pour
avoir 29 pieds 1 pouce 4 lignes,) qu’on multipliera par le
premier
(4 pieds 3 pouces 4 lignes) &
le produit donnera 124
pieds
6 pouces 4 lignes, pour la valeur du troiſiéme terme.
Enfin, pour la quatriéme opération, il faut extraire la racine quar-
rée
du 3 terme, (j’entends de 124 pieds 6 pouces 4 lignes) qui
eſt
à peu-près 11 pieds 1 pouce 8 lignes) &
en ſouſtraire la valeur
du
premier, (c’eſt-à-dire 4 pieds 3 pouces 4 lignes,) la difference,
qui
eſt 6 pieds 10 pouces 4 lignes, ſera l’épaiſſeur qu’il faut donner
aux
piés-droits.
Second Exemple.
51. Si l’on avoit une Voûte en plain ceintre, dont l’extrados,
11Planch.
4
.
au lieu d’être circulaire, fut terminée par deux plans GH &
GI,
22Fig. 10. comme dans la figure 10.
l’on trouvera l’épaiſſeur de ſes piés-droits
en
faiſant encore quatre opérations ſemblables aux précédentes,
puiſqu’il
n’y aura que la premiere qui ſera un peu differente à cauſe
que
la Voûte n’eſt pas la même que cy-devant.
Supoſant le raïon AB de 12 pieds, la hauteur BS des piés-droits
de
15, l’épaiſſeur FC de 3 dans le milieu des reins, &
que l’angle
HGI
ſoit droit, on aura le quarré AFGW, dont le côté AF ſera de
de
15 pieds.
Cela poſé, pour la premiere opération il faut chercher la ſuper-
ſicie
du quarré GF AW, &
en retrancher le quart de cercle CA,
&
c. diviſer la difference (qui ſera 112 pieds) par la hauteur BS des
piés-droits
, (c’eſt-à-dire par 15 pieds) &
le quotient donnera 7
pieds
5 pouces 7 lignes, pour la valeur du premier terme.
La ſeconde opération ſe fera en ajoûtant la moitié de l’épaiſ-
ſeur
de la Voûte FC au raïon AB pour avoir la ligne LA (de 13
16857LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. pieds & demi) qu’il faudra quarrer, prendre la moitié du produit,
dont
on extraira la racine (qui ſera de 9 pieds 10 pouces) qu’on
ajoutera
à la hauteur du pié-droit, pour avoir 24 pieds 10 pouces,
valeur
du ſecond terme.
Pour la troiſiéme opération, il faut ajoûter le premier terme
(7 pieds 5 pouces 7 lignes) au ſecond (24 pieds 10 pouces) mul-
tiplier
leur ſomme (qui eſt 32 pieds 3 pouces 7 lignes,) par le
premier
(7 pieds 5 pouces 7 lignes,) &
le produit ſera 241 pieds
1
pouce 3 lignes, pour le troiſième terme.
Enfin, pour la quatriéme opération, on extraira la racine quarrée
du
troiſiéme terme (241 pieds 1 pouce 3 lignes, &
on trouvera
qu’elle
eſt de 15 pieds 6 pouces 2 lignes,) d’où il faut ſouſtraire
la
valeur du premier terme, (7 pieds 5 pouces 7 lignes,) la diffe-
rence
ſera 8 pieds 7 lignes pour l’épaiſſeur qu’il faut donner aux
piés-droits
.
Remarque.
52. Je viens de ſupoſer que l’angle HGI étoit droit; mais s’il
étoit
obtus ou aigu, il faudroit encore chercher la ſuperficie du
quadrilataire
AFGW, &
en retrancher toujours le quart de cercle
CA
, &
c. car tel que puiſſe être ce quadrilataire, on aura ſans doute
l’épaiſſeur
GB au ſommet de la Voûte, par conſéquent la ligne GA,
&
l’autre AF, auſſi-bien que l’angle FAG, qui ſuffiront pour con-
noître
le reſte.
Troiſiéme Exemple.
53. Si le deſſus de la Voûte étoit terminé par une plate-forme,
11Planch.
4
.
comme dans la figure 11.
il ſuffira de connoître l’épaiſſeur GD de
22Fig. 11. cette Voûte à l’endroit de la clef, le raïon AB, &
la hauteur BS
des
piés-droits, pour avoir l’épaiſſeur PS, en faiſant encore quatre
opérations
.
Pour la premiere, il faut quarrer la ligne G A compoſée du raïon
&
de l’épaiſſeur de la Voûte, du produit en ſouſtraire le quart de
cercle
CAr, &
diviſer la difference par la hauteur des piés-droits,
afin
d’avoir le premier terme;
à l’égard des trois autres opérations
comme
elles ſont toutes ſemblables à celles des deux exemples pré-
cedens
, il eſt inutile de les répéter.
16958LA SCIENCE DES INGENIEURS,
PROPOSITION SECONDE
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits des
Voûtes
Elliptiques ou ſurbaiſſées.
54. Pouravoirune parfaite intelligence de ce Probléme, je con-
ſeille
à ceux qui ne ſe ſont point apliqués au Chapitre précédent,
de
lire avec attention l’Article 30.
il eſt parlé de la maniere de
tracer
une Ellipſe, ce qui leur ſuffira pour me ſuivre.
Ayant une Voûte Elliptique comme dans la figure 8. dont on
connoît
les demi axes BH &
HD, on commencera par diviſer le
11Planch.
5
.
quart d’Ellipſe BD en deux également au point L, duquel on abaiſ-
22Fig. 8. ſera ſur DH &
HB les perpendiculaires LK & LV, dont on cher-
chera
la valeur avec le ſecours de l’échelle;
& ſupoſant que BH
ſoit
de 12 pieds, &
HD de 8, on trouvera que LK ou VH eſt de 7
pieds
6 pouces, &
LV ou KH de 6 pieds 3 pouces; & faiſant la
hauteur
BS du pié-droit de 15 pieds, comme à l’ordinaire, il faut
pour
en avoir l’épaiſſeur ſe propoſer cinq opérations.
Pour la premiere, il faut dire, comme le quarré de DH (de 64
pieds
) eſt au quarré de BH (de 144,) ainſi la ligne KH (de 6 pieds
3
pouces) eſt à la ligne KA, qu’on trouvera de 14 pieds 9 lignes,
qui
eſt le premier terme dont nous avons beſoin.
Pour la ſeconde opération, il faut chercher la ſuperficie des
deux
Ellipſes, dont la premiere auroit pour demi axe BH &
HD,
(de 12 pieds &
de 8,) & la ſeconde pour demi axe HE & HG,
(de 15 &
de 4, parce qu’on ſupoſe que la Voûte a encore 3 pieds
d’épaiſſeur
,) on retranchera la petite Ellipſe de la grande, &
on
prendra
le quart de la difference (que l’on trouvera de 54 pieds)
qu’il
faut diviſer par la hauteur du pié-droit, le quotient ſera 3 pieds
2
pouces 4 lignes, pour le ſecond terme.
Pour la troiſiéme opération, il faut ajoûter la ligne LV (qu’on
a
trouvée de 6 pieds 3 pouces) à la hauteur du pié-droit, (pour
avoir
21 pieds 3 pouces) qu’il faut multiplier par le premier terme
(14 pieds 9 pouces) &
diviſer le produit par la valeur de LK) qui
eſt
de 7 pieds 6 pouces,) le quotient ſera d’environ 41 pieds 10
pouces
pour le troiſiéme terme.
A l’égard de la quatriéme, il faut ajoûter le ſecond terme au
17059LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. troiſiéme (pour avoir 41 pieds 10 pouces,) qu’on multipliera par
la
valeur du ſecond, (c’eſt-à-dire par 3 pieds 2 pouces,) &
le pro-
duit
ſera à peu-près 144, pour le quatriéme terme.
Enfin, la cinquiéme opération ſe fera en extrayant la racine quar-
rée
du quatriéme terme, (ce qui ſera de 12 pieds) de laquelle il
faut
ſouſtraire le ſecond, (3 pieds 2 pouces 4 lignes,) &
la diffe-
rence
donnera 8 pieds 9 pouces 8 lignes, pour l’épaiſſeur des piés-
droits
.
Remarque.
55. Si l’extrados de la Voûte, au lieu d’être Elliptique, étoit ter-
11Fig. 8. miné par deux plans 5.
6. & 5. 4. comme on le pratique aux Ma-
gaſins
à Poudre &
aux Souterains, il faudroit, au lieu de ſuivre ce
qui
eſt dit dans la ſeconde opération, chercher la ſuperſicie du qua-
drilataire
AF 5.
3. (formé par l’angle F 5. 3. & les deux lignes AF
&
A 3. qui ont été tirées des points L & 2 milieux des quarts d’El-
lipſes
DB &
D 7. au point A que l’on a trouvé par la premiere
opération
,) en ſouſtraire la figure mixtiligne ALD 2.
& diviſer le
reſtant
par la hauteur du pié-droit aſin d’avoir un quotient qui don-
nera
le ſecond terme:
quant aux autres opérations, elles ſont les mê-
mes
que celles dont nous venons de parler.
PROPOSITION TROISIE’ME.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits des
Voûtes
en tiers-points.
56. Ayant une Voûte en tiers-point dont on veut connoître l’é-
22Planch.
6
.
paiſſeur des piés-droits, il faut ſavoir d’abord à quelle diſtance les
33Fig. 1. centres G &
H, qui ont ſervi à décrire les deux arcs de la. Voûte,
ſont
du point A milieu de BI, leur poſition étant arbitraire dépen-
dant
du plus ou moins d’élevation qu’on veut donner à la Voûte,
il
faut ſavoir comme onles a déterminés &
toûjours dans la ligne BI;
car s’ils étoient au-deſſus ou au-deſſous commeje l’ai dans quel-
que
ouvrage aſſés mal conçû, la Voûte ſeroit très-deffectueuſe, parce
que
ſon impoſte feroit un jarret avec le pié-droit, &
auroit beau-
coup
moins de force pour réſiſter au choc des Bombes, ſi on la
conſtruiſoit
pour couvrir un Magaſin à Poudre ou quelqu’autre Edi-
17160LA SCIENCE DES INGENIEURS, fice Militaire. Nous ſupoſerons donc qu’ils ſont dans le milieu des
lignes
BA &
AI, qui étant chacune de 12 pieds HB ou HD ſera
de
18, &
HA de 6. de l’autre côté faiſant la Voûte de 3 pieds d’épaiſ-
ſeur
, &
donnant encore 15 pieds à la hauteur BS des piés-droits, on
trouvera
le reſte en ſuivant les cinq opérations que voici.
Pour la premiere opération, il faut chercher par la trigonome-
trie
l’angle AHD du triangle rectangle DAH, duquel on connoît
les
deux côtés DH &
HA, (& on trouvera qu’il eſt de 70 degrès
30
minutes.
Pour la ſeconde, il faut chercher la ſuperficie des deux cercles
qui
auroient pour raïon HB &
HE (de 18 & de 21 pieds,) en pren-
dre
la difference (qu’on trouvera de 368 pieds quarrés,) enſuite
dire
, comme 360 degrés eſt à la valeur de l’angle DHB (de 70 de-
grés
30 minutes, que l’on a trouvé dans l’opération précédente,)
ainſi
la difference des deux cercles (368) eſt à un quatriéme terme
(qu’on trouvera de 71 pieds 6 pouces 8 lignes) qu’il faut diviſer
par
la hauteur (15) des piés-droits, &
le quotient ſera 4 pieds 9
pouces
3 lignes, pour le premier terme.
Pour la troiſiéme, on tirera la ligne HF par le milieu C de l’arc
BD
(qui donnera 35 degrés 15 minutes pour l’angle LHV, par
la
premiere opération) &
du point L milieu de FC, on abaiſſera
la
perpendiculaire LV, on aura le triangle rectangle LVH, duquel
on
connoît les angles &
le côté HL (de 19 pieds & demi,) ainſi
par
les calculs ordinaires on trouvera 11 pieds 3 pouces pour le
côté
LV, &
16 pieds pour l’autre VH; & pour ne pas confondre
ces
deux grandeurs dans les calculs ſuivans, nous nommerons 11
pieds
3 pouces, ſecond terme, &
16 pieds, troiſiéme terme.
Pour la quatriéme opération, il faut ajoûter le ſecond terme (11
pieds
3 pouces) à la hauteur du pié-droit (&
l’on aura 29 pieds 3
pouces
,) qu’on multipliera par le ſecond terme même;
c’eſt-à-
dire
par 11 pieds 3 pouces,) diviſer le produit (295 pieds 4 pou-
ces
,) par le troiſiéme (j’entends par 16 pieds, ajoûter le quotient
(18 pieds 5 pouces 6 lignes) au premier terme, (4 pieds 9 pou-
ces
3 lignes) &
multiplier la ſomme (qui eſt 23 pieds 2 pouces
2
lignes) par le premier terme (4 pieds 9 pouces 3 lignes,) le pro-
duit
ſera environ (110 pieds 9 pouces 9 lignes) pour le quatriéme
terme
.
Enfin, pour la cinquiéme opération, on extraira la racine quarrée
du
quatriéme terme;
(c’eſt-à-dire de 110 pieds 9 pouces 9 lignes,
qu’on
trouvera d’environ 10 pieds 6 pouces 2 lignes) d’où il faut
ſouſtraire
le premier terme, (4 pieds 9 pouces 3 lignes,) la diffe-
17261LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. rence ſera 5 pieds 8 pouces 11 lignes, qui eſt l’épaiſſeur qu’il faut
donner
aux piés-droits.
Remarque.
57. Si l’extrados de la Voûte, au lieu d’être curviligne comme
nous
le venons de ſupoſer, étoit terminé par deux plans 5.
4. & 5. 6.
il faudroit dans la ſeconde opération chercher la valeur du qua-
drilataire
QF 5.
3. (formé par l’angle F 5. 3. & les deux lignes QF
&
Q 3, qui ont été tirées des centres G & H, pour diviſer les arcs
DB
&
DI en deux également) en retrancher la figure mixtiligne
QCD2
, &
diviſer le reſtant par la hauteur du pié-droit, le quotient
ſera
le premier terme.
A l’égard des autres opérations, elles doivent
être
de même que les précédentes.
PROPOSITION QUATRIE’ME.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-droits qui
ſoûtiendroient
une Plate-Bande.
58. La Plate-Bande eſt une eſpece de Voûte qui a la figure d’un
11Planch
6
.
Plat-Fond;
ſon uſage le plus ordinaire eſt d’être employée dans les
22Fig. 2. grands édifices, il y a des periſtiles, comme au vieux Louvre à
Paris
, ou bien on s’en ſert aux Portes-Cocheres;
& alors comme
cette
Voûte a beaucoup de pouſſée, on peut, pour la ſoulager du
poids
qu’elle auroit à porter, faire un arc de décharge comme je
l’ai
dit ailleurs.
Mr. Abeille, Ingenieur du Canal de Picardie, a ima-
giné
une conſtruction de plate-bande fort ingenieuſe;
la coupe des
Clavaux
en eſt ſinguliere, &
contribuë beaucoup à diminuer la pouſ-
ſée
queles piés-droits auroient à ſoûtenir:
j’en aurois volontiers fait
la
deſcription, ſi elle étoit venuë à ma connoiſſance avant que les
Planches
de ce ſecond Livre fuſſent gravées.
Quand on veut conſtruire une plate-bande LDEF, on décrit ſur
la
ligne LF qui en doit déterminer l’étenduë, un triangle équilateral
LAF
, dont le point A ſert de centre pour trouver la coupe des Cla-
vaux
, ainſi les lignes LD &
EF, (qui ne ſont autre choſe que les
côtés
du triangle prolongé,) marquent les joints des deux derniers
Clavaux
qui s’apuyent ſur les couſſinets, deſorte que c’eſt le Trapeze
LDEF
, qui cauſe la pouſſée que les piés-droits ont à ſoûtenir:
or ſi
l’on
ſupoſe la ligne LF de 24 pieds, l’épaiſſeur CK de 3, &
la hau-
17362LA SCIENCE DES INGENIEURS, teur LS des piés-droits de 15, il faut pour en trouver l’épaiſſeur ſe
propoſer
quatre opérations.
La premiere eſt de chercher la valeur de la perpendiculaire AK
par
le moyen du triangle LAK, dont le côté LA étant double de
LK
, l’un ſera de 12, &
l’autre de 24, qui donneront 20 pieds 9 pou-
ces
4 lignes pour KA, que nous nommerons premier terme.
La deuxiéme, eſt de chercher la ſuperficie du Trapeze LDCK,
(que l’on trouvera d’environ 38 pieds 3 pouces,) qu’il faut diviſer
par
la hauteur du pié-droit (qui eſt de 15) &
l’on aura 2 pieds 6 pou-
ces
7 lignes, pour le ſecond terme.
Pour la troiſiéme il faut diviſer la valeur de la ligne AK, (c’eſt-
à-dire
20 pieds 9 pouces 4 lignes,) par le quart de la largeur LF
de
la plate-bande (qui eſt 6) multiplier le quotient (3 pieds 5 pou-
ces
6 lignes,) par la ſuperficie du Trapeze LDCK (que l’on a trou-
dans la ſeconde opération de 38 pieds 3 pouces) &
le produit ſera
2
pieds 3 pouces 4 lignes, pour le troiſiéme terme.
Enfin, pour la quatrieme opération, il faut quarrer le 2e terme
(2 pieds 6 pouces 7 lignes) &
ajoûter le produit (6 pieds 5 pouces
9
lignes) au troiſiéme, (2 pieds 3 pouces 4 lignes) de la ſomme (qui
eſt
138 pieds 9 pouces 1 ligne) extraire la racine quarrée (qui ſera
de
11 pieds 9 pouces 4 lignes,) de laquelle retranchant la valeur du
ſecond
terme, (j’entends 2 pieds 6 pouces 7 lignes) la difference
9
pieds 2 pouces 9 lignes, ſera l’épaiſſeur qu’il faut donner aux piés-
droits
pour ſoûtenir la pouſſée de la plate-bande dans l’état d’équili-
bre
.
Remarque.
58. Quoique les Regles, que nous venons d’enſeigner dans les qua-
tre
Problémes précédens, ayent donné un peu plus d’épaiſſeur
qu’il
ne faloit aux piés-droits pour être en équilibre avec la pouſſée
qu’ils
avoient à ſoûtenir, on prendra garde que cette petite augmen-
tation
ne ſuffit pas dans la pratique il faut que la puiſſance ré-
ſiſtante
ſoit toûjours beaucoup au-deſſus de celle qui agit, afin que
l’ouvrage
en ſoit plus ſolide;
c’eſt pourquoi il eſt à propos d’en aug-
menter
l’épaiſſeur d’un ſixiéme de ce qu’on aura trouvé par le cal-
cul
;
ou bien, ſi on l’aime mieux, on pourra ſans y faire aucune aug-
mentation
fortifier les piés-droits par des contreſorts, qui eſt le par-
ti
le plus convenable &
le plus conſorme à l’uſage, du moins quand
il
s’agit des ouvrages qui ont raport à la Fortification, étant les ſeuls
que
j’ai enviſagé.
Car j’aurois dans les Chapitres précédens, auſſi-
bien
que dans celui-ci, parler de la conſtruction des Voûtes des Egliſes
17463LIVRE II. DE LA MECANIQUE DES VOUTES. & de celles des autres Edifices qui demandent de la légereté & une
certaine
hardieſſe;
peut-être même que les idées que j’ai là-deſſus
pourroient
meriter l’attention des Curieux, principalement des Ar-
chitectes
;
mais, je n’ai pas voulu m’écarter de mon ſujet, ni trop
m’étendre
ſur ce qui auroit me diſtraire des autres parties qui
doivent
compoſer la ſuite de mon ouvrage.
Je ne dirai rien non plus de la maniere de déterminer la longueur
des
contreforts par raport a leur épaiſſeur &
leur diſtance, parce
que
je n’aurois le faire que par des opérations très compoſées;
mais comme on peut s’en paſſer, puiſque les perſonnes qui ſont dans
l’uſage
de faire travailler ont ordinairement aſſés de connoiſſance
pour
prendre d’eux-mêmes de juſtes meſures, les quatre propoſitions
précédentes
leur ſuffiront.
PROPOSITION CINQUIE’ME.
Proble’me.
Trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner aux Culées des Ponts
de
Maçonnerie pour ſoûtenir en équilibre la pouſſée des Arches.
59. Voulant faire un Pont compoſé d’une Arche en plain-ceintre
11Planch.
6
.
BDI, il faut élever ſur le ceintre A la perpendiculaire AG &
diviſer
22Fig. .6 le quart de cercle BD en deux également par le raïon AF;
enſuite
mener
la ligne MK paralelle à EA, enſorte qu’elle paſſe par le point
L
milieu de l’épaiſſeur FC de l’Arche, &
alors elle déterminera la
hauteur
la plus convenable qu’il faut donner à la Culée MPSQ.
Or
ſupoſant
le raïon AB de 36 pieds, l’epaiſſeur FC ou GD de 6, &
la
hauteur
BS de 12, on trouvera l’épaiſſeur PS de la Culée en faiſant
les
quatre opérations ſuivantes.
Pour la premiere, il faut quarrer la ligne AL (de 39 pieds) pren-
dre
la moitié du produit &
en extraire la racine (qu’on trouvera
de
27 pieds 7 pouces) pour avoir la valeur de chaque côté LV ou
VA
du triangle rectangle LAV, &
l’on aura en même tems la
partie
BV (de 8 pieds 5 pouces qu’il faut écrire à part, parce qu’on
en
aura beſoin dans la troiſiéme opération,) enſuite ajoûter enſem-
ble
les lignes LV &
BS, pour avoir la hauteur MP de la Culée de
39
pieds 7 pouces, qui ſera le premier terme.
Pour la ſeconde, il faut chercher la valeur des deux cercles des
raïons
AD &
AG, (c’eſt-à-dire, de 36 & de 42 pieds,) en prendre
la
difference, &
la huitiéme partie de cette difference (qu’on trou-
17564LA SCIENCE DES INGENIEURS. vera de 184 pieds quarrés,) qu’il faut diviſer par le premier terme
(j’entends par 39 pieds 7 pouces) &
le quotient donnera 4 pieds
7
pouces 9 lignes, pour le ſecond terme.
Pour la troiſiéme, il faut ſouſtraire la partie BV (de 8 pieds 5
pouces
qu’on a trouvé dans la premiere opération) du premier ter-
me
(39 pieds 7 pouces,) la difference (31 pieds 2 pouces)
doubler
&
l’on aura 62 pieds 4 pouces, pour le troiſiéme terme.
Enfin, pour la quatriéme, il faut ajoûter le ſecond terme (4 pieds
7
pouces 9 lignes,) au troiſiéme (62 pieds 4 pouces, pour avoir
66
pieds 11 pouces 9 lignes) qu’on multipliera par le ſecond terme,
&
extraire la racine quarrée du produit (311 pieds qu’on trouvera de
17
pieds 7 pouces 9 lignes,) de laquelle retranchant le ſecond
(4 pieds 7 pouces 9 lignes) la difference ſera 13 pieds, pour l’épaiſ-
ſeur
de la Culée, &
ſi on l’augmente d’une ſixiéme, ſuivant la Remar-
que
précédente, il faudra lui douner 15 pieds 2 pouces pour mieux
ſoûtenir
le poids de la Chauſſée du Pont &
les Voitures qui paſſe-
ront
deſſus.
Remarque.
Quoique les calculs précédens ſoient bien aiſés, j’en aurois vo-
lontiers
diſpenſé ceux qui n’en ont pas l’habitude, ſi j’avois donner
des
Tables pour trouver l’épaiſſeur des piés-droits des Voûtes dans
toute
ſorte de cas;
mais, c’eſt ce qui ne m’a pas parû poſſible, à cauſe
que
les Edifices on les employe ſont ſujets à une infinité de cir-
conſtances
differentes, ſoit de la part de leur figure, ou de leur
ſolidité
, ſelon les uſages auxquels on les deſtine:
& ſi l’on ſavoit ce
qu’il
m’en a coûté pour reduire la Théorie aux Pratiques que je viens
d’enſeigner
, l’on conviendroit que tout bien conſideré on n’a pas lieu
d’être
mécontent de moi, puiſque j’ai fait tout ce qui étoit en mon
pouvoir
pour m’accommoder aux differens genies de mes Lecteurs,
comme
on s’en apercevra encore mieux dans la ſuite.
14[Figure 14]
176
[Empty page]
177 15[Figure 15]
178
[Empty page]
179
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180 16[Figure 16]
181
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182
[Empty page]
183 17[Figure 17]
184
[Empty page]
185
LA SCIENCE
DES
INGENIEURS
DANS
LA CONDUITE DES TRAVAUX
DE
FORTIFICATION.
LIVRE TROISIE’ME.
Qui comprend la connoiſſance des Materiaux, leur propriété,
leur
détail, &
la maniere de les mettre en œuvre.
AVant de parler de la Conſtruction des Ouvrages
de
Fortification, qui vont faire le principal objet
de
ce Livre, il eſt à propos de donner la connoiſ-
ſance
des matériaux néceſſaires à leur execution,
afin
qu’on en ſache diſtinguer les bonnes &
mau-
vaiſes
qualitez.
Il y a un enchaînement de détails
qui
font la principale partie de l’Art de bâtir, &
qu’on ſe pro-
poſe
de bien déveloper ici:
ils paroîtront peut-être groſſiers & peu
importans
à ceux qui n’ont jamais fait travailler;
cependant, ſi l’on
fait
réflexion que pour executer un projet, il faut dreſſer des Devis
1862LA SCIENCE DES INGENIEURS, qui expliquent les qualitez des matériaux dont il faudra ſe ſervir,
&
la maniere de les employer, l’on verra la neceſſité d’être bien
inſtruit
des ſujets qui font l’objet des Chapitres ſuivans.
CHAPITRE PREMIER.
l’on fait voir les proprietez des differentes ſortes de Pier-
res
dont on ſe ſert pour bâtir.
LA Pierre tenant le premier rang parmi les matériaux que nous
nous
propoſons de décrire, il convient de commencer par en
expliquer
la nature, on en diſtingue de deux qualitez differentes,
l’une
dure &
l’autre tendre, celle qui eſt dure eſt ſans difficulté la
meilleure
, il s’en rencontre pourtant quelquefois de tendre qui ré-
ſiſte
mieux à la gelée que l’autre;
mais comme cela n’eſt pas ordi-
naire
, on ne doit pasy compter;
car comme les parties de la Pierre du-
re
ont leur pores plus condenſez que celles de la tendre, elles doivent
être
capables d’une plus grande réſiſtance, ſoit aux injures du tems,
ou
au courant des Eaux dans les Edifices aquatiques:
mais, pour
bien
connoître la nature de la Pierre, il eſt à propos de rendre rai-
ſon
pourquoi celle qui eſt dure, auſſi-bien que la tendre, eſt ſujette
à
la gelée qui la fend &
la fait tomber par éclat.
Dans l’aſſemblage des parties qui compoſent la Pierre, il y a des
pores
imperceptibles remplis d’eau &
d’humidité, qui, venant à
s’enfler
dans le tems des gelées, fait effort dans ces pores pour
occuper
un plus grand eſpace que celui elle eſt reſſerrée, &
la
Pierre
ne pouvant reſiſter à cet effort, ſe fend &
tombe en deſ-
truction
;
ainſi plus la Pierre eſt compoſée de parties argilleuſes
&
graſſes, & plus elle doit participer de l’humidité, & par conſé-
quent
être ſujette à la gelée.
Ce n’eſt pas ſeulement la gelée qui détruit la Pierre, on croît
que
la Lune l’altere, ce qui peut arriver pour les Pierres d’une
certaine
eſpece, dont les rayons de la Lune peuvent diſſoudre les
parties
les moins compactes:
en ce cas, on pourroit croire que ces
rayons
ſont humides, &
que venant à s’introduire dansles pores de la
Pierre
, ils ſont cauſe de la ſéparation de ces parties, qui tombant
inſenſiblement
en parcelles, la fait paroître moulinée:
il en ſera au
reſte
tout ce que l’on voudra;
mais, ce qui me réjoüit, c’eſt que
ſi
la Lune mange ou mouline les Pierres, la Terre qui doit être une
1873LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. bien plus grande Lune, a bien ſa revanche, & les Pierres de la haut
ſans
doute n’ont pas beau jeu.
Dans les endroits l’on ſe propoſe de bâtir, on pourra juger
de
la qualité de la Pierre des Carrieres des environs, par l’examen
de
celle dont on aura conſtruit quelques anciens édifices;
mais ſi
l’on
vouloit en employer d’une nouvelle Carriere, dont on n’eût
pas
encore fait uſage, il faudroit en prendre quelques quartiers, tirez
de
differens endroits de la Carriere, qu’on expoſera ſur une terre
humide
, pour lui laiſſer eſſuyer la gelée d’une partie de l’hyver, &

s’ils
réſiſtent dans cette ſituation, on pourra s’aſſurer qu’elle eſt
bonne
;
on peut encore avoir recours à diverſes obſervations, pour
connoître
ſi elle eſt d’un bon uſage, par exemple on ſe méfiera de
celles
qui ſont de couleur d’un jaune foncé, parce que ſouvent
cette
couleur ne vient qu’à cauſe que la Pierre eſt graſſe, ou n’a
pas
encore jetté ſon eau de Carriere;
de celles l’on apercevra
des
veines brunes ou rouges, &
qui ont une groſſeur conſidérable
de
bouzin ou dont les parties ne ſont pas aſſez ſerrées pour réſiſter
aux
empreintes qu’on voudroit faire deſſus en les frapant avec une
baguette
, de celles qui ſont ſi graſſes qu’elles paroiſſent mouliner &

qui
s’écaillent trop facilement &
ſe réduiſent en feüille, dès qu’on
les
frape avec le marteau;
de celles enfin qui ſont trop fraiſche-
ment
tirées des Carrieres &
qu’on ne peut gueres employer ſeu-
rement
quand même elles n’auroient pas les deffauts que nous ve-
nons
de remarquer, qu’après les avoir expoſées un hyver à la ge-
lée
.
Mais ſi l’on eſt preſſé il faudra au moins les mettre en œuvre
à
la fin du Printems, afin que les chaleurs de l’Eté faſſent évaporer
l’humidité
qu’elles renferment pour être enſuite à l’épreuve des
plus
rudes ſaiſons.
On jugera de la bonté de la Pierre, ſi elle eſt bien pleine, d’une
couleur
égale, ſans veine, d’un grain fin &
uni, ſi les éclats s’y
coupent
net &
rendent quelque ſon.
Quand on employe la Pierre, il faut faire enſorte de la poſer ſur
ſon
lit, je veux dire de la même façon qu’elle étoit placée dans la
Carriere
, parce que ſelon cette ſituation elle eſt capable de reſiſ-
ter
autant qu’il lui eſt poſſible au poids des gros fardeaux dont elle
ſera
chargée, au lieu que poſée d’un autre ſens elle s’éclate &

n’a
pas à beaucoup près autant de force;
la plupart des bons Ou-
vriers
connoiſſent d’un coup d’œil le lit de la Pierre;
mais, à moins
qu’on
n’y prenne garde, ils ne s’aſujettiſſent pas toûjours à la poſer
comme
il faut.
Quand on conſtruit quelque Edifice, on eſt obligé de ſe ſer-
1884LA SCIENCE DES INGENIEURS, vir de Pierres de differente qualité, il faut prendre garde d’em-
ployer
la meilleure, la plus dure, &
celle qui reſiſte le mieux à la
gelée
, aux endroits qui ſont expoſez à l’air, reſervant celle qu’on
ſoupçonnera
n’être pas ſi bonne, pour les placer dans les fondemens
&
aux endroits couverts.
Dans les Carrieres la Pierre s’y trouve ordinairement diſpoſée par
bancs
, dont l’épaiſſeur change ſelon les lieux &
la nature de la Pierre;
par exemple, celle d’Arcuëil proche Paris porte depuis douze juſ-
qu’à
quinze pouces de banc.
Il y a d’autres Carrieres aux environs
de
la même Ville, dont les bancs ont juſqu’à deux pieds &
demi,
&
trois pieds; mais ſans nous arreſter davantage là-deſſus, il ſuffit de
dire
que quand on fait bâtir dans un Pays, l’on n’a point une
parfaite
connoiſſance de toutes ces particularitez, il faudra s’en inſ-
truire
ſur les lieux, afin de pouvoir circonſtancier, dans le Devis,
de
quelle Carriere les Pierres devront être tirées, afin qu’elles
conviennent
à l’Ouvrage que l’on a deſſein d’executer.
Quand la Pierre, que l’on veut mettre en œuvre, eſt compoſée
d’aſſez
gros quartiers, pour être taillée de telle figure que l’on veut,
on
la nomme Pierre de taille:
à l’égard de celle dont on ne fait qu’ô-
ter
le bouſin, &
qu’on équarit groſſierement pour être employée
au
rempliſſage des gros murs, &
dans les fondemens, on l’appelle
moîlon
, que l’on tire des Carrieres, dont les bancs n’ont pas aſſez
de
hauteur pour pouvoir être taillées &
employées au parement.
Il s’employe aux environs de Paris un moîlon qu’on nomme Pierre
de
Meuliere, qui eſt fort dure &
fort poreuſe, & qui fait une Maçon-
nerie
excellente, parce que le mortier s’y attache mieux qu’à toute
autre
ſorte de Pierres;
& c’eſt par cette raiſon que la Brique, quand
elle
eſt bonne, vaut mieux pour l’union de la Maçonnerie, que la
plûpart
des Pierres dures, parce que le mortier s’inſinuë dans ſes
pores
&
s’y attache fortement.
On ſe ſert encore pour les fondemens d’une autre eſpece de Pierre
plus
dure que le moîlon, qu’on nomme libage:
elle ſe tire du ciel
des
Carrieres;
on l’employe brute, ne pouvant être taillée propre-
ment
, à cauſe quelle eſt toûjours d’une forme irréguliere.
Le Grès, qui eſt un eſpece de Roche, ſe trouve preſque toûjours
à
découvert, &
c’eſt ce qui contribuë à ſa dureté; car en general
toutes
les Pierres qu’on trouve ſans creuſer beaucoup en terre
ſont
plus ſolides que celles que l’on tire du fond des Carrieres;
& c’eſt à quoi les Anciens s’attachoient beaucoup, puiſque, pour
rendre
leurs Edifices d’une plus longue durée, ils ſe ſervoient de
Pierres
provenant des entamures des Carrieres qu’on découvroit;
1895LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. on diſtingue de deux ſortes de Grès, le dur & le tendre; le dur
n’eſt
bon que pour paver les ruës &
les grands chemins, le tendre
ſe
coupe &
ſe débite comme les Pierres ordinaires, on l’employe
au
ſoubaſſement des gros murs, principalement pour ceux qui ſont
baignez
des eaux, ſon deffaut eſt de ne pas faire une bonne liaiſon
c’eſt
pourquoi on fait des hachures dans les joints pour que le mor-
tier
s’y acroche mieux, ces joints ſe rempliſſent en dehors avec
du
ciment, parce qu’il s’attache mieux à la Pierre dure que le mor-
tier
ordinaire.
CHAPITRE DEUXIE’ME.
l’on conſidere les qualitez de la Brique & la maniere
de
la fabriquer.
LA Brique étant une eſpece de Pierre artificielle, dont l’uſage
eſt
trés fréquent dans les Conſtructions des Edifices, particu-
lierement
pour les Fortifications, nous en allons faire le détail,
qui
, quoique groſſier en apparence, ne laiſſe pas d’être utile à ſavoir,
à
ceux qui ont la conduite des travaux, pour qui les moindres cho-
ſes
ne doivent pas être indifferentes, quand elles peuvent contri-
buer
à la perfection de leur métier.
Pour bien choiſir une terre propre à faire de la Brique, il faut
qu’elle
ſoit graſſe &
forte, de couleur blanchâtre, ou grisâtre,
ſans
qu’il s’y rencontre de petits cailloux ni gravier;
il y en a auſſi
de
la rouge qui peut ſervir au même uſage;
mais elle n’eſt pas des
meilleures
, parce que les Briques ſont ſujettes à ſe feüilleter &
à
ſe
réduire en poudre à la gelée;
mais ſans prendre garde ſcrupuleu-
ſement
à la couleur, on jugera qu’une terre eſt bonne pour faire
de
la Brique, ſi, après une petite pluye, on s’aperçoit qu’en mar-
chant
deſſus elle s’attache aux ſouliers, &
s’y amaſſe en groſſe quan-
tité
, ſans qu’elle s’en détache aiſément;
ou ſi, en ayant pétri dans
les
mains, on ne peut la diviſer qu’avec peine.
Après avoir choiſi un eſpace de terre convenable, on la fait
foüiller
avec la houë, &
ayant reconnu qu’elle eſt également bonne
par-tout
, on attend le tems de la pluye, parce qu’en étant bien
imbibée
, on la corroye enſuite avec la houë &
le rabot, après
quoi
on la laiſſe repoſer pendant quelque tems, au bout duquel
on
recommence la même choſe, ce que l’on fait quatre ou cinq
1906LA SCIENCE DES INGENIEURS, fois à diverſes repriſes: on commence ordinairement la prépara-
tion
des terres dans le mois de Mars;
mais il vaudroit mieux la
faire
dans l’hyver, parce que les petites gelées ſont excellentes
pour
les bien corroyer:
le veritable tems pour faire la Brique eſt
pendant
les mois de May &
de Juin, parce que dans cette ſaiſon
elle
a tout le tems de ſeicher, pour être enſuite plus propre à met-
tre
au Four;
car il faut autant qu’il ſe peut éviter la ſaiſon trop
avancée
, les Briques faites alors n’étant pas ſi bonnes à beaucoup
près
que celles qui ſont faites en Eté.
Ce n’eſt pas aſſez d’avoir inſinué ce qui peut contribuer à faire
de
bonnes Briques, il faut encore diſcerner les bonnes &
mau-
vaiſes
qualitez de celles qui ſe trouvent en Magaſin, puiſque c’eſt
de-là
que dépend la durée de l’ouvrage qu’on veut éxécuter.
Vitruve
raporte
que de ſon tems, dans la fameuſe Ville d’Utique, le Ma-
giſtrat
, pour empêcher toute male-façon, ne permettoit pas qu’on
en
employât pour aucun Edifice, qu’il ne les eût viſitées aupara-
vant
&
donné ſon approbation: on s’aperçoit bien que cette ſage
police
n’eſt plus d’uſage parmi nous, puiſqu’à la confuſion de la
plûpart
des Entrepreneurs, l’on voit tous les jours des Bàtimens
menacer
ruine, avant pour ainſi dire d’être achevez.
La Brique, qui eſt d’une couleur jaune, aprochant un peu d’un
rouge
pâle, eſt bonne, parce qu’ordinairement elle a été faite d’une
terre
graſſe, comme eſt celle dont nous venons de parler.
On con-
noîtra
encore la bonne Brique au ſon, car celle dont il ſera le plus
net
ſera préférable aux autres dont le ſon eſt ſourd.
Il arrive aſſez
ſouvent
que des Briques faites d’une bonne terre, &
préparées
également
, ſont de differentes couleurs, &
par conſéquent de dif-
ferentes
qualitez, &
cela ſe diſtingue ſur-tout quand on en voit qui
ſont
plus rouges les unes que les autres, qui n’en ſont pas pour cela
meilleures
, mais au contraire, puiſqu’elles ſont d’une très-mauvaiſe
qualité
, parce qu’elles ont été placées dans le Four à des endroits
le feu n’a pas aſſez de force pour les cuire, ce qui fait qu’elles
ne
réſiſtent pas à la gelée ni au poids dont elles ſont chargées, ſe
caſſant
&
ſe réduiſant en poudre facilement.
Enfin, la preuve la plus ſûre pour connoître la bonté de la Bri-
que
, quand il s’agit de quelque Ouvrage d’importance, dont on peut
differer
l’execution d’une année, c’eſt de coucher celles que l’on
veut
employer, ſur la terre pendant l’hyver, pour y eſſuyer la gelée,
parce
qu’alors celles qui y auront réſiſté ſans ſe feüilleter, &
auſ-
quelles
il ne ſera arrivé aucune alteration conſiderable, pourront
être
miſes en œuvre en toute ſureté.
1917LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX.
La grandeur ordinaire des Briques eſt 8 ou 9 pouces de lon-
gueur
ſur 4 ou 5 &
demi de largeur & 2 d’épaiſſeur; ces dimen-
ſions
ſont le plus en uſage, parce qu’elles rendent les Briques fort
commodes
pour être miſes en œuvre.
Quand les Murs n’ont qu’une médiocre épaiſſeur, on les déter-
mine
par le nombre des Briques qu’il faut pour en marquer l’é-
tendue
, tels ſont ceux de deux Briques, d’une Brique &
demi, &
d’une
Brique, dont on ſe ſert pour les Murs mitoyens, ou pour
ceux
de clôture.
CHAPITRE TROISIE’ME.
l’on fait voir les qualitez de la Chaux & la maniere
de
l’éteindre.
LA Chaux pouvant être regardée comme l’Ame de la Maçonne-
rie
, il eſt de la derniere conſéquence d’être bien inſtruit de
tout
ce qui lui apartient, afin que dans l’uſage que l’on en fera,
on
parvienne à cette fin principale que l’on doit ſe propoſer en
conſtruiſant
les Bâtimens, qui eſt de faire enſorte que les maté-
riaux
ſoient ſi bien unis qu’ils ne paroiſſent plus compoſer qu’une
ſeule
Pierre.
La Chaux eſt une Pierre calcinée, qui ſe détrempe avec de l’eau
&
du ſable, pour en compoſer le mortier: pour faire de la bonne
Chaux
, il faut ſe ſervir de pierres très-dures, peſantes, &
blanches;
& de toutes celles qu’on peut employer, il n’y en a point qui en
faſſe
de meilleure que le marbre, quand on eſt à portée d’en avoir
comme
dans le Pays il eſt commun:
la Pierre tirée de frais ou
nouvellement
eſt meilleure à faire la Chaux, que la ramaſſée;
& par-
ticulierement
celle des Carrieres humides &
à l’ombre, que celles
qui
ſont plus ſeiches:
les Cailloux qui ſe rencontrent ſur les Mon-
tagnes
, ou dans les Rivieres &
les Torrens, auſſi-bien que certai-
nes
Pierres ſpongieuſes &
dures qui ſe trouvent quelques fois dans
les
Campagnes, font une très-bonne Chaux, &
l’ouvrage en eſt fort
blanc
&
poli; ce qui fait qu’on s’en ſert ordinairement au crépiſ-
ſage
des Murs:
il y a une Pierre jaunâtre, qui ſe tire aux environs
de
Boulogne en France, qui fait auſſi une Chaux excellente, &
qui
eſt
la plus eſtimée de toutes celles qu’on peut employer en Picardie
&
en Artois, communement elle n’eſt pas trop bonne, parce
qu’on
la fait avec du moîlon tendre &
blanc, qui ne differe gueres
1928LA SCIENCE DES INGENIEURS, de la craye, qui eſt la plus mauvaiſe qualité qu’une Pierre puiſſe
avoir
pour faire de la Chaux.
Le Charbon de terre vaut beaucoup mieux pour cuire la Chaux
que
le bois;
car, non-ſeulement la cuiſſon en eſt plus prompte,
mais
c’eſt qu’il rend la Chaux plus graſſe &
plus onctueuſe.
Quand la Chaux eſt tirée du Fourneau, il faut pour la bien
éteindre
prendre garde que les Ouvriers y mettent la quantité
d’eau
néceſſaire, car le trop peu la brûle, &
la trop grande quan-
tité
la noye, le mieux eſt de la jetter à diverſes repriſes.
L’on connoît, ſelon Philbert de Lorme, quela Chaux eſt bonne,
lorſqu’elle
eſt bien cuite, blanche, &
graſſe, qu’elle n’eſt pas éventée
&
ſonne comme un pot de terre quand on la frape, qu’étant
moüillée
ſa fumée paroît épaiſſe, &
lorſqu’en la détrempant elle ſe
lie
au rabot.
Selon ce même Architecte, la maniere de la bien détremper
pour
faire d’excellent mortier, eſt d’en amaſſer dans une Foſſe telle
quantité
qu’on en aura beſoin, puis la couvrir également par-tout
de
bon ſable environ un pied ou deux d’épaiſſeur, enſuite jetter
de
l’eau par deſſus ſuffiſamment pour faire que le ſable en ſoit bien
abreuvé
, afin que la Chaux qui eſt deſſous ſe puiſſe fuſer &
diſſou-
dre
ſans ſe brûler, ce qui arriveroit ſi on ne lui donnoit pas d’eau
ſuffiſamment
;
ſi l’on s’aperçoit que le ſable ſe fende en quelqu’en-
droit
, &
faſſe paſſage à la fumée, il faut auſſi-tôt recouvrir les
crevaſſes
, &
moyennant cette préparation, elle ſe convertira en
une
maſſe de graiſſe, laquelle étant entamée au bout de deux ou
trois
ans reſſemblera à un fromage de crême;
cette matiere ſera
ſi
graſſe &
ſi glutineuſe, qu’on n’en pourra tirer le rabot qu’avec
peine
, &
fera un mortier d’un excellent uſage pour les enduits
des
murailles &
les Ouvrages de Stuc.
Vitruve remarque, qu’il eſt néceſſaire que les Pierres de Chaux
foient
éteintes depuis long-tems, afin que s’il y a quelques mor-
ceaux
qui ayent été moins cuits que les autres, ils puiſſent étant
éteints
à loiſir ſe détremper auſſi aiſément que les autres;
car dans
la
Chaux qui eſt employéeen ſortant du Fourneau, &
devant qu’elle
ſoit
parfaitement éteinte, il reſte quantité de petites Pierres moins
cuites
qui font ſur l’ouvrage comme des puſtules;
parce que ve-
nant
à s’éteindre plus tard que le reſte de la Chaux, elles rompent
l’enduit
&
le gâtent; il ajoûte auſſi que pour ſavoir ſi la Chaux eſt
bien
éteinte &
ſuffiſamment détrempée, il faut y enfoncer un coû-
teau
:
s’il rencontre de petites pierres, c’eſt une marque qu’elle
n’eſt
pas encore bien éteinte;
de même, ſi on le retire net, cela
1939LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. ſignifiera qu’elle n’eſt pas bien abreuvée, au lieu que ſi la Chaux
s’y
attache, on jugera qu’elle eſt graſſe, gluante, &
bien détrempée.
Il y a cependant une excellente qualité de Chaux qui ne ſe fuſe
point
:
telle eſt celle de Metz & des environs, il eſt arrivé que
des
gens, qui n’en connoiſſoient pas la qualité, en avoient fuſé dans
destrous
bien couverts de ſable, &
l’année ſuivante elle s’eſt trouvée
auſſi
dure que de la Pierre;
il a falu la caſſer avec des coins de fer,
&
l’employer comme du moîlon. Pour éteindre cette Chaux, on
la
couvre de tout le ſable qui doit entrer dans le mortier;
& l’on
jette
avec la main de l’eau deſſus, en arroſant, &
cela à pluſieurs
repriſes
.
Cette Chaux s’éteint ſans qu’il ſorte de fumée au-dehors:
elle fait un ſi bon mortier, qu’à Metz preſque toutes les Caves en
ſont
faites ſans autre mélange que de gros gravier de Riviere, il
n’y
entre ni Pierre ni Brique, &
cela fait un maſtic ſi dur, que les
picques
les mieux acerées n’y peuvent mordre, lorſque ce mortier
a
fait corps.
Dans toutes les obſervations qu’on a faites ſur la Chaux, on a
connu
que plus elle eſt vive, plus elle foiſonne quand on l’éteint,
porte
davantage de ſable, fait ſon mortier gras &
bon; qu’étant
gardée
long-tems après avoir été éteinte, pourvû qu’elle ſoit dans
des
foſſes bien couvertes de ſable, meilleure elle eſt:
c’eſt pour-
quoi
les Romains ne vouloient pas qu’on en employât pour leurs
Edifices
, qu’elle ne fût éteinte depuis deux ou trois ans.
On a re-
marqué
encore que la Chaux en pouſſiere ne valoit rien, parce que
ſon
ſel ayant changé de nature &
de vertu, elle n’avoit plus celle
de
faire corps dans la maçonnerie.
CHAPITRE QUATRIE’ME.
l’on explique les qualitez du Sable, de la Pozzolane, &
du
Plâtre.
APrès avoir montré, dans le Chapitre précédent, les qualitez
de
la Chaux, nous en allons faire de même pour le Sable,
afin
qu’étant prévenus de tout ce qui regarde ces deux matieres,
on
ſache par leur mélange compoſer un bon mortier:
il faut pou-
voir
être Maçon, avant de devenir Architecte;
& , puiſqu’il faut né-
ceſſairement
paſſer par-là, je prie ceux qui verront les premiers
Chapitres
de ce Livre de ne point s’ennuyer de la ſterilité des ſu-
19410LA SCIENCE DES INGENIEURS, jets qu’on y traite: ils doivent s’eſtimer fort heureux, d’en être
quittes
pour la lecture.
L’on diſtingue principalement deux ſortes de Sable, dont on peut
ſe
ſervir pour faire le mortier;
l’un eſt le Sable de Cave, que l’on
nomme
ainſi pour faire entendre qu’on le trouve en foüillant dans
la
terre;
l’autre s’apelle Sable de Riviere, parce qu’effectivement
on
le prend dans les lits des Rivieres &
des Fleuves. Le Sable de
Cave
ſe rencontre aſſez ſouvent ſans aprofondir beaucoup dans
la
Terre, il forme preſque toûjours des bancs, dont l’éten-
duë
&
l’épaiſſeur changent ſelon la différence des lieux, qui lui
donnent
auſſi une couleur différente;
mais comme la couleur ne
décide
rien ſur ſa bonne &
mauvaiſe qualité, & qu’il eſt ſeulement
queſtion
du grain, il faut, pour être d’un bon uſage, qu’il ne ſoit
point
gras ni terreux;
c’eſt-à-dire, qu’il ne ſoit point mêlé avec de
la
terre;
mais au contraire net; enſorte qu’en le frottant entre les
doigts
il raiſonne:
celui qui eſt blanc eſt ordinairement le moins char-
deterre, &
peut s’employer ſûrement, ayant attention que le grain
en
ſoit d’une certaine groſſeur, car quand il eſt par trop fin &
preſ-
que
imperceptible, il ne fait point de corps avec la Chaux, &
le
mortier
qui en eſt compoſé ſe réduit par la ſuite en pouſſiere.
Le Sable de Riviere eſt à préférer à celui de Cave, parce qu’il
eſt
moins gras &
beaucoup meilleur pour les enduits; ainſi, quand
on
eſt à portée d’en avoir, il faut autant qu’il eſt poſſible ne pas
le
négliger.
Il eſt vray qu’il arrive aſſez ſouvent qu’en foüillant pour
creuſer
les fondemens, on en rencontre de Cave, qu’on auroit tort de
ne
point employer, quand il eſt bon;
parce que ſe trouvant tout
porté
ſur l’atelier, on évite la dépenſe de l’aller chercher ailleurs,
&
le tranſport de la vuidange des terres qu’il faudroit faire ſans
cela
;
mais ce motif, quoique puiſſant pour ceux qui aiment l’œco-
nomie
, ne doit point prévaloir ſur le tort que l’on auroit d’em-
ployer
dans le mortier (comme on fait aſſez ſouvent) une terre
jaune
au lieu de Sable, parce que cette terre aura parû dure &

ſabloneuſe
.
Le Sable de Riviere ſe tire de leurs lits avec des Dragues faites
à
cet uſage:
celui qui eſt ſur le rivage n’eſt pas tout-à-fait ſi bon,
étant
ſujet à être mêlé &
couvert de vazes, qui eſt une eſpece de
terre
graſſe qui s’y attache dans le tems des grandes eaux &
des dé-
bordemens
;
cependant, quand il s’en rencontre qui ne participe pas
de
ce mêlange, on peut s’éviter la peine de le pécher, ou bien ſi
la
ſuperficie du rivage eſt chargée de vazes, on en ſera quitte pour
enlever
une eſpece de croute qui s’y rencontre ordinairement, &
19511LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. prendre le bon ſable qui eſt deſſous, afin de l’avoir pur. Il ſe trouve
encore
un eſpece de Sable apellé gravier, qui étant purgé de tout
ce
qui peut le rendre défectueux eſt auſſi d’un bon uſage;
mais, il
eſt
moins eſtimé que le Sable, parce qu’il n’eſt pas ſi menu, étant
mêlé
de petits cailloux qui ne s’incorporent pas bien avec la Chaux,
&
par conſéquent ne peut faire qu’un mortier peu propre à la
liaiſon
des Pierres, à cauſe de l’épaiſſeur &
inégalité des joints:
on peut pourtant s’en ſervir dans la conſtruction des fondemens
&
autres gros Ouvrages. Il ſe trouve ſur le bord de la Mer, & dans
les
Terres, un Sable fort menu qu’on apelle ſablon, dont on ſe ſert
quelques
fois comme du Sable ordinaire, mais il n’eſt pas ſi bon;

cependant
, il s’en rencontre d’excellent dans les marais, quand on
voit
qu’en marchant deſſus il en ſort del’eau, ce quilui a fait donner
le
nom de ſable bouillant.
Pour juger du ſable dont on eſt incertain, il faut en jetter dans
un
vaſe plein d’eau claire, &
le broüiller enſuite avec la main: ſi
l’on
voit que l’eau devienne noire &
bourbeuſe, c’eſt une marque
qu’il
eſt gras &
terreux; ſi au contraire l’eau eſt preſque auſſi claire
qu’auparavant
, ou n’eſt devenuë qu’un peu trouble, on ſera con-
vaincu
que le ſable eſt pur &
net.
Il ſe fait encore un mortier de deux eſpeces de poudre. La pre-
miere
eſt la Pozzolane, dont la couleur eſt rougeatre:
elle ſe trouve
en
Italie, &
au Pays de Bayes. Cette poudre eſt très-bonne pour les
Bàtimens
;
& rien au monde ne lie mieux les Pierres que le mor-
tier
qui en eſt fait, non ſeulement pour la maçonnerie des Edifices
qui
s’élevent dansles lieuxſecs, mais particulierement pour ceux qui
ſe
fabriquent au fond de la Mer &
dans les Eaux, faiſant corps
peu
après avoir été employé, parce qu’elle ſe durcit dans l’eau,
comme
nous l’expliquerons plus amplement ailleurs.
Je crois que
cette
poudre n’eſt autre choſe que la terre &
le tuf qui ſont brûlez
par
les feux ſoûterains qui ſortent des montagnes, aux environs
deſquels
on la tire;
& voici ce me ſemble la raiſon de ſon admi-
rable
propriété.
Comme la Thuille, qui eſt une compoſition de terre, n’a point
de
vertu avant la cuiſſon pour agir avec la Chaux, &
qu’après être
cuite
&
réduite en poudre, elle fait un mortier excellent, de même
la
terre bitumineuſe qui ſe trouve au Royaume de Naples, étant
brûlée
par les feux ſouterains, les petites parties qui en réſultent,
&
qu’on peut regarder comme une cendre, compoſent la poudre
de
Pozzolane qui doit par conſéquent participer des proprietez du
ciment
:
d’ailleurs, la nature du terrain peut y avoir auſſi beaucoup
19612LA SCIENCE DES INGENIEURS, de part, auſſi-bien que l’effet que produit le feu. Il y a aparence
que
l’on nomme cette poudre Pozzolane, parce qu’elle ſe trouve
dans
le territoire de la Ville de Pozzol, ſi fameuſe par ſes grotes,
&
ſes eaux minérales.
L’autre eſpece de poudre eſt faite d’une terre qui ſe trouve aſſez
près
du bas Rhin en Allemagne &
aux environs de Cologne, on
la
cuit commele Plâtre, enſuite on l’écraſe avec des meules à Mou-
lin
pour la réduire en poudre, elle eſt ſi commune aux Pays-Bas,
qu’elle
en a retenu le nom, la nommant Terraſſe de Hollande, elle
eſt
de couleur griſe, &
lorſqu’elle eſt pure & qu’elle n’eſt point fal-
ſifiée
, ce qui eſt aſſez rare, elle eſt excellente dans les Ouvrages
qui
ſont baignez des eaux, &
réſiſte également à l’injure des ſaiſons
différentes
, l’humidité &
la ſéchereſſe ne pouvant l’alterer, elle re-
tient
les Pierres &
les autres matériaux enſemble avec une force &
une
fermeté inébranlable, ce qui fait qu’on l’employe en France &

aux
Pays-Bas dans la conſtruction des Ouvrages aquatiques, par la
difficulté
d’avoir de la Pozzolane à juſte prix:
la Cendrée de Tournay
eſt
auſſi merveilleuſe, comme nousle ferons voir au Chap.
ſuivant.
On ſe ſert encore, au lieu de ſable, de certaine poudre artificielle
d’un
très-bon uſagepour les Bâtimens, on fait piler des fragemens de
pots
&
autres vaſes de Grais & des morceaux de mache-fer, prove-
nans
du Carbon de Terre brûlé dans les Forges, leſquels étant
réduits
en poudre, on y mêle une pareille quantité de Ciment de
Pierre
de meule de Moulin &
de Chaux, dont on compoſe un
mortier
excellent qui réſiſte parfaitement à l’eau ſi les Ouvrages
on
l’employe en ſont baignez, comme ſont les Ecluſes, Ponts,
Citernes
, Réſervoirs, &
c. On fait auſſi un amas de Cailloux qui ſe
trouvent
dans les Campagnes, ou de galets qu’on prend ſur le bord
des
fleuves, qu’on met au Fourneau, &
après les avoir fait rougir,
on
les retire, puis on les fait piler &
réduire en poudre, ce qui en
fait
une d’un auſſi bon uſage que la Terraſſe de Hollande.
Il nous reſte encore à parler du Plâtre, qui eſt une matiere qui
demanderoit
elle ſeule une grande Diſſertation, ſi l’on vouloit en-
trer
dans les cauſes phyſiques de ſes proprietez;
mais, je me trouve
malgré
moi dans la neceſſité de paſſer ſous ſilence bien des Remar-
ques
curieuſes qui groſſiroient cet Ouvrage aſſez inutilement:
j’ai
tant
de ſujets différens à traiter, que j’aprehende en voulant m’ar-
rêter
ſur certains objets abondans, qu’il ne m’échape d’ailleurs d’au-
tres
vûës plus utiles à la perfection du deſſein que je veux remplir.
Le Plâtre ſe fait d’une Pierre de couleur griſàtre qui ne ſe
trouve
que dans certains Pays, particulierement aux environs de
19713LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. Paris, on la fait cuire au feu comme la Chaux; mais elle en eſt bien
differente
, car la Chaux ne peut être employée ſans le mélange de
quelque
autre matiere qui la ſoutienne &
lui donne plus de corps
qu’elle
n’en a naturellement, au lieu que le Plâtre s’employe tout
pur
, il fuffit de l’abreuver avec de l’eau, &
auſſi-tôt on le met en
œuvre
, car il a cela de particulier, que s’il n’eſt pas employé ſur
le
champ après l’avoir abreuvé, il ſe ſéche &
ne peut plus s’apliquer
contre
d’autres corps, ni recevoir les differentes impreſſions qu’on
veut
lui donner pour faire des ornemens d’Architecture, comme
ſa
principale qualité eſt de faire corps dans le moment qu’on le met
en
œuvre, il n’y a point de matiere dont on puiſſe ſe ſervir plus
utilement
dans la conſtruction des Bâtimens &
ſur laquelle on ſoit
plus
ſujet à être trompé par ceux qui la débitent, tantôt le Plâtre
ſera
mauvais pour être éventé, tantôt parce que la cuiſſon en aura
été
mal faite, ce qui arrive le plus ſouvent;
car comme celui, qui
étoit
aux extrêmitez du Four, n’a pas un dégré de chaleur ſuf-
fiſant
pour être calciné juſqu’à un certain point, il n’y a gueres que
celui
du milieu, qui l’a été comme il faut, cependant quand la cuiſ-
ſon
eſt faite, les Chau-fouriers le mélent tout enſemble, &
quand
il
eſt en poudre, celui des extrêmitez du Four eſt confondu avec
celui
du milieu, ce dernier qui eût été excellent s’il avoit été em-
ployé
à part, eſt alteré par le mélange qu’on en a fait, &
ne vaut
pas
à beaucoup près ce qu’il étoit auparavant;
c’eſt pourquoi dans
les
Ouvrages de conſéquence qui ſe font avec le Plâtre, il faudroit
ne
ſe ſervir que de celui qui a été dans le milieu du Four, &
avoir
pour
cela des gens ſur le lieu qui le choiſiſſent, on en ſera quitte
s’il
le faut à le payer davantage que celui qu’on vend dans les ſacs;
je voudrois même plus, c’eſt que ne pouvant pas compter ſur les
Chau-fouriers
on ſuivit la cuiſſon depuis le commencement juſ-
qu’à
la fin, pour avoir attention que les Pierres ſoyent bien ran-
gées
dans le Four;
enſorte que les unes ne ſoient pas abſolument
embraſées
, comme ſont celles qui ſont près le foyer, tandis que
les
autres qui ſont plus loin ne reſſentent qu’à peine l’action du feu,
qui
faute de jour n’aura s’introduire à la ronde, d’ailleurs la
bonne
cuiſſon conſiſte auſſi à ménager un dégré de chaleur qui peu à
peu
déſeichant l’humidité de la pierre faſſe évaporer le ſouffre qu’elle
renferme
&
la purge des parties de terre dont elle peut être mêlée,
prenant
garde que la violence de la flame ne cauſe un déſeiche-
ment
abſolu;
car comme il y a aparence que la vertu du Plâtre
eſt
cauſée par un ſel, qui fait que ſes parties s’accrochent les unes
aux
autres, dès que ce ſel eſt trop déſeiché, il n’y a plus de liaiſon,
19814LA SCIENCE DES INGENIEURS, & c’eſt ce que j’ai pluſieurs fois remarquer à des Plâtriers, qui
étoient
étonnez de voir qu’ils ne pouvoient pas mettre en œuvre
du
Plâtre nouveau, dont ils croyoient être ſurs, parce qu’ils étoient
convaincus
qu’il n’y avoit aucun mélange.
Quand la cuiſſon a été bien faite, il eſt facile de le connoître, par-
ce
que pour lors le Plâtre a une certaine onctuoſité &
une graiſſe
qui
cole aux doitgs quand on le manie, au contraire ſi elle a été mal
faite
, le Plâtre a de la rudeſſe &
ne s’attache point comme l’autre,
après
cela toute bonne que puiſſe être cette cuiſſon, elle devient
pour
ainſi dire nulle, quand on veut employer du Plâtre qui a été
gardé
long-tems;
car cette matiere reſſemble aux liqueurs exquiſes
qui
n’ont de ſaveur qu’autant qu’on a ſoin de ne pas laiſſer éva-
porer
les eſprits qui en font toute la bonté;
ſi le Plâtre n’eſt pas
bien
renfermé dans des tonneaux, placez dans des lieux ſecs,
il
s’évente;
c’eſt-à-dire, que le ſel qui en fait toute la vertu s’éva-
pore
, &
il ne reſte qu’une eſpece de cendre qui étant employée ne
fait
plus corps, ainſi l’état le plus convenable l’on doit prendre
le
Plâtre, c’eſt de l’employer au ſortir du Four quand on eſt à portée
d’en
uſer de la ſorte:
l’on remarquera encore que toutes les ſaiſons
ne
ſont pas propres pour le mettre en œuvre, ſi l’on s’en ſert en
Hyver
, ou à la fin de l’Automne, les Ouvrages qui en ſont faits
ſont
de peu de durée, &
ſujets à tomber par éclats, parce qu’alors
le
froid ſaiſit tout d’un coup le Plâtre, il glace l’humidité de l’eau
avec
laquelle il a été gâché, &
l’eſprit du Plâtre étant amorti il
ne
peut plus y avoir d’union, enfin quand on n’eſt point à portée
de
prendre toutes les meſures dont je viens de parler pour s’aſſu-
rer
de la bonté du Plâtre, on pourra au moins choiſir le meilleur
de
celui qui ſe trouve en magaſin, puiſque pour le connoître il ne
faut
qu’en détremper un peu dans la main;
celui qui ſe prendra le
plus
promptement ſera à préférer à d’autre qui ne fera qu’une eſ-
pece
de Mortier ſans conſiſtance.
CHAPITRE CINQUIE’ME.
De la Compoſition du Mortier.
NOus avons dit en parlant de la Chaux dans le troiſiéme Cha-
pitre
, qu’après l’avoir éteinte dans des baſſins creuſés en ter-
re
, il étoit à propos de la laiſſer repoſer long-tems avant de la mêler
19915LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. avec le ſable pour faire le mortier, parce qu’en effet rien ne la rend
meilleure
que cette ſage précaution;
mais comme il n’eſt guere
poſſible
d’en uſer ainſi, à cauſe de l’impatience l’on eſt d’executer
un
ouvrage auſſi-tôt qu’il eſt projeté, je vais décrire la façon la plus
ordinaire
dont on prépare la Chaux afin de pouvoir faire du mor-
tier
incontinent après.
L’on fait un petit baſſin en terre, auprès duquel on en creuſe un
autre
plus grand &
plus profond, on met dans le petit une certaine
quantité
de Chaux ſur laquelle on jette de l’eau pour la broyer
avec
le rabot, &
après qu’elle eſt devenuë liquide, on la fait cou-
ler
dans le grand baſſin elle ſe prend enſuite comme un fromage
blanc
, c’eſt delà qu’on la tire pour la mêler avec le ſable.
Ce mê-
lange
ſe fait ordinairement de deux tiers de ſable ſur un tiers de
Chaux
meſurée vive, ou de trois cinquiémes de ſable, ſur deux cin-
quiémes
de Chaux, ſelon qu’elle foiſonne plus ou moins;
car quand
elle
eſt graſſe &
faite de bons Cailloux, on peut mettre juſqu’à
trois
quarts de ſable ſur un quart de Chaux:
ce qui n’eſt pourtant pas
ordinaire
, parce qu’il eſt rare d’avoir de la Chaux aſſez graſſe pour
porter
tant de ſable:
on ne doit tirer le ſable qu’à meſure qu’on
l’employe
, ſans en faire de proviſion long-tems auparavant, l’ex-
perience
faiſant voir que le Soleil l’altere, le déſeiche, &
lui ôte
une
certaine graiſſe qui en fait toute la bonté;
d’un autre côté la
pluye
en diſſoud les ſels volatils, &
par la ſuite il ſe change en une
eſpece
de terre qui étant mêlée avec la Chaux ne fait plus corps
ni
liaiſon dans la maçonnerie.
Cependant, il eſt à remarquer que
s’il
eſt queſtion de faire des enduits, il n’y a point de mal que le
ſable
ne ſoit pas ſi gras, parce qu’autrement il ſe ſeiche fort promp-
tement
, fait gerſer le mortier, &
par conſéquent empêche que
l’enduit
ne reſte poli.
Le ciment ſe mêle auſſi avec la Chaux en plus petite ou plus
grande
quantité ſelon qu’elle faiſonne plus ou moins, les doſes
ſont
les mêmes dont nous venons de parler:
cependant, l’on fait
aſſez
ſouvent du mortier compoſé de moitié ſable &
moitié ciment,
dont
l’uſage eſt très-bon pour des Ouvrages qui ne ſont point de
la
derniere conſéquence, mais qui méritent pourtant quelqu’at-
tention
.
Le mortier de Pozzolane ſe fait à peu-près comme celui de ſa-
ble
;
il ſert comme nous avons dit ailleurs pour la conſtruction des
Ouvrages
que l’on fabrique dans l’eau.
Pour faire le mortier de Terraſſe on choiſit la meilleure Chaux
non
éteinte, &
on en prend autant qu’on en veut employer pen-
20016LA SCIENCE DES INGENIEURS, dant une ſemaine, on en étend environ un pied de hauteur ſur une
aire
ou batterie, on l’arroſe pour l’éteindre, &
enſuite on couvre
ce
lit de Chaux, d’un autre de Terraſſe d’environ un pied d’épaiſſeur,
on
laiſſe repoſer cette préparation pendant deux ou trois jours, afin
de
donner le tems à la Chaux de s’éteindre;
après quoi les Manœu-
vres
viennent avec des houës broüiller &
mêler enſemble la Ter-
raſſe
&
la Chaux dont ils font un gros tas qu’on laiſſe repoſer envi-
ron
deux jours, au bout deſquels on broüille de rechef une partie
de
cette préparation, la moüillant de tems en tems juſqu’à ce qu’on
s’aperçoive
que le mortier eſt de bonne conſiſtance:
& quand on
en
eſt , on l’employe auſſi-tôt aux Ouvrages pour leſquels il eſt
deſtiné
;
mais on prendra garde de ne donner cette derniere façon au
mortier
que la veille du jour qu’on ſe propoſe de l’employer;
c’eſt-
à-dire
de n’en broüiller qu’autant qu’on aura beſoin ce jour-là, ob-
ſervant
la même choſe pour les jours ſuivans tant qu’il y aura de
cette
compoſition dans le tas.
Dans pluſieurs Provinces on prépare
le
mortier ordinaire de la même façon qu’on vient de voir pour la
Terraſſe
;
cette pratique n’eſt pas mauvaiſe, & on ne peut que s’en
bien
trouver.
Outre la Terraſſe de Hollande, on ſe ſert encore en Flandres
d’une
poudre qu’on nomme communément Cendrée de Tournay,
qui
s’employe fort utilement pour la compoſition du mortier des
Ouvrages
qui ſe font dans l’eau:
comme perſonne (à ce que je
croi
) n’en a bien expliqué les propriétés, &
la maniere de l’em-
ployer
, je vais raporter en peu de mots ce que j’en ſçai.
Les environs de Tournay fourniſſent une Pierre bleuë très-dure,
&
qui fait une Chaux excellente; quand cette Pierre eſt dans le
Four
, il s’en détache des petites parcelles qui tombent ſous la
grille
du Fourneau elles ſe mêlent avec la cendre du Charbon
de
terre, &
comme cette cendre n’eſt autre choſe que des petites
parties
de la hoüille calcinée, c’eſt le mêlange qui s’en fait qui com-
poſe
la Cendrée de Tournay qui ſe débite par les Marchands telle
qu’on
la tire des Fourneaux.
L’experience faiſant voir que la Pierre dure fait toûjours de
bonne
Chaux &
un mortier excellent pour les Ouvrages aquatiques,
quand
elle eſt mêlée avec de la poudre provenante du Charbon ou
mâche-fer
qu’on tire des Forges, comme je l’ay expliqué dans le
quatriéme
Chapitre:
il n’eſt pas étonnant que la Cendrée de Tour-
nay
ſoit merveilleuſe pour le même uſage, puiſqu’elle participe
à
la fois des qualités de ces deux matieres;
car je ne doute pas que
les
petites parties de Charbon qui ſe trouvent mêlées avec la Cen-
20117LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. drée ne contribuent beaucoup à lui donner la propriété de ſe durcir
dans
l’eau comme on le verra plus bas;
ainſi, ſans m’arrêter à des
Diſſertations
Phiſiques, je paſſe à la maniere de s’en ſervir.
La premiere attention, que l’on doit avoir avant de la préparer, eſt
de
bien balayer le terrain ſur lequel on la doit jetter, on l’éteint
enſuite
dans une eſpece de baſſin avec une quantité d’eau ſuffiſante
ſeulement
pour la bien fondre &
démêler, après quoi on la paſſe
avec
une claye faite de fil d’archal qu’on met au-deſſus d’une bat-
terie
faite exprès, pavée de pierres plates &
unies, & conſtruite de
même
par les côtés:
tout ce qui ne paſſe pas au travers de la claye
eſt
rebuté;
on bat ce qui eſt dans cette batterie à pluſieurs repriſes
pendant
dix ou douze jours conſecutifs avec une dame du poids
de
30 livres ferrée par le deſſous, juſqu’à ce qu’enfin elle compoſe
une
pâte bien graſſe &
bien fine, on l’employe ſur le champ, ſinon
elle
peut ſe conſerver pluſieurs mois de ſuite ſans rien perdre de ſa
qualité
, pourvû que l’on aye ſoin de la couvrir;
car le ſoleil, la
pouſſiere
, &
la pluye la gâtent; il faut avoir attention, quand on la
rebat
pour s’en ſervir, de n’y mêler que très-peu d’eau &
même point
du
tout s’il ſe peut;
car à force de bras elle devient graſſe & liquide
ſans
qu’on ſoit obligé de l’humecter de nouveau:
ainſi c’eſt ordinai-
rement
la pareſſe des ouvriers, &
non pas la neceſſité, qui les enga-
gent
à y mettre beaucoup d’eau pour la rebattre, ce qui la dégraiſ-
ſeroit
peu à peu &
diminueroit ſa bonté ſi on n’y prenoit garde.
Il y en a qui pour la préparer ſe ſervent de deux baſſins, l’un plus
elevé
que l’autre, tous deux bien pavés &
diſpoſés; enſorte que ce
qui
eſt dans l’un puiſſe couler dans l’autre par une petite grille que
l’on
a ſoin de maſquer quand on éteint &
démêle la cendrée, dès
qu’on
juge qu’elle l’eſt ſuffiſamment, on débouche la grille, tout ce
qui
ne peut pas paſſer au travers eſt rebuté, &
ce qui coule dans
l’autre
baſſin eſt deſtiné à être rebatu comme on vient de le dire.
On ſe ſert de cette cendrée pour la Maçonnerie des Ecluſes, Ponts,
Acqueducs
, Battard’eaux, &
c. & generalement dans les Maçonne-
ries
ordinaires pour aſſéoir les Grais &
les rejointoyer; ce qui ſe doit
faire
depuis le mois d’Avril juſqu’à la fin de Juillet, parce qu’em-
ployé
dans ce tems-là il n’éclate jamais, ce qui eſt une propriété
remarquable
de la Cendrée;
car la plûpart des cimens ſont ſujets à
gerſer
;
la Chaux de Boulogne par exemple, qui eſt excellente quand
elle
eſt employée dans l’eau ne vaut rien à ſec.
On la mêle quelquefois pour plus de précaution avec un ſixié-
me
de Thuilleau paſſé au tamis, &
je crois que ſi on la mêloit avec
de
la Terraſſe de Hollande, on pourroit s’en ſervir avec un ſuccès
20218LA SCIENCE DES INGENIEURS, merveilleux dans la conſtruction des citernes; car je ne doute pas
que
ces deux matieres enſemble ne compoſent le plus excellent
ciment
qu’il ſoit poſſible d’imaginer.
Dans les Pays la bonne Chaux eſt rare, l’on en met quelque
fois
en œuvre de deux eſpeces ſur les grands atteliers, l’une faite
de
bonnes pierres dures &
l’autre de pierres communes; la premiere
comme
la meilleure s’employe pour faire ce qu’on apelle le bon
mortier
dont on ſe ſert pour les ouvrages qui méritent attention, &

l’autre
pour faire celui qu’on nomme mortier blanc, qui, n’étant pas
d’une
trop bonne qualité, ne s’employe qu’aux fondations &
dans
le
maſſif des gros murs;
on fait encore un mortier que l’on apelle
bâtard
, parce qu’il eſt compoſé à la fois de bonne &
mauvaiſe Chaux
dont
on ſe ſert auſſi pourles murs d’une épaiſſeur conſiderable;
mais
il
faut prendre garde de ne point en employer dansles ouvrages qui
ſont
baignés des eaux.
On peut ſe ſervir indifferemment de toute ſorte d’eau pour étein-
dre
la chaux, excepté celle des Marais &
les autres bourbeuſes &
qui
croupiſſent;
c’eſt pourquoi on ne doit point permettre aux
Maçons
d’employer celles qui courent dans les ruës &
qu’ils raſſem-
blent
par le moyen d’une petite digue, parce qu’étant chargées
d’ordures
, elles ne peuvent faire que du mauvais mortier.
Autre-
fois
on ne vouloit point ſe ſervir d’eau de la mer, parce qu’on
croïoit
qu’à cauſe qu’elle eſt ſalée le mortier ne ſéchoit qu’avec pei-
ne
;
mais l’on prétend aujourd’hui que c’eſt une erreur, & qu’elle eſt
auſſi
bonne &
même meilleure que celle de Riviere; mais c’eſt ce
que
je ne deciderai pas n’en ayant point fait d’experience:
je ſçai
ſeulement
qu’on s’en eſt ſervi dans des endroits elle a fait du mor-
tier
excellent, &
dont on s’eſt parfaitement bien trouvé; & que
dans
d’autres Provinces au contraire le mortier qui en étoit abreuvé
avoit
toutes les peines du monde à ſécher.
Ce qui me fait croire
que
quand la Chaux eſt forte &
graſſe, on peut ſe ſervir de l’eau
de
la mer;
mais que ſi elle eſt d’une mauvaiſe qualité, cette eau
la
rend encore plus foible:
car c’eſt un principe de chimie que de
deux
ſels differens mis enſemble, il y en a toûjours un qui conver-
tit
l’autre en ſa ſubſtance, ainſi il y a aparence que quand les ſels de
la
Chaux ſont abondants, ils attirent ceux que contient l’eau de la
mer
, &
les diſpoſe à concourir à la coagulation du mortier; mais ſi
les
ſels de la Chaux ſont en petite quantité, le ſel marin domine &

fait
un effet tout opoſé.
Quand la Chaux eſt éteinte depuis quelque tems & qu’on la mêle
avec
le ſable, il faut, pour en faire de bon mortier, mettre le moins
20319LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. d’eau qu’on pourra; car à force de la corroyer avec des rabots il
devient
liquide &
ſéche plus promptement que ſi il avoit été abreu-
davantage;
cependant, il faut faire attention que ſi le mortier doit
être
employé avec des pierres qui s’imbibent aiſément, il faut le
faire
plus liquide que quand on s’en ſert pour joindre des pierres fort
dures
.
Il y en a qui pour faire prendre le mortier plus promptement mê-
lent
de l’urine avec l’eau dont on ſe ſert pour le corroyer;
mais ce
que
je ſais par experience, c’eſt que ſi l’on fait diſſoudre du ſel Ar-
moniac
dans l’eau de Riviere, &
qu’on ſe ſerve enſuite de cette
eau
pour corroyer de la Chaux qui auroit été faite avec de bons
cailloux
, elle compoſe avec le ſable un mortier qui prend auſſi
promptement
que le plâtre, ce qui peut être d’un excellent uſage dans
les
pays cette matiere eſt rare;
j’ajoûterai que ſi au lieu de ſable
on
ſe ſervoit de la pierre pulveriſée, &
qui fut de la même dont on
a
fait la Chaux, le mortier qui en ſeroit compoſé ſeroit incompara-
blement
meilleur quand on voudroit s’en ſervir au lieu de plâtre.
L’on ſait que la principale qualité du mortier eſt d’unir les pierres
les
unes aux autres, &
de ſe durcir quelque tems après avoir été
employé
, pour ne faire plus qu’un même corps avec les autres ma-
teriaux
.
Comme c’eſt la Chaux qui contribue le plus à cet effet
ſingulier
, on demande pourquoi la pierre, ayant perdu dans le Four
à
Chaux ſa dureté, la reprend par le moyen de l’eau &
du ſable?
Comme ceci nous offre une Diſſertation aſſés curieuſe, je vais
faire
enſorte d’en donner la raiſon.
L’opinion des Chimiſtes eſt, que la dureté des corps vient des
ſels
qui s’y trouvent répandus qui ſervent à lier leurs parties, de-
ſorte
que ſelon leur ſiſtême la deſtruction qui arrive par la ſuite des
tems
aux corps les plus durs ſe fait par la’perte de leur ſel qui s’é-
vapore
inſenſiblement par la tranſpiration, &
que ſi par quelque
moyen
on rend à un corps les ſels qu’il a perdu, il reprend ſa pre-
miere
dureté par la réünion qui ſe fait de ſes parties.
Comme il y
a
mille experiences qui favoriſent cette hipoteſe, je ne ferai nulle
difficulté
de la recevoir avec le plus grand nombre des Phiſiciens.
Quand la pierre eſt brûlée par la violence du feu, il ſe fait une
évacuation
de la plus grande partie de ſes ſels volatils &
ſulfurés qui
ſervoient
de liens à ſes parties, ce qui fait qu’elle devient poreuſe
&
branchue: or comme voilà l’état ſe trouve la Chaux en ſor-
tant
du Four, voyons preſentement ce qui peut lui rendre la du-
reté
qu’elle avoit avant d’être calcinée.
Quand la Chaux eſt détrempée à propos, & qu’on la mêle avec
20420LA SCIENCE DES INGENIEURS, le ſable, il ſe fait une fermentation cauſée par les parties ſulfurées
qui
ſont reſtées dans la Chaux, &
qui font ſortir du ſable une quan-
tité
de ſels qui ſe mêlant avec la Chaux en rempliſſent les pores;
(car le ſable eſt plein de ſel volatil ainſi que les autres corps) & ce
ſont
ces mêmes ſels qui ſe trouvent en plus grande abondance dans
de
certains ſables plûtôt qu’en d’autres qui font la difference de leur
bonne
ou mauvaiſe qualité:
delà vient, que plus on broye la Chaux
&
le ſable, & plus le mortier eſt bon & durcit davantage quand il
eſt
employé;
parce que le froiſſement réïteré fait ſortir du ſable
une
plus grande quantité de ſel;
c’eſt auſſi pour cette raiſon que le
mortier
, mis en œuvre tout chaud, n’eſt pas ſi bon qu’au bout de
quelques
jours, parce qu’il faut un certain tems pour que les ſels vo-
latils
puiſſent paſſer du ſable dans les pores de la Chaux aſin qu’il ſe
faſſe
une union intime de ces deux matieres;
cependant il eſt à re-
marquer
(comme l’experience le fait voir) que quand on laiſſe le
mor
tier long-tems ſans l’employer, il ſe deſſéche, &
ne fait plus
de
liaiſon quoiqu’on y mette de l’eau, parce que les ſels ſe ſont
évaporé
s, deſorte qu’il ne reſte plus qu’une matiere ſéche, maigre
&
ſans onctuoſité; ce qui n’arrive pas quand il eſt employé à pro-
pos
, c ar alors il fait ſortir des pierres une grande quantité de ſel qui
paſſe
dans les pores de la Chaux, pendant qu’elle même s’inſinuë
dans
ceux de la pierre:
car quoiqu’il ſemble en ſe ſervant du mor-
tier
qu’il n’ait plus de chaleur, la fermentation entretenuë par les
parties
ſulfurées de la Chaux ſubſiſte encore très long-tems après
que
la Maçonnerie eſt formée;
ce qui ſe remarque bien ſenſible-
ment
par la dureté que le mortier acquiert de jour en jour &
qui
ne
ceſſe de croître avec le tems par les nouveaux ſels volatils qui
paſſent
de la pierre dans le mortier, par la tranſpiration que la cha-
leur
dont je viens de parler y entretient;
& c’eſt ce que l’on remar-
que
dans la démolition des anciens édiſices par la peine que l’on
rencontre
à ſéparer les pierres que le mortier tient uni, juſques-là
même
qu’on en a moins à les rompre, qu’à les ſéparer, ſur
tout
quand ce ſont des pierres un peu ſpongieuſes dans leſquelles
le
mortier a pénétré.
Je crois même avec Philbert de Lorme, qu’on
pourroit
rendre cette union de la pierre &
du mortier preſqu’indiſ-
ſoluble
, ſi l’on faiſoit la Chaux avec des pierres de même qualité que
celles
qu’on veut employer dans le Bâtiment, parce que les ſels
volatils
qui en ſortiroient ſe trouvant d’une figure propre à rem-
plir
les pores qui reſtent dans la Chaux par la perte qu’elle a fait des
ſiens
, le mortier &
la pierre ne feroient plus qu’un même corps.
Selon ce raiſonnement on voit que les petites parties de Charbon
20521LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. de Terre, qui ſe trouvent mêlées avec de la Cendrée de Tournay,
doivent
faire un merveilleux effet, quand cette Cendrée eſt battuë
avec
un peu d’eau;
car comme ce Charbon eſt rempli de parties
ſulfurées
&
de ſel volatil, il ſe fait un paſſage de ce ſel dans les pores
de
la pierre calcinée, ce qui enſuite forme une pâte graſſe &
onc-
tueuſe
dans laquelle il s’entretient une fermentation qui fait ſortir
de
la pierre qui eſt employée avec la Cendrée, des nouveaux ſels
qui
lient &
retiennent enſemble la Maçonnerie.
On croit communément que la Chaux a la vertu de brûler cer-
tains
corps, parce qu’elle en occaſionne la deſtruction;
mais, il ne
faut
pas penſer que ce ſoit la chaleur qui produiſe effectivement
cette
deſtruction:
cela vient de ce que la Chaux faiſant tranſpirer
les
ſels qui faiſoient les liens de leurs parties, dès que ces ſels ſont
évaporés
, ou que la Chaux s’en eſt revêtuë, les parties de ces corps,
n’étant
plus entretenuës comme auparavant, ſe deſuniſſent.
Comme il n’y a point de doute que ce ne ſoit la grande abon-
dance
des ſels que contiennent certaines pierres qui les rend plus
propres
à faire de bonne Chaux, que les autres qui en ſont beau-
coup
moins chargées, cette connoiſſance fournit un moyen de fai-
re
de la Chaux excellente dans les Pays même elle a coûtume
d’être
mauvaiſe comme je vais l’inſinuer.
Il faut avoir deux grands baſſins, l’un plus élevé que l’autre, &
tous
deux bien pavés &
les bords revêtus de Maçonnerie, on rem-
plit
de Chaux le baſſin ſuperieur, &
on l’éteint pour la faire couler
dans
l’autre, &
quand tout y eſt paſſé il faut jetter deſſus à peu-près
autant
d’eau qu’on en a employée pour l’éteindre, enſuite la bien
broyer
avec le rabot, &
la laiſſer repoſer pendant 24 heures: com-
me
elle aura le tems de ſe raſſéoir, on la trouvera couverte d’une
quantité
d’eau de couleur verdàtre, parce qu’elle comprendra preſ-
que
tous les ſels dont la Chaux étoit remplie;
il faut prendre toute
cette
eau &
la verſer dans un tonneau, & ôter du même baſſin la
Chaux
qui s’y trouve qu’on peut regarder alors comme une matiere
qui
n’eſt propre à rien:
on met de la nouvelle Chaux dans le baſ-
ſin
ſuperieur, &
au lieu de l’éteindre avec de l’eau ordinaire, on
ſe
ſert de celle qu’on a mis dans le tonneau, &
on fait couler com-
me
en premier lieu cette Chaux dans l’autre baſſin;
ce qui fait que
comme
elle comprend deux fois plus de ſel qu’elle n’en avoit na-
turellement
, elle eſt incomparablement meilleure qu’elle n’eut été
ſans
cette préparation.
S’il s’agiſſoit de quelque ouvrage de conſé-
quence
fabriqué dans l’eau, on pourra, afin de rendre la Chaux en-
core
meilleure, faire à l’égard de cette ſeconde, ce que l’on a fait
20622LA SCIENCE DES INGENIEURS, pour la premiere; c’eſt-à-dire que l’on jettera encore dans le ſecond
baſſin
autant d’eau qu’on en aura tirée d’abord, &
que l’on broyera
la
Chaux tout de nouveau pour en faire ſortir les ſels, deſorte que
l’ayant
encore laiſſée raſſéoir pendant 24 heures, on ſe ſervira de
l’eau
dont elle ſera ſubmergée pour éteindre la nouvelle Chaux vive
qu’on
mettra dans le premier baſſin;
quant à celle qui ſera reſtée
dans
le ſecond, on pourra l’employer aux gros ouvrages l’on n’y
prend
pas garde de ſi pres, car elle ne ſera pas abſolument ſi deſti-
tuée
de ſel qu’elle ne puiſſe encore ſervir.
Je connois d’habiles gens
qui
ont pratiqué pluſieurs fois ce que je viens de dire, &
qui s’en
ſont
bien trouvés;
ils m’ont aſſuré avoir fait par ce moyen de meil-
leure
Chaux que celle de Boulogne avec la matiere du monde la
plus
ingrate:
il eſt vrai qu’il en coûtera beaucoup plus; mais l’œ-
conomie
ne doit point prévaloir ſur les moyens de faire les choſes
le
mieux qu’il eſt poſſible, quand il s’agit de certains ouvrages qui
demandent
abſolument d’être travaillés avec précaution:
par exem-
ple
, dans les places la Chaux eſt ſort mauvaiſe, &
l’on re-
marque
que les murs de paremens des ouvrages ſe dégradent au
bout
de quelques années, parce que le mortier n’a pas aſſez de
corps
pour réſiſter à l’injure des ſaiſons, l’on pourroit en fabriquer
de
deux ſortes;
l’un ſuivant les précautions que je viens de dire ſer-
vira
à la conſtruction de tout ce qui eſt expoſé à l’air;
& l’autre
fait
comme à l’ordinaire pourra être employé dans le reſte de l’é-
paiſſeur
des murs, &
aux contreforts. Car enſin la néceſſité doit
rendre
ingenieux.
Eſt-il, dit qu’à cauſe qu’on eſt dans un endroit
les
materiaux ſont mauvais, qu’on ne puiſſe faire de bonne Maçon-
nerie
?
Je ſuis perſuadé que quand on voudra s’en donner la peine
on
trouvera mille moyens de corriger la nature par le ſecours de
l’art
.
CHAPITRE SIXIE’ME.
Des détails qui ont rapport à la Conſtruction de la Maçonnerie.
APrès avoir enſeigné dans les Chapitres précédens le choix que
l’on
devoit faire des materiaux en general, je vais faire voir
dans
celui-ci les details dans leſquels il faut entrer pour juger du
prix
des Ouvrages afin d’en paſſer le marché aux Entrepreneurs,
nous
ne parlerons d’abord que de ce qui peut apartenir à la Maçon-
20723LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. nerie, nous réſervant de faire mention des autres détails aux en-
droits
qui leur conviendrontle mieux, pour ne point embraſſer trop
d’objets
à la fois, nous ne dirons rien non plus des prix, parce qu’ils
dépendent
des tems &
des lieux ſelon que les materiaux ſont rares
ou
communs, près ou éloignés:
circonſtances dont il ſera aiſé de
s’inſtruire
dans l’occaſion, ainſi je m’attacherai plûtôt à inſinuer l’eſ-
prit
du détail, qu’à donner des exemples ennuyeux qui ne ſeroient
pas
d’une grande inſtruction.
Il faut, avant toute choſe, prendre connoiſſance des differens
terrains
que la place doit occuper &
des matériaux qui ſont à l’uſage
du
Pays:
s’informer des Carrieres de Chaux, de Moîlon, & de Pierre
de
Taille qui ſont le plus à portée, de même que des lieux d’où l’on
pourra
tirer le ſable, les terres propres à faire les Briques &
les
Thuiles
, les bois de Charpente, &
tout ce qu’on prévoira devoir
entrer
dans la conſtruction:
on viſitera le tout ſoigneuſement, pour
faire
de juſtes obſervations ſur leur qualité &
leur éloignement.
L’examen des differens terrains que la place doit occuper fera
connoître
à peu-près quelle ſera leur nature, ſi le fond ſera bon ou
douteux
, s’il faudra piloter ou non, s’il y aura des épuiſemens d’eau
à
faire, &
pluſieurs autres circonſtances qui augmentent ſouvent ou
diminuënt
les prix des ouvrages;
je ſais que le jugement qu’on peut
porter
ſur la nature du fond eſt ſujet à erreur, &
qu’il n’eſt pas aiſé
de
répondre de la qualité d’un terrain qui n’eſt pas foüillé &
qu’on
ne
voit point;
cependant, avec un peu d’experience, on en peut
juger
d’abord aſſez ſainement par le coup d’œil &
par la ſituation du
lieu
:
ainſi, pour les parties qui ſe trouveront à faire ſur le Roc, ou
qu’on
préſumera devoir y être fondées, on remarquera à peu-près
quel
déblais de terre ou de rocaille il faudra faire pour parvenir
au
fond ſolide, qu’elle eſt la nature du Roc, ſi les pierres des exca-
vations
pourront ſervir au corps de la Maçonnerie, ou ſi elles ſe-
ront
propres à être employées au parement, méthode cependant
qui
n’eſt pas des meilleures, comme on l’a experimenté dans plu-
ſieurs
places, à moins qu’on ne leur donne le tems de ſe reſſuïer,
&
de faire connoître leur bonne ou mauvaiſe qualité: avant que de
les
employer pour les endroits vaſeux ou marécageux, on connoîtra
par
differentes ſondes les précautions qu’il faudra prendre pourles
fondemens
, pour le pilotage, &
la meſure des bois.
On remarquera auſſi s’il y a moyen de faciliter le tranſport des
materiaux
par quelque rivierre ou par un nouveau canal, &
s’il y
aura
de la difficulté à ſe fournir des eaux neceſſaires pour la compo-
ſition
des mortiers comme il arrive ſouvent dans les lieux élevés,
20824LA SCIENCE DES INGENIEURS, enfin on examinera toute choſe avec attention, & on fera ſur cha-
cune
les obſervations qui ſeront neceſſaires pour avoir d’avance
une
idée de tout ce qui pourra entrer dans la Conſtruction de la
place
.
Pour peu qu’on aura fait travailler dans un Pays on n’aura pas
grande
difficulté à ſavoir à combien pourra revenir la toiſe cube
de
Maçonnerie, j’entends celle qui ſert aux revêtemens des For-
tifications
, parce qu’il n’y a qu’à s’informer des prix les plus ordi-
naires
de la Chaux, du Sable, de la Brique, &
des differentes ſortes
de
pierres qu’il faudra employer, le tout rendu ſur l’attelier, &
ce
qu’il
en coûtera pour les préparer &
les mettre en œuvre: ou bien
quand
un Ingenieur va dans une Place il n’a pas encore ſervi,
il
lui ſera aiſé d’avoir ces ſortes d’inſtructions par ceux qui y ſont de-
puis
long-tems;
mais ſi l’on étoit privé de ces connoiſſances, & qu’il
fallut
travailler dans un endroit l’on ne ſeroit prévenu de rien,
alors
il faudroit regarder les choſes de plus près, afin d’en juger ſoi-
même
pour ne point s’en raporter aux Entrepreneurs &
à ceux qui
ont
interêt que les Ingenieurs n’entrent que légerement dans quan-
tité
de petits détails, qui paroiſſent d’abord ne pas mériter la peine
d’être
recherchés, mais qui deviennent par la ſuite d’une grande
conſequence
, ſur-tout quand il s’agit de bâtir une Place neuve,
puiſque
ſans une extrême œconomie on fait de grandes dépenſes
ſuperfluës
;
or, pour ne point tomber dans un pareil inconvenient,
voici
en peu de mots à quoi on pourra avoir égard.
Pour commencer par le tranſport des materiaux, on ſaura qu’il
ſe
régle ordinairement ſur la quantité qu’une Voiture en peut porter
&
des voyages qu’elle peut faire en un jour. C’eſt pourquoi il faut
être
prévenu qu’une Voiture attelée de trois chevaux porte environ
1500
livres;
ainſi dès qu’on ſaura à quelle diſtance elle eſt obligée
d’aller
chercher les materiaux, leurs poids, &
ce qu’il en coûtera
pour
leur charge, on pourra, en fixant ce qu’elle doit gagner par
jour
, ſavoir à quoi reviendra le tranſport de la toiſe cube, ou le
quintal
de chaque eſpece de materiaux:
cependant, il vaut beau-
coup
mieux ne point s’embarraſſer de tous les petits détails dont cet
article
eſt ſuſceptible, &
laiſſer à la charge de l’Entrepreneur le tranſ-
port
des materiaux;
l’experience ayant fait voir en pluſieurs endroits,
qu’il
en coûtoit la moitié moins que de le faire par œconomie, les
Entrepreneurs
ayant à leur diſpoſition quantité de choſes qui coû-
teroient
beaucoup plus ſi tout autre qu’eux s’en mêloit.
Quand il y a quelque Riviere portant Bateaux dans l’endroit
l’on
veut bâtir, les materiaux ſe tranſportent avec bien plus de fa-
20925LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. cilité & moins de dépenſes: il arrive même quelquefois, quand le
terrain
le permet, qu’on fait faire un canal exprès pour le tranſport
des
materiaux, comme on l’a pratiqué à la conſtruction du neuf
Briſack
;
& alors la dépenſe du Canal eſt répanduë generalement
ſur
le prix que coûtera la Maçonnerie en y comprenant les autres
frais
de la Navigation, auſſi-bien que la charge &
décharge des
matériaux
.
Si on étoit dans le cas de ſe ſervir d’une Riviere ou d’un Canal
pour
le tranſport, il faudroit ſavoir la charge que les Batteaux pour-
ront
porter ſelon leur grandeur &
leur figure; & pour avoir quel-
que
connoiſſance exacte ſur ce ſujet, je conſeille le Lecteur de voir
ce
que j’en ay dit dans la dixiéme partie de mon Cours de Mathé-
matique
.
Puiſqu’on eſt obligé de régler la charge des Voitures ſelon la pé-
ſanteur
des matieres qu’elles ont à tranſporter, j’ai crû qu’il étoit à
propos
de donner ici une Table qui marquât en pieds cubes le
poids
des principales.
TABLE
DE LA PESANTEVR D’VN PIED CVBE
de
pluſieurs Matieres.
11Fer # 580 liv. # Ardoiſe # 156 liv.
Cuivre
jaune # 548 # Plâtre # 86
Cuivre
rouge # 648 # Pierre de Saint Leu # 115
Plomb
# 828 # Pierre de Liais # 166
Sable
de Terre # 120 # Pierre bleue de Tours # 125
Sable
fort # 124 # Marbres # 252
Sable
de Riviere # 132 # Chaux vive # 59
Argile
# 135 # Bois d’ozier # 38
Terre
graſſe # 115 # Bois d’Aulne # 37 {1/12}
Terre
extraordinaire # 95 # Bois de Chêne vert # 80
Mortier
# 120 # Bois de Chêne ſec # 60
Brique
# 130 # Eau de Mer # 73 {1/2}
Thuilles
# 127 # Eau Douce # 70
21026LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Toutes ces differentes matieres peuvent péſer un peu plus ou
moins
qu’on ne l’a marqué ici, ſelon le Pays on les trouve;
mais
on
s’eſt conformé à la péſanteur qui leur eſt la plus ordinaire.
Je crois en avoir aſſez dit ſur ce qui regarde le tranſport des
matériaux
;
c’eſt pourquoi je paſſe à leur détail, en commençant
par
celui de la Chaux &
du Sable.
Détail de la Chaux & du Sable.
On ſupoſe que, par epreuve faite, une toiſe cube de Pierre pro-
duit
dix milliers de Chaux;
& comme on met ordinairement huit
toiſes
pour la charge d’un four, qui doivent par conſéquent pro-
duire
80 milliers, il ſera aiſé de juger ce qu’ils pouront coûter ren-
dus
ſur l’attelier, en faiſant l’eſtimation du tirage de la Pierre, de ſa
Voiture
au Four, de ſon arrangement dans le même Four, &
la
voiturer
à l’endroit on veut la mettre en œuvre.
A l’égard de la quantité de Chaux qui peut entrer dans une toiſe
cube
de Maçonnerie tels qu’aux revêtemens des Fortifications, il
eſt
aſſés difficile de la déterminer, parce qu’elle dépend de ſa bonne
ou
mauvaiſe qualité, auſſi-bien que celle du Sable avec lequel elle
eſt
mêlée;
mais, communement, il en entre douze quintaux.
On pourra de même juger du prix de la toiſe cube de Sable, en
faiſant
l’eſtimation de ce qu’il en coûtera pour le tirage &
le tranſ-
port
juſqu’au pied d’œuvre, ſurquoi il eſt à remarquer qu’une cer-
taine
meſure de Sable peſe à peu près le double d’une pareille me-
ſure
de Chaux, ce qui doit par conſequent doubler le prix de la
Voiture
.
Il entre dans une toiſe cube de Maçonnerie environ 30 pieds
cube
de Sable.
Détail de la Brique.
Pour ſavoir le prix du millier de Brique rendu ſur l’attelier, il fau-
dra
faire l’eſtimation de ce qu’il en coûtera pour tirer la terre, la
corroyer
, la mouler, la porter ſur les banquetes, l’arranger &
cou-
vrir
de paillaiſſons, pour la faire ſécher &
la rouller au Four: j’ou-
blie
de dire qu’il faut auſſi avoir égard au Sable que l’on étend ſur
les
plates-formes;
ce Sable doit être des meilleurs: il en faut au
moins
100 Barreaux pour une Briqueterie de 450 mille, l’on verra
enſuite
ce qu’il en coûtera pour la cuire, la défourner, &
la voiturer
juſqu’au
pied d’œuvre, l’on prétend que le bois eſt meilleur pour
cuire
la Brique que le Charbon de Terre, parce qu’ici il faut un
feu
clair qui puiſſe pénétrer de toute part;
mais en récompenſe le
21127LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. Charbon de Terre eſt excellent pour les Fours à Chaux, comme
je
l’ai déja dit ailleurs.
Dans une toiſe cube de Maçonnerie de Brique il entre quatre mille
ſix
cent Briques de 8 pouces de longeur, 4 de largeur, &
de 2 d’é-
paiſſeur
, &
520 dans la toiſe quarrée qui auroit une Brique d’épaiſ-
ſeur
, c’eſt-à-dire 8 pouces;
ainſi l’on voit que le mortier occupe à
peu-près
un cinquieme de la toiſe cube.
Une Voiture attelée de trois Chevaux porte 400 Briques, qui
péſent
un peu plus de 1500 livres;
car, quand une Brique eſt faite
de
bonne Terre &
bien cuite, elle péſe environ quatre livres, en
lui
ſupoſant les dimentions dont j’ai parlé plus haut.
Détail du Moîlon.
Pour ſavoir le prix de la toiſe cube de Moîlon, il faut avoir égard
à
ce qu’il en coûtera pour le déblais néceſſaire à ſa découverte,
pour
le tirer de la Carriere, pour la charge &
décharge, pour la
Voiture
&
la main d’œuvre.
Quand le Moîlon doit être façonné, pour être mis en œuvre, il
faudra
voir ce qu’il en coûtera par toiſe cube, pour le picquage &

ajonturage
, indépendamment des autres circonſtances dont nous ve-
nons
de faire mention, de même l’on pourra eſtimer la toiſe cou-
rante
de Pierre de Taille en la ſupoſant, par exemple, d’un pied de
hauteur
ſur 15 de lit ou environ.
Quand la Maçonnerie eſt compoſée de Briques & de Moîlon
comme
celle des revêtemens des Fortifications, le Mortier occupe
à
peu-près un ſixiéme de la toiſe cube;
car le Moilon laiſſant moins
de
vuide que la Brique, il faut moins de mortier que ſi la Maçon-
nerie
étoit toute de Brique.
Ayant trouvé à l’aide des calculs précédens le prix de chaque
choſe
en particulier, il n’y aura point de difficulté à ſavoir la dé-
penſe
de la toiſe cube de Maçonnerie, dés qu’on ſaura combien
il
doit y entrer de chaque eſpece de Matériaux, ce qui ſera aiſé
en
faiſant dans les differens Pays l’on ſe trouve une analiſe é-
xacte
des profils les plus aprouvés &
les mieux dirigés.
L’on voit enſuite ce qu’il en pourra coûter pour chaque toiſe
cube
pour le Canal, ſi on eſt obligé d’en faire un:
on a égard auſſi
aux
faux frais auſquels les Entrepreneurs pourront être engagés pour
les
épuiſemens des eaux s’il s’en rencontre, &
à pluſieurs autres
particularités
qui doivent entrer dans la même eſtimation, &
moyen-
nant
tous ces détails, on pourra ſavoir avant l’execution des ou-
21228LA SCIENCE DES INGENIEURS, vrages ſi les propoſitions des Entrepreneurs ſont juſtes ou non, &
à
quoi l’on peut s’en tenir;
même après que les projets ſont executés
ce
qu’ils ont perdu ou gagné, &
quel dédommagement le Roy peut
leur
accorder s’ils avoient fait un mauvais marché, ou s’il s’étoit
preſenté
dans la ſuite du travail quelque difficulté qu’on n’auroit
prévoir
, comme cela arrive aſſés ſouvent.
Le tems qu’on employe pour la conſtruction de la Maçonnerie eſt
encore
une connoiſſance neceſſaire, ſi l’on veut ſe mettre en état
d’executer
les ouvrages dans le tems preſcrit, &
repondre aux in-
tentions
de la Cour:
pour cela, il faut ſavoir ce que chaque ouvrier
peut
faire par jour.
Dans un mur épais de 10. à 12 pieds, un bon Maçon peut faire
deux
tiers de toiſe cube de Maçonnerie par jour, ſi le parement eſt
brut
;
& environ une demi toiſe ſeulement, s’il eſt façonné: mais pour
que
cette régle ait lieu, il faut que l’ouvrier ſoit des meilleurs, &

qu’il
ne perde pas un moment de tems;
ainſi l’on peut réduire le
travail
à cinq huitiémes dans le parement brut, &
à trois huitiémes
dans
le parement façonné;
chaque Maçon doit avoir deux Ma-
nœuvres
pour le ſervir, quand les matériaux ſont éloignés de 15 à
20
toiſes de l’ouvrage.
Dans un mur de deux pieds d’épaiſſeur, le même Maçon peut
faire
aiſément une toiſe quarrée par jour, en s’aſſujetiſſant aux
échaffaudages
.
Pour dire auſſi quelque choſe ſur la maniere judicieuſe avec la-
quelle
un Ingenieur doit agir au ſujet des particuliers, dont les terres
ſont
compriſes dans l’étenduë des ouvrages d’une Place neuve:
voici ce qui m’a parû de plus raiſonnable.
Pour les Particuliers dont les héritages doivent être occupés par
les
Fortifications, on ne peut avoir trop d’attention pour leur ren-
dre
la juſtice qui leur eſt dûe, &
pour les dédommager en quelque
façon
du chagrin de perdre leurs biens;
ainſi il ne faut point agir
en
toute rigueur avec eux, mais bien régler l’eſtimation, de ma-
niere
que le Roy n’y ſoit point lezé, &
que le Particulier n’y perde
rien
:
pour cet effet, après avoir bien examiné & marqué tout ce
qui
doit être pris de ces heritages, il faut en faire un deſſein diſ-
tingué
par des côtes qui déſignent ce qui apartient à chacun, &
qui
ſoient
raportées à la marge avec le nom du Particulier;
après toute-
fois
qu’il aura été juſtifié par titre ou poſſeſſion ſuffiſante que cet
héritage
lui apartient.
On procede enſuite à l’eſtimation de la va-
leur
de ces biens, ce qui ſe fait pardevant l’Ingenieur, le Commiſ-
ſaire
des Guerres, &
les Magiſtrats de la Ville ou Communauté, qui
21329LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. choiſiſſent chacun de leur côté des Experts pour évaluer, ſous leur
ſerment
, le prix de chaque choſe, dont les Magiſtrats &
les intereſſés
donnent
acte:
après l’eſtimation faite, on ſpecifie d’abord les Mai-
ſons
, Jardins, Prés, Champs, &
Vergers, chacun ſuivant ſa juſte
valeur
, &
on en dreſſe un acte dans lequel ſont raportés les noms
des
Propriétaires, la quantité des arpens, ou journaux, &
le prix
auquel
chaque héritage eſt évalué:
on dreſſe un autre acte de la
quantité
des terres qui ont été ou ſeront renduës inutiles &
miſes
hors
de’valeur par les Gazons &
Briques que l’on en tirera, ou par le
raſement
ou comblement de telle &
telle partie: on en fait encore
un
troiſiéme qui contient la quantité des Terres qui étoient ſemen-
cées
de ſeigle, froment, orge, &
avoine, & c. avec l’eſtimation de
chacun
de ſes fruits ſuivant le prix de l’année courante;
le tout cer-
tifié
par les Maire &
Jurés du lieu, par les Experts, l’Ingenieur, &
le
Commiſſaire des Guerres:
enfin, tous ces Etats étant reglés, on
les
envoye à l’Intendant de la Province, qui, en conſéquence des or-
dres
de la Cour, les renvoye au Tréſorier de la Place, &
en ordon-
ne
le payement, que chaque Particulier ſigne en marge à côté de
l’article
qui le concerne &
déclare avoir reçû en preſence du Com-
miſſaire
des Guerres.
CHAPITRE SEPTIE’ME.
Qui comprend pluſieurs Inſtructions ſur l’établiſſement &
la
conduite des Travaux.
LA conduite des grands Travaux embraſſe tant de choſes à la
fois
, qu’on peut dire qu’il n’apartient qu’aux Ingenieurs du pre-
mier
ordre d’entrer dans tous les détails ſans perdre de vûe les ſu-
jets
eſſentiels du projet que l’on veut executer.
C’étoit une des
grandes
qualités de Mr.
le Marêchal de Vauban; & on ne peut voir
fans
étonnement, qu’occupé ſans ceſſe (comme il l’étoit) à tout ce qui
pouvoit
contribuer à la ſûreté de l’Etat &
au bonheur des Peuples,
il
ait deſcendre à l’examen d’une infinité de petits ſujets qui pa-
roiſſoient
ne pas mériter ſon attention:
mais, les genies ſuperieurs
n’aprehendent
jamais de ſe dégrader, leur conduite eſt toûjours
juſtifiée
par le fruit que l’on tire de leurs réflections, en effet on
ne
peut rien de plus ſage &
de mieux entendu que les réglemens
que
ce grand homme nous a laiſſés ſur quantité de choſes, parti-
21430LA SCIENCE DES INGENIEURS, culierement ſur l’ordre & l’arrangement que l’on doit ſuivre dans la
Conſtruction
des Fortifications;
& comme je me ſuis propoſé d’en
parler
dans ce Chapitre, j’aurai recours à ſes écrits pour répondre
à
l’eſtime que le Public fait de tout ce qui vient de lui.
Les Fortifications, dit-il, ſe font ordinairement par des entre-
priſes
generales ou particulieres, ou par détail ou par courvées
impoſées
ſur le Pays, &
le plus ſouvent par un compoſé de toutes
ces
manieres enſemble.
Quand on pourra trouver des Entrepreneurs ſolvables, & de ca-
pacité
à pouvoir embraſſer une entrepriſe generale, on fera bien
de
traiter avec eux:
mais il eſt très-rare de rencontrer des têtes
aſſés
fortes pour ſoûtenir un fardeau auſſi péſant que celui d’une en-
trepriſe
generale;
car la précipitation avec laquelle on fait ordinai-
rement
les ouvrages, &
la durée de telles entrepriſes, réduiſent ſou-
vent
l’Entrepreneur à ne ſavoir plus il en eſt:
c’eſt pourquoi il
vaudroit
mieux s’en tenir aux entrepriſes particulieres, qui peuvent
s’achever
en peu de tems.
On doit auſſi remarquer, que quand il s’agit de paſſer des marchés
pour
des ouvrages conſiderables, il eſt bon de le faire dans les for-
mes
, mais non pas de les donner à tous ceux qui ſe preſenteront
pour
les prendre au moindre prix;
car il faut non-ſeulement exa-
miner
ſi les Entrepreneurs ont aſſés de bien pour répondre des avan-
ces
qu’on ſera obligé de leur faire, mais encore s’ils ont aſſés de
lumieres
pour s’acquitter de l’entrepriſe:
il faut leur accorder à
des
conditions raiſonnables, ſans pouſſer les miſes aux rabais à plus
bas
prix qu’elles ne doivent être;
car ſi l’entrepriſe eſt un peu groſſe,
&
qu’on la donne à des pauvres gens, ou à des ignorans, ils la pren-
dront
inconſidéremment à tel prix qu’on voudra, dans l’eſperance
de
profiter de façon ou d’autre:
mais outre qu’on n’y trouvera pas
de
ſureté, quand on viendra à l’execution, on doit s’attendre qu’ils
tireront
partie du profit autant qu’ils pourront, &
d’un autre côté
mettront
tous les ouvrages en confuſion;
après quoi la tête leur
tournant
ils donneront du nez en terre, ou abandonneront tout
d’eux-même
ſi on ne les prévient:
or ſi malheureuſement cela arri-
ve
, les travaux languiſſent &
ne s’avancent qu’avec une lenteur in-
ſuportable
, tout eſt en conſuſion, les marchés n’ont plus de crédit
ni
de confiance, les nouveaux Entrepreneurs qu’on ſeroit obligé de
prendre
ne veulent accepter les Ouvrages qu’à un prix exhorbitant,
ceux
qui doivent être achevés en un an à peine le peuvent être en
deux
, les Ouvriers étant mal payés déſertent, il ne s’en preſente
qu’un
petit nombre, tout cela occaſionne des peines infinies aux
21531LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. Ingenieurs, qui ne peuvent ſans beaucoup de difficulté remettre
les
choſes ſur le bon pied;
d’où l’on peut conclure, qu’il n’eſt rien
de
ſi pernicieux que ce prétendu bon marché:
ainſi, on ne peut trop
deſabuſer
ceux qui mettent toute leur aplication à faire des marchés
au
plus bas prix qu’ils peuvent, ſans examiner les ſuites, &
la poſſi-
bilité
de pouvoir les executer.
Il faut toûjours éviter les details inutiles & embaraſſans, ſur-tout
les
ouvrages à journées, à cauſe de la confuſion &
des friponneries
qui
s’y commettent;
car l’ouvrier qui eſt aſſuré de ſon gain ne ſe
preſſe
jamais, au lieu que celui qui ne gagne qu’autant qu’il travaille
n’a
beſoin d’autre chaſſavant que ſon propre intereſt:
il eſt éga-
lement
de conſequence d’éviter tous les ouvrages à courvées qui
demandent
quelque façon &
de la promptitude, attendu que la
diligence
&
le ſavoir ne ſe rencontrent jamais parmi des gens qui
travaillent
par force, &
qui ne tâchent qu’à couler le tems; mais
quand
on ſera obligé de s’en ſervir au remuëment des Terres, il
leur
faudra impoſer la quantité qu’on leur voudra faire remuer, &

la
départir par communauté, moyennant quoi ils traiteront les uns
avec
les autres, ou ils s’accommoderont avec l’Entrepreneur pour
en
pouvoir venir à bout, &
de quelque maniere que cela ſe faſſe, il
en
faudra prendre connoiſſance, &
charitablement voir ſi ceux avec
qui
ils traiteront ne ſe trompent point ſur le prix ou ſur le meſurage
&
ne leur vendent trop cherement leur peines; mais tout bien con-
ſideré
cette maniere de travailler ne devroit être miſe en uſage
que
pour des Charrois ou des Ouvrages fort groſſiers &
toûjours
le
moins qu’on pourra.
Quand on fera le département des ouvrages aux gens employés,
il
faudra bien prendre garde d’apliquer chacun à celui qui lui con-
viendra
le mieux, &
ſur-tout tenir pour maxime d’avoir toûjours
un
homme fidele &
intelligent dans la Maçonnerie, qui ne perde ja-
mais
de vûë la main des Maçons, car la plûpart manquent extrê-
mement
de ſoin dans l’arrangement des matériaux, ſoit par négli-
gence
, ignorance, ou friponnerie, ce qui n’arrive que trop quand
ils
ne ſont pas éclairés de quelqu’un qui les tienne en crainte:
c’eſt
auſſi
pour certe raiſon qu’on ne doit jamais ſouffrir qu’ils travaillent
aux
heures induës, ni ſans la preſence de ceux à qui l’on aura com-
mis
le ſoin de les obſerver, n’y ayant rien de ſi pernicieux dans la
conduite
des travaux, que ces ſortes de negligences.
Tous ceux qui ont de l’experience dans l’art de bâtir n’oublient
jamais
de ſpecifier cette condition dans les marchés qu’ils en font,
non
plus que celle de ne point faire les mortiers ſans la preſence
21632LA SCIENCE DES INGENIEURS, d’un Commis qui les faſſe dozer & conditionner ſelon les devis,
&
qui prenne garde qu’on ne les employe qu’après être refroidis;
ce qu’il ne faut point négliger, puiſque de la main d’œuvre, & de
la
qualité du mortier, dépend abſolument celle de la Maçon-
nerie
.
Il faut neceſſairement un certain nombre d’Inſpecteurs & de
Chaſſavants
ſur les ouvrages, puiſque rien n’eſt plus important que
d’avoir
des Argus fideles ſur la main des Ouvriers, qui obſervent
leurs
actions &
les faſſent diligenter; mais il faut les connoître &
les
bien choiſir, être auſſi prompt à récompenſer ceux qui font bien,
qu’à
renvoyer ceux qui manqueront d’aplication &
de fidelité: par
exemple
, j’en voudrois un pour les Maçons, un autre pour les
Terraſſiers
, un autre pour les Voitures, un autre pour la décharge
des
Materiaux:
s’il arrivoit que le nombre des Ouvriers de même
eſpece
fut fort grand, il faut mettre un homme pour veiller à la
conduite
de cent autres, n’étant guerre poſſible qu’il puiſſe en éclai-
rer
davantage, ſur quoi l’on remarquera qu’il en faut beaucoup plus
dans
les ouvrages qui ſe font en détail, que ſur ceux qui ſe font
par
entrepriſes, puiſque pour ceux-ci il ſuffit d’en avoir à la Ma-
çonnerie
&
au remuëment des Terres, au lieu qu’aux autres il en
faut
de neceſſité ſur tous les differens ouvrages;
car il ne faut pas
penſer
que deux ou trois hommes puiſſent ſuffire pour conduire
1000
ou 1200 Ouvriers, qui étant diviſés en je ne ſçai combien
d’ouvrages
differens, il eſt comme impoſſible qu’il ne ſe commette
une
infinité d’abus &
de négligences: ſi on n’y aporte une attention
continuelle
, il ſe fait beaucoup de dépenſes ſuperfluës, les Ouvra-
ges
ſont mal façonnés, deſorte que ce qui ſe fait mal-à-propos
excede
au centuple la dépenſe des apointemens que l’on croit epar-
gner
en employant trois ou quatre hommes de moins qu’il n’en au-
roit
fallu:
ce n’eſt pas ici une exageration, & je m’aſſure qu’il n’y a
perſonne
, qui aye fait un peu travailler, qui ne demeure d’accord
que
quatre hommes bien obſervés font plus d’ouvrage que ſix
autres
qu’on abandonneroit à leur propre conduite.
Une précaution, la plus neceſſaire de toutes celles que l’on peut
preſcrire
pour la bonne conduite des Travaux, eſt de ne commen-
cer
jamais aucun Ouvrage que l’on n’aye fait auparavant les amas
de
materiaux &
de tout ce qui eſt neceſſaire pour une prompte
execution
;
ces materiaux doivent être placés près des lieux il
faut
les employer, prenant garde cependant qu’ils n’embaraſſent
ni
les Voitures ni les Ouvriers;
rien n’eſt ſi neceſſaire à la For-
tification
que la diligence, ni rien ne lui eſt ſi opoſé que la grande
21733LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. précipitation avec laquelle on les commence, le plus ſouvent ſans
avoir
fait proviſion des materiaux dont on peut avoir beſoin, ni
ſans
être aſſuré de la quantité d’Ouvriers qu’on y voudra employer,
d’autant
que de cet empreſſement il arrive qu’avant qu’ils ſoient à
moitié
faits, on manque de je ne ſçai combien de choſes, qui cauſent
toujours
un retar dement dangereux, &
une augmentation de dépenſe
conſidérable
par les ſecours extraordinaires qu’on eſt obligé d’em-
prunter
ailleurs, &
qu’on paye quelquefois bien cher; ſans compter
les
dommages que le Pays ſouffre de ce que l’on eſt contraint d’exiger
des
courvées &
voitures, dans le tems même que les Payſans ſont
occupés
à leur recolte:
c’eſt ce qui nous fait encore répeter, qu’on
ne
doit jamais commencer un Ouvrage, ſans avoir bien pris des me-
ſures
pour la fourniture des materiaux, &
ſans en avoir fait un amas
ſi
conſidérable, que la quantité d’Ouvriers qu’on aura réſolu d’em-
ployer
n’en puiſſe jamais manquer, ce qui doit être obſervé d’au-
tant
plus exactement, que rien n’eſt ſi dangereux pour une Place que
la
lenteur de ces Ouvrages, attendu que juſqu’à ce qu’ils ayent ac-
quis
leur perfection, elle eſt toûjours en péril &
conſidérablement
affoiblie
par la propre imperfection de ceux que l’on a bâti, par
l’embarras
des materiaux répandus à l’entour, par l’ouverture de
ſes
chemins couverts pour faire paſſer les Chariots, par le comble-
ment
des Foſſés, accidens toûjours inſéparables des Travaux im-
parfaits
, d’où s’enſuit que juſqu’à ce qu’une piece, telle qu’elle ſoit,
ait
acquis ſon entiere perfection, elle eſt toûjours contre la Place;
c’eſt-à-dire, plûtôt en état de lui nuire que de ſervir à ſa deffenſe:
ſituation
malheureuſe &
qui devroit faire trembler ceux qui ont la
conduite
des Ouvrages qui ſont mal en train, &
qui languiſſent faute
d’avoir
pris des meſures aſſés juſtes pour les diligenter, principale-
ment
dans un tems de Guerre, l’ennemi peut à tout moment
former
des entrepriſes;
il n’y a rien de ſi commun dans l’hiſtoire des
Guerres
paſſées que la perte des Places qui ont été ſurpriſes, ou
que
l’on a été contraint d’abandonner, avant que leurs Fortifica-
tions
fuſſent en état de deffence.
Soit que l’on conſtruiſe une Place neuve, ou qu’on en fortifie
d’autres
pour les mettre plus en état deffenſe qu’elles ne le ſont,
on
doit toûjours commencer par les chemins couverts, enſuite par
les
Ouvrages les plus avancés afin d’avoir au moins une barriere
pour
arrêter l’ennemi, cette précaution eſt ſur-tout neceſſaire quand
on
eſt obligé de bâtir de nouveau quelque enceinte, ou de démo-
lir
des déhors pour leur donner une conſtruction plus avantageuſe
que
celle qu’ils avoient, l’ouverture d’une Place étant toûjours dan-
21834LA SCIENCE DES INGENIEURS, gereuſe dans la Paix même la plus profonde: l’art de fortifier eſt
ſuſceptible
d’une infinité d’attentions qu’on ne peut négliger, ſans
qu’elles
ne tirent à de grandes conſequences.
Une attention qu’on doit avoir & qui eſt eſſentielle, continuë Mr. le
Marêchal
de Vauban, eſt de donner les employs ſuivant la neceſſité
des
Ouvrages &
la capacité d’un chacun, afin de n’y employer que
des
gens utiles &
neceſſaires, & de ne charger perſonne de ce
qu’il
ne ſait pas, ni de plus qu’il ne ſait faire:
ce deffaut, l’on ne
prend
pas garde, étant ordinairement l’origine &
la ſource de tous
les
deſordres dans la conduite des Fortifications.
Il eſt très conſtant que ce qui nuit le plus à l’œconomie, & même
à
l’avancement des Ouvrages, eſt le renouvellement frequent que
l’on
fait de ceux qui en ont les principaux ſoins, ſpecialement des
Ingenieurs
;
que de ce changement il arrive que perſonne ne
s’inſtruit
jamais à fond, &
l’on y eſt toûjours nouveau; que l’on
ne
connoît qu’imparfaitement la qualité des materiaux, leur prix,
&
la capacité des Ouvriers; que l’on ne ſait, ni les moyens de faire
les
Voitures, ni de quelle maniere s’y prendre pour établir ún bon
ordre
:
cependant, ce ſont des parties qu’il faut neceſſairement ſa-
voir
, &
qui ne s’aprennent qu’avec du tems; de plus j’ôſe bien
dire
, &
il n’eſt que trop certain, que quelque ſoin que les gens pren-
nent
à ſe rendre ſavans dans ce métier, le Souverain, aux dépens
de
qui on l’aprend, en paye toûjours chérement l’apprentiſſage.
Car s’il eſt vrai (comme l’on n’en peut pas douter) que dans tous
les
commencemens des grands Ouvrages il eſt impoſſible aux plus
intelligens
même, quelque application qu’ils y apportent, d’empê-
cher
que la dépenſe n’en excede toûjours le juſte prix d’un cinquié-
me
ou d’un ſixiéme;
que doit-il arriver aux Travaux de Places,
l’on change tous les ans d’Ingenieurs, &
jamais perſonne n’a
le
tems d’apprendre ce qu’il doit ſavoir.
Certainement, il n’en
peut
proceder que des deſſeins mal executés &
des redoublemens
de
dépenſes effroyables, à quoi il n’y a d’autre remede que de bien
choiſir
une fois pour tout les gens qu’on y voudra employer, ſe
donner
patience qu’ils s’y ſoient bien inſtruits, &
les perpetuer
après
dans l’employ tant qu’on aura beſoin d’eux &
qu’ils s’y con-
duiront
bien.
F’ ai tiré ce Diſcours mot pour mot, d’un petit Ouvrage de Mr. de
Vauban
, qui a pour Titre, Le Directeur General des Fortifications.
21935LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX.
CHAPITRE HUITIE’ME.
Du Tranſport & Rémuëment des Terres.
LA foüille des terres & leur tranſport font un objet ſi conſidé-
rable
dans les grands Travaux, qu’on peut dire qu’il n’y a point
de
partie qui demande plus d’attention &
un détail plus recherché
pour
en bien regler le prix ſelon leur qualité &
la diſtance il
faut
les porter;
car, pour peu que l’eſtimation n’en ſoit pas bien
entenduë
&
les relais bien ordonnés, on tombe dans des excès de
dépenſes
, la confuſion &
le déſordre regnent par tout, les Travail-
leurs
ſe plaignent, les Entrepreneurs murmurent, &
ſouvent le mal
devient
ſi grand, que l’Ingenieur tout habile qu’il puiſſe être eſt fort
embarraſſé
du parti qu’il doit prendre.
Mr. le Marêchal de Vauban,
pour
remedier aux inconveniens dont ce ſujet peut être ſuſceptible,
s’eſt
donné la peine d’écrire une ample Inſtruction;
& , pour faire
mieux
ſentir la ſolidité des moyens qu’il propoſe, il raporte une
copie
d’un Reglement qui fut fait autreſois en Alſace pour le prix
que
les Entrepreneurs devoient payer aux Soldats employés ſur les
Travaux
;
il fait voir les deffauts de ce Reglement, & donne les
moyens
les plus convenables de les corriger.
Sans doute qu’il en
a
uſé ainſi pour empêcher que ceux qui auront la conduite des
Travaux
ne tombent dans les mêmes déffauts.
Un pareil Ecrit ne
pouvant
être placé plus à propos que dans un Ouvrage comme ce-
lui-ci
, j’ai crû qu’on ſeroit bien aiſe d’en avoir un Extrait.
Les Terres communes & ordinaires ſeront payées à raiſon de
11Copie du
Reglement

fait
en Al-
face
pour
le
prix que
les
Entre-
preneurs

doivent

payeraux

ſoldats
em-
ployés
au
tranſport

& remuë-
ment
des
Terres
de
la
Fortifi-
cation
des
Places
de
Sa
Majeſté.
douze ſols la toiſe cube dans l’attelier;
pour les charger & pour
les
rouler, il ſera augmenté de deux ſols par toiſe, de dix toiſes
en
dix toiſes courantes de chemin dans toute la diſtance de leur
tranſport
, lorſque le terrain ſera uni &
plat; & quand il y aura
à
monter ſoit par des rempes de terre ſur des Ponts, il leur
ſera
payé trois ſols d’augmentation de dix toiſes en dix toiſes cou-
rantes
, par toiſe cube, au lieu de deux ſols dont il eſt parlé cy-
devant
:
lorſque les Soldats travailleront dans les Fondations
ils
ſeront gênés, il leur ſera augmenté deuxſols par toiſes pour la
charge
juſqu’à douze pieds de profondeur, &
la même augmen-
tation
leur ſera accordée de ſix pieds en ſix pieds ſur toute la pro-
fondeur
de leur travail, de maniere qu’au-deſſous de douze pieds
22036LA SCIENCE DES INGENIEURS, & juſqu’à la profondeur de ſix autres pieds, il leur ſera payé dans
l’attelier
14 ſ.
& à dix-huit pieds de profondeur, 16 au lieu de
12
ſ.
qui eſt le prix des Ouvrages communs, & ainſi d’un apro-
fondiſſement
à l’autre.
Et ſi les Soldats ſont obligés de travailler dans l’eau & de ſe
moüiller
les pieds, ſoit dans les Fondations aux aprofondiſſe-
mens
des Foſſés, outre le prix cy-deſſus, il leur ſera augmenté 5 ſ.
par toiſe dans l’attelier, enſorte qu’au lieu de 16 ſ. qu’il leur a été
reglé
pour la charge lorſqu’ils ſont à 18 pieds de profondeur, il
leur
en ſera payé 21, pendant les mois de Mars, Avril, May,
Juin
, Juillet, Aouſt, Septembre, &
Octobre; & à l’égard des au-
tres
mois d’hyver, l’augmentation ſera de 10 ſ.
au lieu de 5 dans
l’attelier
, moyennant quoi les Soldats &
Ouvriers ſeront obligés
de
faire des rigolles dans leurs atteliers ſeulement pour l’écoule-
ment
des eaux aux mêmes prix &
conditions cy-deſſus; & quant
à
la dépenſe des moulins, elle ſe fera auxfrais des Entrepreneurs.
Et comme la qualité du Roc eſt incertaine, le prix de l’exca-
vation
en ſera arbitré par l’Ingenieur qui aura ſoin des Fortifica-
tions
de la Place dans laquelle il ſe trouvera du travail de cette
nature
;
& à l’égard du tranſport du moîlon qui en proviendra,
il
ſera ſeulement payé aux Soldats pour la charge 10 ſ.
attendu
qu’il
ſe trouve tout tiré &
que ce travail ſe peut faire ſans donner
aucun
coup de pioche;
mais l’éloignement du chemin ſera payé
ſur
le même pied que les terres &
les décombres, ſuivant le ré-
glement
qui a été fait pour le tranſport deſdites terres.
Fait à Straſ-
bourg
le 2 Juin 1688.
Le premier deffaut remarquable de ce Réglement eſt dans le
11Deffauts
de
ce Re-
glement
:
c’eſt
Mr. de
Vauban

qui
parle.
prix de la charge que l’on taxe à 12 ſ.
la raiſon eſt que la qualité
des
terres étant toûjours differente entre celles de la ſuperficie,
&
celles qui ſont 4. 5. 6 ou 7 pieds plus bas; il s’enſuit qu’il eſt
impoſſible
que la régle ſoit bonne, parce qu’en terres molles ou
de
prairie l’on peut charger de la premiere main, un homme
pourra
ſuffire au chargeage d’une file de relais, ou dans d’autres
deux
, même trois, ne le pourront pas:
cependant, le prix de la
toiſe
étant égal à l’un comme à l’autre, il s’enſuit qu’il y a lézion
de
la part du Roy, quand, le terrain étant bon, il n’y a qu’un ou
deux
hommes à charger;
& de la part des Soldats, quand, le ter-
rain
étant mauvais, il y en a pluſieurs.
Il n’en eſt pas de même, ſi le prix de la charge eſt fixé à 12 ſ.
par toiſe, & qu’un homme de moyenne force puiſſe lever deux
toiſes
cubes de terre en un jour.
L’experience nous aprend que
22137LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. cela ſe peut dans tous les terrains marécageux & de prairie l’on
peut
charger au louchet de la premiere main, ſans avoir beſoin
de
la pioche, cet homme ſeul, dis-je, gagnera 24 ſ.
; ſi au lieu d’un
on
eſt obligé d’y en mettre deux, ils n’en gagneront que 12;
s’il
en
faut trois, ils n’en gagneront que 8;
ſi quatre, que ſix: & ainſi
à
proportion que le nombre des chargeurs augmentera, le prix
de
leurs journées diminuëra.
De cette maniere il réſulte, premierement, que quand il n’y a
eu
qu’un ou deux hommes à charger, le Roy eſt lezé, parce que
les
journées ſont trop cheres;
quand il y en a trois, le Soldat gagne
une
journée raiſonnable;
mais quand il y en a plus, la perte tom-
be
ſur lui;
& ſi on ne peut pas dire que les relais les tirent d’affai-
res
;
car nous ferons voir que le même deſſaut s’y rencontre.
Secondement, que l’augmentation de 2 ſ. par toiſe dans les
Fondations
gênées juſqu’à 12 pieds de profondeur, n’eſt pas toû-
jours
juſte par tous les endroits cela ſe trouve, ni l’augmenta-
tion
ſi bien apliquée qu’on n’y puiſſe trouver ſujet de lézion, non
plus
que celle qui accorde le même prix depuis 12 pieds de pro-
fondeur
juſqu’à 18, &
autres 2 ſ. depuis 18 juſqu’à 24, & ainſi
de
ſuite de 6 pieds en 6 pieds juſqu’à parfaite profondeur en l’une
&
en l’autre; on ne remedie pas avec aſſés de diſtinction au dé-
faut
de la charge qui peut être plus ou moins difficile que ne porte
l’augmentation
de ce prix.
Troiſiémement, que l’augmentation du prix pour ceux qui doi-
vent
travailler dans l’eau n’eſt pas moins défectueuſe, attendu
que
ſi elle eſt plus ou moins abondante &
inégalle, il eſt impoſſi-
ble
qu’un prix toujoûrs égal leur puiſſe convenir, de maniere
qu’il
n’y ait lézion de part &
d’autre: je dis la même choſe de ce
qui
ſuit, ſans que le plus ou moins de profondeur faſſe rien à cet
égard
, parce qu’il ne s’agit pas d’épuiſement, mais ſeulement de
la
charge.
Quatriémement, que le Reglement des relais n’eſt pas moins dé-
fectueux
, en ce que plus il y en a, moins l’Ouvrier gagne:
par
exemple
, ſi la charge eſt payée à 12 ſ.
la toiſe & le relais à deux,
&
qu’il y ait ſeulement la longueur d’un relais à mener, la toiſe
reviendra
à 14 ſ.
auquel cas ſi un homme peut charger 2 toiſes &
un
autre les mener, ce ſera deux hommes d’employés pour char-
ger
&
mener 2 toiſes de terre, dont le prix reviendra à 28 ſ. les
deux
, partant chaque homme gagnera 14 ſ.
qui eſt une journée
trop
forte;
mais s’il faut mener les terres à 20 toiſes, il faudra
établir
deux relais, &
par conſéquent ajoûter un homme aux deux
22238LA SCIENCE DES INGENIEURS, qui feront trois; cependant le prix de la toiſe n’augmentant que
de
2 ſ.
il arrivera que celui de 2 toiſes ne ſera que de 32 ſ. qui
diviſés
à trois hommes feront 10 ſ.
8 den. chacun, ainſi dès le ſe-
cond
relais, voilà 3 ſ.
4 den. de diminution; ſi la diſtance eſt de
trois
relais ou de 30 toiſes, au lieu de trois hommes il en faudra
quatre
pour mener 2 toiſes de terre, qui à 18 ſ.
la toiſe feront
36
ſ.
les deux, & 9 ſ. pour la journée de chaque Ouvrier: que ſi
ledit
tranſport eſt de 4 relais, il faudra 5 hommes pour charger
&
mener ces 2 toiſes de terre, qui travaillant toûjours d’égale
force
ne gagneront que 8 ſ.
chacun, parce que la toiſe cube ne
reviendra
qu’à 20 ſ.
finalement ſi ce même tranſport va juſqu’à
50
toiſes de diſtance du lieu d’où l’on charge, ou cinq relais, il
faudra
6 hommes pour charger &
mener ces 2 toiſes de terre qui
reviendront
à 44 ſ.
leſquels diviſés en ſix feront 7 ſ. 4 den. cha-
cun
, qui eſt une journée un peu foible &
qui la deviendra toûjours
de
plus en plus à meſure qu’il faudra augmenter les relais;
deſorte
qu’à
10 relais les journées ne reviendront qu’à 5 ſ.
9 den. ce qui
n’eſt
pas ſuportable:
ainſi, quoiqu’il y ait égalité de travail, les jour-
nées
diminuent à meſure que le tranſport s’éloigne.
Si l’on vouloit augmenter chaque relais de 6 den. d’un ſol, ou
même
davantage, on ne parviendroit pas encore à mettre ce Ré-
glement
dans l’égalité neceſſaire à un travail bien ordonné, le Roy
étant
toûjours lézé aux deux premiers relais, &
le Soldat dans la
plus
grande partie des autres, &
beaucoup d’inégalité dans les jour-
nées
, ce qui n’eſt pas raiſonnable, attendu que les Ouvriers qui
travaillent
également &
d’égale force dans un même ouvrage doi-
vent
autant gagner les uns que les autres;
à quoi il faut ajouter
que
dans tous les lieux la quantité de relais ſurpaſſe le nombre
de
10, la lézion y eſt bien plus ſenſible, parce qu’à meſure que le
nombre
de relais augmente, le prix des journées diminue:
voilà
donc
les deffauts de ce Reglement prouvés de maniere à n’en pou-
voir
douter;
je ne dis rien des autres particularités, parce que ce
ne
ſont que des conſequences de ces deux principes, qui étant
d’eux-mêmes
déſectueux, il s’enſuit que tout ce qui en dépend ne
peut
manquer de l’être.
Comme ces deffauts ne proviennent que de ce que le prix du
11Des mo-
ïens
les
plus
con-
venables

pour
corri-
ger
ces
deffauts
.
chargeage eſt trop fort, &
celui des relais trop foible, & de ce
que
ni l’un ni l’autre n’ont pas été reglés ſur le prix commun
des
journées que l’on veut faire gagner aux Soldats, il ſera fort
aiſé
de le corriger en leur donnant un prix modique, non en vuë
de
les faire travailler ſur ce pied-là, mais d’en faire l’aplication
22339LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. au prix de la toiſe cube, laiſſant aux Ouvriers après d’en attraper
ce
qu’ils pourront par la force de leurs bras.
Il eſt très poſſible de remedier aux inconveniens & d’ôter tout
pretexte
aux Soldats de crier, ſi, au lieu de regler la charge &
les
relais
au haſard, &
ſans connoiſſance préciſe du prix des terres
par
raport aux differences de leur moleſſe, dureté, &
tranſport, le
Roy
a pour agréable d’ordonner ce qu’il lui plaira que le Soldat
gagne
par jour:
car ſi par exemple ſa journée eſt reglée à 8 ſ. par
jour
, qui eſt un prix bas &
modique pour des gens, qui, travaillant
à
la tâche, vont ordinairement de toute leur force, mais qui ne
l’eſt
pas tant pour des gens, qui, tirant la ſolde du Roy par d’autres
ſervices
, ne ſont cependant employés qu’à celui-ci, du moins
un
certain tems, il n’y a, dis-je, qu’a taxer le chargeage &
les re-
lais
par raport aux journées des hommes;
& il arrivera que ſi un
homme
charge 2 toiſes de la premiere main &
ſans pioche, la
journée
de cet homme montant à 8 ſ.
partagée en deux, donnera
4
ſ.
pour la charge de chaque toiſe cube de terre; mais s’il y faut
deux
hommes, leurs deux journées montant à 16 ſ.
donneront
8
ſ.
pour chacun, ſi trois hommes, 24 ſ. ſi partagés de rechef en
deux
donneront 12 ſ.
pour chaque toiſe cube & ainſi des autres,
augmentant
toûjours de 4 ſ.
à chaque fois que l’on ſera obligé
d’augmenter
d’un chargeur.
A l’égard des relais, il n’y a pas de meilleur moyen de les régler,
qu’en
les établiſſant à 15 toiſes de diſtance les uns des autres en plain
terrain
, &
à 10 en montant, & du ſurplus fixer le prix de chacun
à
4 ſ.
par toiſe, qui produit toûjours cette journée d’hommes qui
doit
ſervir de baſe au reglement du prix, mais non au gain des
Soldats
;
car tel gagnera juſqu’à 10 & 11 ſ. que d’autres n’en ga-
gneront
pas plus de 6 ou 7, ſelon leur force &
le mouvement
qu’ils
ſe donneront, ce qui ne peut que bien réüſſir &
avec beau-
coup
de juſtice;
car, chacun gagnera ſuivant ſon travail, & au-
cun
d’eux n’aura lieu de ſe plaindre que de lui-même.
A ce que deſſus on doit ajoûter, premierement, de fixer la
diſtance
des relais à 15 toiſes en plain Pays, &
à 10, il faut
monter
par des Ponts ou par des rempes, comme il a déja été dit
ſans
changer de prix;
la raiſon eſt que d’experience faite & plu-
ſieurs
fois réïterée, une toiſe cube de terre peut-être menée en
250
broüettées, &
deux en 500, qui eſt la tâche commune
que
nous aſſignons à un ouvrier de moyenne force, &
pour les
mener
en place, il faudra qu’il faſſe 15000 toiſes de chemin en
plaine
, dont la moitié charge, &
10000 en montant & d’étenduë,
22440LA SCIENCE DES INGENIEURS, c’eſt-à-dire ſix lieuës de 2500 toiſes chacune en plaine, & près
de
quatre en montant &
d’étenduë, or il n’y a point d’ouvrier qui
n’aime
autant faire 15 toiſes en plaine que 10 en montant.
Secondement, fixer le tems du travail à 10 heures par jour, & ce-
lui
du repos à trois, qui font en tout 13 heures de ſujetion, com-
mençant
le travail à 5 heures du matin pour être à 5 &
demie en
train
, le quitter à 8 heures pour déjeuner une demie heure;
le
reprendre
à 8 &
demie, pour le quitter de rechef à 11 & aller dî-
ner
;
plus le reprendre à une heure, pour le quitter à 3 & demie;
enfin le reprendre à 4 pour le quitter tout-à-fait à 7.
J’eſtime qu’on peut encore régler le travail comme cy-après.
Le commencer par exemple à 5 heures du matin & travailler
juſqu’à
8, le quitter depuis 8 juſqu’à 9, &
le reprendre depuis
9
juſqu’à 12, le diſcontinuer juſqu’à 2, &
le reprendre enſuite,
&
le continuer juſqu’à 7 du ſoir, ce qui fait 10 heures de travail,
&
trois heures de repos par jour.
On pourra ſoûtenir le travail ſur ce pied 8 mois de l’année,
ſavoir
Mars, Avril, May, Juin, Juillet, Aouſt, Septembre, &

Octobre
;
pour les 4 autres mois qui ſont d’hyver, on en pourra
retrancher
les déjeunés &
les goutés, & réduire le tems du tra-
vail
à 7 heures, pendant leſquelles je ſuis perſuadé que les ouvriers
ne
feront guére plus de demie journée d’Eté, à cauſe du froid &

du
mauvais tems;
je tiens qu’il ne faut point impoſer davantage
au
Soldat qui a ſa tâche, parce qu’il eſt certain que 10 heures de
travail
d’un homme qui a pour chaſſavant ſon intereſt en valent
du
moins 15 d’autre qui a ſa journée reglée;
de les pouſſer plus
loin
, c’eſt les outrer &
les expoſer à devenir malades, & ne pou-
voir
pas tenir longtems.
Troiſiémement, d’augmenter un homme aux chargeurs quand
il
y aura de l’eau dans le travail, &
qu’on ſera obligé à des épui-
ſemens
;
ſi c’eſt en Eté, en conſidération des rigoles qu’il faut pour
les
écouler vers les moulins qui l’épuiſent, &
du nettoyement des
rampes
&
de la terre qui ſe perd par les chemins, & ſi elles ſont
ſi
abondantes qu’un homme ſeul n’y puiſſe pas fournir, augmenter
d’un
&
demi ou de deux, ainſi du reſte ſuivant les difficultés qui
ſe
preſenteront;
ſi c’eſt en Hyver, & que le Soldat ait le pied moüil-
, on pourra en conſidération du froid qu’il aura à ſouffrir lui aug-
menter
encore d’un homme de plus, ce qui doit être arbitré par
l’Ingenieur
en chef avec beaucoup de circonſpection.
Quatriémement, d’augmenter d’un homme à la charge les
terres
ſeront dures, ou de deux, même de trois, ſelon que l’ou-
22541LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. vrage ſera difficile, de cette façon on pourra même régler l’ex-
cavation
du roc &
rocailles aſſés juſte, puiſque le plus ou moins
d’hommes
au chargeage &
piochage en fera toute la difference,
&
c’eſt ſurquoi les Soldats ſe réglent aſſés bien d’eux-mêmes.
Cinquiémement, chomer tous les Dimanches, mais non les
Fêtes
, comme étant très-certain qu’on ne gagne rien au travail
des
Dimanches, par la raiſon que tout homme qui a travaillé ſix
jours
tout de ſuite a beſoin de repos le ſeptiéme.
Sixiémement, regler un peu la diſtance moyenne des relais du
centre
de l’ouvrage au centre du tranſport, pour éviter les con-
teſtations
qui pourroient arriver à cet égard;
& , parce que d’or-
dinaire
les Soldats allongent &
racourciſſent leur relais comme il
leur
plaît, compter toûjours la diſtance totale du lieu l’on
charge
, à celui l’on décharge, &
régler après les relais com-
me
ci-devant, donnant le plus, &
ôtant le moins, quand il défau-
dra
ou ſurpaſſera le demi relais, pour éviter tout ce qui peut faire
embarras
.
Septiémement, obſerver dans une même file de relais, quand il
s’en
trouvera il y aura à monter ou deſcendre, de régler ceux
des
montées à 10 toiſes, comme il a été dit cy-devant, &
ceux
de
la plaine à 15, ſans rien changer au prix des uns &
des au-
tres
.
Huitiémement, ne rien changer non plus il s’agira de tra-
vailler
dans le Roc, puiſque le nombre de Chargeurs ou Rocteurs
qu’il
y faudra de plus, &
le moins de gens au relais, ſuffira pour
en
regler le prix au juſte, en y prenant garde de près.
On pourra
d’ailleurs
ajoûter quelque choſe pour l’entoiſage du moîlon qui
ſera
propre à bâtir.
Du ſurplus, l’obligation des Entrepreneurs envers les Ouvriers
doit
être de leur fournir les outils propres au travail, de faire tous
les
épuiſemens d’eau à leur dépens, les Ponts il en faudra
fournir
les planches, arranger ou faire battre les terres il ſera
neceſſaire
, couper des rampes dans les taluds qui leur ſeront reglés,
à
quoi les mêmes ſeront obligés:
en conſideration de cette obli-
gation
des Entrepreneurs, qui ſont de plus ſujets à d’autres vers
le
Roy, comme de faire l’ouvrage bon &
ſolide dans un certain
tems
, &
d’en répondre ſuivant les conventions de leur marché,
on
donnera 6 ſ.
de plus qu’aux Soldats pour le prix de la toiſe,
en
conſideration de tous les devoirs à quoi ils ſont tenus;
avec
cette
remarque, que plus il y a de relais, plus leur charges ſont
grandes
, à cauſe de la quantité de brouettes &
d’outils qu’ils
22642LA SCIENCE DES INGENIEURS, doivent fournir, ſurquoi il eſt encore à obſerver, que pendant les
Hyvers
les frais augmentent de beaucoup, à cauſe de la briéveté
des
jours, difficulté des Voitures, abondance des eaux, bouës &

gelées
;
c’eſt pourquoi les 6 ſ. n’y pourront pas toûjours ſuffire, à
moins
qu’on n’ait ſoin de leur ménager du travail aiſé, commode,
&
en petite quantité, le mieux eſt de ne les obliger que le moins
qu’on
pourra à de grands travaux de terre dans ces tems-là, car
s’ils
ont quelqu’avantage pendant l’Eté, il eſt certain que les grands
ouvrages
d’Hyver les conſommeront:
cependant c’eſt une choſe
à
bien examiner, car les ouvrages d’Eté il y a peu de relais
&
de conſommation, il y a auſſi bien moins de frais, & par con-
ſequent
beaucoup plus d’avantages qui ſe peuvent moderer ſelon
les
lieux &
la facilité des ouvrages.
De cet ordre une fois établi réſultera pluſieurs connoiſſances
aux
gens qui font travailler.
Premierement, que le prix de la toiſe augmentant à chaque
relais
de 4.
ſ. il s’enſuivra que dès auſſi-tôt qu’on aura donné prix
à
ce chargeage, il n’y aura qu’à compter le nombre de relais &

les
frais de l’Entrepreneur, pour ſavoir au juſte le prix qu’on doit
donner
à la toiſe.
Secondement, qu’on aura toûjours une connoiſſance parfaite
du
prix de la toiſe de terre, puiſque ce prix hauſſera &
baiſſera
ſelon
le nombre de chargeurs &
de relais.
Troiſiémement, que quelque nombre d’ouvriers qu’il y ait, le
Roy
ne payera jamais que 8 ſ.
pour la journée d’un chacun, qui
n’étant
pas cependant diſtribué ſur le pied de journée, mais bien
ſur
le pied de ce qu’ils pourront faire d’ouvrage, il s’enſuivra que
S
.
M. ſera ſervie très-diligemment, à bon marché, ſans peine, &
ſans
violenter perſonne.
Quatriémement, que ſi on fait attention à l’utilité de cette
propoſition
, on la trouvera très-avantageuſe, d’autant que la jour-
née
du Roy étant aujourd’hui reglée à 10 ſ.
il n’y a pas d’hommes
de
ceux qui travaillent à la tâche qui n’en mérite mieux 15, que
ceux
qui ſont à la journée de 10;
cependant, on n’en demande ici
que
8 pour faire aller les Soldats de toute leur force.
Cinquiémement, que pour avoir plus près à mener, le Soldat
n’en
gagne pas davantage, ni moins pour avoir plus loin, la toiſe
revenant
toûjours au prix proportionné à la quantité de ſes re-
lais
&
à la difficulté de la charge.
Sixiémement, que quoiqu’on ſupoſe 6 ſ. par toiſe à l’Entrepre-
neur
pour ſes peines, fournitures de planches, ponts, brouëttes,
22743LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. outils, épuiſemens d’eaux, façon de montées, & c. cela ne ſe
doit
entendre que des endroits il y a grande conſommation
d’outils
, comme ceux il y a pluſieurs relais, &
l’on eſt obligé
de
travailler pendant l’Hyver dans le tems des grandes gelées,
pendant
que les terres ſont trempées &
boüeuſes, & en un mot
il
y a beaucoup de peine &
peu d’ouvrage, autrement on peut
leur
donner depuis 3, juſqu’à 4 &
5 ſ. ſelon que les frais des épui-
ſemens
&
les conſommations en ſont plus ou moins conſidéra-
bles
.
Il eſt à remarquer que le prix des journées à 8 ſ. , qui étoit paſſa-
ble
pour des Soldats dans le tems que ce Mémoire a été fait, ne
ſuffiroit
pas preſentement que le rehauſſement des monnoyes &
les
mauvaiſes
années ont tout rencheri;
d’ailleurs cela dépend auſſi
du
Pays l’on fait travailler par raport aux aiſances ou aux difficul-
tés
que les Troupes trouvent à vivre à juſte prix:
c’eſt à l’Ingenieur
en
chef, ou au Directeur, à avoir toutes ces conſidérations pour
que
le Roy n’y ſoit pas lezé, &
que les Soldats auſſi-bien que les
Entrepreneurs
ſe tirent judicieuſement d’affaire;
ainſi, ſans s’arrêter
conſtamment
à cet article, on tirera toûjours beaucoup de con-
noiſſance
de ce Mémoire, qui eſt regardé de tousles anciens Inge-
nieurs
comme la meilleure Inſtruction qui ait été écrite ſur ce ſujet.
Dans de certains Pays, on diſtingue ordinairement pour le marché
des
Ouvrages trois ſortes de terres pour en régler le prix, la terre
douce
ou épierrée pour les parapets, la roccaille, &
le roc.
Toute terre, l’on n’a beſoin que du louchet pour l’enlever,
eſt
regardée comme terre ordinaire:
la pierre morte, qui ſe trouve
mêlée
d’un peu de terre, &
il ne faut ni maſſe, ni pince, &
il
ſuffit de la pioche &
du pic, eſt reputée rocaille. Toute pierre vive,
il faut ſe ſervir de pic, de coin, de maſſe, d’aiguille, eſt apellée
roc
.
Dans le Pays-Bas, l’on ne rencontre guére de roc ni de rocaille,
on
diſtingue dans les marchés deux ſortes de terre;
l’une eſt apellée
terre
hors d’eau, qui eſt celle qu’on peut travailler à ſec;
& l’autre
terre
dans l’eau, qui ne peut s’enlever ſans beaucoup d’incommo-
dité
:
toutes ces terres differentes pourront s’eſtimer en ſuivant
l’Inſtruction
de Mr.
de Vauban; c’eſt-à-dire, en s’attachant à la quan-
tité
d’hommes qu’il faut pour en tranſporter une toiſe cube, &
aux
journées
qu’ils doivent gagner.
Dans une terre ordinaire, un attelier de quatre Soldats, com-
poſé
d’un piocheur, d’un chargeur, &
de deux autres qui brouët-
tent
, peut tranſporter à 10 toiſes de l’attelier, deux toiſes &
un tiers
22844LA SCIENCE DES INGENIEURS, cubes dans un jour d’Eté, & un peu plus de la moitié dans un jour
d’Hyver
.
La rocaille étant comme je l’ay déja dit une pierre morte, mê-
lée
de terre, la difficulté de ſa foüille eſt beaucoup plus grande,
que
celle des terres ordinaires, c’eſt pourquoi le prix en eſt auſſi
plus
conſiderable:
c’eſt à la prudence de l’Ingenieur de l’aug-
menter
, enſorte que les Soldats y trouvent leur compte;
& , quoi
qu’il
ſoit difficile de déterminer à quoi peut aller cette augmenta-
tion
, je dirai pourtant que la toiſe cube de Rocaille vaut à peu
près
le double des terres ordinaires.
Quant au roc, il faut auſſi avoir égard à ſa qualité & à ſa dure-
:
on le tire par mine, dont l’apareil eſt de quatre hommes, qui
s’aprofondiſſent
de cinq pieds dans un roc ordinaire;
mais comme
le
marbre eſt d’une nature plus dure, ils ne peuvent guere s’y apro-
fondir
que de quatre pieds, qui produiſent tout au plus une demi
toiſe
cube, qui conſume environ deux livres de poudre pour char-
ger
les petards:
outre ces quatre hommes, on ajoûte encore deux
manœuvres
pour arracher les pierres ébranlées par la mine, &
ôter
les
decombres:
ainſi ſachant ce que les uns & les autres doivent
gagner
par jour, &
ce qu’il en coûtera pour les outils & la poudre,
on
pourra ſavoir à combien reviendra la toiſe cube.
Pour aprofondir dans le roc, on ſe ſert d’une aiguille, ou bar-
re
de fer, de bonne trempe bien acerée, pointuë par un de ſes
bouts
, ayant ſix ou ſept pieds de longueur, deux hommes la met-
tent
en mouvement pour faire un trou, en maniere de petit
puits
, capable de contenir une certaine quantité de poudre,
après
avoir chargé cette petite mine, on bouche le trou avec
un
tampon chaſſé à force, afin que la poudre faſſe un plus
grand
effet, on y met le feu par le moyen d’un morceau d’ama-
douë
, qui, ne ſe communiquant à la poudre qu’au bout d’un cer-
tain
tems, laiſſe aux ouvriers la liberté de ſe retirer;
la mine ayant
écarté
&
ébranlé les pierres, on en fait le deblais, & on repete la
même
manœuvre autant de fois qu’on le juge neceſſaire.
Avant de commencer la foüille des terres, il eſt de la derniere
conſequence
d’en bien indiquer le tranſport, &
ſavoir la quantité
qu’il
en faudra pour la conſtruction du projet que l’on veut execu-
ter
;
ceux qui font ces projets doivent en donner des memoires,
afin
que les profils étant bien expliqués, on ne s’aprofondiſſe qu’à
proportion
des remblais qu’on aura à faire:
c’eſt ordinairement la
nature
du terrain qui détermine le parti que l’on doit prendre;
car
ſi
l’on peut creuſer à ſec juſqu’à 18.
ou 20. pieds, on ne ſera pas
22945LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. obligé de faire les foſſés fort larges, parce qu’en les aprofondiſſant,
on
aura toûjours des terres ſufiſamment, &
les ouvrages en ſeront
de
meilleure défenſe, à cauſe qu’ils ſeront moins decouverts:
ſi au
contraire
le terrain eſt aquatique, &
qu’on ne puiſſe s’enfoncer
auſſi
avant qu’on le voudroit, ſans être incommodé des eaux;
alors
on
prend ſur la largeur, ce que l’on ne peut tirer de la profondeur;
mais, je le repete, toutes ces conſiderations doivent dépendre du
projet
, ainſi dans l’éxecution il ne s’agit que de bien diriger les atte-
liers
.
Cet article demande beaucoup de circonſpection, & quoique la
choſe
ne paroiſſe qu’une bagatelle, je crois qu’on conviendra qu’on
n’a
guere executé de grands travaux, ſans qu’il ne ſoit arrivé quelque
mal
entendu dans le maniment des terres;
ici, faute d’en avoir fait
un
amas aſſez conſiderable, avant d’élever les revêtemens, on eſt
obligé
, pour achever l’ouvrage, d’en raporter par de longs circuits
qui
augmentent les relais, par conſequent la depenſe;
, pour n’y
avoir
pas fait aſſés d’attention, il s’en trouve une trop grande quanti-
, qu’il faut dans la ſuite tranſporter ailleurs, peut-être même auprès
de
l’endroit d’où on les avoit tirées, deſorte qu’une toiſe cube,
qui
n’auroit être maniée que deux fois, l’une pour la tranſpor-
ter
, l’autre pour la mettre en œuvre, a été promenée à differens
endroits
inutilement, ce qui en double ou triple la valeur;
au reſte
je
ſai bien que cela n’arrive point à ceux qui ont une grande con-
noiſſance
des travaux, parce qu’ils ſavent prevoir, dés le commen-
cement
de l’ouvrage, les ſuites des moindres choſes.
Pour faire voir de quelle maniere on peut eſtimer aſſez juſte
11Planch.
7
.
la quantité de terre deſtinée à la conſtruction d’un ouvrage, nous
ſupoſerons
qu’on a tracé ſur un terrain bien uni, &
dans lequel on
peut
aprofondir à ſec, un front de Poligone ABCDEF, dont
le
foſſé eſt terminé par la Contreſcarpe GHI, &
que le rempart
qu’on
veut élever eſt exprimé par le profil ABDKMX:
cela
poſé
, comme la terre qu’on doit porter du côté de la place, &

qu’on
voit exprimé ici par KKK, &
c. depend de l’élevation du
rempart
;
nous ferons comme ſi le revêtement devoit avoir 30. pieds
de
hauteur, depuis le fonds du foſſé juſqu’au cordon, &
le foſſé
18
.
pieds de profondeur; en ce cas, pour que toutes les parties
du
profil ſoient bien proportionnées, il faut que la hauteur BC,
du
rempart, du côté de la place, ſoit de 12.
pieds & demi, la
rampe
AC, de 19.
& demi, la largeur CE, de 30. la hauteur
ED
, de 14.
la rampe EG, de la banquette de 3. ſa largeur GL,
de
4.
& demi, & la hauteur FG, ou HL, de 15. & demi, enfin le
parapet
devant avoir 4.
pieds & demi de hauteur, KN, ſera de
23046LA SCIENCE DES INGENIEURS, 20. pieds, & LN, d’un & demi; & ſi l’on fait abſtraction des con-
treforts
, &
qu’on ſupoſe pour abreger, que le revêtement ait 5.
pieds d’épaiſſeur au ſommet, MI, ſera de 18. pieds, & VI, de 13.
Or
ſi l’on cherche la ſuperficie de toutes les parties dont nous ve-
nons
de donner les dimenſions, on trouvera qu’elles compoſent
enſemble
907.
pieds quarrés, d’où il faut retrancher la partie des
contreforts
, qui eſt au-deſſus de la ligne horiſontale AT, après
en
avoir fait la reduction, ainſi qu’on l’a enſeigné dans l’article 46.

du
premier livre, &
l’on trouvera qu’elle eſt équivalante à 26. pieds
quarrés
, qui étant retranchés de 907.
la difference ſera 881. pieds
quarrés
, quand on n’aura égard qu’au profil, mais qui deviendront
des
pieds cubes, en ſupoſant que le profil a un pied dépaiſſeur.
Si
l’on
veut ſavoir combien il faut de toiſes cubes de terre par toiſe
courante
, on reduira les 881 pieds, en toiſes quarrées, pour avoir
environ
24.
toiſes & demi, qui étant multipliées par une toiſe,
donnera
24.
pieds & demi de toiſes cubes, c’eſt-à-dire, que ſi la
face
d’un Baſtion à 50.
toiſes de longueur, il faudra à peu près
1225
.
toiſes cubes de terre pour former cette face.
Mais ſans s’embarraſſer de ce qu’il faut pour chaque partie du front,
il
ſuffira après avoir trouvé la ſuperficie du profil ABDHKMI,
&
en avoir retranché les contreforts reduits, de diviſer 881. pieds
par
la profondeur qu’on veut donner au foſſé, c’eſt-à-dire par 18.
& l’on trouvera environ 49. pieds, pour la largeur RS, de la tran-
chée
, qui, ayant 18.
pieds de profondeur fournira les terres neceſ-
ſaires
à l’élevation du rempart;
ainſi traçant une ligne LMNOPQ,
paralelle
aux parties du front ABCDEF, enſorte qu’elle ſoit éloignée
de
49, pieds du derriere de la muraille, on aura l’eſpace que doit oc-
cuper
la tranchée dont je parle, puiſqu’une toiſe courante de la vui-
dange
de cette tranchée fournira des terres pour une toiſe courante
de
rampart, ce qui eſt bien évident, puiſque 6.
pieds de longueur,
49
.
delargeur, & 18. de profondeur, donnent 24. toiſes & demi cubes.
Selon l’eſtimation precedente, j’ai ſupoſé qu’il étoit queſtion des
Baſtions
vuides, &
dont le terre-plain ſeroit de niveau avec le
rez-de-chauſſée
de la place.
Si on avoit des raiſons pour le faire
autrement
, ſoit pour y conſtruire des ſouterrains, ou y élever des
cavaliers
, on pourra toûjours, en ſe reglant ſur les profils, ſavoir
de
combien il faudra augmenter la largeur de la tranchée, pour
avoir
une quantité de terre ſuffiſante, car j’entens qu’il faut toû-
jours
en faire l’amas avant de conſtruire le revêtement.
A meſure que l’on fait le deblais des terres, on les porte à 8.
ou 10. toiſes du côté de la place; ſi le terrain eſt de bonne conſiſ-
23147LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. tance, & qu’on ne craigne pas les éboullemens, on donne aux Ban-
quettes
OP, qui doivent ſe trouver derriere le revêtement, le plus
de
hauteur qu’il eſt poſſible, &
une largeur ſuffiſante ſeulement pour
ſe
ſoûtenir, afin que quand la muraille ſera élevée, l’on n’ait que
peu
de remblais à faire, ce qui diminuë la pouſſée des terres:
à l’é-
gard
des Banquettes ST, qui ſe font du côté de la campagne, il faut
leur
donner beaucoup plus de largeur que de hauteur, afin que les
travailleurs
puiſſent les pratiquer commodement.
Quand on a creuſé juſqu’à la profondeur PS, que doit avoir le foſſé,
on
fait une nouvelle tranchée PQRX, pour les fondemens de la
muraille
, les terres qui en proviennent ſe jettent du côté de la cam-
pagne
, &
ſe tranſportent, auſſi-bien que toutes celles qui étoient
reſtées
dans le Foſſé, aux endroits marqués pour la conſtruction
des
ouvrages de dehors;
on obſerve, à meſure qu’on en fait la
vuidange
, de laiſſer des témoins de diſtance en diſtance, ou des
profils
pour ſervir à faire les toiſés.
CHAPITRE NEUVIE’ME.
De la maniere de faire les Fondemens des Edifices dans toute
ſorte
d’endroits, & principalement dans le mauvais terrain.
IL ſemble qu’avant d’enſeigner la Conſtruction des Fondemens,
j’aurois
dire quelque choſe ſur les précautions que l’on prend
pour
ſe mettre en état de travailler dans les lieux aquatiques, ex-
pliquer
la façon des batard’eaux que l’on conſtruit pour ſe garantir
des
eaux étrangeres, ou pour faire des épuiſemens avec le ſecours
des
machines que l’on a imaginées à cet uſage;
détailler les pro-
prietés
de ces machines, afin de donner la préference à celles
dont
on peut ſe ſervir le plus utilement:
c’eſt auſſi ce que j’ai fait
dans
un Chapitre aſſés long que j’avois deſtiné à précéder imme-
diatement
celui-ci;
mais ayant fait réfléxion que ſa véritable place
devoit
être dans l’Architecture Hidraulique, c’eſt-à-dire dans le
ſecond
tome de cet ouvrage, je m’en ſuis tenu à ce dernier parti;
c’eſt pourquoi j’y renvoye le Lecteur.
La premiere connoiſſance, dont il faut être prévenu, eſt la na-
ture
des terrains qui ſe rencontrent en aprofondiſſant, &
quoique
leur
diverſité ſoit très-grande, on peut cependant la réduire à trois
eſpeces
principales.
La premiere eſt celle de tuf & de roc: ce der-
23248LA SCIENCE DES INGENIEURS, nier eſt facile à connoître par la réſiſtance que les Terraſſiers trou-
vent
à foûiller.
La ſeconde eſpece de terrain eſt celle de Sable, dont on diſtin-
gue
de deux ſortes;
l’un eſt le Sable ferme & dur, ſur lequel on
n’héſite
point à établir des fondemens;
& l’autre le Sable mouvant,
dont
le peu de conſiſtance ne permet pas qu’on travaille deſſus,
ſans
prendre quelque précaution pour prévenir les accidens.
On dif-
tingue
le Sable mouvant d’avec le ferme, par le moyen d’une ſonde
de
fer, dont le bout eſt fait en tariere, afin de voir en la retirant
la
nature dufond qu’elle a percée.
Lorſqu’elle réſiſte & qu’elle entre
avec
peine, c’eſt une marque que le Sable eſt dur;
au lieu qu’on
doit
juger du contraire, ſielle entre facilement:
quand on eſt obligé
de
foüiller fort avant pour rencontrer le bon fonds, on allonge la
ſonde
par le moyen de pluſieurs branches de fer qui s’ajuſtent bout
à
bout avec des vis en écrouës.
Il ſe rencontre dans les lieux aquati-
ques
un Sable d’où il ſort de l’eau quand on marche deſſus, ce qui
l’a
fait nommer Sable boüillant, qu’on ne doit point confondre avec
le
mouvant, puiſqu’il s’en trouve ſouvent ſur lequel on peut aſſéoir
des
fondemens très-ſolides, comme nous le ferons voir ailleurs.
La troiſiéme eſt celle de terre, dont on diſtingue de quatre ſor-
tes
, la terre ordinaire, la graſſe, la glaiſe, &
celle detourbe. La terre
ordinaire
ſe trouve dans les lieuxſecs &
élevés: la terre graſſe eſt preſ-
que
toûjours compoſée de vaſe ſans conſiſtance, &
ne ſe trouve guére
que
dans les lieux bas, on ne peut y fonder qu’avec de grandes
précautions
:
pour la glaiſe, elle ſe trouve indifferemment dans les
lieux
hauts &
bas; quand elle eſt ferme & qu’elle forme un banc
d’une
épaiſſeur conſidérable, on peut y fonder hardiment, pourvû
qu’on
ſoit ſûr qu’elle ſe trouve par-tout d’une égale conſiſtance, ſans
quoi
il faudroit prendre des meſures convenables à la neceſſité:
pour la terre de tourbe, elle ne ſe trouve que dans les lieux aquati-
ques
&
marécageux; c’eſt une eſpece de terre graſſe, noire, & bi-
tumineuſe
, qui ſe conſume au feu après l’avoir fait ſécher, &
dont
l’uſage
eſt très-commun aux Pays-Bas:
il y a des gens qui prétendent
que
cette terre provient des differens accroiſſemens que certains
cantons
ont reçûs en s’élevant par la ſuite des tems;
ce qui favo-
riſe
cette opinion eſt qu’ayant foüillé dans un terrain tourbeux, on
y
a trouvé des arbres d’une groſſeur conſidérable, &
tous les autres
veſtiges
d’un lieu qui a été autrefois découvert:
au reſte, il n’eſt
point
aſſés ſolide pour y aſſéoir des fondemens, à moins qu’on n’ait
recours
à ce que l’art &
l’induſtrie peuvent fournir en pareil cas.
Indépendamment des ſoins qu’on doit prendre pour avoir une
233
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234 18[Figure 18]
235
[Empty page]
23649LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. parfaite connoiſſance du fond ſur lequel on veut travailler, il eſt
bon
de queſtionner les Ouvriers du Pays, il s’en rencontre toûjours
quelques-uns
à qui le bon ſens, &
l’uſage continuel ils ſont de
travailler
dans un même endroit, ont fait faire des remarques &
des
réfléxions
, dont il eſt bon qu’on ſoit prévenû:
ſouvent ces gens-là
donnent
plus de connoiſſance dans un quart-d’heure, qu’on ne pour-
roit
en acquerir par de longues &
pénibles recherches.
Nous propoſant de faire voir la maniere de fonder ſurtoute ſorte
de
terrain, les differens moyens, qu’on va inſinuer, pourront s’a-
pliquer
à la Conſtruction des Edifices en general:
cependant, comme
nous
avons principalement en vûë les ouvrages de Fortifications, on
s’attachera
plûtôt à donner des exemples qui leur ſoient aplicables,
qu’à
toute autre eſpece de Travaux;
c’eſt pourquoi les deſſeins de
la
huitiéme planche repréſentent des profils de remparts.
Les fondemens, qui ſe font à ſec, ſont aſſis ſur le roc, ou ſur un
bon
fond;
quand on fonde ſur le roc, on établit les aſſiſes par ref-
11Fonde-
ment
ſur
le
Roc.
ſauts s’il faut monter ou deſcendre, leur donnant le plus d’aſſiette
qu’il
eſt poſſible, &
un pouce ou un pouce & demide pente du de-
vant
au derriere, afin que la Maçonnerie qu’on veut élever ſe ſoû-
22Planch
8
.
tienne parfaitement.
Si le roc eſt trop uni, & qu’on aprehende que
33Fig. 3. la Maçonnerie ne faſſe pas de bons arpemens, on le pique à coups
de
marteau têtu, &
après avoir bien nétoïé les decombres, on l’af-
ſéoit
en bain de bon mortier, &
on l’encaſtre de quelques pouces.
Si le roc ſur lequel on veut fonder, eſt diſpoſé de maniere que ſa
hauteur
puiſſe faire partie du mur, on lui addoſſe la Maçonnerie,
&
on y fait des écorchemens pour que l’un & l’autre puiſſent ſe
bien
lier enſemble;
par exemple, après avoir creuſé les Foſſez d’une
Fortereſſe
, on en revêtit ſon eſcarpe &
ſa contreſcarpe, & au lieu
qu’on
auroit donné à la baſe du mur 10 ou 12 pieds, dans tout au-
tre
terrain, on ſe contente de ne lui en donner que quatre ou cinq
ſuivant
les reſſauts qu’on a formés, parce qu’alors n’ayant pas de grands
remblais
à faire, les revêtemens n’ont que peu de pouſſée, &
même
quelquefois
point du tout.
Ces ſortes de revêtemens, quoiqu’aiſés à conſtruire en apparen-
ce
, à cauſe qu’on n’a rien à apprehender de la part du fonds, ren-
contrent
ſouvent bien des difficultés dans l’execution, quand ils’agit
d’élever
quelque Fortereſſe au ſommet d’un rocher eſcarpé, oùl’on
ne
peut faire quatre toiſes d’ouvrages ſans monter ou deſcendre,
&
il faut quelquefois 10 ou 12 profils differens pour executer une
ſeule
piece.
Les Ingenieurs, qui font travailler dans le Rouſſillon &
dans
les autres endroits Montagneux, ſeroient ſeuls capables de
23750LA SCIENCE DES INGENIEURS, donner de bonnes inſtructions pour ſe conduire dans deſemblables
terrains
:
je crois même qu’il n’y a guére que ſur les lieux qu’on peut
s’appercevoir
des differentes pratiques dont on ſera obligé de ſe ſer-
vir
, la neceſſité, avec un peu de génie, fourniſſant mille moyens pour
ſurmonter
les obſtacles à meſure qu’ils ſe preſentent.
J’ai toûjours
regardé
ce Chapitre comme le plus difficile de ceux que j’avois à
traiter
, puiſque, pour le rendre complet, il m’auroit falu de bons
Mémoires
generalement de tous les Ingenieurs en chef qui ſont
dans
nos places;
car il y a cela de fâcheux, qu’on ne peut paſſer de
l’un
à l’autre, ſans rencontrer quelque changement dans la maniere
de
travailler, ce qui vient de la difference du terrain ou de la qualité
des
matériaux:
mais ſi j’avois voulu embraſſer toutes les parties d’un
ſujet
auſſi vaſte que celui-ci, &
en faire de même pour les autres,
j’aurois
été obligé d’entrer dans un détail immenſe quim’auroit en-
gagé
(non pas à faire un Livre) mais une Bibliotheque;
il a donc
falu
m’en tenir aux pratiques les plus eſſentielles, dans l’eſperance
que
l’on me feroit grace de tout ce qui meritoit moins d’attention.
Quand on eſt obligé d’établir des murs ſur unroc fort inégal par
fa
figure, &
quelquefois par ſa conſiſtance, la plus grande difficulté
eſt
de r’accorder à une certaine hauteur les premieres aſſiſes de
Maçonnerie
qui doivent ſervir de Fondemens, &
de les bien lier
avec
le roc:
de tous les moyens qui ſont venus à ma connoiſſance
&
dont on peut ſe ſervir en pareil cas, en voici un entr’autres pour
lequel
je pencherai beaucoup, &
dont on s’eſt bien trouvé dans la
conſtruction
de pluſieurs grands ouvrages.
Après avoir établi le terrain de la maniere qu’on le jugera le plus
11Fonde-
ment
de
pierrée
.
convenable, &
avoir reglé l’épaiſſeur qu’il faudra donner aux fon-
demens
, par raport à l’élevation de la muraille, il faut en border
les
allignemens avec des cloiſons de Charpente, enſorte qu’elles
compoſent
enſemble un coffre dont le bord ſuperieur ſoit diſpoſé
22Fig. 11.
& 12.
le plus horiſontalement qu’il ſe pourra;
car pour le bas il doit ſuivre
la
figure des reſſauts &
des differentes ſinuoſités qu’on aura été obligé
de
donner au roc:
ayant fait un grand amas de pierrailles, il faut
les
corroyer avec du mortier;
on pourra même ſi le roc eſt bon ſe
ſervir
des décombres qu’on en aura tirés après avoir réduit les plus
forts
quartiers à une groſſeur médiocre qui ne doit pas paſſer celle
du
poing:
il faut le lendemain, ou au plus tard deux jours après qu’on
aura
fait pluſieurs tas de mortier de pierrées, avoir un grand nom-
bre
de Manœuvres dont les uns rempliront les coffres de ce mor-
tier
, tandis que les autres le battront à meſure que la Maçonne-
rie
s’élevera avec des dames du poids de 30 livres ferrées par le
23851LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. bout; (je crois qu’il n’eſt pas beſoin de dire qu’elle doit être aſſiſe
immédiatement
ſur le roc dans lequel elle doit être encaſtrée de 7
ou
8 pouces) lorſqu’elle a pris conſiſtance &
qu’elle eſt fuffiſam-
ment
ſéche, on détache les cloiſons pour s’en ſervir ailleurs;
j’a-
joûterai
que quand on eſt obligé de faire quelque caſcade pour
monter
ou deſcendre, on ſoûtient la Maçonnerie parles côtez avec
d’autres
cloiſons diſpoſées en gradins, ainſi on ſurmonte le roc par
des
fondemens auſquels on donne la figure que l’on veut;
car l’on
doit
entendre que j’apelle ici fondement, la Maçonnerie qui ſert
d’empattement
à celle que l’on veut élever par aſſiſe reglée, quoi-
que
cet empattement ne ſoit point enterré comme les fondemens
ordinaires
.
Je n’en détermine point la hauteur, qui ſera ſil’on veut
de
3 à 4 pieds plus ou moins ſelon la neceſſité.
Pour que toutes les parties des fondemens ſoient bien liées en-
ſemble
&
parfaitement unies avec le roc, il faut remplir les coffres
ſans
interruption ſur l’étenduë qu’on a jugé à propos d’embraſſer,
obſervant
de faire battre également par-tout, particulierement dans
le
commencement, afin que le mortier &
les pierres s’inſinuent
dans
les écorchemens qui ſe trouveront figurés dans le roc, ſoit par
le
hazard, ou parce qu’on aura jugé à propos de les faire exprès,
pour
rendre la liaiſon plus parfaite.
Quand le roc eſt fort eſcarpé, on peut, pour ne point faire de rem-
blais
derriere les fondemens, ſe contenter d’établir une ſeule cloi-
ſon
ſur le devant pour ſoûtenir la Maçonnerie &
remplir de pier-
rées
l’intervalle qui ſe trouve depuis-là juſqu’à l’eſcarpement, ce
qui
rendra l’ouvrage encore plus ſolide.
Quand on a établi & bien arraſé, à la hauteur convenable, les
fondemens
ſur toute l’étenduë qu’on a embraſſée, on continuë à re-
peter
la même manœuvre ſur le prolongement de l’ouvrage, ob-
ſervant
de bien lier la vieille Maçonnerie avec la nouvelle;
c’eſt-à-
dire
les pierrées faites depuis quelque-tems avec celle qu’on voudra
y
ajoûter;
pour cela, il faudra toûjours faire en rampe les extrêmités
des
fondemens qu’on ſaura devoir être prolongés, jetter de l’eau
deſſus
, &
bien battre la nouvelle Maçonnerie à meſure qu’elle ſera
apliquée
ſur la vieille.
De cette maniere l’on fera des fondemens, qui, venant à ſe durcir
peu
à peu, ne compoſeront par-tout qu’un ſeul corps ſi ferme &

ſi
inébranlable, qu’il ne faut pas aprehender qu’il ſe faſſe par la ſuite
aucun
affaiſſement ni rupture, ſoit qu’ils ſe trouvent inégalement
chargés
par le poids de la muraille qu’on aura élevée deſſus, ou que
certaine
partie du terrain moins ſolide que l’autre céde ou ſe dé-
tache
, comme cela arrive quelquefois.
23952LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Quand on eſt dans un Pays la Chaux eſt bonne, je ſuis per-
ſuadé
que detoutesles Maçonneries, il ny en a point de plus excel-
lente
que celle que je viens de décrire, &
qui ſoit plus commode
dans
une infinité d’occaſions, ſouvent l’on creuſe des fondemens
dans
un terrain qui ſera ferme en un endroit &
douteux à quelque
pas
plus loin, ce qui eſt cauſe que les murs s’affaiſſent inégalement;
ſi les fondemens ſont faits de pierrées, il ne faut pas apprehender
qu’étant
d’une certaine épaiſſeur, il ſe faſſe jamais quelque rupture,
quand
bien même il y auroit des parties qui porteroient à faux, ce
que
l’on ne peut pas attendre de la Maçonnerie ordinaire, ſur-tout
quand
elle eſt faite de groſſes pierres, à cauſe que le mortier s’y at-
tache
moins &
ſujet à taſſer plus en un endroit qu’à l’autre: c’eſt
ce
qui a fait dire à Vitruve, que la Maçonnerie faite avec de petites
pierres
étoit plus indiſſoluble que les autres.
Mr. Perrault, dans le
Commentaire
qu’il a fait de cet Auteur, fait voir en pluſieurs en-
droits
de ſes Notes, que les Anciens faiſoient ſouvent de la Maçon-
nerie
de pierrées, non-ſeulement pour les Fondations épineuſes,
mais
encore dans une infinité d’occaſions, comme on en peut ju-
ger
par les monumens qui reſtent, l’on remarque que tous les
Ouvrages
faits dans ce goût-là ſe ſont durcis au point de ſurpaſſer
la
ſolidité du marbre:
car il faut convenir, qu’il n’y a point de pierre
ſi
dure qu’elle puiſſe être qu’on ne rompe, &
dont on ne tire aiſé-
ment
des éclats;
au lieu que d’un maſſif fait de mortier de pierrées,
on
n’en peut ſéparer les parties que ſucceſſivement.
Quand on eſt dans un Pays la pierre dure eſt fort rare, je
crois
qu’on pourroit en toute ſeureté faire les ſoûbaſſemens des
gros
murs avec une bonne pierrée, la difficulté eſt ſeulement d’a-
voir
d’excellente Chaux:
il eſt vrai que la grande quantité qu’il en
faut
rend cette Maçonnerie fort chere;
mais cela ne doit point en
diminuer
le mérite quand il s’agit d’un Ouvrage de conſequence:
on en voit perir tous les jours pour y avoir regardé de trop près en
les
conſtruiſant, &
quand il faut les réparer, on s’aperçoit trop tard
des
inconveniens d’une œconomie mal-entenduë;
cependant, tout
bien
conſideré, la Maçonnerie de pierrée ne coûtera jamais celle
de
Pierre de Taille, l’on pourroit ſeulement trouver à redire que
voulant
l’employer pour des ſoûbaſſemens ou pour des fondemens
découverts
, le coup d’œil ne ſeroit point ſatisfait de voir un pare-
ment
brut, &
d’une aſſés vilaine figure; mais il eſt aiſé d’empêcher
cela
, en faiſant avant la conſtruction deux eſpeces de mortier, l’un
mêlé
de pierrailles comme celui dont nous venons de parler, &

l’autre
de gros graviers:
ſi l’on étoit dans un Pays il y eût deux
24053LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. ſortes de Chaux, il faudroit employer la meilleure pour la compo-
ſition
de ce dernier, &
la moindre pour celle de l’autre, & les
employer
comme il ſuit.
Quand on travaillera ſur le roc, on commencera à jetter au fond
du
coffre un lit de mortier fin, parce qu’il s’y attachera mieux que
l’autre
;
enſuite des manœuvres qui doivent remplir le coffre, on en
choiſira
un nombre pour porter du mortier fin, lui recommandant
de
le jetter contre le bord interieur du coffre, j’entends contre le
bord
qui ſoûtient le parement, &
le reſte ſera rempli de mortier
de
pierrée:
ſi cela eſt bien conduit, le mortier fin ſe liant avec l’au-
tre
formera contre la cloiſon un parement uni, qui, venant à ſe
durcir
, fera le même effet que la pierre;
on pourra même, ſi l’on
veut
, au bout de quelque tems, pour une plus grande imitation, y fi-
gurer
des joints.
Les Fondemens, qui ſe font encore à ſec ſur un terrain de bonne
11Fonde-
ment
ſur
un
terrain
ordinaire

& de bon-
ne
conſi-
ſtance
.
conſiſtance, &
qui ne preſente aucun obſtacle conſiderable à ſur-
monter
, ſe conſtruiſent ſans beaucoup de miſtere.
On prépare le
terrain
comme on l’a veu dans le Chapitre précédent, &
après avoir
creuſé
la tranchée de la largeur &
de la profondeur déterminées par
les
profils, on lui donne un talud allant du devant au derriere, pro-
portionné
à l’épaiſſeur que doivent avoir les fondemens, afin que
le
revêtement ſoûtienne mieux la pouſſée des terres.
Par exemple
ſur
12 pieds d’épaiſſeur, on donnera 6 pouces de talud, ainſi des
autres
dont le talud ſera toûjours à peu-près la 24 partie de l’épaiſ-
ſeur
:
on établit la premiere aſſiſe de gros libages plats poſés en bain
de
bon mortier (quoique bien des gens aiment mieux les poſer à
ſec
, leur entre-deux garni de mortier) ſur cette premiere aſſiſe on
en
éleve une autre dont les allignemens ſont compoſés de boutiſſes
&
de pannereſſes en liaiſon alternative, les boutiſſes ayant au moins
18
pouces de queuës &
d’une groſſeur raiſonnable principalement
ſur
le devant;
car pour le derriere on ſe contente d’y poſer les plus
gros
quartiers de pierre, le milieu ſe remplit de moîlons à bain de
mortier
;
quand il eſt brut, les intervalles ſe garniſſent par le petit
moîlon
enfoncé dans les joints le plus avant qu’on peut, &
bien arraſé,
on
continuë de même pour les autres aſſiſes, obſervant tant qu’il ſe
peut
de conduire l’ouvrage de niveau ſur toute ſa longueur:
on fait
obſerver
aux Maçons des retraites du côté du Foſſé, de maniere que
le
prolongement du talud de la muraille qu’on veut élever ne porte
point
à faux, &
afin qu’ils puiſſent mieuxſe conformer au profil qui
en
aura été fait, il eſt à propos de leur en donner un deſſein en grand,
exactement
cotté, pour qu’ils ſachent la hauteur &
la largeur des re-
24154LA SCIENCE DES INGENIEURS, traites, cette partie de l’ouvrage étant de conſéquence.
Quoique le bon fond ſe trouve ordinairement plûtôt ſur les ter-
rains
élevés, que dans les autres bas &
aquatiques, il s’en rencontre
pourtant
d’excellents dans ces derniers, comme ſont ceux de gra-
vier
, de marne, de glaiſe, d’autres d’une certaine terre bleuâtre
qui
eſt le plus ſouvent de bonne conſiſtance, j’y comprendrai même
le
Sable boüillant qui eſt fort bon quand on ſait s’y conduire avec
adreſſe
:
on établit des fondemens ſur tout ces terrains avec aſſés
de
confiance, c’eſt pourquoi je ne m’y arrêterai pas.
L’on eſt quelquefois contraint de creuſer ſi avant pour trouver
le
bon fond, qu’on ne peut élever les fondemens juſqu’au rez-de-
Chauſſée
ſans des dépenſes extraordinaires;
en ce cas, Philbert de
Lorme
, Scamozzy, &
pluſieurs autres Architectes après eux, pro-
poſent
de faire des piliers de diſtance en diſtance pour y élever des
décharges
, afin qu’à peu de frais l’on puiſſe gagner le rez-de-
Chauſſée
.
Comme le terrain, ſur lequel on voudroit fonder les piles, peut
11Fonde-
ment
par
arcades
ou
décharges
.
ſe trouver d’inégale réſiſtance, il ſeroit à craindre que par la
ſuite
le terrain de deſſous, quelques piles venant à s’affaiſſer, ne cau-
ſàt
une grande rupture aux arcades, par conſéquent aux murs qui
ſeroient
élevés deſſus:
pour prévenir cet inconvenient on a crû que
le
meilleur moyen étoit de faire, entre les piles, des arcades renver-
ſées
, afin que ſi une des piles étoit moins aſſurée que les autres, elle
ſe
trouvât arcboutée par les arcades voiſines, qui ne pouvant cé-
der
à cauſe qu’elles ſont ſoûtenuës par les terres qui ſont au-deſ-
ſous
, il n’eſt pas poſſible que la pile puiſſe changer de ſituation,
quand
bien même elle porteroit à faux.
Il arrive ſouvent, qu’en voulant établir des Fondemens on ren-
22Maniere
de
détour-
ner
les
ſources
.
contre des ſources qui incommodent beaucoup le travail:
il y a des
gens
qui prétendent les éteindre, en jettant deſſus quantité de cen-
dre
mêlée de Chaux vive;
d’autres veulent remplir de vif-argent les
trous
par elles ſortent, afin que par ſon poids il les contraigne
à
prendre leur cours d’un autre côté.
Je crois que tous ces expe-
diens
ne ſont bons que dans la ſpeculation, &
qu’ils ne réüſſiſſent
guére
quand on veut les mettre en œuvre;
le meilleur parti eſt de
travailler
promptement, &
pour ne point être inondé à un certain
point
, il faut diriger les eaux par petites rigoles que l’on amenera à
un
puits fait au-delà de la tranchée, d’où on les tirera par des ma-
chines
à meſure qu’elles viendront, on leur laiſſera le cours libre
depuis
leur origine juſqu’à ce puits, bordant les petites rigoles de
chaque
côté avec des Briques pour former de petits canaux que
24255LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. l’on couvrira de pierres plattes, ainſi tout le fond de la tranchée ſera
mis
à ſec:
cependant, pour prévenir que les ſources ne deviennent
par
la ſuite nuiſibles aux fondemens, il faut pratiquer dans la Ma-
çonnerie
des petits acqueducs, aſin de leur laiſſer un cours libre
du
côté qui conviendra le mieux.
Il arrive quelquefois qu’un terrain ſur lequel on veut fonder ne
11Fonde-
mens
avec
des
grilla-
ges
.
ſe trouve pas bon, &
que voulant aprofondir pour en chercher un
meilleur
, on le rencontre encore plus mauvais;
en ce cas, il vaut
mieux
ne s’enfoncer que le moins qu’on pourra, &
établir, ſur toute
la
longueur des fondemens, un bon grillage aſſemblé avec des lon-
grines
&
traverſines de 9 à 10 pouces de groſſeur, les vuides ou
celulles
qu’elle forme ſe rempliſſent d’une bonne Maçonnerie de
Brique
ou de Moîlon:
il y en a qui couvrent le tout d’un plancher
de
gros madriers bien arrêtés ſur le grillage avec des chevilles de
fer
enfoncées à tête perduë;
comme ce plancher paroît d’une dé-
penſe
aſſés inutile, il ſuffit d’élever la maçonnerie immediatement
ſur
le grillage, obſervant de faire le parement de bonne pierre de
taille
juſqu’au rez-de-Chauſſée, &
même plus haut ſi l’ouvrage en
merite
la peine.
Comme ces ſortes de fondations ne ſauroient avoir
de
trop grands empattements, il eſt bon de faire le grillage d’un pied
&
demi ou deux plus large que n’euſſent été les fondemens, ſi on
les
avoit établis dans un bon terrain;
& afin de prévenir tout acci-
dent
, il convient d’attacher ſur le bord du grillage du côté du foſſé,
un
heurtoir de 8 ou 10 pouces au moins, qui, régnant ſur toute la
longueur
des fondemens, empêchera que le pied du revêtement ne
puiſſe
gliſſer, ſur-tout s’il étoit aſſis ſur un plancher, ce qui n’eſt pas
ſans
exemple.
A Bergue St. Vinoc, le terrain eſt fort mauvais, il
eſt
arrivé que le revêtement de la face d’une demi lune s’eſt déta-
ché
, &
a été gliſſé tout d’une piece juſques dans le milieu du Foſſé:
cela s’eſt fait avec des circonſtances ſi ſingulieres, à ce que j’ai ap-
pris
par les Ingenieurs qui étoient alors dans cette place, que cet
accident
ſemble tenir quelque choſe du merveilleux.
Cette façon de fonder n’eſt pas toûjours bonne dans toute ſorte
22Fonda-
tion
fur
pilotis
.
de terrain, auſſi ne l’emploie-t-on guéres que dans de petites parties
de
fondation, qui, n’étant point ſi bonnes que celles qui leur ſont
contiguës
, ne laiſſent pas la liberté d’approfondir davantage ſans
de
grands inconveniens:
cependant, on peut la rendre excellente
dans
un terrain aquatique, ſi, après avoir poſé le grillage, on en-
fonce
dans les celulles, des pilots de remplage ou de compreſſion ſur
toute
l’étenduë des fondemens;
ces pilots doivent être plantés au
nombre
d’un ou deux ſeulement dans chaque celulle diagonalement
24356LA SCIENCE DES INGENIEURS, opoſés, & pour mieux aſſurer les fondemens, on pourra, ſi on le
juge
néceſſaire, battre tout au tour du bord qui répond au Foſſé,
des
pilots de bordage ou de gardes poſés près à près, &
le long de
ces
pilots un fil de palplanche pour empêcher le courant des eaux,
s’il
s’en trouve, de dégravoyer la Maçonnerie;
les vuides du gril-
lage
, autour de la tête des pilots, doivent être remplis de gros quar-
tiers
de pierre, &
après les avoir bien arraſſés on aſſeoira la Ma-
connerie
élevée par aſſiſe reglée, afin qu’elle porte également par
tout
.
Quoique cette maniere de fonder ſoit bonne, je crois pourtant
qu’on
ne feroit pas mal d’y changer quelque choſe pour la rendre
11Autre ma-
niere
de
fonder
ſur
pilotis
.
Fig. 1.
& 2.
encore plus ſolide.
C’eſt de commencer par enfoncer des rangées
de
pilots tout le long des fondemens, par exemple pour un revê-
tement
de rempart, après avoir tracé l’épaiſſeur que doivent avoir
les
fondemens &
les contreforts, on enfoncera au refus du mou-
ton
quatre rangées de pilots, une ſur l’allignement exterieur, l’au-
tre
ſur l’interieur, &
deux dans le milieu; enſorte que les pilots
ſoient
ſeparés les uns des autres d’environ deux pieds.
On en plantera
deux
ſous les angles des contre-forts, &
deux autres entre la queuë
&
la racine, comme on le remarque dans le premier profil, les
têtes
de ces pilots ſont ponctuées:
après les avoir récépés à niveau, on
appliquera
deſſus des racinaux ou longrines, &
ſur ces longrines un
rang
de traverſines pour former un grillage, dont chaque croiſée ſera
bien
clouée &
arrêtée ſur la tête du pilot qui lui répond, & ſelon
cette
maniere le grillage ſera incomparablement plus ferme que dans
la
pratique précédente:
après cela on enfoncera des pilots de rem-
plage
, &
l’on pourra élever la Maçonnerie en toute ſeureté.
Quand on enfoncera des pilots, il faut avoir égard d’employer
22Attention
for
la ma-
niere
de
niere
de
piloter
.
toûjours les plus longs &
les plus forts ſur les bords des fondemens,
puiſque
ſi l’ouvrage a quelque danger à craindre par la ſuite, ceſera
plûtôt
de ce côté-là qu’il manquera, que dans le milieu:
pour tra-
vailler
avec précaution, il y a bien de petites attentions à faire ſur
la
maniere de piloter;
& , pour ne rien obmettre, voici comme
on
pourra s’appercevoir de quelle longueur &
de quelle groſſeur on
doit
employer les pilots ſelon le terrain l’on aura à travailler.
Il faut enfoncer un pilot juſqu’au refus du mouton, enſorte qu’on
puiſſe
connoître à quelle profondeur le fond fait une aſſés grande
réſiſtance
, pour s’opoſer fortement à la pointe;
ainſi ſachant de
combien
il ſera enfoncé, on verra à peu-près la longueur qu’il fau-
dra
donner;
je dis à peu-près, devant les faire un peu plus longs que
celui
qui aura ſervi de ſonde, puiſqu’il ſe peut rencontrer des en-
24457LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. droits, le terrain réſiſtant moins, ils pourront aller plus avant.
La longueur de pilots étant déterminée, il faut, pour y propor-
tionner
leur groſſeur, qu’ils ayent de diamettre environ la 12 partie
de
leur longueur, c’eſt-à-dire, que ceux qui auront 12 pieds, doi-
vent
avoir environ 12 pouces de diamettre.
Mais cette regle ne doit
avoir
lieu que pour les petits pilots depuis 6 pieds de longueur juſ-
qu’à
12;
car quand ils en ont 18 ou 20, il ſuffit de leur donner
13
ou 14 pouces de diamettre, autrement il faudroit employer des
arbres
trop recherchés, ce qui augmenteroit conſidérablement la
dépenſe
.
On ſait que pour enfoncer les pilots, on les fait en pointe de dia-
mant
;
il faudra prendre garde de ne pas faire cette pointe trop
longue
ni trop courte:
car ſi elle eſt trop courte elle ne s’enfoncera
pas
aiſément, &
ſi elle eſt trop longue elle ſe trouvera affoiblie, de
maniere
que pour peu qu’elle rencontre des parties qui lui réſiſtent,
elle
s’émouſſera;
le mieux eſt de lui donner pour longueur une fois
&
demi ou deux fois au plus le diamettre du pilot. Quand le terrain
dans
lequel on les enfonce ne réſiſte pas beaucoup, on ſe contente
de
brûler cette pointe pour la durcir, on en fait de même à la tête
pour
empêcher que les coups de mouton ne l’éclatent;
mais ſi l’on
s’aperçoit
qu’il ſe rencontre dans le terrain des pierres ou quel-
qu’autre
choſe qui réſiſte fortement &
en émouſſe la pointe, on
l’arme
d’un ſabot de fer, qu’on nomme auſſi lardoir, qui eſt retenu
par
trois ou quatre branches clouées au pilot, l’on couronne auſſi
la
tête du pilot d’une ceinture de fer que l’on nomme frette, pour la
tenir
ſerrée contre les coups de mouton, &
pour lors l’on dit que les
pilots
ſont frettés:
l’on proportionne comme j’en ai déja fait mention
la
diſtance des pilots à la quantité qu’on croit avoir beſoin ſelon la
qualité
du terrain;
mais au plus près qu’on puiſſe les mettre, il faut
au
moins qu’ils ſoient ſeparés l’un de l’autre de l’intervalle d’un de
leur
diamettre, afin qu’ils aïent aſſés de terre pour les entretenir.
Quand on veut garnir les devant des Fondemens par des pilots
de
bordage, on y fait quelquefois des rainures qui ſe répondent dia-
métralement
, dans leſquels on introduit des palplanches, on choiſit
les
pilots les plus droits que l’on équarrit pour être employés plus
facilement
, la largeur desrainures ſe proportionne à l’épaiſſeur des
palplanches
;
mais on leur donne environ un pouce de plus pour
qu’elles
puiſſent s’y introduire ſans difficulté;
ainſi quand les palplan-
ches
ont deux pouces d’épaiſſeur, les rainures doivent en avoir trois
de
largeur ſur deux de profondeur.
On obſervera auſſi que l’épaiſ-
ſeur
des palplanches doit être reglée ſur leur longueur, par exem-
24558LA SCIENCE DES INGENIEURS, ple ſi elles ont 6 pieds, elles doivent avoir au moins 3 pouces, ſi
elles
en ont 12 qui eſt ordinairement la plus grande longueur de
ces
ſortes de bois, leur épaiſſeur ſera de quatre pouces.
Pour aſſembler les pilots avec les palplanches, on commence par
enfoncer
deux pilots à plomb à une diſtance proportionnée à la lar-
geur
des palplanches qui eſt le plus ſouvent de 12 à 15 pouces,
enſuite
l’on enfonce une palplanche avec le mouton pour la faire
entrer
à force entre les deux rainures, de façon qu’elle écarte tant
ſoit
peu le pilot;
après cela on plante un autre pilot & une pal-
planche
, l’on continuë de la même maniere à battre alternative-
ment
un pilot &
une palplanche. Si le terrain réſiſte à la pointe des
palplanches
, on les arme d’un ſabot de fer, &
on les frette ainſi
que
les pilots.
Quoique de tout tems on ſe ſoit ſervi de pilots pour affermir un
mauvais
terrain, il ſe rencontre neanmoins bien des occaſions
il
ſeroit dangereux de les employer;
par exemple, s’il étoit queſtion
d’un
endroit aquatique il y eut un grand nombre de ſources, il
ne
faut pas croire que les pilots ſoient fort utiles pour y établir des
fondemens
, mais au contraire, puiſqu’on a remarqué qu’en les en-
fonçant
on éventoit les ſources, qui fourniſſoient de l’eau avec
tant
d’abondance, que le terrain devenoit incomparablement plus
mauvais
qu’il n’étoit auparavant:
& ce qu’on trouvera aſſés extraor-
dinaire
, c’eſt qu’ayant enfoncé des pilots à refus de mouton avec
autant
de difficulté que ſi ç’avoit été dans un bon fonds, on étoit
étonné
de voir que ces mêmes pilots étoient ſortis de terre le len-
demain
, ou quelques heures après, parce que l’eau des ſources les
avoient
repouſſés en faiſant effort pour ſortir, deſorte qu’il falut re-
noncer
à s’en ſervir davantage, &
avoir recours à quelqu’autres
moyens
beaucoup plus difficiles à executer, que ceux dont on au-
roit
ſe ſervir d’abord, ſi au lieu de faire naître des difficultés,
on
avoit cherché à les prévenir;
ce qui fait voir la neceſſité de rai-
ſonner
meurement ſur la nature du travail que l’on a à faire, avant
de
mettre la main à l’œuvre.
L’inconvenient que nous venons de remarquer arrive le plus
ſouvent
dans les lieux l’on rencontre du Sable boüillant qui eſt
une
eſpece de terrain, qu’il importe fort de bien connoître:
car
comme
l’eau qui boüillonne en ſortant de terre quand on paſſe
deſſus
ne vient que de l’abondance des ſources qui s’y trouvent,
il
faut bien prendre garde de ne pas l’éventer en voulant s’y apro-
fondir
;
puiſque, plus on voudra s’obſtiner à y creuſer des fonde-
mens
, moins l’on ſera en état de les executer:
le meilleur parti eſt
24659LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. de ne s’y enfoncer que le moins qu’on pourra, & enſuite fonder
hardiment
&
ſans autre ſujetion que celle que nous allons décrire.
Ayant tracé les allignemens & fait les amas de matériaux neceſ-
11Fondation
ſur
le ſable
boüillant
.
ſaires, on ne découvrira le terrain qu’à meſure qu’on fera la maçon-
nerie
;
c’eſt-à-dire que ſi on peut faire par jour 6 toiſes courantes
de
fondemens, on n’en découvrira pas davantage;
enſuite l’on aſ-
ſeoira
avec le plus de diligence qu’il ſera poſſible une premiere aſſiſe
de
gros libages plats, &
ſur celle-ci une autre bien arrangée à joints
recouverts
en bain de bon mortier compoſé de terraſſe ou bien de
cendrée
de Tournay, ſur cette ſeconde une toiſiéme, ainſi de ſuite
avec
toute la promptitude poſſible, pour ne pas donner le tems
aux
ſources d’innonder le travail, comme cela eſt aſſés ordinaire.
Il
arrive
quelquefois que l’on voit flotter les premieres aſſiſes, &
que
la
Maçonnerie ſemble ne pouvoir prendre conſiſtance;
mais il ne
faut
pas s’en allarmer, aller ſon train, &
continuer toûjours s’il eſt
poſſible
ſans interruption, &
quelque tems après la Maçonnerie
s’affermira
comme ſi elle étoit établie ſur le roc:
c’eſt pourquoi l’on
peut
élever le reſte ſans aprehender que l’ouvrage manque par le
pied
, ni que les fondemens s’enfoncent guéres plus, après avoir
reçûs
toute leur charge, qu’ils l’étoient au commencement;
il faut
ſeulement
prendre garde ſur toute choſe de ne pas creuſer autour,
crainte
d’y attirer l’eau de quelque ſource qui pourroit dégravoïer
la
Maçonnerie, &
cauſer de grands dommages: enfin, je dirai pour
juſtifier
cette maniere de fonder, qu’on ne s’y prend pas autrement
à
Douay, Lille, &
Bethune, quand il eſt queſtion de revêtir quel-
que
ouvrage de Fortification dans un terrain comme celui-ci qui y
eſt
aſſés ordinaire.
A Arras & à Bethune il y a encore un terrain tourbeux qu’il
eſt
neceſſaire de connoître pour pouvoir y fonder hardiment:
ayant
cela
de particulier, que dès qu’on veut creuſer un peu avant, il
en
ſort une quantité d’eau prodigieuſe.
Après avoir tenté toutes
ſortes
de voyes, on a trouvé que le plus court &
le plus ſûr parti
étoit
d’y fonder hardiment avec de bons matériaux, ne s’enfonçant
que
le moins qu’il eſt poſſible ſans employer ni grillage, ni pilots,
&
l’ouvrage ſe maintient ferme & ſolide ſans courir aucun riſque.
Quand on rencontre de ſemblables terrains que l’on ne connoît
point
parfaitement, il eſt bon de ne le ſonder qu’à une certaine diſ-
tance
de l’endroit on le veut travailler, parce que ſi l’on venoit
à
creuſer trop avant, &
qu’il en ſortit une grande quantité d’eau, on
n’en
ſera pas incommodé.
C’eſtici je crois qu’on pourroit ſe ſer-
vir
mieux que par-tout ailleurs de la Maçonnerie de pierrées dont
24760LA SCIENCE DES INGENIEURS, j’ai parlé ci-devant; car comme elle eſt d’une prompte execution,
&
que toutes les parties ſe lient bien, on pourra en y mêlant de
la
terraſſe de Hollande &
de la Cendrée de Tournay, faire un maſ-
ſif
excellent, auquel donnant ſeulement deux pieds ou deux pieds
&
demi d’épaiſſeur, on formera une eſpece de banc ſur lequel on
pourra
élever la Maçonnerie plus ſeurement que ſi l’on faiſoit un
grillage
, &
même que ſi l’on avoit rencontré un ſable ou un gravier
bien
ferme;
mais quand on prend ce parti il faut donner beaucoup
d’empattement
à la Fondation, afin qu’embraſſant une plus grande
étenduë
elle ſoit établie plus ſolidement.
Il y a encore une autre maniere de fonder par coffres, qui eſt
bien
differente de celle dont j’ai parlé juſqu’ici;
on s’en ſert dans les
lieux
les terres n’ont point de cervelles &
l’on a à ſe garentir des
ſources
&
des éboulemens, on commence par creuſer à une pro-
fondeur
convenable, un eſpace de quatre à cinq pieds de lon-
gueur
&
dont la largeur eſt reglée ſur l’épaiſſeur que doivent avoir
les
Fondemens:
on ſe ſert de madriers d’environ deux pouces d’é-
paiſſeur
que l’on aplique de long des bords de la tranchée pour en
ſoûtenir
les terres, les maintenant avec des étraiſillons qui traver-
ſent
la fondation d’eſpace en eſpace, &
dont les bouts ſont apuyés
&
chaſſés à force contre les madriers opoſés; aprèsavoir coffré ainſi
juſqu’à
la profondeur l’on peut atteindre ſans être inondé, on
remplit
ce coffre d’une bonne Maçonnerie, quand les madriers ſe
trouvent
apuyés par la Maçonnerie, on ôte les étreſillons à meſure.
Quand ce coffre eſt bien rempli, on en creuſe à côté un autre ſem-
blable
, dont la longueur auſſi-bien que celle du premier dépend
de
la facilité que l’on a d’embraſſer un eſpace plus ou moins grand
ſans
être incommodé des ſources:
cependant, malgré les précau-
tions
que l’on peut prendre, il arrive ſouvent que l’eau pouſſe tout
d’un
coup ſans qu’on puiſſe l’empêcher;
mais il eſt facile de la ſur-
monter
, car comme le terrain n’eſt guére découvert, un peu de
célérité
vous met bien-tôt hors d’embaras, au lieu que ſi l’on s’y
prenoit
autrement, on ſe trouveroit innondé de toute part d’un
nombre
de ſources qui ſe déclareroient en même tems, qu’on ne
pourroit
éteindre ſans des difficultés preſque inſurmontables.
Ayant fait trois ou quatre coffres de ſuite, & la Maçonne-
rie
des premiers étant bien affermie, on fait enſorte d’en retirer
les
madriers pour s’en ſervir ailleurs, &
ſi on ne peut avoir ceux
qui
ſont au fonds, ſans courir riſque de donner une iſſuë à une
ſource
qu’on auroit ſurmontée, on prend le parti de les abandon-
ner
.
24861LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX.
Quand on veut élever quelque édifice dans l’eau, l’on ne
peut
faire d’épuiſement, (comme dans la mer) on a recours à une
maniere
de fonder, qui paroîtra d’abord être peu ſolide, mais qui
eſt
pourtant de durée, quand on y aporte toutes les precautions
neceſſaires
;
ces ſortes de fondemens s’apellent à Pierre perduë, ou
Enrochement
;
voici comme on les pratique.
On commence par remplir de pierres une grande quantité de
11Fonde-
ment
de
pierre
per-
duë
.
batteaux, que l’on conduit près de l’endroit on veut les emplo-
yer
;
on profite du tems que la Marée eſt baſſe pour établir les al-
lignemens
, &
égaliſer autant qu’il eſt poſſible le fond ſur lequel on
veut
travailler, qui doit être non ſeulement de toute la capacité
que
doit occuper l’édifice qu’on a en vûë, mais beaucoup au-delà,
afin
d’avoir une Berme conſiderable, qui regnant au tour de la murail-
le
, en aſſure davantage le pied:
tous les materiaux étant prêts d’être
employés
, &
ayant choiſi le tems le plus convenable, on jette un lit de
pierre
de Moilonage telle qu’elle ſort de la carriere, ou des cailloux;
ſur ce lit-ci on y en fait un autre de Chaux, mêlée de Pozzolane ou
de
Terraſſe;
après cela on jette encore un autre lit de Moilon ou
de
cailloux, qu’on couvre derechef de Chaux &
de Pozzolane, on
continuë
alternativement un lit de pierre, &
un autre de Chaux &
de
Pozzolane, &
il ſe fait ſur le champ un maſtic qui rend cette
Maçonnerie
dure &
ſolide, comme celle qui ſeroit faite avec plus
de
précaution, par la proprieté admirable de la Pozzolane &
de la
Terraſſe
;
car quoi qu’on ne puiſſe pas travailler de ſuite, à cauſe
des
tourmentes de la mer, ou de la trop grande hauteur des eaux,
on
peut continuer par repriſe ſans que cela porte aucun préjudice
à
la bonté de l’ouvrage.
En jettant les pierres on a ſoin de répen-
dre
les plus groſſes vers le bord, l’on obſerve de faire un talud
qui
ſoit au moins de deux fois ſa hauteur.
Après que l’enrochement
ſera
élevé auſſi haut qu’on l’aura jugé neceſſaire, pour atteindre ſon
rez-de-Chauſſée
, &
pour n’être point ſubmergé, il eſt bon de le
mettre
à l’épreuve pendant pluſieurs années, des tourmentes de la
mer
, &
pendant ce tems-là, il faut le ſurcharger de tous les mate-
riaux
neceſſaires pour l’établiſſement de l’édifice qu’on veut élever,
22Fig. 6.
& 7.
&
même au-delà s’il ſe peut, pour lui donner tout le poids qu’il
pourra
jamais porter, afin qu’il s’affaiſſe dans tous les endroits
le
ſable peut être moins aſſuré.
Quand au bout d’un certain tems,
l’on
voit qu’il ne lui eſt arrivé aucun accident conſiderable, on
établit
deſſus de bons grillages couverts d’un plancher de gros ma-
driers
, ſur lequel on aſſeoit l’édifice.
Quand on peut battre des pilots tout autour de l’eſpace que doit
24962LA SCIENCE DES INGENIEURS, occuper l’enrochement, on pourra y faire un bon empattement,
qui
garantira le pied des degravoyemens qui pourroient arriver dans
la
ſuite, &
par ce moyen l’ouvrage en ſera bien plus aſſuré, & n’au-
ra
en quelque façon rien à craindre;
l’on a auſſi ſoin de faire au
pied
la muraille une risberme compoſée de facinage &
de gril-
lage
, comme on le pratique aux jettées, pour empêcher que dans
un
gros tems il ne ſurvienne des vagues qui pourroient ſaper le
mur
:
malgré toutes les precautions qu’on peut prendre, il eſt toû-
jours
bien dangereux de bâtir dans la mer;
cependant, nous avons
en
France pluſieurs édifices de la nature de ceux dont je viens de
parler
, qui ſubſiſtent depuis long-tems, ſans qu’il leur ſoit arrivé
aucun
accident.
Je viens de ſupoſer un enrochement fait dans la mer, pour mon-
trer
comme on peut ſurmonter les plus grands obſtacles qui ſe ren-
contrent
en fondant;
mais il y a une infinité d’autres endroits on
peut
s’en ſervir utilement &
avec bien plus de ſuccés, comme dans
les
rivieres, les lacs, les étangs, &
tous les lieux on ne peut par-
venir
à ètablir de fondemens à ſec.
Vitruve, dans le 12. Chapitre
de
ſon 5.
Livre, parlant des jettées qui ſe ſont aux ports de mer,
détaille
aſſez bien la Maçonnerie à pierre perduë, ce qui joint à
d’autres
recherches que j’ai faites ſur ce ſujet, j’en aurois par-
ler
plus à fond que je ne viens de faire;
mais, comme ces ſortes
d’ouvrages
apartiennent à l’Architecture Hidraulique, on trouvera
dans
le ſecond volume de quoi ſe dedommager de ce qui manque
ici
, je n’en aurois même fait aucune mention preſentement, ſi je
n’avois
crû qu’il étoit à propos de donner dans ce Chapitre une
idée
generale de toutes les differentes manieres de fonder.
Il y a encore un autre moyen de fonder dans les endroits que
nous
venons de ſupoſer, qui eſt de ſe ſervir de Caiſſons dans leſ-
quels
on maçonne à Chaux &
à Sable; ces Caiſſons ne ſont autre
choſe
qu’un aſſemblage de charpente bien calfaté:
on commence
par
les conduire &
les arranger tous d’allignement à l’endroit
l’on
veut fonder, on les arrête par des cables qui paſſent dans des
anneaux
de fer qui ſont attachez aux Caiſſons:
après les avoir bien
diſpoſés
, on y met des Maçons qui les rempliſſent de bonne Ma-
çonnerie
;
à meſure que l’ouvrage avance, le poids des pierres fait
enfoncer
les Caiſſons dans l’eau juſqu’à ce qu’ils ayent atteint le
fond
, c’eſt pourquoi l’on proportionne la hauteur des Caiſſons à
la
profondeur de l’eau qu’il y a dans le lieu l’on travaille, &

l’on
obſerve même de les faire deux ou trois pieds plus hauts, afin
que
les ouvriers n’en ſoient point incommodés;
mais quand la pro-
25063LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. fondeur de l’eau eſt conſiderable, & qu’on ne peut pas atteindre
le
fond ſans donner aux Caiſſons une hauteur extraordinaire, on
prend
le parti d’en augmenter la hauteur avec des hauſſes, à meſure
qu’il
approche du fond.
Quelquefois l’on établit les Caiſſons ſur un enrochement quand
11Fig. 4.
& 5.
le lit ſur lequel on veut fonder n’eſt pas uni, ſoit à cauſe des trous,
ou
des petits bancs de ſable, ou bien quand les eaux ſont par trop
hautes
.
Si l’on vouloit raporter toutes les differentes manieres de fonder
ſelon
les occaſions qui ſe peuvent preſenter, je ne finirois jamais:
c’eſt pourquoi je me tiendrai à l’idée que je viens d’en donner, me
reſervant
pourtant d’entrer encore dans quelque détail ſur ce ſujet
quand
la choſe en meritera la peine, comme par exemple, pour les
fondemens
des Ponts de Maçonnerie, des Ecluſes, &
autres ouvra-
ges
, qui demandent beaucoup d’attention, pour les établir ſolide-
ment
, &
que j’ai traité à fond dans le ſecond volume; cependant le
peu
que je viens d’inſinuer pourra donner aſſés de connoiſſance à
ceux
qui ont deſſein de s’appliquer à l’Architecture, pour que d’eux
mêmes
ayant un peu de pratique &
d’intelligence, ils puiſſent faire
le
choix qui conviendra le mieux, entre les differens moyens que
je
propoſe.
Je n’ai point parlé juſqu’ici de la profondeur qu’il falloit donner
aux
fondemens, parce qu’il eſt aſſés difficile de la determiner, de-
pendant
en quelque ſorte de la nature du terrain l’on travaille;
mais je ferai au moins remarquer, que la plûpart des Architectes
font
des depenſes fort inutiles, leur donnant une grande profon-
deur
, qui ne contribuë en rien à la ſolidité de l’édifice, car de deux
choſes
l’une, le terrain ſera bon, ou il ſera mauvais;
s’il eſt bon,
on
peut bâtir en toute aſſeurance;
s’il ne l’eſt pas, on en ſera quit-
te
en faiſant un bon plancher de madriers ou de grillage, ſans creu-
ſer
plus avant pour chercher un autre fond, qu’on ne trouveroit
peut-être
pas meilleur, &
ſi le terrain eſt mouvant ou marecageux,
il
y a encore moins de raiſon d’aprofondir, puis qu’on ſera toû-
jours
contraint de piloter;
or, dans tous ces cas, la profondeur des
fondemens
ne fera rien pour la ſolidité des murs qu’on veut élever,
le
tout eſt de les établir ſur une baſe ferme &
bien aſſurée, ſi on ne la
rencontre
point telle qu’on peut la ſouhaiter, il faut avoir recours
aux
expediens que nous venons de dire;
on n’en a pas uſé autre-
ment
pour touts les grands édifices qui ſubſiſtent depuis tant de ſié-
cles
:
les fondemens de l’Egliſe de Notre-Dame de Paris, qui eſt un
Vaiſſeau
des plus conſiderables, quoi que bâti dans un fort mau-
25164LA SCIENCE DES INGENIEURS, vais terrain, n’ont preſque pas de profondeur; tous ceux des Ponts
de
la même Ville n’en ont que fort peu non plus, &
ne ſe ſoûtien-
nent
pas moins, tandis qu’on voit donner à de ſimples maiſons, des
fondemens
de ſept à huit pieds de profondeur, ſans faire attention
que
leur quatre faces, formant un paralellepipede, doivent ſe ſoû-
tenir
par leur propre poids;
que ſi on en voit quelque fois man-
quer
par le pied, il ne faut pas penſer que cela vienne de ce que
leurs
fondemens n’ont pas eu aſſés de profondeur;
mais parce qu’on
ne
les a bâtis que peu à peu, c’eſt-à-dire qu’il y aura eu des repri-
ſes
d’ouvrages, la vieille Maçonnerie ne ſe ſera pas liée avec la
nouvelle
, de-là il arrive que ſi un mur eſt affermi parce qu’il aura
été
bâti le premier, l’autre ne l’eſt pas pour avoir été fait plus tard,
&
tous ces murs venant à être chargés enſemble, le fardeau étant
inegallement
porté, la partie la plus foible flechit, tandis que l’au-
tre
reſiſte.
Ajoutons à cela qu’un côté peut avoir été travaillé avec
de
bons materiaux, &
l’autre fait avec moins de précautions: ainſi
ce
qu’on attribuë au défaut des fondemens, provient preſque toû-
jours
de la mauvaiſe façon.
Mais ſi dans un bâtiment on commence par creuſer les tranchées
de
tous les murs, &
qu’après les avoir miſes de niveau, on y établit une
bonne
Maçonnerie, toûjours conduite à même hauteur, &
dont tou-
tes
les parties differentes ſoient bien liées, &
qu’enſuite on éleve deſ-
ſus
dans le même tems les pignons &
les refands, on peut s’aſſurer que
quand
les fondemens n’auroient que deux ou trois pieds au plus
de
profondeur, l’ouvrage ne court aucun danger, au lieu que s’il
n’eſt
conduit que par parties, &
qu’on tombe dans les défauts que
je
viens de remarquer, quand ces fondemens auroient 15.
à 20.
pieds, le bâtiment ne ſeroit pas moins ſujet à tous les inconviens
que
la mauvaiſe façon peut cauſer.
S’il étoit queſtion de quelque gros mur d’enceinte ou de quay,
il
faudra non ſeulement avoir toutes les attentions dont on vient
de
parler, mais être plus attentif à leur faire des empattemens lar-
ges
&
bien aſſis, qu’à les faire profonds, & cette largeur qui exce-
dera
celle du mur, doit particulierement regner du côté oppoſé
le
mur aura quelque effort conſiderable à ſoûtenir, ſoit de la part
de
la pouſſée des terres, ou de celle d’une voute;
on en doit ſen-
tir
la neceſſité, par ce qui a été dit dans le premier livre;
on eſt
pourtant
quelquefois obligé de donner de la profondeur aux fon-
demens
quoique le terrain ſoit bon, ce qui ſe fait lors qu’on tra-
vaille
ſur le bord d’une riviere, afin de ſe mettre au-deſſus de ſon
lit
, crainte que les eaux ne viennent par la ſuite à degravoyer le
252
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253 19[Figure 19]
254
[Empty page]
25565LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. terrain, & à miner les fondemens, ce qui eſt fort à craindre quand
on
eſt dans le voiſinage d’une Ecluſe, il y a une grande chute
d’eau
.
Puiſque nous en ſommes ſur l’épaiſſeur des fondemens, il eſt à
propos
d’en dire quelque choſe, paroiſſant y avoir encore ici des
difficultez
qui ont beſoin d’être examinées.
Les fondemens d’un mur étant la baſe ſur laquelle il eſt établi,
il
ſemble que la largeur de cette baſe doit être proportionnée, non
ſeulement
à l’épaiſſeur du mur, mais plus encore à ſa hauteur, &

qu’on
doit ſuivre une certaine regle pour déterminer la largeur des
retraites
du rez-de-Chauſſée;
mais c’eſt ce que les Architectes
n’ont
point fait que je ſache:
il eſt bien vrai qu’ils ont parlé de l’é-
paiſſeur
qu’il falloit donner aux fondemens, par raport à celle du
mur
qu’ils devoient porter;
mais, ils n’ont pas eu égard à la hauteur
de
ces murs.
Par exemple, Scamozzi veut que l’on donne pour
retraite
de chaque côté, la huitiéme partie de l’épaiſſeur du mur,
c’eſt-à-dire
, que s’il a quatre pieds d’épaiſſeur, il faudra en donner
cinq
aux fondemens.
Philbert de Lorme fait ſes fondemens plus
épais
, donnant pour retraite de chaque côté, un quart de l’épaiſ-
ſeur
du mur;
ainſi, à un mur de quatre pieds d’épaiſſeur, il en don-
ne
ſix aux fondemens.
Palladio les fait encore plus épais, voulant
qu’ils
ayent le double de l’épaiſſeur du mur:
& ce qu’il y a de ſur-
prenant
, comme je le viens de dire, c’eſt que ni les uns ni les autres
ne
font aucune mention de la hauteur des murs;
cependant il n’y a
pas
de raiſon de donner autant d’épaiſſeur aux fondemens d’un mur
de
clôture d’une hauteur mediocre qui ne porte rien, qu’à ceux
des
pieds droits d’une voute fort élevée &
maſſive, ou d’un autre
mur
qui doit porter pluſieurs grands planchers, chargés de fardeaux
conſiderables
, comme aux Arſenaux &
aux Magaſins pour les
vivres
;
car, il n’y a point d’édifice dont les murs n’ayent quelque
pouſſée
à ſoûtenir, &
c’eſt ce qui fait qu’ils ſurplombent plûtôt en
dehors
qu’en dedans:
d’ailleurs, quand un mur eſt fort élevé, &
qu’il
n’a qu’une épaiſſeur mediocre, ſi l’empattement n’eſt pas pro-
portionné
à l’élevation, pour peu que le mur vienne à s’incliner
la
longueur du bras de lévier a un ſi grand avantage ſur la reſiſtance
que
les fondemens peuvent rencontrer de la part du terrain, qu’il
faut
que ce terrain ſoit d’une ſolidité extrême, pour ne pas flechir:
car il eſt bon de faire attention ici, qu’un mur & ſes fondemens
doivent
être conſidéres comme ne faiſant qu’un ſeul corps, quoi-
que
j’aye ſupoſé le contraire dans le premier &
le ſecond Livre:
par
conſequent, ſi le point d’apui, au lieu de repondre au rez-de-
25666LA SCIENCE DES INGENIEURS, Chauſſée, ſe trouve ſur le bord de la premiere aſſiſe des fondemens,
il
faut neceſſairement, pour qu’un mur fort élevé ſoit auſſi bien aſſis
qu’un
autre plus bas, qu’il y ait une proportion entre l’épaiſſeur de
leur
fondement;
& cette proportion eſt ſur-tout eſſentielle, quand
le
mur qui a le plus d’élevation n’a qu’une mediocre épaiſſeur,
comme
ſont par exemple la plûpart des pignons.
Or pour ſavoir à
quoi
nous en tenir, ſans adopter aucune des regles des Architec-
tes
que je viens de citer, nous ſupoſerons qu’un mur de 20.
pieds
de
hauteur ſera parfaitement aſſuré ſur ſa baſe, quand on donnera
à
ſes fondemens quatre pouces d’épaiſſeur de plus de chaque côté
que
n’en à le mur, c’eſt-à-dire, que s’il avoit deux pieds d’épaiſſeur,
ſes
fondemens auroient deux pieds huit pouces:
preſentement, vou-
lant
ſavoir quelle épaiſſeur il faut donner aux fondemens d’un mur
qui
auroit 50.
pieds de hauteur, je fais abſtraction pour un mo-
ment
de l’épaiſſeur de ce mur, pour n’avoir égard qu’aux retraites
qu’on
doit donner de chaque côté pour faire cette proportion:
ſi à
un
mur de 20.
pieds de hauteur il faut donner 4 pouces de re-
traite
de chaque côté, combien en faudra-t’il donner à un mur de
50
.
pieds; faiſant la regle on trouvera que chaque retraite doit être
de
dix pouces, par conſequent ſi le mur avoit trois pieds d’épaiſ-
ſeur
, il faudroit donner à ſes fondemens quatre pieds 8.
pouces,
de
même s’il étoit queſtion d’un mur de 80.
pieds, on ſuivra toû-
jours
la même proportion, en prenant 20.
pieds pour premier ter-
me
, &
quatre pouces pour le ſecond.
Quand on voudra élever des murs qui ont quelque pouſſée à
ſoûtenir
, il n’eſt pas neceſſaire de les aſſeoir ſur le milieu des fon-
demens
, il vaut beaucoup mieux, après en avoir trouvé l’épaiſſeur,
donner
plus de largeur à la retraite qui répond au point d’apui, qu’à
l’autre
:
je voudrois même la faire double; c’eſt-à-dire, qu’ayant
trouvé
par la regle precedente, qu’il faut donner dix pouces de re-
traite
de chaque côté aux fondemens d’un mur de 50.
pieds de
hauteur
, &
qui eſt chargé d’un grand comble, & de pluſieurs plan-
chers
, qu’ayant ajoûté enſemble les deux retraites qui font 20.
pou-
ces
, on en donnera 13 ou 14 à la retraite du dehors, &
ſix ou 7 à cel-
le
du dedans, ainſi le bras de lévier qui répond à la puiſſance re-
ſiſtante
, ſe trouvant allongé par raport au centre de gravité de la
muraille
, le tout ſera beaucoup plus aſſuré, &
il n’arrivera pas les
defauts
que l’on remarque dans la plûpart des bâtimens.
25767LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX.
CHAPITRE DIXIE’ME.
l’on enſeigne comme l’on doit employer les Matériaux qui
compoſent
la Maçonnerie.
LA meilleure de toutes les Maçonneries eſt ſans difficulté celle
qui
eſt faite de pierres de taille;
mais, comme cette pierre eſt
aſſés
rare, il n’eſt pas ordinaire de faire des Bâtimens qui en ſoient
tout
compoſés:
l’on ſe contente ſeulement de les employer pour
les
ſoûbaſſemens des gros murs, aux encoigneures des Edifices, &

aux
angles des revêtemens des ouvrages des Fortifications:
pour la
mettre
en œuvre, l’on en prépare de deux eſpeces;
la premiere, que
l’on
nomme carreau ou pannereſſe, eſt celle dont la largeur excede
la
longueur;
la ſeconde, que l’on nomme boutiſſe, eſt celle dont la
longueur
excede la largeur;
les pannereſſes font parement de toute
leur
largeur, &
les boutiſſes de leur tête ſeulement, leur queuë
faiſant
partie de l’épaiſſeur du mur:
c’eſt ainſi qu’on les diſtribuë
dans
chaque aſſiſe, obſervant de placer une boutiſſe, enſuite une
pannereſſe
, ſucceſſivement une boutiſſe &
une pannereſſe poſées
plain
ſur joint;
c’eſt-a-dire que les joints perpendiculaires de la ſe-
conde
aſſiſe répondent au milieu des pierres de la premiere, ainſi
des
autres qui ſont au-deſſus:
pour cela l’on fait les aſſiſes bien re-
glées
, enſorte que les carreaux &
les boutiſſes ayent la même hau-
teur
, afin que les joints horiſontaux qui regnent ſur toute la lon-
gueur
du mur, faſſent des lignes paralelles &
de niveau: à meſure
que
l’on poſe une de ces aſſiſes, on garnit le reſte de l’épaiſſeur du
mur
de briques ou de moîlon maçonné avec de bon mortier, &

quand
il n’eſt que d’une médiocre épaiſſeur on tâche d’avoir des
boutiſſes
aſſés longues pour quelles puiſſent le traverſer &
faire pa-
rement
des deux côtés, ce qui rend la Maçonnerie beaucoup plus
ſolide
par la liaiſon qui ſe fait du parement avec le reſte du mur;
& quand cela ſe pratique ainſi, les boutiſſes qui font parement des
deux
côtés ſe nomment pierres de parpain ou parpaigne.
Quand on conſtruit quelque Edifice militaire dont les murs doi-
vent
être d’une épaiſſeur conſidérable comme de 5 ou 6 pieds, on
employe
de la graiſſerie au parement juſqu’à une certaine hauteur,
de
la brique pour le parement interieur, &
le reſte de l’épaiſſeur ſe
fait
de moîlon;
or, pour que le tout ſoit en bonne liaiſon, on em-
25868LA SCIENCE DES INGENIEURS, ploye la graiſſerie comme on vient de le dire; à l’égard de la brique,
on
commence par poſer une premiere aſſiſe de deux briques &
demi
d’épaiſſeur
, une ſeconde de deux briques, &
une troiſiéme d’une &
demi
, chaque aſſiſe bien arraſée avec du moîlon, après quoi on
recommence
tout de nouveau une aſſiſe de deux briques &
demi,
une
ſeconde de deux briques, &
une troiſiéme d’une brique & demi
toûjours
bien liées &
arraſées avec le moîlon & la graiſſerie. Quand
on
eſt parvenu à la derniere aſſiſe de graiſſerie &
qu’on veut faire
de
brique le reſte de la hauteur du parement, on la poſe par aſſiſe
reglée
comme on vient de le voir pour l’interieur, &
afin de rendre
la
liaiſon plus parfaite, on peut de trois en trois aſſiſes faire une
chaîne
de deux briques d’épaiſſeur ſur toute l’étenduë de l’ouvrage
poſées
plain ſur joint.
Les ſoûbaſſemens d’un mur étant faits, ſi on éleve le reſte du pa-
rement
avec du moîlon, on a ſoin de le bien ébouſiner &
de le
tailler
juſqu’au vif, l’on ſe ſert encore de boutiſſes &
de pannereſſes,
en
obſervant toûjours de ne les poſer que plain ſur joint, car ce ſe-
roit
un deffaut groſſier de voir deux ou pluſieurs joints perpendi-
culaires
ſur un même allignement, parce que le mur n’en ſeroit pas
ſi
ſolide, &
choqueroit le coup d’œil. Dans les ouvrages que l’on
veut
faire proprement, on a égard, non-ſeulement de donner la mê-
me
hauteur à toutes les pierres qui doivent compoſer les aſſiſes;
mais encore de les tailler de façon que la largeur des pannereſſes
ſoit
double de celles de la tête des boutiſſes, afin d’obſerver une
bonne
liaiſon &
un certain ordre de ſimétrie qui fait un fort bel
effet
.
Les Anciens étoient extrémement attentifs à travailler les pare-
mens
des Edifices conſiderables:
ils en rendoient les joints preſque
imperceptibles
, ce qui a fait croire, comme il y a toute aparence,
qu’il
leur arrivoit quelquesfois de bâtir ſans mortier, aimant mieux
tailler
les pierres ſi juſtes, que leur ſituation &
leur poids puſſent
fuffire
pour donner à l’ouvrage toute la fermeté poſſible.
Ils avoient
encore
recours à une pratique aſſés ingenieuſe pour rendre les pa-
remens
polis:
ils tailloient bien proprement les faces des pierres
qui
devoient être unies les unes contre les autres, &
laiſſoient un
pouce
de velu à celles qui devoient compoſer le parement, quand
l’ouvrage
étoit entierement achevé on recoupoit ces pierres en ra-
valant
;
ainſi, quand ils ſe ſervoient de mortier, il ne paroiſſoit preſ-
que
point, &
le tout ne ſembloit être compoſé que d’une ſeule
pierre
.
Outre les pierres de parement dont on vient de parler, & que
25969LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. l’on nomme de grand apareil, on en diſtingue encore de deux eſ-
peces
, la premiere eſt le libage qu’on employe pour les fondemens;
la ſeconde eſt le moîlonage ou le petit moîlon, dont on ſe ſert pour garnir
le
milieu des gros murs;
c’eſt ici les Entrepreneurs n’oublient pas
leurs
interêts quand on n’y prend point garde, ils ont grand ſoin de
faire
le parement bien conditionné pour ſuprendre le coup d’œil,
tandis
que le reſte n’eſt compoſé que de bouë &
de platras, il eſt
vrai
que cela n’arrive guére dans les ouvrages des Fortifications,
parce
que Meſſieurs les Ingenieurs y aportent tant d’exactitude &

de
ſoin, qu’il eſt aſſés difficile de leur en impoſer, ceux qui ſont ac-
coûtumés
de faire travailler ſachant combien il eſt dangereux de
s’en
raporter à la bonne foi des ouvriers:
mais comme j’écris prin-
cipalement
pour ceux qui commencent, &
qui n’ont pas une grande
connoiſſance
des travaux, voici en peu de mots ce que l’on doit
obſerver
pour faire faire un bon ouvrage.
Il faut prendre garde de ne jamais laiſſer travailler les Maçons
qu’aux
heures marquées, &
qu’ils ayent toûjours des cordeaux
d’allignemens
devant &
derriere la muraille, ne permettant pas
qu’ils
faſſent leurs plombées plus hautes que d’un pied ou un pied
&
demi, de ne point laiſſer de mortier qui ne ſoit tiercé & vieux
de
deux jours, ſans ſouffrir qu’on maçonne à ſec comme cela arri-
ve
aſſés ſouvent, ou que tombant dans une autre extrémité on ne
rempliſſe
les trous de poignées de mortier au lieu de Tuilleaux ou
d’éclats
de pierre.
De faire laiſſer des amorcces qui ayent au moins un demi pied
aux
endroits il y aura repriſe d’ouvrage, &
quand on viendra
à
y travailler, ne pas laiſſer recommencer ſur les arraſes ſéches ſans
y
jetter de l’eau.
De ne ſouffrir jamais qu’on mette des calles de bois ſous les car-
reaux
, cordons, tablettes, &
autres pierres de parement, ni qu’on
employe
ces pierres ſans qu’elles ayent un lit ſuffiſant pour être bien
aſſiſes
, ne pas laiſſer mettre en œuvre des pierres trop fraichement
tirées
de la Carriere, &
qui ne ſoient déchargées de leur bouſin,
parce
que le mortier ne s’y attache pas;
de faire enſorte qu’en les
poſant
elles ne faſſent point de boſſes qui excedent le niveau de
l’ouvrage
;
mais ſur toute choſe de ne pas ſouffrir qu’on employe
des
pierres de Grès, parce que le mortier ne s’y attache pas, ſoit
à
cauſe que leur pores ſont trop ſerrés, ou qu’elles ne fourniſſent
point
de ſel comme les autres pour durcir &
faire ſécher le mor-
tier
, ainſi la meilleure maniere de garnir les murs eſt d’y em-
ployer
de la brique ou du moîlon plat, bien arrangé &
entrelaſſé
26070LA SCIENCE DES INGENIEURS, de maniere que le milieu des uns réponde aux joints des autres,
obſervant
toûjours de conduire autant qu’il eſt poſſible l’ouvrage
de
niveau ſur toute la longueur &
épaiſſeur.
Quand on manque à toutes ces précautions, il arrive que le pa-
rement
, n’étant pas bien lié avec le reſte de l’épaiſſeur, eſt propre-
ment
un mur apliqué contre un autre qui venant à ſe dégrader par
la
ſuite ſe détache en peu de tems, toute la chemiſe tombe, &
il
ne
reſte plus qu’un maſſif informe qu’on a bien de la peine à répa-
rer
ſolidement;
pour remedier à cet inconvenient on pratique aux
revêtemens
des Fortifications une conſtruction de Maçonnerie qui
eſt
la meilleure (à ce que je crois) qu’on puiſſe imaginer:
elle
ſe
fait ordìnairement de brique &
de moîlonage; & , comme il y
a
de l’art à bien lier enſemble ces deux materiaux, voici comme
on
les met en œuvre.
Après avoir tracé les fondemens de la muraille & ceux des con-
treforts
relativement aux dimenſions des plans &
profils, ſoit pour
une
face de Baſtion, flanc ou courtine, &
bâti ces fondemens avec
les
précautions dont il eſt parlé dans le Chapitre précédent;
en un
mot
avoir élevé l’ouvrage juſqu’au niveau du fonds du Foſſé, on
commencera
par faire faire trois mortiers differens, le premier ſera
de
ciment compoſé de bons thuilleaux bien battus, &
d’un tiers
de
la meilleure Chaux, pour remplir &
garnir les joints des pare-
mens
de graiſſerie;
le ſecond ſera auſſi compoſé d’un tiers de bonne
Chaux
, &
le reſte de ſable fin pour la Maçonnerie du parement;
ſi l’on a deux ſortes de Chaux on prendra la moindre pour le troi-
ſiéme
mortier qui ſera compoſé de petit gravier s’il y en a ſur les
lieux
pour la groſſe Maçonnerie.
On préparera auſſi trois ſortes de pierres: la premiere, pour les
ſoubaſſemens
&
les angles, doit être taillée dans ſes lits & joints,
cizelée
&
piquée proprement à la petite pointe du marteau, ſes
faces
dreſſées à la regle, &
les joints démaigris pour recevoir le mor-
tier
;
la ſeconde ſera la brique dont on ſe ſervira pour le parement,
&
la troiſiéme le moîlon pour la garniture du milieu & des con-
treforts
.
On poſera la premiere aſſiſe du parement compoſée de boutiſſes
&
de carreaux, ſi les boutiſſes ſont rares, on en mettra un tiers ſur
deux
tiers de pannereſſes, les unes &
les autres ayant leurs faces
taillées
ſuivant le talud du revêtement, &
derriere cette premiere
aſſiſe
on couvrira toute la Maçonnerie des fondemens, tant du re-
vêtement
que des contreforts, d’un lit de trois Briques d’épaiſſeur
poſées
à plat bien garnies de mortiers;
le commencement de cet
26171LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. ouvrage demande beaucoup de ſoin & de précaution, ce premier
lit
étant poſé, on en fera un autre derriere les pierres du ſoûbaſſement
qui
aura trois briques &
demi de largeur ſeulement: ſur celui-ci on
en
fera un ſecond qui ſera moins étendu d’une demi brique, ſur
ce
ſecond un troiſiéme qui ira encore en diminuant d’une demi bri-
que
, &
on continuëra de même juſqu’au cinquiéme rang qui ſe ter-
minera
à une brique &
demi, en élevant ces rangs des briques, on
a
grand ſoin de bien garnir tout le reſte de l’épaiſſeur du mur &

des
contreforts de moîlon à bain de mortier arraſé ſur tout l’étendu
de
l’ouvrage que l’on conduit toûjours de niveau de même que les
contreforts
aux angles deſquels on met les plus gros moîlons, ob-
ſervant
que la racine ſoit bien liée avec le revêtement pour que
le
tout ne faſſe qu’un corps:
quand la Maçonnerie a été élevée de
niveau
au dernier rang de briques dont nous venons de parler,
pour
lors on dit avoir fait une levée que l’on couvre de rechef d’un
rang
de trois briques d’épaiſſeur qui regne generalement ſur tout
l’ouvrage
, &
ce rang eſt nommé chaîne, parce qu’effectivement
il
enchaîne pour ainſi dire toutes les parties de l’ouvrage les unes
avec
les autres, après cela l’on recommence tout de nouveau à
faire
une levée de briques de cinq rangs de hauteur allant en di-
minuant
d’une demi brique au premier rang, &
ſe terminant à une
&
demi au cinquiéme, le derriere garni de moîlon comme l’on a
fait
pour la premiere levée, &
ainſi de ſuite.
D’un autre côté l’on continuë à conduire le parement par aſſiſes
de
boutiſſes &
de pannereſſes, les boutiſſes bien enclavées dans l’é-
paiſſeur
du mur, &
les pannereſſes ſerrées & maçonnées entre les
boutiſſes
, faiſant toûjours ſuivre à leurs faces le talud de la muraille,
tant
que le ſoûbaſſement ſoit parvenu à la hauteur qu’on jugera à
propos
de lui donner, qui eſt ordinairement de 5 ou 6 pieds plus
ou
moins ſelon la hauteur de l’ouvrage.
Le ſommet de la derniere
aſſiſe
du ſoûbaſſement doit être taillé en champ frain de deux pouces:
cette partie du parement ſe fabrique comme nous l’avons dit avec
du
mortier de ciment, de terraſſe, ou de cendrée de Tournay, ſelon
les
Pays l’on fait travailler, on en uſe de même pour tous les
autres
murs qui ſont ſujets à être environnés d’eau.
Quand le ſoûbaſſement eſt achevé on continuë à élever le reſte
du
parement qui ſe fait de briques ou de moîlon picqué, mais plus
ordinairement
de briques;
c’eſt pourquoi j’ai ſupoſé que le profil
11Planch.
8
.
repreſenté par la Figure 10.
étoit fait dans ce goût-là: il exprime
aſſés
bien la diſpoſition des aſſiſes qui compoſent le ſoûbaſſement,
les
chaînes de briques qui ſe font après chaque levée &
les cinq
26272LA SCIENCE DES INGENIEURS, rangs dont nous avons parlé, qui vont toûjours en diminuant d’une
demi
brique, ainſi comme ce deſſein aide beaucoup à faire enten-
dre
la conſtruction que je me ſuis propoſé de décrire, cela me diſ-
penſera
d’entrer dans bien de petites circonſtances qui ſe préſente-
ront
d’elles-mêmes à l’eſprit, pour peu qu’on y faſſe attention.
Si le reſte du parement au-deſſus du ſoubaſſement ſe fait de bri-
ques
, on commence par en aſſeoir un rang que l’on met à plat, &

qui
font face de leur tête:
ſur celui-ci on en met un autre à plat
qui
font face de leur longueur, &
alternativement une aſſiſe en bou-
tiſſe
, &
une autre en pannereſſe à joint recouvert, obſervant de
ſuivre
le talud qui à été reglé par le profil, &
toujours de même
juſqu’au
cordon, au contraire du derriere de la muraille qui doit
être
à plomb, auſſi-bien que les contreforts.
En conduiſant le parement, on arme les angles ſaillans de pier-
re
de taille en petit boſſage, d’un pouce &
demi de relief poſé par
aſſiſe
reglée, &
les deux faces de chaque pierre qui font parement,
ſont
taillées de façon qu’elles forment préciſement un angle égal à
celui
que doit avoir l’ouvrage, ayant attention de donner auſſi à
ces
mêmes façes, le talud que doit avoir le revêtement de la ma-
niere
qu’on le voit repreſenté dans la figure 9.
& quand on eſt
parvenu
à la hauteur qu’on veut donner au revêtement, on le ter-
mine
d’un cordon de la même pierre d’un pied de hauteur, taillée
en
demi rond, &
poſée en ſaillie d’environ cinq ou ſix pouces, ce
cordon
eſt auſſi compoſé de pannereſſes &
de boutiſſes: les pan-
nereſſes
doivent avoir au moins 24.
pouces de lit, non compris la
ſaillie
&
les boutiſſes trois pieds de queuë, le derriere bien garni
&
conduit à même hauteur, enſuite on éleve quelquefois ſur le
ſommet
de la muraille, un petit mur à plomb devant &
derriere,
auquel
on donne 4.
pieds de haut & trois dépaiſſeur, pour ſervir
de
revêtement au parapet.
Quand la pierre de taille eſt commune
on
le couronne par une tablette qui a un larmier dont la ſaillie eſt
de
3.
ou 4. pouces, ou bien on couvre toute la Maçonnerie
par
une aſſiſe de briques poſées en liaiſon alternative, moitié de
cant
, &
moitié de bout, avec leſquels on fait auſſi un larmier
qui
deborde ſeulement d’un pouce, ou d’un pouce &
demi, obſer-
vant
de donner au couronnement une pente de 4.
pouces, allant
du
derriere au devant, le tout conſtruit à petit joint, en bonne
liaiſon
bien reciré.
Quand on fait des demi revêtemens, on ſuit les mêmes choſes
qu’on
vient de voir, c’eſt-à-dire, que l’on conduit la Maçonnerie
depuis
la derniere retraite des fondemens juſqu’à la hauteur de la
26373LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. ligne de niveau, ou du rez-de-Chauſſée, le reſte de la hauteur ſe
revêtit
de gaſons ou de placages, &
on ſe conforme au cinquiéme
Article
du Profil général de Mr.
de Vauban.
A l’égard du revêtement des Contreſcarpes, & de ceux des gor-
ges
des ouvrages, la maçonnerie s’en fait avec les mêmes précau-
tions
qu’aux remparts;
ainſi, on en peut juger par la figure huitié-
me
.
Comme l’on ſe trouve ſouvent dans la neceſſité de lier de la nou-
velle
maçonnerie avec de la vieille, je m’arrêterai un moment pour
enſeigner
une pratique qu’on ne fera pas mal de ſuivre en pareil cas:
les Maçons y faiſant ordinairement ſi peu d’attention, qu’il arrive
toûjours
que leur ouvrage eſt defectueux en cet endroit-là.
Après avoir detaché une partie de la vielle maçonnerie pour ſe
donner
des amorces, il faut grater le mortier qui ſe trouve ſur la
pierre
, tant qu’il n’en paroiſſe plus que dans le fond des joints, en-
ſuite
netoyer proprement toutes les ordures, de ſorte qu’il n’y reſ-
te
pas de pouſſiere;
pour cela il faut, après s’être ſervi du balai,
avoir
de groſſes broſſes, afin que les ſoyes s’introduiſans dans les
pores
les plus imperceptibles en faſſent ſortir tout ce qui s’y trouve,
car
c’eſt ordinairement la poudre répanduë ſur la pierre, qui em-
pêche
le mortier de s’inſinuer dans ſes pores pour faire une bonne
liaiſon
:
aprés cette preparation, il faudra jetter ſur la vieille maçon-
nerie
une grande quantité d’eau, à diverſes repriſes, afin qu’elle
s’y
imbibe, &
qu’elle acquiere pour ainſi dire une vertu attrac-
tive
;
il faut avoir dans un bacquet de la bonne chaux detrempée,
deſorte
qu’elle ſoit graſſe &
glutineuſe; pluſieurs manœuvres pren-
dront
des broſſes, les tremperont dans la chaux pour l’imprimer
ſur
la maçonnerie, en frapant à petits coups, afin qu’elle penetre
dans
les joints &
les pores de la pierre juſqu’à ce qu’elle en ſoit bien
imbibée
, &
qu’on en ait mis une quantité ſufiſante pour que cette
colle
de chaux ſurmonte de 3.
à 4. lignes la ſurface de la maçonnerie,
après
quoi on apliquera deſſus du bon mortier pour maçonner comme
à
l’ordinaire, obſervant que la pierre ou la brique ſoient bien entre-
laſſées
avec les amorces, &
faſſe une bonne liaiſon; alors la chaux,
qui
ſe trouve entre la vielle &
la nouvelle maçonnerie, les unit ſi
bien
enſemble, en s’incorporant dans l’un &
dans l’autre, qu’il ſe
fait
peu de tems apres une liaiſon qui rend l’ouvrage plus indiſſo-
luble
à l’endroit de la jonction que par-tout ailleurs, comme l’expe-
rience
l’a fait voir toutes les fois qu’on en a uſé ainſi.
Voilà ce que je m’étois propoſé de direſur la maçonnerie en ge-
neral
:
je me ſuis un peu étendu ſur celle des revêtemens de fortifi-
26474LA SCIENCE DES INGENIEURS, cations, parce qu’elle apartient particulierement à mon ſujet; mais
ſi
je voulois entrer dans un ſemblable détail pour tout ce qui pour-
roit
demander une conſtruction particuliere, ſelon les differens cas
qui
peuvent ſe preſenter, je n’aurois jamais fini:
c’eſt pourquoi
je
me tiendrai à l’idée que je viens de donner, me propoſant pour-
tant
de ne pas negliger dans la ſuite les occaſions je pourrai
inſinuer
les connoiſſances que je croirai encore neceſſaires, quand il
ſera
queſtion, par exemple, des Ponts, des Voutes, des Ecluſes,
&
autres Ouvrages conſiderables, qui ont une maniere d’être fa-
briqués
, qui leur apartient eſſentiellement.
Explication de pluſieurs Tables ſervant à déterminer les Di-
menſions
de toute ſorte de Revêtement de Maçonnerie.
Depuis que j’ai compoſé le premier livre, il m’eſt venu pluſieurs
11Planch.
9
. & 10.
fois en penſée que bien des gens ne feroient pas grand uſage des
regles
que j’y ai enſeignées, pour trouver l’épaiſſeur des revêtemens,
à
cauſe de la longueur des calculs, &
des operations abſtraites, qu’il
falloit
faire, &
que le ſur moyen de contenter tout le monde étoit
de
donner des tables dans leſquelles on pût trouver les dimenſions
de
tous les profils qui peuvent s’executer, ſelon les differens taluds
que
l’on voudroit donner aux revêtemens, ſoit pour ceux qui ſou-
tiendroient
des rempars, accompagnés de leurs parapets, ou pour
les
autres, qui, n’ayant point de parapets à ſoutenir, ſerviroient aux
terraſſes
, aux quays, aux chauſſées, aux contreſcarpes, aux gorges
des
ouvrages &
c. Mais ces Tables telles que je les conçus d’abord
me
parurent d’un ſi grand travail, que j’heſitai long-tems à les entre-
prendre
;
j’en expoſai le deſſein à quelques perſonnes de mes amis,
qui
me firent entendre que de tout ce que je pouvois rapporter
dans
mon livre, rien ne ſeroit plus utile &
plus intereſſant: cela
ſufit
pour me determiner &
vaincre la repugnance que j’avois à
m’apliquer
pendant un tems conſiderable à un ouvrage auſſi ingrat:
car il faut convenir que le public n’eſt pas toûjours judicieux, ſou-
vent
il ne juge du prix des choſes que par ce qui peut plaire à l’ima-
gination
, &
tient fort peu de compte de la peine dont un Auteur
veut
bien ſeul ſe charger, quoi qu’il pourroit être en droit de la par-
tager
avec lui:
il me permettra de lui faire ce petit reproche, il
touvera
aſſez dans mon ouvrage dequoi avoir ſa ravanche.
Ayant déja raporté ſur la fin de l’Article 37. du premier Livre des
Tables
pour l’épaiſſeur des revêtemens, on penſera peut-être que
celles
dont je parle ſont à peu près de même;
cependant elles
26575LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. ſont bien differentes, car dans les premieres tous les profils ſont
aſſujettis
à un talud, qui eſt toûjours la cinquiéme partie de la hau-
teur
, &
on n’y ſuppoſe point de contreforts, au lieu que dans cel-
le-ci
l’on a une ſuite de revêtemens, depuis 10.
pieds juſqu’à 100.
qui ont non ſeulement pour talud le 5. de la hauteur, mais le 6.
le
7.
le 8. le 9. ou le 10. ſelon que l’on voudroit choiſir un profil
plûtôt
que l’autre:
d’ailleurs, tous les revêtemens ſont accompagnés
de
contreforts, dont les dimenſions ſont raportées pour telle hau-
teur
de rempart que l’on voudra, comme on en va juger par l’ex-
plication
de la 9.
& 10. planche.
La 9e. planche comprend les dimenſions de tous les revêtemens,
qui
ſoutiendroient des rempars accompagnés de leurs parapets;
mais comme l’on peut donner à ces revêtemens un talud plus ou
moins
conſiderable, cette planche contient ſept tables:
les ſix pre-
mieres
ſont compoſées chacune de deux colomnes, dont l’une dé-
termine
l’épaiſſeur qu’il faut donner au ſommet des revêtemens, &

l’autre
celle de la baſe des mêmes revêtemens, pour tous ceux qui
auroient
depuis 10.
pieds de hauteur, juſqu’à 100. Par exemple,
la
premiere table comprend les épaiſſeurs des revêtemens qui au-
roient
un 5.
de talud: la ſeconde celle des revêtemens qui n’au-
roient
pour talud que la 6.
partie de leur hauteur: enfin la 3. 4. 5.
&
6. table comprennent de ſuite les mêmes épaiſſeurs, pour les revê-
temens
qui auroient pour talud un 7.
8. 9. ou 10. de leur hauteur.
A l’égard de la 7e. table, elle comprend trois colomnes qui expri-
ment
les dimenſions des contreforts, qui doivent accompagner
tous
les revêtemens dont il eſt fait mention dans les ſix premieres
tables
;
car il eſt bon de remarquer que tous les revêtemens de
même
hauteur, ſoit qu’ils ayent pour talud un 5.
un 7. ou 10. doi-
vent
toûjours avoir des contreſorts, dont les dimenſions ſoient les
mêmes
que celles qui ſont marquées dans la 7.
table à l’allignement
qui
répond à la hauteur dont il s’agit;
d’ailleurs que ces contreforts
ſont
toûjours eſpacés de 18.
pieds, de milieu en milieu, ſans que
cela
change jamais pour quelque revêtement que ce ſoit, grand ou
petit
:
& en cela je me ſuis conformé à la maxime de Mr. de Vau-
ban
dans ſon Profil genéral, dont j’ai retenu les contreforts, parce
qu’ils
m’ont paru dans une proportion fort raiſonnable.
Cependant
je
n’ignore pas que bien des Ingenieurs aiment mieux les eſpacer
de
15.
pieds, de milieu en milieu, que de 18: je ne voi pas bien la
raiſon
de cette perference, puiſque quand le revêtement a une
épaiſſeur
ſuffiſante, &
qui met la reſiſtance au-deſſus de la pouſſée
des
terres, il n’y a point de raiſon de multiplier les contreforts
26676LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſans neceſſité. Si je les ai éloignées de 18. pieds plûtôt que de 15.
ç’a été pour empêcher qu’en augmentant les dimenſions de leurs
baſes
, à meſure que les revêtemens devenoient plus élevés, ils
ne
ſe trouvaſſent trop ſerrés:
cela n’empêche pourtant pas dans l’u-
ſage
que l’on fera dans ces tables, qu’on ne puiſſe, ſi l’on veut, ra-
procher
les contreforts les mettant à 15.
pieds, & ſuivre exactement
toutes
les autres dimenſions.
Si l’on prend ce parti qui me paroît
aſſez
inutile, le revêtement ſera encore beaucoup au-deſſus de l’é-
quilibre
malgré les égards que j’ai eu.
Pour donner l’uſage de ces tables, nous ſupoſerons qu’on veut
revêtir
les faces d’une demi lune, que le revêtement doit avoir
25
.
pieds de hauteur depuis la derniere retraite, ou ſi l’on veut
depuis
le fond du foſſé juſqu’au cordon, &
qu’on ne veut pour ta-
lud
qu’un 7.
de hauteur, on demande quelles doivent être les di-
menſions
des plans &
profils, pour que le revêtement ſoit capa-
ble
par ſa reſiſtance de ſoutenir un effort plus grand que celui de
la
pouſſée des terres du rempart &
du parapet; je cherche dans la pe-
tite
colomne qui marque la hauteur des revêtemens, le nombre
25
.
& en ſuivant le même allignement, je paſſe à la 3. table, qui
montre
qu’il faut donner 6.
pieds 1. pouce 11. lignes d’épaiſſeur,
au
ſommet du revêtement en queſtion, &
9. pieds 8. pouces 9.
lignes à la baſe, de-là en ſuivant toûjours le même allignement, je
paſſe
à la 7.
table pour voir quelles doivent être les dimenſions des
contreforts
, je trouve qu’il faut leur donner 7.
pieds de longueur
4
.
pieds 6. pouces à la racine & 3. pieds à la queuë, obſervant de
les
eſpacer de 18.
pieds de milieu en milieu; ſi au lieu d’un 7. de
talud
, on ne vouloit donner qu’un 9e.
de la hauteur, en ſuivant
toûjours
l’allignement de 25.
pieds, il faudroit prendre les dimen-
ſions
du ſommet &
de la baſe dans la 5e. colomne, & l’on trouve-
ra
7.
pieds 1. pouce 7. lignes pour l’un, & 9. pieds 10. pouces
11
.
lignes pour l’autre, & les contreforts comme ci-devant.
A l’égard des tables contenuës dans la 10e. planche, elles ſont
entierement
ſemblables aux precedentes;
la ſeule difference eſt que
les
unes repondent à des revêtemens, qui auroient un parapet à
ſoutenir
, au lieu que les autres ſervent pour les revêtemens, dont
le
ſommet ſeroit de niveau avec la ſurface de l’ouvrage dont il s’a-
git
;
par exemple, ſi l’on vouloit ſavoir quelles doivent être les di-
menſions
du revêtement d’une contreſcarpe, qui auroit 15.
pieds
de
hauteur, &
auquel on voudroit donner un 8e. de talud, je cher-
che
dans la colomne des hauteurs, le nombre 15.
& en ſuivant le
même
allignement, je paſſe à la 4e.
table je trouve qu’il faut
26777LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. donner 2. pieds 9. pouces 10. lignes au ſommet, & 4. pieds 8.
pouces 4. lignes à la baſe, de a la 7e. je remarque que les
contreforts
du même revêtement doivent avoir 5.
pieds de lon-
gueur
, 3.
pieds 6. pouces en racine, & 2. pieds 4. pouces à la queuë
toûjours
eſpacés de 18.
pieds de milieu en milieu.
On a ſupoſé généralement dans toutes ces tables, que les contre-
forts
étoient auſſi élevés que le ſommet des revêtemens, auxquels
ils
repondoient, ce qui ſe pratique toûjours, quand il s’agit de ſou-
tenir
un rempart qui eſt accompagné d’un parapet, &
lors que ce
parapet
eſt revêtu d’une petire muraille de 4.
pieds de hauteur, qu’on
éleve
au deſſus du cordon;
mais, quand il s’agit de demi revête-
ment
, ou de ſoutenir une contreſcarpe ou la gorge d’un ouvrage,
alors
le ſommet des contreforts ſe termine à un pied ou 1.
pied &
demi
plus bas que celui du revêtement, afin qu’il n’y ait que cette
partie
de la maçonnerie qui paroiſſe dehors, ainſi on pourra toûjours
avoir
égard à ce que je viens de dire, ſans aprehender que le revê-
tement
en ſoit moins ſolide, quoique la hauteur des contreforts
diminuë
de quelque choſe.
Pour calculer ces Tables j’ai ſuivi exactement ce qui a été enſei-
gné
à la fin de l’article 51.
du premier Livre au ſujet du Profil ge-
neral
de Mr.
de Vauban: c’eſt-à-dire, que j’ai regardé l’équation
y
= 2bf - {2dd/3} - {2phg - 2phd/q} + nn - n, comme une formule
generale
qui pouvoit s’apliquer à toute ſorte de revêtement dont
les
dimenſions des contreforts étoient données auſſi-bien que la hau-
teur
des revêtemens &
leur talud, & qu’il n’étoit plus queſtion que
de
trouver l’épaiſſeur du ſommet relativement à la pouſſée des terres
qu’il
falloit ſoûtenir;
ainſi je me ſuis ſervi des Tables des puiſſances
équivalantes
à la pouſſée des terres qu’on a raporté dans l’Article
37
.
& c’eſt dans cette occaſion je me ſuis apperçû combien il
étoit
commode d’avoir des expreſſions qui fuſſent équivalantes à ces
puiſſances
, puiſque ſi j’avois été obligé de les chercher à meſure que
j’en
ai beſoin, la 9e &
10e. Planche m’auroit coûté plus de qua-
tre
mois de travail continuel, comme on en peut juger par l’exem-
ple
qui eſt raporté à la fin du 51e Article.
J’ajoûterai, que j’ai toû-
jours
ſupoſé les puiſſances équivalentes à la pouſſée des terres plus
fortes
d’un 6.
qu’elles ne l’étoient effectivement, afin que les revê-
temens
fuſſent au-deſſus de l’équilibre;
& que je crois qu’il n’eſt pas
poſſible
d’aporter plus d’exactitude que j’en ai pour rendre ces
Tables
auſſi correctes qu’on le peut déſirer:
c’eſt pourquoi quand
on
trouvera l’occaſion d’en faire uſage, on peut s’en ſervir en toute
26878LA SCIENCE DES INGENIEURS, fûreté ſans qu’il ſoit beſoin de rien augmenter ni diminuer des di-
menſions
qu’on y raporte, à moins que ce ne ſoit pour éviter l’em-
barras
des petites parties:
par exemple, on pourra ſupprimer les
lignes
quoique je les aye raportées ſcrupuleuſement de même que
le
calcul les a donné:
car 4 ou 5 lignes de plus ou de moins, ni
même
deux ou trois pouces quand il s’agit de grands revêtemens,
ſont
un trop petit objet dans la pratique pour s’en mettre en peine;
cependant, il vaut mieux mettre plus que moins.
Comme la hauteur des revêtemens de toutes ces Tables aug-
mentent
toûjours de 5 pieds depuis 10 juſqu’à 100, il n’y a point
de
hauteur de rempart qu’on ne rencontre à peu près ſemblable à
celles
qui y ſont raportées;
car s’il s’agiſſoit d’un revêtement de 31
ou
32 pieds, qui ſont deux nombres qui ne ſe trouvent pas dans la
colomne
des hauteurs, on pourra prendre les dimenſions qui répon-
dent
aux revêtemens de 30 pieds, ſans qu’on ait lieu d’aprehender
qu’elles
ſoient trop foibles, puiſqu’elles mettront toujours le revê-
tement
au-deſſus de l’équilibre, à cauſe de l’augmentation que nous
avons
fait à la puiſſance agiſſante:
de même s’il s’agiſſoit d’un revê-
tement
de 33 ou 34 pieds, on pourroit prendre les dimenſions qui
apartiennent
à celui de 35, quoiqu’un peu plus fortes qu’elles ne de-
vroient
être, en un mot on prendra toûjours les dimenſions du re-
vêtement
dont la hauteur aprochera le plus de celui qu’on a deſſein
de
conſtruire.
Il eſt bon de remarquer que les dimenſions des contreforts aug-
mentant
en progreſſion d’Arithmetique, leurs baſes doivent aug-
menter
en ſuperficie dans la raiſon des quarrés de leurs côtés ho-
mologues
, &
prenant pour côté homologue la longueur de chaque
contrefort
, c’eſt-à-dire 4.
5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16.
17. 18. 19. 20. 21. 22. leurs baſes augmenteront dans le raport de
16
.
25. 36. 49. 64. 81. 100. 121. 144. 169. 196. 225. 256. 289.
324
.
361. 400. 441. 484. Or comme les derniers quarrés ſont bien
plus
grands à proportion que les premiers, il s’enſuit que les baſes
des
contreforts, par conſequent les contreforts mêmes, augmentent
beaucoup
plus à proportion que ne font les revêtemens.
Mais comme
les
contreforts ne peuvent augmenter plus qu’ils ne devroient na-
turellement
, ſans que les épaiſſeurs du ſommet &
de la baſe des re-
vêtemens
ne diminuënt, il s’enſuit que les differences des épaiſſeurs
marquées
dans les Tables, au lieu d’augmenter, doivent plûtôt di-
minuer
à meſure que les revêtemens ſont plus élevés;
c’eſt auſſi
ce
que l’on voit dans toutes les colomnes, puiſque les derniers
nombres
ſont plus petits à proportion que les premiers, ce qui m’a-
269
[Empty page]
270
TABLE pour re’gler l’epaisseur qu’il faut donner au Sommet et à la base des Revêtemens des Remparts
de
fortifications, pour ceux qui auroient depuis 10.
pieds jusqu’a 100 de hauteur, re’lativement aux dife’rens
taluds
qu’on voudroit leur donner avec les dimensions de leurs contreforts, observant que ladistance
de
ces contreforts doit être de 18.
pieds de milieu en milieu. # Lasce des Ingrs. liv III. pl. 9. pag. 78.
11Hauteur \\ des \\ Revête- \\ mens. ### Epaisseur \\ au Sommet\\ pour un 5e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 5e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 6e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 6e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 7e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 7e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 8e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 8e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pourun 9e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 9e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 10e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 10e. \\ de talud. # Longueur \\ des \\ Contreforts. # # Epaisseur \\ des contre @ \\ forts en \\ Racine. # # Epaisseur \\ des contre@ \\ forts à la \\ queüe. # Hauteur \\ des \\ Revête@ \\ mens.
pieds
# pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pieds. # pie. # pou. # pie. # pou # pieds
10
# 3. # 5. # 4. # 5. # 5. # 4. # 3. # 8. # 11. # 5. # 4. # 11. # 3. # 11. # 5. # 5. # 4. # 6. # 4. # 1. # 3. # 5. # 4. # 3. # 4. # 2. # 9. # 5. # 4. # 1. # 4. # 4. # 3. # 5. # 4. # 0. # 4. # 3. # 0. # 2. # 0. # 10
15
# 4. # 1. # 4. # 7. # 1. # 4. # 4. # 6. # 9. # 7. # 0. # 9. # 4. # 10. # 8. # 7. # 0. # 4. # 5. # 1. # 8. # 7. # 0. # 2. # 5. # 3. # 1. # 6. # 11. # 1. # 5. # 3. # 1. # 6. # 9. # 1. # 5. # 3. # 6. # 2. # 4. # 15
20
# 4. # 8. # 8. # 8. # 8. # 8. # 5. # 3. # 9. # 8. # 7. # 9. # 5. # 9. # 4. # 8. # 7. # 7. # 6. # 0. # 8. # 8. # 6. # 8. # 6. # 3. # 11. # 8. # 6. # 7. # 6. # 6. # 5. # 8. # 6. # 5. # 6. # 4. # 0. # 2. # 8. # 20
25
# 5. # 2. # 0. # 10. # 2. # 0. # 5. # 10. # 7. # 10. # 0. # 7. # 6. # 1. # 11. # 9. # 8. # 9. # 6. # 9. # 11. # 9. # 11. # 5. # 7. # 1. # 7. # 9. # 10. # 11. # 7. # 4. # 8. # 9. # 10. # 8. # 7. # 4. # 6. # 3. # 0. # 25
30
# 5. # 5. # 9. # 11. # 5. # 9. # 6. # 5. # 3. # 11. # 5. # 3. # 6. # 9. # 11. # 11. # 1. # 4. # 7. # 6. # 4. # 11. # 3. # 4. # 7. # 8. # 9. # 11. # 0. # 9. # 8. # 0. # 6. # 11. # 0. # 6. # 8. # 5. # 0. # 3. # 4. # 30
35
# 5. # 8. # 3. # 12. # 8. # 3. # 6. # 8. # 4. # 12. # 6. # 4. # 7. # 4. # 11. # 12. # 4. # 11. # 7. # 11. # 9. # 12. # 4. # 3. # 8. # 5. # 0. # 12. # 3. # 8. # 8. # 9. # 4. # 12. # 3. # 4. # 9. # 5. # 6. # 3. # 8. # 35
40
# 5. # 10. # 7. # 13. # 10. # 7. # 7. # 0. # 9. # 13. # 8. # 9. # 7. # 8. # 4. # 13. # 4. # 10. # 8. # 2. # 9. # 13. # 2. # 9. # 8. # 11. # 10. # 13. # 5. # 2. # 9. # 4. # 8. # 13. # 4. # 8. # 10. # 6. # 0 # 4. # 0. # 40
45
# 6. # 0. # 6. # 15. # 0. # 6. # 7. # 3. # 0. # 14. # 9. # 0. # 8. # 3. # 0. # 14. # 8. # 1. # 8. # 11. # 7. # 14. # 7. # 1. # 9. # 6. # 3. # 14. # 6. # 3. # 9. # 11. # 3. # 14. # 5. # 9. # 11. # 6. # 6. # 4. # 4. # 45
50
# 6. # 1. # 8. # 16. # 1. # 8. # 7. # 6. # 9. # 15. # 10. # 9. # 8. # 7. # 5. # 15. # 9. # 1. # 9. # 4. # 8. # 15. # 7. # 8. # 10. # 0. # 5. # 15. # 7. # 1. # 10. # 6. # 3. # 15. # 6. # 3. # 12. # 7. # 0. # 4. # 8. # 50
55
# 6. # 2. # 9. # 17. # 2. # 9. # 7. # 10. # 2. # 17. # 0. # 2. # 8. # 11. # 0. # 16. # 9. # 3. # 9. # 9. # 5. # 16. # 7. # 11. # 10. # 5. # 8. # 16. # 7. # 0. # 11. # 0. # 3. # 16. # 6. # 3. # 13. # 7. # 6. # 5. # 0. # 55
60
# 6. # 3. # 4. # 18. # 3. # 4. # 8. # 0. # 3. # 18. # 0. # 3. # 9. # 2. # 6. # 17. # 9. # 4. # 10. # 1. # 10. # 17. # 7. # 10. # 10. # 10. # 10. # 17. # 6. # 10. # 11. # 6. # 1. # 17. # 6. # 1. # 14. # 8. # 0. # 5. # 4. # 60
65
# 6. # 4. # 6. # 19. # 4. # 6. # 8. # 3. # 9. # 19. # 1. # 9. # 9. # 6. # 4. # 18. # 9. # 7. # 10. # 7. # 7. # 18. # 9. # 1. # 11. # 3. # 4. # 18. # 6. # 0. # 12. # 1. # 2. # 18. # 7. # 2. # 15. # 8. # 6. # 5. # 8. # 65
70
# 6. # 5. # 7. # 20. # 5. # 7. # 8. # 6. # 0. # 20. # 2. # 0. # 9. # 9. # 3. # 19. # 9. # 3. # 10. # 9. # 3. # 19. # 6. # 3. # 11. # 6. # 6. # 19. # 3. # 10. # 12. # 5. # 2. # 19. # 5. # 2. # 16. # 9. # 0. # 6. # 0. # 70
75
# 6. # 6. # 6. # 21. # 6. # 6. # 8. # 7. # 9. # 21. # 1. # 9. # 9. # 10. # 9. # 20. # 7. # 3. # 11. # 1. # 6. # 20. # 6. # 0. # 11. # 10. # 8. # 20. # 2. # 8. # 12. # 8. # 8. # 20. # 2. # 8. # 17. # 9. # 6. # 6. # 4. # 75
80
# 6. # 7. # 4. # 22. # 7. # 4. # 8. # 8. # 3. # 22. # 0. # 3. # 10. # 0. # 3. # 21. # 5. # 4. # 11. # 3. # 3. # 21. # 3. # 3. # 12. # 1. # 5. # 21. # 0. # 1. # 13. # 0. # 9. # 21. # 0. # 9. # 18. # 10. # 0. # 6. # 8. # 80
85
# 6. # 8. # 2. # 23. # 8. # 2. # 8. # 9. # 6. # 22. # 11. # 0. # 10. # 2. # 5. # 22. # 4. # 1. # 11. # 5. # 3. # 22. # 0. # 9. # 12. # 3. # 7. # 21. # 8. # 11. # 13. # 4. # 11. # 21. # 10. # 11. # 19. # 10. # 6. # 7. # 0. # 85
90
# 6. # 9. # 6. # 24. # 9. # 6. # 8. # 10. # 3. # 23. # 10. # 4. # 10. # 3. # 11. # 23. # 2. # 2. # 11. # 7. # 9. # 22. # 10. # 9. # 12. # 5. # 4. # 22. # 5. # 4. # 13. # 7. # 9. # 22. # 7. # 9. # 20. # 11. # 0. # 7. # 4. # 90
95
# 6. # 11. # 6. # 25. # 11. # 6. # 8. # 11. # 0. # 24. # 9. # 0. # 10. # 4. # 9. # 23. # 11. # 7. # 11. # 8. # 4. # 23. # 6. # 11. # 12. # 7. # 4. # 23. # 2. # 0. # 13. # 9. # 7. # 23. # 3. # 7. # 21. # 11. # 6. # 7. # 8. # 95
100
# 7. # 0. # 0. # 27. # 0. # 0. # 9. # 0. # 0. # 25. # 8. # 0. # 10. # 6. # 0. # 24. # 9. # 5. # 11. # 9. # 2. # 24. # 3. # 2. # 12. # 9. # 0. # 23. # 10. # 4. # 14. # 0. # 6. # 24. # 0. # 6. # 22. # 12. # 0. # 8. # 0. # 100
271
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272
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273
TABLE pour re’gler l’épaisseur qu’il faut donner au Sommet et à la base des Revêtemens qui ne soutiennent point de
Parapets
, tels que sont ceux des terrasses, des quais, des contrescarpes et Gorges des ouvrages qui auroient depuis 10.
pieds
jusqu’a
100.
de hauteur re’lativement aux diffe’rens taluds qu’on voudroit leur donner, avec les dimensions des contreforts,
observant
que la distance de ces Contreforts doitêtre de 18.
pieds de milieu en milieu. # Lasce. des Ingrs. liv. III. pl. 10. pag. 78.
11hauteur \\ des \\ Revete \\ mens. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 5e, \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 5e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 6e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ surla base \\ pour un 6e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 7e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ surla base \\ pour un 7e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 8e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 8e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 9e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ sur la base \\ pour un 9e \\ de talud. ### Epaisseur \\ au Sommet \\ pour un 10e. \\ de talud. ### Epaisseur \\ surla base \\ pour un 10e. \\ de talud. # Longueur \\ des \\ Contreforts. # # Epaisseur \\ des Contre- \\ forts en \\ Racine. # # Epaisseur \\ des Contre@ \\ forts á la \\ queüe # hauteur \\ des \\ Revête- \\ mens
pieds
. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pi. # po. # lig. # pieds. # pi. # po. # pi. # po. # pieds.
10
. # 1. # 3. # 0. # 3. # 3. # 0. # 1. # 6. # 5. # 3. # 2. # 5. # 1. # 8. # 11. # 3. # 2. # 0. # 1. # 10. # 8. # 3. # 1. # 8. # 2. # 0. # 1. # 3. # 1. # 5. # 2. # 1. # 4. # 3. # 1. # 4. # 4. # 3. # 0. # 2. # 0. # 10
15
. # 1. # 10. # 2. # 4. # 10. # 2. # 2. # 3. # 2. # 4. # 9. # 2. # 2. # 7. # 0. # 4. # 8. # 8. # 2. # 9. # 10. # 4. # 8. # 4 # 3. # 0. # 0. # 4. # 8. # 0. # 3. # 1. # 8. # 4. # 7. # 8. # 5. # 3. # 6. # 2. # 4. # 15.
20
. # 2. # 4. # 5. # 6. # 4. # 5. # 2. # 11. # 2. # 6. # 3. # 2. # 3. # 4. # 10. # 6. # 3. # 1. # 3. # 7. # 10. # 6. # 1. # 10. # 3. # 10. # 10. # 6. # 1. # 6. # 4. # 1. # 8. # 6. # 0. # 8. # 6. # 4. # 0. # 2. # 8. # 20.
25
. # 2. # 10. # 8. # 7. # 10. # 8. # 3. # 6. # 2. # 7. # 8. # 2. # 4. # 0. # 3. # 7. # 7. # 1. # 4. # 5. # 1. # 7. # 6. # 7. # 4. # 8. # 9. # 7. # 6. # 1. # 4. # 11. # 7. # 7. # 5. # 7. # 7. # 4. # 6. # 3. # 0. # 25.
30
. # 3. # 3. # 6. # 9. # 3. # 6. # 4. # 3. # 5. # 9. # 3. # 5. # 4. # 8. # 3. # 8. # 11. # 8. # 5. # 3. # 7. # 8. # 11. # 7. # 5. # 6. # 9. # 8. # 10. # 9. # 5. # 10. # 7. # 8. # 10. # 7. # 8. # 5. # 0. # 3. # 4. # 30.
35
. # 3. # 8. # 0. # 10. # 8. # 0. # 4. # 4. # 7. # 10. # 5. # 7. # 5. # 4. # 2. # 10. # 4. # 2. # 5. # 10. # 10. # 10. # 3. # 4. # 6. # 3. # 11. # 10. # 2. # 7. # 6. # 8. # 8. # 10. # 1. # 6. # 9. # 5. # 6. # 3. # 8. # 35.
40
. # 4. # 0. # 0. # 12. # 0. # 0. # 5. # 1. # 3. # 11. # 9. # 3. # 5. # 11. # 3. # 11. # 7. # 9. # 6. # 6. # 7. # 11. # 6. # 7. # 7. # 0. # 5. # 11. # 5. # 11. # 7. # 5. # 3. # 11. # 5. # 3. # 10. # 6. # 0. # 4. # 0. # 40.
45
. # 4. # 3. # 3. # 13. # 3. # 3. # 5. # 6. # 6. # 13. # 0. # 6. # 6. # 5. # 4. # 12. # 10. # 5. # 7. # 1. # 9. # 12. # 9. # 3. # 7. # 8. # 5. # 12. # 8. # 5. # 8. # 1. # 11. # 12. # 7. # 11. # 11. # 6. # 6. # 4. # 4. # 45.
50
. # 4. # 6. # 1. # 14. # 6. # 1. # 5. # 10. # 9. # 14. # 2. # 9. # 6. # 11. # 3. # 14. # 0. # 11. # 7. # 8. # 4. # 13. # 11. # 4. # 8. # 4. # 1. # 13. # 10. # 9. # 8. # 9. # 6. # 13. # 9. # 6. # 12. # 7. # 0. # 4. # 8. # 50.
55
. # 4. # 8. # 4. # 15. # 8. # 4. # 6. # 2. # 9. # 15. # 4. # 9. # 7. # 4. # 2. # 15. # 2. # 5. # 8. # 2. # 4. # 15. # 0. # 10. # 8. # 11. # 7. # 14. # 11. # 11. # 9. # 5. # 2. # 14. # 11. # 2. # 13. # 7. # 6. # 5. # 0. # 55.
60
. # 4. # 10. # 2. # 16. # 10. # 2. # 6. # 6. # 11. # 16. # 9. # 11. # 7. # 9. # 1. # 16. # 3. # 11. # 8. # 8. # 1. # 16. # 2. # 1. # 9. # 5. # 0. # 16. # 1. # 0. # 10. # 0. # 4. # 16. # 0. # 4. # 14. # 8. # 0. # 5. # 4. # 60.
65
. # 4. # 11. # 9. # 17. # 11. # 9. # 6. # 9. # 11. # 17. # 7. # 11. # 8. # 1. # 9. # 17. # 4. # 2. # 9. # 1. # 10. # 17. # 3. # 4. # 9. # 10. # 8. # 17. # 1. # 4. # 10. # 6. # 5. # 17. # 0. # 5. # 15. # 8. # 6. # 5. # 8. # 65.
70
. # 5. # 1. # 9. # 19. # 1. # 9. # 7. # 9. # 6. # 18. # 9. # 6. # 8. # 4. # 5. # 18. # 4. # 5. # 9. # 5. # 6. # 18. # 2. # 6. # 10. # 4. # 8. # 18. # 2. # 0. # 11. # 0. # 4. # 17. # 11. # 4. # 16. # 9. # 0. # 6. # 0. # 70.
75
. # 5. # 2. # 2. # 20. # 2. # 2. # 7. # 3. # 9. # 19. # 9. # 9. # 8. # 7. # 6. # 19. # 4. # 0. # 9. # 8. # 7. # 19. # 1. # 1. # 10. # 8. # 0. # 19. # 0. # 0. # 11. # 6. # 0. # 18. # 11. # 11. # 17. # 9. # 6. # 6. # 4. # 75.
80
. # 5. # 3. # 4. # 21. # 3. # 4. # 7. # 5. # 5. # 20. # 9. # 5. # 8. # 10. # 1. # 20. # 3. # 2. # 9. # 11. # 0. # 19. # 11. # 6. # 10. # 11. # 6. # 19. # 10. # 2. # 11. # 11. # 4. # 19. # 10. # 0. # 18. # 10. # 0. # 6. # 8. # 80.
85
. # 5. # 4. # 7. # 22. # 4. # 7. # 7. # 6. # 9. # 21. # 8. # 9. # 8. # 11. # 6. # 21. # 0. # 2. # 10. # 1. # 6. # 20. # 9. # 0. # 11. # 2. # 0. # 20. # 7. # 4. # 12. # 4. # 0. # 20. # 5. # 0. # 19. # 10. # 6. # 7. # 0. # 85.
90
. # 5. # 5. # 6. # 23. # 5. # 6. # 7. # 7. # 4. # 22. # 7. # 4. # 9. # 1. # 8. # 21. # 11. # 11. # 10. # 3. # 8. # 21. # 8. # 8. # 11. # 4. # 10. # 21. # 4. # 10. # 12. # 7. # 6. # 21. # 4. # 6. # 20. # 11. # 0. # 7. # 4. # 90.
95
. # 5. # 5. # 9. # 24. # 5. # 9. # 7. # 8. # 6. # 23. # 6. # 6. # 9. # 3. # 6. # 22. # 10. # 4. # 10. # 5. # 4. # 22. # 3. # 10. # 11. # 6. # 4. # 22. # 1. # 0. # 12. # 10. # 2. # 22. # 0. # 2. # 21. # 11. # 6. # 7. # 8. # 95.
100
. # 5. # 6. # 6. # 25. # 6. # 6. # 7. # 9. # 7. # 24. # 5. # 7. # 9. # 4. # 9. # 23. # 8. # 2. # 10. # 7. # 0. # 23. # 1. # 0. # 11. # 8. # 0. # 22. # 9. # 4. # 13. # 0. # 9. # 22. # 8. # 9. # 22. # 12. # 0. # 8. # 0. # 100.
274
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27579LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX.
voit d’abord intrigué: mais après en avoir aperçu la raiſon, j’aire- gardé ce changement comme une preuve de la juſteſſe du principe, plûtôt que de la part des fautes qui auroient ſe gliſſer dans les calculs; voilà l’avantage des Mathematiques, qui eſt de voir toû- jours clair à ce que l’on fait.
CHAPITRE ONZIE’ME.
De la conſtruction des Souterrains, & comme l’on aplique
ſur
leurs Voûtes les Chapes de Ciment.
L’On entend par ſouterrain, tous les lieux voutés qui ſe prati-
quent
ſous les rempars d’une place, comme les poternes qui
ſervent
à communiquer dans les ouvrages detachés, les Magaſins
que
l’on peut placer dans les tours, les lieux que l’on fait à l’épreu-
ve
de la bombe, pour ſervir de refuge en tems de ſiége.
Les ſouterrains ſont d’un grand ſecours dans les petites Forte-
reſſes
, Citadelles, Forts, &
Châteaux, il n’ya pas d’endroit qui
ne
ſoit expoſé à être detruit en très peu de tems;
au lieu que dans
les
grandes places, on a toûjours quelque quartier éloigné des
attaques
;
l’on peut mettre les munitions de guerre, de bou-
che
, &
même les malades & bleſſés.
Mais avant de parler de la diſtribution des ſouterrains, il eſt à pro-
pos
de dire quelque choſe ſur la maniere de les conſtruire, car il
ne
ſuffit pas de les rendre à l’épreuve de la bombe, il faut les met-
tre
auſſi à l’abri des injures du tems, &
le plus qu’il eſt poſſible
de
l’humidité:
pour cela, l’on aplique ſur leurs voutes des chapes
de
ciment, dont voici la fabrique.
Le ciment à cet uſage ſe’fait ordinairement avec de la cendrée
de
Tournai, battuë &
preparée tous les quatre ou cinq jours une
fois
pendant ſix ſemaines, obſervant de n’y mettre de l’eau que
la
premiere fois;
ou bien l’on prend un tiers de bonne chaux vive
ſur
deux tiers de terraſſe de Hollande, que l’on bat &
prepare de
même
;
& au lieu de terraſſe de Hollande, on met, ſi l’on veut, les
deux
tiers de pozzolane ou de vieux tuilleauxbien cuits, reduits en
farine
, repaſſés au tamis de Boulanger;
mais ſoit qu’on ſe ſerve de
l’un
ou de l’autre de ces cimens, il faut les bien reduire en farine
avec
un moulin à bras, enſuite battre enſemble les deux matie-
res
qui le compoſent, &
les mêler un long eſpace de tems dans
27680LA SCIENCE DES INGENIEURS, des petits bacquets de planche faits exprès; ce mélange doit ſe fai-
re
à pluſieurs repriſes, ſans y mettre de l’eau que la premiere
fois
.
Avant d’apliquer le ciment ſur les voutes, il eſt neceſſaire que
la
maçonnerie ſoit bien achevée, &
qu’elle ait eu au moins cinq
ou
ſix mois de tems pour ſecher &
prendre ſes affaiſſemens, l’on en
grate
&
foüille les joints avec un petit crochet de fer, après quoi
on
nétoye bien le deſſus, que l’on arroſe en y jettant de l’eau avec
un
arroſoir, puis l’on aplique le ciment tout fraichement demêlé,
de
l’épaiſſeur d’un pouce &
demi, qu’on étend bien également, on
le
bat de long &
de large, avec de petites battes de deux pouces
de
largeur ſeulement, pour mieux preſſer le ciment dans les joints,
enſuite
avec des fers polis, comme ceux dont on ſe ſert pour re-
paſſer
le linge, &
retrouſſés par les bouts en adouciſſant, l’on rend
la
premiere couche unie juſqu’à ce qu’elle commence à s’affermir,
on
broüille tous les jours pendant un tems ſa ſuperficie, avec un
torchon
de drap, gros comme la tête, emmenché au bout d’un bâ-
ton
, &
trempé dans un ſeau de ciment delayé, on paſſe auſſi-tôt le
liſſoir
deſſus, après cela on couvre tout le couchi avec des paillaſſons,
juſqu’au
lendemain, afin que les chaleurs ne le faſſent point gerſer,
l’on
repete cette manœuvre, c’eſt-à-dire, l’on broüille, on liſſe,
&
on recouvre, tant qu’on s’aperçoive qu’il n’y a plus de gerſure
dans
la ſuperficie;
cela fait on broüille encore pendant cinq ou ſix
jours
de ſuite ſans liſſer, ni paillaſſonner.
En appliquant les chapes de ciment, on aura ſoin ſur toute cho-
ſe
de les rendre bien unies, &
de terminer le ſommet des voutes
en
dos d’âne, avec des pentes dirigées comme celle des toits;
en
conſtruiſant
la voute, l’on fera enſorte qu’elle ſoit également cein-
trée
, &
bandée ſur le ceintre, ne ſe ſervant que de mortier choi-
ſi
, &
que la pierre qu’on mettra en œuvre ſoit bien apareillée: ſi
au
lieu de pierre l’on employe de la brique, on choiſira la mieux
cuite
, dont on fera quatre ou cinq voutes repetées l’une ſur l’au-
tre
, &
chacune d’elles bandée, & bien fichée de coins ſous les clefs
ſeparément
, &
lors qu’on apliquera les chapes de ciment, l’on pren-
dra
bien garde qu’elles couvrent toutes les parties de la maçonne-
rie
, de façon qu’aucune pierre ne ſe montre au travers, on cou-
vre
enſuite la chape de ciment, d’un lit de gros ſable ou gravier,
de
quatre à cinq pouces d’épais, qu’on étend également par tout;
ſur celui-ci on en met un autre de terre, d’un pied & demi bien
battu
, &
on continue demême de lit enlit, juſqu’au parfait terraſſe-
ment
:
c’eſt ainſi qu’on en a uſé pour couvrir les voutes des tours
27781LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUK. baſtionnées du neuf Briſack, comme on le verra dans le 6e. Livre.
Autrefois, quand on faiſoit des Voûtes de Briques, on les com-
poſoit
comme je le viens de dire de pluſieurs Voûtes l’une ſur l’au-
tre
qui avoient chacune une brique d’épaiſſeur, ſans faire enſemble
aucune
liaiſon;
mais on a reconnu depuis que cette pratique ne va-
loit
rien, qu’il convenoit beaucoup mieux de les faire en liaiſon al-
ternative
depuis l’intrados juſqu’à l’extrados, ſans aucune interrup-
tion
, ayant beaucoup plus de force pour réſiſter au choc des Bom-
bes
.
L’inconvenient des Voûtes repetées l’une ſur l’autre, c’eſt que
s’il
ſe fait quelque écorchement à la premiere, auſſi-tôt qu’il vient
à
ſe détacher deux ou trois briques, toutes les autres ſe ſéparent
de
ſuite;
ce qui rend les réparations très difficiles, parce qu’on ne
trouve
point d’amorce pour lier la nouvelle Maçonnerie avec la
vieille
:
l’on a même pluſieurs fois la premiere Voûte ſoufler &
ſe
détacher entierement de la ſeconde, peu de tems après la conſ-
truction
de l’ouvrage.
A l’occaſion des ſouterrains, je raporterai ici ce qui a été ob-
ſervé
dans la conſtruction de la fameuſe Orangerie de Verſailles,
afin
qu’en pareil cas, on puiſſe, ſi on le juge à propos, ſuivre ce
que
l’on a fait pour mettre cet édifice à l’abri des injures du tems.
Auſſi-tôt que la voute fut formée, on netoya proprement le
deſſus
des reins, au bas deſquels on commença un lit de pierre
ou
de moilon à ſec de 18.
pouces de hauteur, avec de la pouſ-
ſiere
de chaux, entre leurs joints, enſuite on a mis au deſſus un lit
auſſi
de pouſſiere de chaux, de 4.
pouces d’épaiſſeur, & ſur celui-
ci
on en fit un troiſiéme de cailloux de vignes, &
de galets bien la-
vés
, de 12.
pouces d’épaiſſeur, ſur lequel on en mit derechef un
quatriéme
de pouſſiere de chaux, toûjours de 4.
pouces, & par
deſſus
un cinquiéme de galets, &
ainſi juſqu’au niveau du ſommet
de
la voute, ſur laquelle on a poſé un dernier lit de galets, de 12.
pouces, recouvert d’une couche de mortier, qui occupe tout l’eſ-
pace
de deſſus, juſqu’au delà même des pieds droits;
l’on s’eſt ſi
bien
trouvé de cette fabrique, que, quoique le deſſus de cette Oran-
gerie
ne ſoit qu’une terraſſe, il n’eſt arrivé aucun dommage à
la
voute.
On ſuit encore une pratique qui differe un peu de la précédente:
c’eſt qu’après avoir mis ſur la voute un lit de pierre ſeche, dont les
joints
ſont remplis de pouſiere de chaux, &
en avoir repandu par
deſſus
environ quatre pouces d’épaiſſeur, on met un lit de terre
glaiſe
, de 12.
pouces bien battuë, qu’on couvre d’un autre lit de
galets
auſſi de 12.
pouces, entremêlés de pouſſiere de chaux, ſur
27882LA SCIENCE DES INGENIEURS, lequel on en met un dernier de mortier, de trois à quatre pouces
d’épaiſſeur
, pour recevoir les terres.
Les voutes des ſouterrains, pour être à l’épreuve de la bombe,
doivent
avoir au moins trois pieds d’épaiſſeur, recouvertes par cinq
ou
ſix pieds de terre;
quant à la figure qu’elles doivent avoir, cel-
le
à plein ceintre eſt la meilleure pour les raiſons raportées dans le
ſecond
Livre.
Les ſouterrains ſe placent ordinairement ſous le terre-plain des
Baſtions
, parce que on peut leur donner plus d’étenduë que ſous
la
courtine, qui n’a point tant de largeur;
mais, en quelque en-
droit
qu’on veuille les placer, il faut faire enſorte d’en tirer toutes
les
commodités poſſibles, afin qu’ils puiſſent ſervir à pluſieurs uſa-
ges
, par exemple, on peut y faire des fours, des citernes, &
des
cheminées
, pour ſen ſervir au beſoin.
Si l’on jette les yeux ſur la figure 6e. de la planche 11e. l’on ver-
11Planch.
11
.
ra des ſouterrains, qui ſont pratiqués ſous un cavalier, qui occu-
pent
le terre-plain d’un Baſtion, l’on remarquera que leur diſtribu-
tion
eſt diſpoſée de maniere, qu’on peut y faire des boulangeries,
pour
cuire le pain de la garniſon, des cuiſines, des celliers, enfin
tous
autres lieux propres à mettre à couvert des munitions.
La figure 5e. eſt un profil coupé ſur la largeur des ſouterrains,
qui
fait voir la diſpoſition des chapes de ciment ſur les voutes, &

comme
les tuyaux des cheminées paſſent dans le parapet du cava-
lier
, pour ne ponit incommoder le ſervice du canon.
Par la figu-
re
4e.
l’on verra le profil des mêmes ſouterrains, coupé ſur la ca-
pitale
du Baſtion, l’on remarquera qu’on a menagé des portes
au
ſouterrain du milieu, pour communiquer dans les deux autres
voiſins
.
Quand les chapes de ciment ſont apliquées ſur des voutes, au
deſſus
deſquelles il y a des plateformes, il faut au lieu de terminer
la
chape à l’extremité des pentes, la retrouſſer contre la muraille,
afin
que les eaux de pluye ne puiſſent point s’introduire ſur la
voute
;
pour leur donner un écoulement, on fera une rigole, qui,
regnant
tout autour de la plateforme, conduira les eaux dans des
gargoüilles
, qui les porteront dans le foſſé.
Pour garantir les pieds droits des voutes des ſouterrains, des eaux
qui
filtrent dans les terres, il faut leur adoſſer un petit mur de pier-
res
ſeches, de deux pieds d’épaiſſeur, c’eſt-à-dire, arragées à la
main
ſans mortier, les joints remplis de gravier;
ces murs doivent
être
élevés juſqu’à deux pieds au-deſſous des pentes de la voute,
afin
de remplir cet intervalle de bonne maçonnerie, à chaux &
à
279
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280 20[Figure 20]
281
[Empty page]
28283LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. ſable, bien recouverte par le prolognement de la chape de ciment,
qui
regnant ſur toute l’épaiſſeur de ces petits murs, mettra les
pieds
droits à l’abri de la tranſpiration, &
de l’humidité: pour bien
faire
il faut fonder ces pierrées deux pieds plus bas que l’aire des
ſouterrains
, afin d’y pratiquer des conduits, dans le milieu de la
fondation
, pour l’égout des eaux.
Il me reſte à parler des Poternes, ſur leſquelles il n’y a pas grand
choſe
à dire, parce que leur conſtruction eſt la même que celle
des
autres ſouterrains;
on les place dans le milieu des courtines,
quelquefois
derriere les orillons, pour communiquer dans la tenail-
le
, ou dans le foſſé quand il eſt à ſec;
mais plus ordinairement dans
le
milieu des courtines, pour aller droit à la demi-lune.
Si l’on
conſidere
les figures premiere, ſeconde, &
troiſiéme, l’on verra qu’el-
les
repreſentent les plans &
profils d’une poterne, que je ne m’arre-
terai
point à détailler, parce qu’il en ſera fait mention dansle 6e.
Li-
vre
:
on remarquera ſeulement que dans le tems qu’on les conſ-
truit
, il eſt à propos de faire au deſſous de leur rez-de-Chauſſée,
un
petit acqueduc pour ſervir d’égout aux eaux des ruës, &
les
conduire
dans le foſſé.
J’ai penſé pluſieurs fois, à l’occaſion des poternes, qu’on pou-
voit
, à droit &
à gauche du paſſage, pratiquer ſous la courtine
deux
petits magaſins, qui ſeroient d’une grande utilité en tems de
ſiége
, pour ſervir d’entrepots aux munitions qu’on voudroit avoir à
portée
des ouvrages detachés, &
à pluſieurs autres uſages, dont
ceux
qui ſe ſont trouvés dans des places aſſiegées, ſentiront aſſés la
conſequence
:
ſi l’on jette les yeux ſur la figure 7e. l’on verra aſſez
clairement
quel eſt mon deſſein, ſans qu’il ſoit beſoin d’une plus
longue
explication:
je dirai ſeulement que la poterne qu’elle re-
preſente
eſt ſupoſée en rempe, ſans aucun degré.
J’aurois raporter encore pluſieurs autres diſtributions de ſou-
terrains
, car la plûpart de nos places nous en fourniſſent d’aſſés
magnifiques
, pour ne pas manquer de bons modeles:
mais comme
l’application
qu’on en fait depend des lieux, de la diſpoſition des ou-
vrages
, &
de quantité de circonſtances que la ſeule neceſſité fait
bien
diriger;
j’ai crû devoir m’en tenir à l’idée que je viens de
donner
, qui ſuffira à de jeunes Ingenieurs, pour les mettre en état
d’executer
les projets de ces ſortes d’ouvrages, pour peu qu’ils
ſoient
aidés par les devis, plans, profils, &
inſtructions particulie-
res
, que les chefs ont coûtume de leur donner en pareil cas.
28384LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE DOUZIE’ME.
De
la maniere de conſtruire les Ouvrages de Terraſſes.
AMeſure que l’on éleve le revêtement d’un ouvrage, l’on fait
le
remblais des terres pour former le rempart.
On commence
par
égaliſer le fond du terrain qui répond à la derniere retraite du
côté
de la place, en lui donnant une pente d’environ trois pouces
par
toiſe du devant au derriere, afin de ſoulager le revêtement;
car
nous
ſupoſons que cet eſpace eſt bien deblayé, &
n’eſt pas occupé
par
les terres qu’on a tirées du foſſé pour former les remparts, c’eſt
ce
qui nous a fait dire dans le 8e.
Chapitre qu’il falloit les porter
à
8 ou 10 toiſes au-delà de l’allignement interieur de la muraille,
afin
qu’on ne ſoit pas obligé de les rejetter plus loin, mais placées
de
façon que les travailleurs, les ayant ſous la main pour faire les
remblais
, l’on poſe un lit de faſcinage, dont le gros bout eſt du côté
de
la muraille, les brins eſpacés de 4 à 5 pouces les uns des autres:
les faſcines doivent avoir au moins 12 pieds de longueur, & 3 ou 4
pouces
de circonference par le gros bout, on les recouvre d’un
lit
de terre d’environ 8 pouces de hauteur que l’on bat à la Dame
tant
qu’il ſoit réduit à ſix;
on répete un ſecond & un troiſiéme lit
de
terre toûjours de 8 pouces bien batus &
chacun réduit à ſix pou-
ces
.
S’il ſerencontre des pierres qui empêchent qu’on ne puiſſe bat-
tre
également par-tout, on les ôte pour les mettre de côté, enſuite
on
étend ſur ce troiſiéme tas un ſecond lit de faſcinage diſpoſé com-
me
le premier, que l’on couvre encore de trois autres tas de terre
de
8 pouces, chacun batus ſéparement &
réduits à 6 que l’on re-
couvre
encore d’un lit de faſcinage, ainſi de ſuite alternativement
trois
tas de terres, &
un lit de faſcinage juſqu’à la hauteur du terre-
plain
du rempart auquel on donne une pente d’un pied &
demi de-
puis
la banquette juſqu’au talud interieur, en obſervant d’en faire
la
ſurface d’une terre bien épierrée &
battuë ſi uniment que les eaux
de
pluye coulent ſans difficulté;
après quoi on éleve le parapet qui
ſe
conſtruit de même que le rempart;
mais avec un peu plus de
précaution
:
car ſi les terres dont on veut ſe ſervir ſont pierreuſes,
on
les paſſe à la claye, ou bien on en choiſit de douce, &
de celle
qui
convient le mieux.
O’eſt ainſi qu’on a coûtume de travailler les ouvrages de terraſſe
28485LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. en les mêlant avec des lits de faſcinage que je ne voudrois pourtant
employer
qu’à la derniere extrêmité quand on a des terres boüeu-
ſes
ou ſabloneuſes qui n’ont point de cervelle, encore ne devroit-
on
s’en ſervir que lorſqu’on fait des ouvrages qui ne ſont revêtus
que
de gaſons;
car pour ceux qui ſont ſoûtenus par une bonne mu-
raille
, je croi qu’avec un peu de précaution on pourroit s’en paſſer:
leur deffaut eſt qu’étant nouvellement poſées elles empêchent par
leur
reſſort qu’on puiſſe battre les terres auſſi ſolidement qu’on le
feroit
s’il n’y en avoit point, &
que venant à ſe pourrir au bout d’un
certain
tems elles laiſſent beaucoup de vuide, ce qui fait que les
terres
s’affaiſſent tout denouveau &
ſe réduiſent à unehauteur beau-
coup
au-deſſous de celle qui avoit été reglée par les profils.
Pour ſe paſſer de faſcines dans la conſtruction des Ouvrages re-
vêtus
, je voudrois que les remblais ſuiviſſent exactement le progrés
de
la Maçonnerie, s’il s’agit d’un ouvrage qui ait pluſieurs côtés,
après
avoir élevé la Maçonnerie d’une face de Baſtion, par exem-
ple
à une certaine hauteur qui ſera ſi l’on veut de deux pieds, les
Maçons
la quitteront pour aller faire une pareille levée à l’autre
face
ou au flanc voiſin, &
les Terraſſiers viendront s’emparer de
celle
qui eſt vacante pour faire les remblais à la hauteur ſe trouve
la
Maçonnerie, obſervant de bien battre les terres lit par lit de 8
pouces
en 8 pouces, toûjours réduites à 6, enſuite les Maçons re-
viendront
à la partie qu’ils avoient abandonnée pour y faire une
deuxiéme
levée de deux pieds, tandis que les Terraſſiers occupe-
ront
celle que viennent de quitter les Maçons, deſorte que pour
bien
faire il faut que les Maçons &
les Terraſſiers ſe ſuccedent al-
ternativement
.
De cette conduite, il arrivera deux choſes également
avantageuſes
;
la premiere, c’eſt que les Maçons auront toûjours un
emplacement
commode pour y travailler à leur aiſe, par conſequent
feront
un meilleur ouvrage;
la ſeconde c’eſt qu’en jettant ſur les
terres
nouvellement battuës, les materiaux qu’ils doivent employer
à
leur nouvelle levée, &
les piétinemens continuels de tous ceux
qui
ſeront employés à la Maçonnerie, battront les terres incom-
parablement
mieux qu’elles ne l’avoient été d’abord;
ce qui leur fera
prendre
tout l’affaiſſement auquel elle ne ſeroient arrivées que long-
tems
après l’ouvrage achevé.
Ce qui demande encore beaucoup d’attention dans la conſtruc-
tion
des ouvrages de terraſſe, ce ſont les revêtemens de placage
ou
de gaſon.
Le placage ſe fait avec de la terre noire non pierreuſe,
qui
ne doit être, ni trop graſſe, ni trop maigre, mais participante
des
deux, afin qu’elle ne ſe fende ni ne ſe renfle point après qu’elle
28586LA SCIENCE DES INGENIEURS, aura été employée. On commence par creuſer une petite tranchéc
au
pied du parapet pour ſervir comme de fondement au reſte de
l’ouvrage
, on la remplit de la terre ſervant au placage, &
on a ſoin
de
la moüiller &
de la lier avec celle qui compoſe le parapet: après
l’avoir
bien battuë, on étend deſſus un lit de chiendent fraîchement
tiré
pour reprendre plus aiſément, enſuite l’on applique le premier
tas
;
c’eſt-à-dire un premier lit de terre noire auquel on donne 12
pouces
d’épaiſſeur ſur 6 de hauteur que l’on bat bien en long &
en
large
, juſqu’à ce qu’il ſoit réduit à n’en avoir plus que 4, on recou-
vre
ce lit d’un autre de chiendent mêlé avec de la petite faſcine:
ſur ce tas ci, on en aplique un autre battu & bien lié avec les terres
du
parapet que l’on bat &
garnit de lit de grand faſcinage dont le
gros
bout eſt éloigné d’environ 4 pouces du placage, auquel on
fait
ſuivre le talud que doit avoir le parapet après en avoir recoupé
le
parement, &
comme ſa hauteur au-deſſus de la banquette eſt
toûjours
de quatre pieds &
demi, ſon talud eſt de 18 pouces qui
eſt
le 6e de la hauteur.
Quant au talud exterieur, on lui donne les
deux
tiers de la hauteur;
c’eſt-à-dire que quand un ouvrage eſt re-
vêtu
de gaſon ou de placage, s’il a exterieurement 18 pieds de
hauteur
, on lui en donne 12 de talud.
Les revêtemens de gaſonnage ſe font à peu-près comme le pré-
cedent
;
car on commence par poſer une premiere aſſiſe de gaſon
au-deſſous
du niveau de la derniere banquette pour ſervir de baſe
ou
de merande aux autres qu’on doit élever deſſus, tous les gaſons
dont
on ſe ſert doivent avoir 15 à 16 pouces de queuë ſur 6 de
largeur
&
autant de hauteur taillés en coin de mire, cette hauteur
de
6 pouces eſt réduite à 4 après que le gaſon eſt mis en œuvre.
Sur cette premiere aſſiſe on en poſe une ſeconde, & ſur celle-ci
une
troiſiéme bien diſpoſée à joints recouverts &
conduits de ni-
veau
ſur toute la longueur de l’ouvrage, ces aſſiſes ſont entre-laſſées
avec
des brins de ſaule &
quelque-fois de chiendent de même qu’au
placage
, &
de 3 aſſiſes, en 3 aſſiſes, on étend un lit de grand faſci-
nage
qu’on recouvre de terre bien battuë pour former le parapet,
&
à meſure que l’ouvrage avance, on recoupe le parement pour
qu’il
ſoit bien uni &
faſſe le même effet que s’il étoit de Maçonne-
rie
;
tous les angles ſaillans d’un parapet interieur ou exterieur ſe
font
en arrondiſſant, parce qu’autrement il ſeroit bien-tôt émouſſé,
c’eſt
même dans ces endroits la main du Gaſonneur montre ſon
adreſſe
.
Le gaſon, pour être bon, doit être coupé dans un pré bien herbu
&
racineux un peu humide, les prés qui ſont tourbeux ou ſablo-
28687LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. neux ne valent rien pour cela; toutes les ſaiſons ne ſont pas propres
non
plus pour le gaſonnage, le tems le plus convenable eſt le Prin-
tems
&
l’Automne.
Il faut environ 250 gaſons & 12 faſcines pour une toiſe quarrée
de
gaſonnage, il ſemble que 216 gaſons devroient ſuffire, mais on
en
compte 40 de plus pour remplacer ceux de rebut, un bon ga-
ſon
peſe ordinairement 15 liv.
& un Chariot en voiture 100.
Un bon Coupeur de gaſons peut en couper juſqu’à 1500 dans
un
jour d’Eté &
la moitié ſeulement dans un jour d’Hyver, le Ga-
ſonneur
en peut poſer &
raſer 10 toiſes quarrées dans un jour, &
même
d’avantage s’il’eſt bien ſervi pour la terre &
pour la faſcine.
Je ne dis rien ici du tunage & du clayonage, parce que je me
propoſe
d’en parler dans l’Architecture Ydraulique;
je paſſe auſſi
ſous
filence quantité de petits détails au ſujet de la maniere de tra-
vailler
les terres, qui ne ſont point aſſés de conſequence pour me-
riter
une attention particuliere.
A l’égard des Foſſes qui environnent les ouvrages, leur excava-
tion
ne doit point être plus profonde que le niveau de la derniere
retraite
des fondemens;
mais quand ils ſont à ſec, on obſerve pour-
tant
de leur donner un peu de talud en venant du pied du rempart
dans
le milieu, &
du pied de la contreſcarpe dans le même milieu
afin
de faciliter l’écoulement des eaux de pluye.
Quand la contreſcarpe n’eſt point revêtuë, on donne aux bords
du
Foſſé un talud égal à ſa profondeur, &
à meſure qu’on aprofon-
dit
, on fait d’abord des banquettes au lieu de talud pour faciliter
les
allées &
venuës des travailleurs: & , après’que la vuidange eſt
faite
, ces banquettes ſont coupées pour former le talud dont je
viens
de parler.
On donne auſſi un ſemblable talud au pied des ou-
vrages
de terraſſe qui ont une berme.
Je ne parle point de la largeur ni de la hauteur que l’on donne
au
terre-plain des rempars, parce que cela doit être reglé par les
profils
, je dirai cependant que le talud interieur de tous les rem-
parts
ont une fois &
demi leur hauteur; c’eſt-à-dire que ſi un
rempart
à 12 pieds de haut, on lui en donnera 18 de talud.
Je ne dois point oublier de dire ici que quand on forme les faces
11Voyez la
14
e. Plan-
che
qui
comprend

l’élevation

d’un
front@
de
Fortifi-
cation
.
des Baſtions, demi-Lunes, contre-Gardes, &
c. on obſerve de leur
donner
plus d’élevation aux angles ſaillans qu’aux extrêmités:
je
veux
dire que ces faces ont une petite pente en venant de l’angle
ſaillant
aux extrêmités, qui eſt reglée ſuivant la longueur que doi-
vent
avoir ces faces, cela contribuë à donner plus de grace à un ou-
vrage
&
à le couvrir contre les enfilades. Mais quand on a ſeule-
28788LA SCIENCE DES INGENIEURS, ment ce dernier motif en vûe, il y en a qui aiment mieux faire des
ſur-touts
aux angles ſaillans.
J’ajoûterai auſſi, qu’on donne aux rem-
parts
&
parapets des Ouvrages, un peu plus d’élevation que celle
qui
a été reglée par les profils, pour prévenir les réductions que
cauſent
les affaiſſemens.
Quand on fait des demi revêtemens aux ouvrages, on y laiſſe
quelque-fois
une berme de 10 pieds de largeur pour une haye vive,
qui
ſe fait d’Epines blanches provenans de jeunes plantes pépinieres.
Elle ſe plante ſur deux lignes, dont la premiere eſt à 5 pieds du
parapet
, &
la ſeconde à 2 pieds de la premiere, on la laboure de
tems
en tems, &
au bout de trois ans on la récépe tout près de terre,
trois
autres années après la haye s’étant élévée à une certaine hau-
teur
on entre-laſſe tous ſes brins les uns dans les autres, de maniere
qu’ils
faſſent un tiſſu de 4 à 5 pieds, ce qui ſe doit répéter tous les
ans
, juſqu’à ce qu’elle ſoit parvenuë à la hauteur de 6 pieds, on la
taille
proprement devant &
derriere afin qu’elle s’épaiſſiſſe mieux,
&
on la laiſſe anticiper juſqu’à la moitié de l’épaiſſeur du revête-
ment
au ſommet afin qu’il ne reſte d’autre eſpace que celui quiſera
neceſſaire
pour le paſſage du Jardinier qui la cultivera.
On plante ordinairement des Arbres ſur le Rempart de la Place
trois
ou quatre ans après qu’on l’a élevé, afin que les terres ayent
le tems de s’affaiſſer:
on en met trois rangées; la premiere ſe
fait
au pied de la banquette, la ſeconde à trois ou quatre pieds du
bord
interieur du terre-plain, &
la troiſiéme au pied du talud du
rempart
.
On choiſit des Ormes d’une belle tige, bien garnis de leurs
racines
, qui ne doivent être ni alterées ni offenſées;
quant à leur
groſſeur
, il ſuffit qu’ils ayent 6 à 7 pouces de pourtour, parce qu’ils
en
reprennent mieux que s’ils étoient plus forts:
on les plante à
15
pieds de diſtance les uns des autres, faiſant des trous de 3 pieds
en
quarré ſur autant de profondeur.
Il eſt à propos de faire ces trous
trois
ou quatre mois avant de planter les Arbres, afin que le fonds
puiſſe
s’engraiſſer.
On a encore beaucoup d’autres petites atten-
tions
, qui ſont eſſentielles pour les faire profiter, mais qui ſont aſſés
connuës
des Jardiniers pour me diſpenſer d’en faire le détail.
Je n’ai pas encore parlé du chemin couvert, parce que ſa conſ-
truction
n’a rien qui ne ſoit renfermé dans ce qu’on a au ſujet
de
la maniere de conſtruire les Ouvrages de terraſſe;
je dirai pour-
tânt
, qu’on lui donne ordinairement 6 toiſes de largeur formé par
un
parapet de 4 pieds &
demi de haut élevé ſur deux ou trois ban-
quetes
ſelon qu’on eſt obligé de ſe couvrir contre la campagne:
quelquefois l’on ſoûtient ce parapet d’un petit revêtement de Ma-
28889LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. çonnerie qu’on ne conſtruit qu’après que les terres ſe ſont bien
affermies
, on l’établit ſur une fondation de trois ou quatre tas de
brique
de hauteur, ſur 2 briques &
demi d’épaiſſeur, & on lui
donne
deux briques ſur la baſe &
une brique & demi au ſommet
ſur
trois pieds de hauteur, le reſte du parapet qui eſt d’un pied &

demi
, ſe revêtit de gaſon ou de placage.
Les angles ſaillans des Places d’Armes en raſe campagne doi-
vent
être élevés d’un pied plus que l’éxtrêmité de leur face pour ſe
couvrir
contre les enfilades;
dans le milieu de chaque face on pra-
tique
une ſortie coupée à niveau du terre-plain, on lui donne 9 à
10
pieds de largeur ſur 15 de longueur pris du ſommet du parapet
&
pour défiler le paſſage, on le détourne en arrondiſſant vers l’an-
gle
rentrant, aux deux côtez de chaque ſortie on plante un poteau
aiguiſé
&
contre-fiché ſur un ſeüil pour porter deux manteaux
de
barriere que l’on fait de barreaux à claire voye dont le ſommet
finit
en pointe façonnée comme celle des palliſſades, élevé à la
même
hauteur &
ſur le même allignement.
Les Places d’Armes rentrantes & ſaillantes ſe ferment ordinaire-
ment
par des traverſes de terre auſquelles on donne 18 pieds d’é-
paiſſeur
au ſommet, leur parapet eſt élevé à la même hauteur que
celui
du chemin couvert, avec le même nombre de Banquettes.
Quand la contreſcarpe eſt revêtuë de Maçonnerie, les profils des
traverſes
le ſont auſſi, ce qui les rend capables d’un plus grand feu
à
cauſe que l’on n’eſt pas obligé de leur donner auſſi grand talud
de
ce côté-là.
A un demi pied du parapet tant du chemin couvert que des tra-
verſes
, on plante ſur la Banquette un rang de paliſſades de bois de
chêne
, de brin ou de quartier, de 8 pieds &
demi de longueur ſur
18
à 20 pouces de tour meſuré au milieu, elles ſont apointées de
12
à 13 pouces de longueur, la pointe droite ſur le milieu un peu
tronquée
pour éviter la pourriture, on les eſpace également à 2
pouces
de diſtance l’une de l’autre meſurée ſur le linteau auquel
elles
ſont attachées avec des chevilles de bois de chêne bien ſec,
chaſſées
de force par le gros bout &
fendues par le petit, pour être
contre-chevillées
, le linteau ſe fait auſſi de bois de chêne d’une
piéce
de 4 pouces ſur 5 d’écarriſſage, laquelle eſt refenduë diago-
nalement
à un pouce près des angles opoſés, ce qui donne deux
cours
de linteaux.
Mr. le Marêchal de Vauban faiſoit ſurmonter la
pointe
des paliſſades de 9 pouces au-deſſus de la crête du parapet;
mais l’uſage à fait connoître que 6 pouces ſuffiſoient & mettoient
les
palliſſades moins en priſe au Canon:
on doit les incliner de 6
28990LA SCIENCE DES INGENIEURS, pouces du côté du parapet pour mieux réſiſter à la pouſſée des
terres
, &
que le Soldat ſoit plus commodement placé pour fai-
re
feu.
Il entre ordinairement 8 ou 9 palliſſades dans la toiſe courante
dont
chacune péſe environ 70 liv.
Un Chariot en voiture 100. & un
Ouvrier
avec ſon manœuvre peut en planter &
cheviller trois toi-
ſes
courantes par jour.
Quand un rempart n’eſt revêtu que de gaſons, on le fraiſe à la
hauteur
du terre-plain;
c’eſt-à-dire qu’on l’herriſſe de palliſſades
poſées
horiſontalement ayant trois pieds de ſaillie ſur trois pouces
de
pente, elles ſont couchées &
chevillées ſur un chevet ou lin-
teau
.
Il y a des perſonnes qui ajoûtent un ſecond linteau ſur l’ex-
trémité
qui eſt enterrée, afin qu’on trouve plus de difficulté à les
arracher
;
mais cela paroit aſſés inutile. Ces palliſſades ſont eſpa-
cées
les unes des autres de 4 à 5 pouces, il en faut environ 6 à 7
par
toiſe courante.
Comme les Ouvrages revêtus de gaſons ont ordinairement une
berme
, on y plante auſſi au bord du Foſſé un autre rang de palliſ-
ſade
qui preſente la pointe du côté de la Campagne, on leur fait
faire
un angle de 45 degrés avec l’horiſon, &
leur ſaillie eſt à peu
près
de 4 pieds 10 pouces.
Je crois ne pouvoir mieux finir ce troiſiéme Livre, qu’en rapor-
tant
quelques Réglemens de Mr.
le Marêchal de Vauban au ſujet
des
Travaux, qui conviendront parfaitement ici pour donner aux
jeunes
Ingenieurs une idée generale de la façon dont ſe doivent
faire
les toiſés des Ouvrages, &
ce qu’il faut ſuivre pour avoir de
l’ordre
&
de l’arrangement quand on eſt chargé du détail.
Réglemens de Mr. le Marêchal de Vauban, pour la Con-
duite
des Travaux.
L’Ingenieur qui ſera chargé en Chef des Travaux d’une Place
fera
tous les ans un Regiſtre chaque Article de l’état des Ou-
vrages
ordonnés pour la même année, aura ſa feüille en particu-
lier
, dans laquelle tous les payemens de la dépenſe ſeront rapor-
tés
en gros &
en détail depuis le commencement de ſon execu-
tion
juſqu’à ſa fin, conformément aux marchés qui en auront été
faits
&
aux comptes & toiſés qui ſeront arrêtés de tems en tems
avec
les Entrepreneurs;
moyennant quoi il lui ſera aiſé, en quel-
que
tems que ce ſoit, de faire voir l’état des Ouvrages dont on
pourra
tirer des connoiſſances neceſſaires pour le tems de leur
29091LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. durée, & les moyens de les pouvoir achever.
Les Entrepreneurs n’en commenceront aucun en gros ni en
détail
, qu’on ne leur ait donné la figure &
l’étenduë au juſte,
marqué
toutes les hauteurs &
profondeurs, & fait un toiſé géné-
ral
, du contenu duquel on leur donnera copie, qu’ils ſigneront.
Après qu’ils les auront achevés, ils ſeront meſurés pour la ſeconde
fois
;
& ſi la quantité, qu’on aura trouvée à la fin, differe du com-
mencement
, on prendra toûjours le moindre nombre pour le
compte
du Roy;
ce qui ſe doit entendre pour le remuëment des
terres
ſeulement;
car pour la maçonnerie il pourroit y avoir des
changemens
dans la fondation, qui ſeroient ſi éloignés du toiſé
eſtimatif
, qu’on ne pourroit pas s’y tenir ſans tomber volontai-
rement
dans une erreur conſiderable.
Tous les ouvrages de terre ſeront meſurés par l’excavation
des
foſſés d’où on les aura tirés, à moins qu’il ne fût expreſſe-
ment
ſpecifié par le marché de la faire autrement.
Tous les temoins de terre ſeront faits en profils, & non en pi-
ramide
, à cauſe des abus &
tromperies qui s’y commettent: &
ici
ſe feront toûjours de concert avec l’Ingenieur, &
l’Entrepre-
neur
.
L’Ingenieur ne fera payer perſonne à bon compte, ſur les ou-
vrages
, qu’il ne ſoit certain, par un bon meſurage, de la poſſibi-
lité
de le faire ou non, ſans rien hazarder pour le Roy.
A l’égard des ouvrages de maçonnerie, on tiendra des atta-
chemens
ou des memoires exacts, ſignés reciproquement de l’In-
genieur
&
de l’Entrepreneur, & même des principaux conduc-
teurs
des ouvrages, toutes les épaiſſeurs, longueurs, &
hau-
teurs
de chaque partie, ſeront nettement expliquées, ſpecifiant
bien
l’endroit de chacune, afin d’éviter toute ſorte d’embroüille-
ment
&
de ſupercherie dans les toiſés generaux.
Pour la charpenterie, on tiendra des attachemens de même
de
tous les bois qui ſeront attachés, &
de ceux qui ne le ſeront
pas
, ſpecifiant bien le nom de chaque eſpece, &
même figurant
à
la marge, le mieux qu’il ſera poſſible, la partie dont il eſt queſ-
tion
, afin d’éviter toute obſcurité.
La même choſe ſera auſſi obſervée pour la maçonnerie, tout
autant
de fois qu’on croira en avoir beſoin, pour plus grand éclair-
ciſſement
.
Tous les ouvrages de fer ſeront peſés à la livre de ſeize onces
en
preſence de l’Ingenieur, après qu’ils auront été forgés, avant
que
d’être employés.
29192LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Ceux de maçonnerie à la toiſe cube, ſi c’eſt de gros murs
ou
à la toiſe quarrée, ſi c’eſt de ſimple mur comme des Cazer-
nes
, magaſins, corps de gardes, &
autres.
Le meſurage de terre ſe fera à la toiſe cube de France, celui
des
gaſons à queuë, gaſons plats, &
placages, à la toiſe quarrée,
celui
de la charpenterie au cent de ſolives.
Sur la fin de chaque année, au tems que les ouvrages finiſ-
ſent
, l’Ingenieur arrêtera toutes les dépenſes qui auront été faî-
tes
, ſur ſon regiſtre, &
raportera ſur ſon projet de l’année cou-
rante
, l’état ſeront les ouvrages de la place, &
ce que cha-
cun
aura couté, en marge, vis-à-vis de ſon article;
contant
après
les revenans bon, ou les dettes qui s’y trouveront, pour fai-
re
état des premiers, comme fonds déja reçus, &
des ſeconds,
comme
premier fonds à demander ſur le projet de l’an prochain,
enſuite
dequoi il y travaillera, y raportant tous les ouvrages qui
auront
été reglés, avec l’eſtimation de chacun en particulier, le
plus
juſte qu’il ſera poſſible, afin que l’on puiſſe choiſir ceux que
l’on
jugera les plus neceſſaires:
il faudra auſſi raporter aprés cela,
le
prix des materiaux en proviſion, qui tiendront lieu de fonds,
&
à la fin, le nom de tous les gens employés à la fortification,
&
les apointemens d’un chacun; & pourvû que cet ordre ſoit
exactement
obſervé, l’on ne tombera dans aucune erreur, &
l’on
verra
toûjours clair dans toutes les dépenſes faites &
à faire.
Quand on fera des toiſés, ſoit generaux, ſoit particuliers, il
faudra
bien ſpecifier le lieu &
l’endroit, la qualité des ou-
vrages
, le nom de la piece &
de l’Entrepreneur, & même les
marquer
ſur le plan, par un renvoi chifré, afin que l’on n’aye
point
de peine à le trouver, quand il s’agira de quelque verifi-
cation
.
Secondement, d’en donner les longueurs, largeurs, & profon-
deurs
, par toiſes, pieds, &
pouces, dans l’ordre marqué ci-après
avec
le produit.
Troiſiémement, d’en diſtinguer les portions, quand il s’en trou-
vera
pluſieurs dans la même piece, par premier, ſecond, &
troi-
ſiéme
.
& c.
Quatriémement, d’en faire toûjours la ſuputation par toiſes,
pieds
, &
pouces, parce que cette façon s’explique plus claire-
rement
, &
eſt plus en uſage, & moins ſujette aux embroüille-
mens
des fractions, que les autres.
S’il étoit queſtion, par exemple, de meſurer la vuidange du
foſſé
, vis-à-vis la face d’un Baſtion, &
que ce meſurage fut di-
29293LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX. viſé en pluſieurs parties: voici comme l’on en dreſſera le toiſé.
Toiſé du Tranſport des Terres qui a été fait devant la face droite du
Baſtion
N.
pour l’aprofondiſſement de ſon Foſſé & l’élevation de ſon
Rempart
, entrepris par.
.. . & ſes Aſſociés, à raiſon de 50 ſ. pour
la
toiſe cube, marché fait le .
.. du mois de . .. de l’année . ..
achevé le . .. du mois de . .. de la même année.
PREMIERE PARTIE.
A commencer de la pointe du Baſtion en tirant vers l’épaule.
11# # toiſes. # pieds. # pouces. # }
Longueur
. # 32 # 3 # 6 # toiſes. # pieds. # pouces.
Largeur
réduite. # 12 # 4 # 8 # 1249 # 0 # 0
Profondeur
. # 3 # 0 # 0
SECONDE PARTIE.
22# # toiſes. # pieds # pouces. # }
Longueur
. # 8 # 3 # 0 # # toiſes. # pieds. # pouces.
Largeur
. # 12 # 4 # 8 # 325 # 5 # 0
Profondeur
. # 3 # 0 # 0
TROISIE’ ME PARTIE.
Joignant l’épaule du même côté attenant à la précédente.
33# # toiſes. # pieds. # pouces. # }
Longueur
. # 12 # 0 # 0 # toiſes. # pieds. # pouces.
Largeur
. # 12 # 4 # 8 # 460 # 0 # 0
Profondeur
. # 3 # 0 # 0
Total. # # # # toiſes. # pieds. # pouces.
# # # # # 2034 # 5 # 0
Qui à raiſon de 50 ſ. la Toiſe cube, font la
ſomme
de 5087 liv.
1 ſ. 8 d.
Quand il s’agit de meſurer de la Maçonnerie, ſi c’eſt à la toiſe
cube
, on tiendra le même ordre, expliquant toûjours les trois
dimenſions
;
& ſi c’éoit à la toiſe quarrée, on n’en expliquera que
deux
longeur &
largeur, ce qui ſe fait particulierement pour le
gaſonage
, placage, &
c.
29394LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Du ſurplus il faudra que les toiſés ſoient purs & nets; c’eſt-à-
dire
, qu’on ne les doit augmenter pour y comprendre la dépenſe
d’autres
ouvrages qui n’auroient pas été réſolus quelque petits
qu’ils
ſoient, il ne faut non plus faire aucune diverſion des fonds
qui
auront été ordonnés pour la dépenſe des Ouvrages pour les
employer
à un autre, tels que pourroient être les défections, ré-
parations
des Bâtimens, comme Corps de Gardes, Arſenaux,
Magaſins
, &
c.
Quand ils ont beſoin de réparations, illes faut comprendre dans
le
projet &
en répreſenter la neceſſité au Miniſtre, attendu que
tout
toiſé augmenté eſt fort ſuſpect &
de mauvais exemple, bien
que
la fin pour laquelle on l’auroit fait fût la plus juſte du mon-
de
;
car il eſt à ſupoſer que les Ouvrages dont la dépenſe a été
ordonnée
par le Miniſtre, ſont toûjours les plus preſſés, &
ſur
cela
on ne la doit point employer à d’autres.
Tenir pour maxime
indubitable
, que toutes celles des Fortifications, qui contribuent
le
plus à mettre une Place en ſûreté, ſont toûjours préferables aux
autres
, de quelque nature qu’ils puiſſent être.
Que ſi pendant le cours d’une année il vient à tomber quelque
choſe
dans un ouvrage qu’on n’ait pas prévû, comme cela arrive
fort
ſouvent, il faut en faire une eſtimation particuliere, &
en
donner
promptement avis au Miniſtre à qui on en fera connoître
la
conſequence, afin qu’il ordonne de nouveaux fonds pour cela.
A l’égard des eſtimations, ſupoſé qu’il s’agiſſe de faire celle
d’une
demi-Lune que l’on veut gaſonner, fraiſer, &
palliſſader ſur
la
Berme ou dans le Foſſé, voici comme on procedera, après avoir
expliqué
le lieu &
la ſituation.
Eſtimation d’une demi-Lune ſituée entre les Baſtious N & O, & c.11# toiſes. # pieds. # pouces. # }
Circuit
du Foſſé. # 10 # 4 # 0 # toiſes. # pieds. # pouces.
Largeur
réduite du Foſſé. # 120 # 0 # 0 # 2300 # 0 # 0
Profondeur
. # 2 # 3 # 0
Eſtimé à raiſon de 45 ſ. la toiſe cube, font la ſomme de 7200l.
Gaſonnage à queuë pour l’exterieur de la demi-Lune.
22# toiſes. # pieds. # pouces. # }
Longueur
. # 118 # 0 # 0 # toiſes.
Hauteur
. # 3 # 0 # 0 # 354
29495LIVRE III. DE LA CONSTRUCTION DES TRAVAUX.
Gaſonnage interieur du Parapet & Banquette.
11# toiſes. # pieds.
Longueur
. # 100 # 0 # } # toiſes. # pieds.
Hauteur
réduite. # 1 # 1 # 116 # 4
Total du Gaſonnage à queuë. .. .. 469 toiſes 4 pieds, ou ſi
l’on
veut 470 toiſes, quarrées, qui eſtimées à raiſon de 40 ſ.
chaque toiſe
font
.
. . . . . . . 940 l.
Gaſons plats ſur le Parapet & ſur les Banquettes.
22# toiſes. # pieds.
Longueur
. # 100 # 0 # } # toiſes. # pieds. # pouces.
Largeur
réduite. # 4 # 2 # # 433 # 2 # 0
Qui eſtimées à raiſon de 8 ſ. la toiſe quarrée font la ſomme de 173 l. 6 ſ. 8 d.
Pour 958 toiſes quarrées de faſcinage de 10 pieds de long, à raiſon de
10
ſ.
pour chaque toiſe quarrée. . . . . 479 l.
Circuit réduit de la fraiſe & de la palliſſade, à raiſon de 6 l. par toiſe
courante
à tout fournir.
. . . 1230 l.
Total du contenu de cette Eſtimation. . 10112 l. 6 ſ. 8 d.
Qand il y aura quelqu’autres parties, il faudra auſſi les ſpe-
cifier
, comme les Ponts de communication, épuiſement d’eau,
le
revêtement des Profils, Corps de Gardes, &
Réduits: cette
maniere
doit être pratiquée dans les Eſtimations génerales, deſ-
quelles
il faudra tirer des Abregés dont un article comprendra la
dépenſe
d’une piéce entiere en cette maniere.
Pour la façon de la demi-Lune or donnée entre les Baſtions N & O, toute
dépenſe
payée, la ſomme de.
. . . 10112 1. 6 ſ. 8 d.
Il ne ſera pas neceſſaire d’en faire d’autre détail, puiſqu’il aura
été
fait dans l’Eſtimation generale à laquelle il faudra avoir recours
pour
plus grand éclairciſſement, &
c’eſt de cet Extrait ou Abregé
qu’il
faudra tous les ans tirer les projets de depenſes.
Voilà à peu
près
quel en ſera le formulaire.
Abregé de Dépenſe reſtante à faire pour mettre les Fortifications de la
Ville
en leur entiere perfection.
Pour la façon d’une demi-Lune de terre ordonnée entre les Baſtions de
France
&
de Bourgogne, toute dépenſe payée, la ſomme de . . . 12000 l,
29596LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Pour celle du Reduit du Corps de Garde de ladite demi-Lune la
ſomme
de .
. . . . . . 2500 l.
Pour achever le nettoyement des Foſſez de la Place. . 6000
Pour la façon d’une Ecluſe au bas du Chemin couvert la
ſomme
de.
. . . . . . . 8400
Pour ſix milliers de Palliſſades. . . . 3000
Applaniſſemens des Monticules, Cavins, & Comblemens de
Foſſez
.
. . . . . . . 4500
Réparations des Chemins couverts. . . . 4200
La façon & fourniture de ſix Plate-formes ſur les Batteries
à
barbettes du Baſtion G.
. . . . 1200
Il eſt à l’Entrepreneur ſur les Ouvrages de l’année
paſſée
la ſomme de.
. . . . . . 1500
Frais inprévus, journées, & accidens ſurvenus dans le cours
du
travail.
. . . . . . . 2400
Total du contenu de cet Abregé. . . . 42700 l.
C’eſt ainſi, qu’il faudra faire les Abregés, leſquels ne differeront
des
Etats arrêtés des Dépenſes annuelles que du titre ſeulement;
c’eſt dans cet Abregé que le Miniſtre choiſira les articles pour
leſquels
on veut faire fonds, enſuite dequoi on les ſépare de l’Eſti-
mation
pour en faire un autre à part qui ſera l’Etat de la Dépenſe.
Depuis que Mr. le Marêchal de Vauban a donné les Reglemens
que
l’on vient de voir, les Ingenieurs s’y ſont conformés à peu
de
choſes près.
Il y a pourtant des Directions on ne ſuit pas tout
à
fait le même arrangement;
& c’eſt pour ne point adopter ce qui
ſe
fait dans l’une plûtôt que dans l’autre, que j’airaporté à la lettre les
Inſtructions
de Mr.
de Vauban preferablement à celles que j’aurois
prendre ailleurs:
au reſte, il n’y a perſonne qui neſe mette en très-
peu
de tems au fait de toutes ces minuties, puiſqu’il ſuffira de lire
ou
de copier les Etats &
Memoires qui ſe font dans les places pen-
dant
le cours d’une année;
je les aurois même ſuprimés, ſi les moin-
dres
choſes ne meritoient toûjours attention quand on neles ſait pas:

il
eſt vray, que des petits détails trop répetés ennuyent les habiles
gens
, qui n’y trouvent rien que d’inſipide;
mais, je les prie de conſi-
dérer
, qu’un Livre comme celui-ci n’eſt pas fait pour eux.
Fin du troiſiéme Livre.
296 21[Figure 21]
LA SCIENCE
DES
INGENIEURS
DANS
LA CONDUITE DES TRAVAUX
DE
FORTIFICATION.
LIVRE QUATRIE’ME.
Qui traite de la Conſtruction des Edifices militaires & civils.
L’ON vient d’enſeigner dans le Livre précedent la
Conſtruction
des gros Ouvrages de Fortification,
avec
tous les détails auſquels il falloit avoir égard:
on
trouvera
dans celui-ci les Edifices qui ſe font aux
Places
de Guerre, leur proprieté, la maniere deles
bâtir
ſolidement, &
une ſuite de nouveaux détails
qui
plairont peut-être à ceux qui ont interêt de ſe les rendre fami-
liers
;
& comme l’experience dans l’art de bâtir eſt la regle que
l’on
peut ſuivre avec plus d’aſſurance, principalement quand on
n’a
qu’à imiter les ouvrages qui ont déja été executés avec ſuc-
2972LA SCIENCE DES INGENIEURS, cés, j’ai crû que le parti le plus ſûr étoit de raporter exactement
les
plans, profils, &
élevations, des édifices les plus aprouvés, qui
ont
été faits dans les places neuves:
car comme ceux, qui en ont
donné
les projets, peuvent paſſer avec raiſon pour les maîtres de
l’art
, il eſt à preſumer qu’ils ont fait ce qui ſe pouvoit de mieux,
&
qu’on ne peut s’écarter en ſuivant leurs modelles; laiſſant à la
prudence
de ceux qui les feront conſtruire, de faire les change-
mens
qu’ils jugeront à propos.
Comme la Maçonnerie a été expliquée aſſez amplement dans
le
troiſiéme Livre, je ne m’y arrêterai guere dans celui-ci, parce
que
l’on trouvera dans le ſixieme des devis, qui ne laiſſeront rien
à
deſirer pour la conſtruction des ouvrages qui demandent d’être
travaillés
avec ſoin;
& je ferai enſorte que toutes les matieres
ſoient
ſi bien liées, que, ſans faire des repetitions inutiles, l’on puiſ-
ſe
trouver dans une partie ce qui ſemble manquer à l’autre:
n’a-
yant
pas fait mention juſqu’ici des qualités du bois qui s’employe
dans
la charpente, des précautions qu’il faut prendre pour le met-
tre
en œuvre, &
comme on peut en eſtimer la force ou la reſiſtan-
ce
, je commencerai d’abord par examiner toutes ces choſes, en-
ſuite
j’en uſerai de même pour le fer;
puiſque ces deux matieres,
après
la maçonnerie, ſont ce qu’il y a de plus eſſentiel dans la conſ-
truction
des édifices:
enfin, je finirai ce quatriéme Livre par les
Maximes
genérales que l’on doit ſuivre dans l’Architecture civile,
pour
de-là paſſer au cinquiéme, l’on trouvera tout ce qui peut
apartenir
à la decoration des mêmes édifices, afin d’être égale-
ment
inſtruit du ſolide &
de l’agreable.
CHAPITRE PREMIER.
Des qualités du bois qui entre dans la charpente.
LE meilleur bois, qu’on puiſſe employer dans les édifices, eſt
celui
de chêne;
parce qu’étant fort dur, il reſiſte mieux que
tout
autre au fardeau, &
ſe conſerve plus long-tems en bon état,
n’étant
point ſi ſujet à ſe pourrir par l’humidité:
il ſe conſerve mê-
me
dans l’eau des tems infinis, il acquiert une ſi grande dure-
, qu’il n’eſt preſque pas poſſible de le travailler avec les outils;
c’eſt ce que l’on a remarqué pluſieurs fois aux pilots que l’on
2983LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. a trouvez ſous de vieilles demolitions des ouvrages bâtis par les
Romains
.
Autrefois l’on ſe ſervoit de chatenier, dans les édifices conſide-
rables
, parce que l’on ignoroit la bonté du chêne;
mais, l’on eſt
revenu
de cette erreur, depuis environ 150.
ans, parce que le
chatenier
eſt ſujet à ſe fendre, &
à ſe pourrir, quand il eſt aſſis
dans
la maçonnerie, comme il arrive aux extremitez des poutres,
qui
ſont dans les pignons, ce qui oblige par la ſuite à en mettre
de
nouvelles;
au lieu que celles de chêne ſe conſervent en bon
état
, des ſept ou huit cens ans, quand on a pris, avant de les couper
dans
les forêts, toutes les précautions, dont nous parlerons dans
la
ſuite.
L’orme eſt auſſi un bon bois; mais on s’en ſert rarement pour
la
charpente, parce que n’étant pas commun, on aime mieux le
garder
pour d’autres uſages:
on en fait des verrains, des moyeux,
des
jantes de rouës, ſoit de moulin ou de voiture, parce qu’il ſe
travaille
bien, étant liant &
point ſujet à s’éclater; ce qui fait
qu’on
l’employe preferablement à tout autre, dans l’artillerie, pour
la
conſtruction des afuts.
Le ſapin eſt auſſi d’uſage dans les édifices, quand on eſt à por-
tée
d’en avoir à juſte prix, pour des ſolivaux &
des planchers: on
en
diſtingue de deux ſortes, le ſapin ordinaire, &
le ſapin rouge;
ce dernier eſt le meilleur, parce qu’il ne ſe caſſe pas ſi aiſément que
l’autre
:
on s’en ſert aſſés ſouvent pour des palplanches, dans la
conſtruction
des Ecluſes, &
pour les petits grillages qui ſont au-deſſus
des
faſcinages des jettées, ſe conſervant bien dans l’eau;
cependant,
il
n’eſt pas trop bon pour les bâtimens, parce qu’il eſt ſujet à s’échau-
fer
, &
à engendrer des vers qui le gâtent.
Je paſſe ſous ſilence pluſieurs autres eſpeces de bois, dont on
ne
ſe ſert point ordinairement pour la charpente, ſoit que les uns
n’y
conviennent point à cauſe de leurs mauvaiſes qualités, ou que
les
autres ſoient rares, &
d’un prix qui les fait reſerver pour des
meubles
ou d’autres emplois qui n’ont point de raport à mon ſujet.
Les arbres, de quelque eſpece qu’ils ſoient, participent toûjours
de
la nature du terrain ils ſont crûs:
ceux qui viennent dans
un
lieu aride, pierreux, ou ſablonneux, ſont ordinairement durs &

d’un
fort bon emploi;
au contraire, s’ils ſont venus dans un lieu bas &
aquatique
, ils ne ſont pas d’une auſſi bonne qualité, étant plus ten-
dres
, &
moins propres à ſoutenir de grands fardeaux; mais en re-
compenſe
ils ſe travaillent mieux pour les ouvrages de menuiſerie,
au
lieu que les autres, par leur dureté, ſont rebelles aux outils:
2994LA SCIENCE DES INGENIEURS, ceux, qui viennent du côté du midi, ſont meilleurs que ceux du
côté
du couchant, le ſoleil contribuant beaucoup à les rendre plus
durs
, plus hauts, &
plus gros; d’ailleurs, ils n’ont que très peu d’au-
bier
, qui eſt une partie de l’arbre immediatement ſous l’écorce,
plus
tendre que le reſte, qu’on peut regarder comme la matiere
dont
l’arbre s’eſt augmenté depuis peu de tems, parce que tous les
ans
la ſeve commence au printems à former un nouvel aubier,
qui
va toûjours en croiſſant juſqu’à la chûte des feuilles, &
fe dur-
cit
enſuite pendant l’hiver, pour ſe joindre au corps de l’arbre, par-
ce
qu’alors le froid fait reſerrer les pores, qui ne recevant plus le
ſuc
qui s’y introduiſoit, l’arbre reſte comme s’il étoit mort;
mais
quand
la terre vient à s’échaufer au printems, la nature forme en-
core
un nouvel aubier, &
tous les ans il arrive la même choſe,
juſqu’à
ce qu’il commence à dépérir par la vieilleſſe.
Il eſt encore à remarquer, que les arbres, qui croiſſent éloignés
les
uns des autres, &
qui ſont battus par les vents, comme ſont
ceux
qui viennent ſur la rive ou le bord des forêts, ſont ordinai-
rement
plus durs &
plus forts que les autres, qui viennent dans des
lieux
ſerrés, les vents ne penetrent point;
les premiers reſſem-
blans
aux hommes qui ſe fortifient par l’exercice &
le travail: quant
à
la qualité des arbres en general, les meilleurs ſont ceux qui ſont
bien
ſains, qui ont un droit fil, qui ne ſont point roullés, rabou-
gris
, ni geliffes, &
qui n’ont ni fentes ni gerſures.
L’on peut abattre le chêne depuis 60. juſqu’à 200. ans, parce
que
devant qu’il ait 60.
ans il eſt trop jeune, & n’a point aſſés de
force
, &
qu’après 200. ans, il deperit & ne ſe conſerve pas ſi long-
tems
étant employé:
l’âge le plus convenable, pour le couper dans
toute
ſa force, eſt autour de 100.
ans.
On dit communement, que le bois croît pendant 100. ans, s’en-
tretient
100.
ans, & enſuite eſt 100. ans à deperir: il eſt vrai, qu’au
bout
de 200.
ans, un arbre deperit; mais c’eſt une erreur de croi-
re
qu’après 100.
ans, il reſte 100. autres années dans une eſpece
d’inaction
, puiſque, tandis qu’on s’imagine qu’il ne fait que s’entre-
tenir
, il augmente en groſſeur juſqu’à 160.
& 180. ans, comme
il
eſt aiſé de s’en apercevoir quand il eſt abattu;
il eſt bien vrai
qu’après
100.
ans un arbre n’augmente plus guere en hauteur; mais
cela
ne l’empêche pas de groſſir, puiſqu’il prend encore de la
nourriture
:
car tout bois, qui porte des feuilles, a de la ſéve, &
tout
ce qui a de la ſéve doit profiter;
au lieu que ſi la croiſſance
d’un
arbre ne duroit que pendant un ſiécle, il ne marqueroit plus
après
ce tems aucune nouvelle augmentation, ce qui eſt contraire
à
l’experience.
3005LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
Si l’on veut ſavoir quel àge a un bois taillis ou futaye, on n’a
qu’à
le couper par le pied, &
on apercevra un nombre de circon-
ferences
preſque concentriques, qui vont come en progreſſion
depuis
le centre de l’arbre juſqu’à l’écorce, qui marquent aſſez diſ-
tinctement
le nombre des croiſſances, &
par conſequent celui
des
années.
Le tems le plus propre pour abattre les arbres eſt depuis le
mois
d’Octobre juſqu’au commencement de Mars;
parce qu’alors
la
ſéve n’eſt guere en action, &
les pores ſont plus reſerrés. L’on
obſerve
auſſi d’en faire la coupe dans le dernier quartier de la
lune
, parce qu’on prétend qu’il y a plus ou moins d’humidité
dans
les pores, ſelon que la lune croît ou decline:
la maniere de
les
couper, quand on veut prendre toutes les meſures neceſſaires,
eſt
de les cerner par le pied, juſqu’à la moitié du cœur, &
les
laiſſer
ainſi quelque-tems, afin que la ſéve, coulant par cette en-
taille
au travers de l’aubier, ne ſe corrompe point dans le bois.
Comme tous les jours on achette des bois abattus, il faut, pour
ne
pas y être trompé, les ſonder auparavant, afin que, s’ils pêchent
en
quelque choſe, on puiſſe au moins en faire l’uſage qui leur eſt
le
plus naturel:
pour cela on répand, dans un des bouts de l’arbre,
un
peu d’huile d’olive bien chaude, pour connoître ce qu’il eſt;
car s’il eſt venu dans un fonds marecageux, le ſel de l’arbre étant
acre
, l’huile greſillera en la jettant;
s’il eſt venu dans un terrain
doux
, &
qu’il ait été coupé en tems de ſéve, l’huile ne s’imbibera
pas
entierement par-tout, il en reſtera vers les bords;
au contrai-
re
, s’il eſt crû dans un lieu ſec, &
qu’il ait été coupé dans le tems
que
la ſéve eſt amortie, l’huile s’y imbibera toute entiere, &
ſe
ſêchera
ſur le champ:
prevenu de cela, il faudra prendre garde
de
ne point employer celui qui ſera crû dans un lieu marecageux,
aux
endroits humides ou expoſés à la pluye, parce qu’il s’y pour-
riroit
en peu de tems:
il eſt également dangereux de le mettre
il
regne un grand ſoleil;
car la chaleur, ſurprenant l’humidité dont
il
eſt rempli, l’ouvre &
le fait fendre, comme on le remarque tous
les
jours, non ſeulement aux ouvrages de charpente qui ſont
expoſés
à l’air, mais même à ceux qui ſont à couvert.
Quand on
en
veut témoigner quelque mécontentement aux Entrepreneurs
ou
aux Charpentiers, ils répondent que c’eſt un effet de la for-
ce
du bois;
& , ſoit par ignorance ou par malice, ils ſe tirent
d’affaire
avec ce ſot raiſonnement.
Cependant, comme l’on eſt
ſouvent
contraint d’employer des bois de bonne &
mauvaiſe qua-
lité
, il faudra choiſir le meilleur, c’eſt-à-dire, le moins humi-
3016LA SCIENCE DES INGENIEURS, de, pour le placer dans les lieux les plus conſiderables de l’é-
difice
, &
l’autre aux endroits de peu de conſequence, faiſant at-
tention
que les gros bois étant vitieux ſont plus ſujets à ſe fendre
&
à éclater que les plus menus: il eſt à propos de ne faire les pou-
tres
qu’avec ce qu’on aura de meilleur, afin que par la ſuite, ſi
on
eſt contraint de renouveller quelque piece de charpente, on
ne
ſoit pas obligé à une grande dépenſe, &
à un travail conſide-
rable
.
Il arrive ſouvent qu’une piece de bois, après avoir été équarrie,
paroît
bien ſaine, tandis que le cœur en eſt gâté:
pour ne pas y
être
trompé, il faut faire donner des coups de marteau à l’un des
bouts
, &
porter l’oreille à l’autre; ſi on entend un bruit ſourd &
caſſé
, c’eſt une marque que la piece eſt gâtée;
au contraire, ſi le ſon
eſt
clair, c’eſt une preuve qu’elle eſt bonne.
J’ai encore à faire remarquer, que quand on peut garder à cou-
vert
quelque tems les bois avant de les debiter, ils en ſont d’un
bien
meilleur uſage, parce que s’ils ſont crus dans un endroit hu-
mide
, ils ſont moins ſujets à ſe dejetter &
à ſe fendre; ainſi je vou-
drois
qu’on les gardât au moins deux ans, pour qu’ils ayent le
tems
de s’affermir &
de ſe conſolider: s’il s’agit des ouvrages de
menuiſerie
, il faudra les garder bien davantage;
puiſque, quand
on
ne les employeroit qu’au bout de cinq ou ſix ans, l’ouvrage
n’en
ſeroit que meilleur.
Une précaution encore très neceſſaire, dans l’uſage journalier
des
bois, eſt de ne les employer qu’après en avoir détaché l’au-
bier
;
car pour peu qu’il en reſte dans les flages, après même qu’ils
ont
été équarris, il eſt certain qu’il en occaſionnera la pourriture,
ou
qu’il s’y engendrera des vers.
D’habiles gens prétendent, que les vers qui s’engendrent dans
le
bois, ne viennent point de la ſubſtance du bois même;
mais
que
ce ſont des œufs, que les vers depoſent dans la terre, que la
ſéve
introduit dans les pores, , venant à éclore après un certain
tems
, ils produiſent les vers que l’on y voit, quand il eſtſec:
le rap-
port
qu’il y a de cette hypotheſe, avec ce que l’on obſerve tous
les
jours, la rend aſſés plauſible;
car les bois, quiſont ſujets à être
vermoulus
, commencent à ſe gâter par l’aubier, quand on y en a
laiſſé
en les équarriſſant, &
plus l’aubier eſt conſiderable, & plus
les
vers y croiſſent en abondance:
& comme les bois, qui ont
beaucoup
d’aubier, viennent ordinairement dans des lieux humi-
des
, les vers ſont en plus grand nombre que dans le terrain
ſec
, il n’eſt donc pas ſurprenant qu’ils ſoient plus ſujets à cet in-
convenient
que les autres.
3027LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
D’autres attribuent cette croiſſance des vers dans le bois à une
cauſe
differente:
les mouches, diſent-ils, font des œufs, ces œufs
produiſent
des vers, qui ſe nourriſſent &
croiſſent. Or les mouches
piquent
le fruit qui leur convient, &
y depoſent un œuf, qui
forme
le ver dont le fruit eſt mangé:
ainſi, ne peut-il pas arriver
qu’elles
faſſent la même choſe dans les arbres, &
dans le bois ten-
dre
, comme eſt celui qui croit dans les lieux humides, &
dont
l’aubier
eſt aiſé à penetrer?
Le bois, quoique bon, ſe gâte quelquefois, lors qu’étant roulé
il
a été mis en œuvre, ce qui ſe connoît par les rognes ou mouſ-
ſes
qu’il jette en dehors, qui reſſemblent aſſés à des champignons
ou
à des mouſſerons.
Quand il eſt échauffé, il eſt encore fujet à un autre défaut, qui
eſt
de ſe couvrir par la ſuite de petites taches blanches, noires,
&
rouſſes, ce qui le fait paroître pourri; mais ce qu’il y a de ſur-
prenant
, c’eſt qu’un bois tel ſain qu’il ſoit, apliqué contre un au-
tre
qui a les défauts dont nous venons de parler, participe lui-mê-
me
de ces defauts au bout d’un certain tems:
c’eſt pourquoi il faut
prendre
garde dans l’employ qu’on en fera, qu’il ne touche rien
qui
puiſſe l’endommager, faire même enſorte que les pieces con-
ſiderables
, comme les poutres, ne touchent jamais le mortier ni le
plâtre
, parce que ces matieres les échauffent;
il ſeroit même à pro-
pos
de laiſſer quelques petits trous dans les murs, à l’extremité des
poutres
, afin que l’air du dehors puiſſe les rafraichir.
CHAPITRE SECOND.
l’on fait voir la maniere de calculer, ou d’eſtimer la for-
ce
des principales pieces de Charpente, qui s’employent
dans
les Bâtimens.
DEpuis que j’ai commencé à m’apliquer à l’Architecture, la
maçonnerie
&
la charpente m’ont toûjours paru dignes d’u-
ne
étude particuliere:
& après m’être ſatisfait ſur la mécanique de
la
maçonnerie, j’ai conſideré qu’on n’avoit aucune regle pour dé-
terminer
la reſiſtance des pieces de charpente, qui ſont ſujettes à
être
chargées par des fardeaux conſiderables, &
que par conſe-
quent
on ignoroit le poids que pouvoient porter les planchers des
Arſenaux
, ceux des Magaſins pour les vivres, &
c. pour ne pas
3038LA SCIENCE DES INGENIEURS, aprehender de les rompre; puis qu’excepté Mr. Parent, qui a par-
de la reſiſtance des bois, dans les Memoires de l’Academie
Royale
des Sciences, (mais d’une maniere un peu trop élegante
pour
être entendu de tout le monde,) je ne ſache perſonne qui
en
ait écrit:
car je compte pour rien les proportions que quel-
ques
Architectes ont données, pour les poutres &
ſolives ſelon
leur
portée;
ayant pour maxime de ne rien admettre, qui ne ſoit
démontré
, ou au moins expliqué par un raiſonnement, qui faſſe va-
loir
ce qu’on propoſe.
Il ſeroit bien à ſouhaiter qu’on eût toû-
jours
eu cette delicateſſe dans l’Architecture;
elle ſeroit aujour-
d’hui
à un point de perfection, auquel ſelon toute aparence elle
n’arrivera
pas ſi-tôt, ſi on ne s’y prend pas autrement que l’on n’a
fait
juſqu’ici, je veux dire tant qu’elle ſera abandonnée au capri-
ce
de quiconque veut s’en mêler.
Comme il étoit neceſſaire de joindre à la theorie, des expe-
riences
ſur la force des bois qui ſont le plus en uſage dans les bâ-
timens
, j’en ai fait un grand nombre dont je raporterai le détail,
parce
qu’enſuite elles nous ſerviront à établir des regles généra-
les
, qu’il ſera aiſé d’apliquer dans toute ſorte de cas;
mais, avant
d’en
venir-là, il eſt à propos d’inſinuer quelques principes dont il
eſt
neceſſaire qu’on ſoit prevenû.
Principes ſur la reſiſtance du bois en general.
On ſupoſe qu’on a une planche EDFG, poſée de cant ſur un
11Planch.
12
.
point d’apui K, qui répond au milieu A, de la longueur, que cet-
te
planche eſt extrêmement mince, afin de faire abſtraction de
22Fig. 1. ſon épaiſſeur, &
qu’à chacune de ſes extrêmités DE, & FG, il y
a
une puiſſance qui agit de haut en bas pour la rompre:
cela po-
ſé
, il eſt conſtant que, dès que les deux puiſſances apuyeront égale-
ment
, la planche commencera un peu à ſe courber, parce que
les
fibres du milieu s’alongeront, les uns plus les autres moins, &

ſeront
tendus dans la proportion de leur diſtance du point d’apui.
Or ſi l’on conçoit la ligne BA, ou CA, diviſée en un grand nom-
bre
de parties égales, &
que chaque point de diviſion réponde à
un
fibre;
tous ces fibres ſeront en progreſſion arithmetique, puiſ-
33Voyez le
Cours
de
Mathéma-
tiq
. art.
240
.
qu’ils compoſent enſemble les élemens d’un triangle:
d’un autre
côté
, nous avons deux leviers recourbés CAG, &
BAE, qui ont
le
même point d’apui K;
& s’il y a une puiſſance apliquée à cha-
que
extrêmité des bras AE, &
AG, comme nous l’avons ſupoſé,
on
pourra dire alors que les bras AB, &
AC, répondent au fibre,
ou
premier lien BC, de même que les bras HA, &
IA, répon-
3049LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. dent au fibre HI, & ainſi de tous les autres qui auront des bras de
leviers
, plus ou moins grands, ſelon qu’ils ſeront éloignés du point
d’apui
;
d’où il s’enſuit que les bras de leviers ſont en progreſſion
arithmetique
, de même que les fibres qui leur répondent, &
que
les
progreſſions de part &
d’autre vont ſe terminer à zero au point
A
;
l’on peut donc dire à cauſe des triangles ſemblables, que le
produit
du bras de levier AB, par le fibre BC, ſera celui du bras
de
levier AH, par le fibre HI, comme le quarré de AB, eſt au
quarré
de AH, &
que par conſequent l’effort de tous les fibres,
relativement
à leurs bras de leviers, diminuent en venant vers le
point
d’apui, dans la raiſon des quarrés, des termes d’une progreſ-
ſion
arithmetique;
ainſi l’effort de tous les fibres étant répandu
dans
le triangle ABC, ne ſera que le tiers de ce qu’il ſeroit, s’il
étoit
réuni aux extrêmités B, &
C, des bras de leviers AB, & AC;
puiſque la ſomme de tous les quarrés de la progreſſion ne vaut
11V. le C.
Art
. 366.
que le tiers du produit du plus grand quarré, par la grandeur qui
exprime
la quantité des mêmes quarrés;
c’eſt pourquoi dans la ſui-
te
on pourra ſans difficulté ſupoſer que la force de tous les fi-
bres
eſt réunie à l’extrêmité du bras de levier, qui répond à la
puiſſance
reſiſtante, quand au lieu d’admettre cette puiſſance telle
qu’elle
eſt effectivement, on n’en ſupoſera que le tiers.
Preſentement, pour juger de la force du bois, commençons par
22Fig. 2. examiner ce qui lui arrive quand il vient à ſe rompre;
ainſi ima-
ginons
que l’on a poſé une poutre ou ſolive AC, ſur deux apuis,
il
eſt conſtant que ſi on la charge dans ſon milieu d’un poids con-
ſiderable
, la face ſuperieure ſortira de l’allignement horiſontal,
pour
former un angle qui ſera d’abord un peu curviligne, &
qui
deviendra
toûjours plus ſenſible, à meſure que le poids exercera
davantage
ſa peſanteur, juſqu’à ce que les deux moitiés BA, &

BC
, ſe ſépareront dans le moment que la ſolive ſe rompra.
Or re-
marqués
qu’au commencement les fibres qui ſont le long de la
ligne
EF, dans la face ſuperieure, paroîtront ſe ſerrer, pendant
que
ceux qui ſont opoſés dans la face inferieure s’alongeront &

commenceront
à ſe ſeparer:
ainſi, quand la force qui les uniſſoit
devient
inferieure à la puiſſance qui agit, ils rompent tous preſque
dans
le même inſtant, mais avant cela ils ſe ſont trouvés d’autant
plus
tendus les uns que les autres, qu’ils étoient plus éloignés de
la
ligne EF, que l’on peut regarder comme le point d’apui, com-
mun
aux deux leviers recourbés HEA, &
GEC, car tout ce que
nous
avons ci-devant ſe retrouve dans la deuxiéme figure;
la
difference
eſt ſeulement, que la ſolive ayant une épaiſſeur déter-
30510LA SCIENCE DES INGENIEURS, minée EF, tous les fibres, que le poids aura à vaincre, ſeront ex-
primés
enſemble par la ſuperficie du plan GEFI, ſi l’on veut
par
la baſe de la poutre, &
alors tous ces fibres pourront être re-
gardés
comme une quantité de plans extrêmement minces, poſés
les
uns ſur les autres, dont la largeur eſt toûjours égale à EF;
&
comme
la reſiſtance de chacun dépend encore de l’éloignement
il ſera du point d’apui, par raport au bras de levier qui lui ré-
pond
;
il s’enſuit que pour reduire tous ces plans ou fibres à n’a-
voir
qu’un bras de levier commun, il faudra que ce bras de levier
ne
ſoit que le tiers de la ligne EG, ou bien ſi l’on veut les réunir
le
long de la ligne GI, ou ſeulement au point G, extrêmité du
bras
de levier EG, il faudra ne prendre que le tiers du plan GBFI;
on peut donc dire que la reſiſtance de cette ſolive peut être expri-
mée
par le produit de la ligne EG, &
du tiers de la baſe GEFI.
Pour raporter cette theorie à quelque notion connuë, remar-
qués
que plus une piece de bois a de longueur, plus la puiſſance
a
de facilité à la rompre;
la raiſon eſt ſans doute qu’ayant un plus
grand
bras de levier, cette puiſſance doit avoir neceſſairement plus
d’avantage
, ſi on n’a rien changé aux dimenſions de la baſe, car ſi
le
plan CEFI demeure le même, la reſiſtance ou la force de la
ſolive
ſera toûjours exprimée par le même produit, au lieu que ſi
on
double la longueur de la ſolive, il ne faudra à la puiſſance que
la
moitié de la force dont elle avoit beſoin auparavant pour la
rompre
.
Si ſans toucher à la longueur de la ſolive, ni à l’épaiſſeur hori-
ſontale
GI, on doubloit la hauteur EG, ſa reſiſtance ſeroit qua-
druple
de ce qu’elle étoit auparavant, puiſque le bras de levier
EG
, ſe trouveroit doublé auſſi bien que le nombre de fibres, c’eſt-
à-dire
, le plan GEFI;
d’où il s’enſuit, que de deux ſolives ou deux
poutres
d’un même bois, d’égale longueur &
épaiſſeur, la pre-
miere
aura quatre fois plus de force que la ſeconde, ſi la hauteur
verticale
de la premiere eſt double de celle de la ſeconde, &
qu’en
genéral
la reſiſtance des poutres d’une même longueur, ſont dans
la
raiſon des produits du tiers de leur baſe par leur hauteur vertica-
le
:
mais comme ces deux produits auront toûjours le même ra-
port
, ſoit qu’on les laiſſe tels qu’ils ſont, ou qu’on les multiplie
l’un
&
l’autre par trois, il eſt bien plus commode de dire, qu’ayant
11Fig. 3.
& 4.
deux poutres de même longueur AB, &
EF, leur reſiſtance ſera
dans
la raiſon du produit de leurs plans CD, &
GH, par leur
épaiſſeur
verticale CB, &
GF, ou ce qui vaut mieux encore, com-
me
le produit du quarré de la hauteur verticale CB, de l’une multipliée par
30611LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. ſon épaiſſeur BD, eſt au produit du quarré de la hauteur verticale GF, de
l’autre
par ſon epaiſſeur horiſontale FH.
Il faut s’attacher à bien enten-
dre
cette derniere maniere, de conſiderer le raport de la reſiſtan-
ce
des poutres ou ſolives, parce que c’eſt la ſeule dont nous fe-
rons
mention par la ſuite, comme la plus ſimple &
la plus claire.
Mais, ſi on avoit deux poutres comme IK, & NO, dont les lon-
11Fig. 5.
& 6.
gueurs fuſſent inégales, auſſi bien que les dimenſions de leurs baſes,
&
qu’on voulut ſavoir la force de ces poutres poſées ſur les côtés
LM
, &
PQ, il faut multiplier le quarré de la hauteur KL, de la
premiere
, par la largeur LM, de ſa baſe, &
diviſer le produit par
la
longueur IK;
de même on multipliera le quarré de la hauteur
verticale
OP, de la ſeconde poutre, par l’épaiſſeur PQ, de ſa baſe,
&
l’on diviſera le produit par la longueur NO; ſi l’on compare en-
ſuite
ces deux quotiens, leur raport ſera égal à celui de la force
ou
de la reſiſtance des deux poutres, de ſorte que ſi par exemple
la
hauteur KL, étoit de 12.
pouces, la largeur LM, de 8. & la
longueur
IK, de 36.
pieds, multipliant le quarré de 12. qui eſt 144.
par 8. le produit ſera 1152. qui étant diviſé par 36. il vient 32. de
même
ſupoſant OP, de 14.
pouces, PQ, de 10. & la longueur NO,
de
24.
pieds, le quarré de OP, ſera de 196. & ſon produit par PQ,
1960
.
qui étant diviſé par 24. donne 81. deuxtiers; ainſila force de la
poutre
IK, ſera à celle de la poutre NO, comme 32.
eſt à 81. deux
tiers
;
la raiſon de cette regle ſe fait aſſés ſentir, ſans qu’il ſoit beſoin que
je
l’explique, puiſqu’il ſaute aux yeux, que plus une poutre eſt lon-
gue
, moins elle a de force;
& que par conſequent ſi l’on prend la
longueur
pour diviſer la quantité qui exprime ſa réſiſtance, c’eſt-à-
dire
le produit du quarré de ſa hauteur, par la longueur de ſa baſe,
le
quotien ſera d’autant plus petit que le diviſeur ſera grand.
Etant prévenu que l’épaiſſeur verticale d’une poutre exprime le
bras
de levier qui répond à la puiſſance reſiſtante, l’on voit que
plus
cette hauteur ſera grande, plus la poutre aura de force, &
par
conſequent
une même poutre poſée de cant, je veux dire ſur le
plus
petit côté de ſa baſe, reſiſtera d’avantage que poſé ſur le
plat
, dans la raiſon que la premiere ſituation lui donnera une plus
grande
hauteur que la ſeconde;
par exemple, une poutre qui au-
roit
8.
pieds ſur 16. aura deux fois plus de force poſée de cant,
que
ſi elle étoit poſée de plat, ainſi deux poutres d’une longueur
égale
, &
dont les baſes ſeroient auſſi égales, peuvent avoir des re-
ſiſtances
differentes à l’infini, puiſque ſi l’on ſupoſe la hauteur de
la
baſe de l’une infiniment grande, &
ſa largeur infiniment petite,
tandis
que les dimenſions de la baſe de l’autre poutre demeure-
30712LA SCIENCE DES INGENIEURS, roient les mêmes; la reſiſtance de la premiere poſée de cant ſe-
roit
infiniment plus grande que celle de la ſeconde, quoique leur
ſolidité
ou leur maſſe füt égale:
mais comme ces ſortes de ſupo-
ſitions
ne peuvent avoir lieu dans la pratique, parce qu’il faut pour
la
liaiſon d’un bâtiment, que les poutres ayent une certaine aſſié-
te
, &
une hauteur renfermée dans un juſte milieu, il ſuffit de ſa-
voir
, qu’après avoir donné à une poutre une aſſiéte convenable, on
ne
ſauroit lui donner trop d’épaiſſeur verticale pour la rendre ca-
pable
de porter de grands fardeaux.
Dans ce que nous venons de dire, on a ſupoſé que les poutres
avoient
des baſes rectangulaires;
mais ſi ces baſes étoient circu-
laires
, les mêmes choſes n’en ſubſiſteroient pas moins, les diamêtres
des
cercles repreſenteront toûjours les bras de leviers, qui répon-
dent
aux puiſſances reſiſtantes, &
leur ſuperficie le plan des fibres
que
les puiſſances agiſſantes auront à vaincre.
Les Entrepreneurs & les Marchands de Bois, étant payés au cent
de
ſolives, font enſorte d’en multiplier le nombre le plus qu’il leur
eſt
poſſible;
c’eſt pourquoi ils débitent les poutres & les autres groſ-
ſes
piéces quarrément, parce que le quarré eſt le plus grand de tous
les
rectangles qu’on peut inſcrire dans le cercle d’un arbre.
cepen-
dant
, ſelon ce qu’on vient de voir, une poutre qui auroit 10 ſur 14
eſt
préferable à une autre d’une même longueur qui auroit 12 ſur 12,
la
premiere contenant moins de ſolives que la ſeconde, &
en mê-
me
tems plus forte, le raport de leur prix étant comme 140 à 144,
tandis
que celui de leur force eſt comme 245 à 216, qui ſont deux
avantages
conſidérables:
& l’Experience, qui prévient aſſés ſouvent
la
Théorie, a fait apercevoir depuis long-tems, que les dimenſions
qu’il
convenoit mieux de donner à la baſe d’une poutre, devoient
être
dans le raport de 5 à 7, ou ce qui revient à peu-près au même,
faire
enſorte que le quarré de la hauteur verticale ſoit double du
quarré
de l’épaiſſeur horiſontale, puiſque le quarré de 7 qui eſt 49
eſt
à une unité près, double du quarré de 5 qui eſt 25.
Auſſi Mr. Parent
a
démontré que la baſe de la plus forte poutre, qu’on pouvoit tirer
du
cercle d’un arbre, étoit effectivement celle dont le quarré du
plus
grand côté ſeroit double du quarré du plus petit;
& , en ſuivant
ſon
principe, voici une maniere bien aiſée de tracer dans le cercle
d’un
arbre la baſe qu’il faut donner à la plus ſorte poutre qu’on peut
tirer
du même arbre.
Il faut diviſer le diamêtre AB, de l’arbre en trois parties égales
11Fig. 9. aux points C &
D, abaiſſer la perpendiculaire DE, au-deſſous du
diamêtre
;
& élever la perpendiculaire CF au-deſſus, & tracer le rec-
30813LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. tangle AEBF, qui ſera celui que l’on demande, puiſqu’il eſt aifé de
prouver
que le quarré du côté FB eſt double du quarré de l’autre
côté
FA, comme on le va voir.
Si l’on nomme a, chaque partie égale du diamêtre, CB ſera 2a;
& comme le rectangle de AC, par CB, eſt égal au quarré de CF,
ce
quarré vaudra donc 2aa, par conſéquent l’on aura AC2 + CF2,
(aa + 2aa) = AF2 (3aa) de même l’on aura encore CB2 + CF2,
(4aa + 2aa) = FB2 (6aa) qui montre que le quarré FB, eſt double
du
quarré de FA.
Les poutres étant les piéces plus eſſentielles de la
charpente
, je m’y arrêterai préférablement aux autres, &
comme il
arrive
preſque toûjours que leurs extrêmités ſont engagées dans l’é-
paiſſeur
des murs, &
non pas ſimplement poſées ſur des apuis, com-
me
on l’a ci-devant, il eſt neceſſaire de s’attacher à ce qui eſt
le
plus d’uſage, &
par conſequent à ce qui peut arriver aux poutres
lorſqu’étant
employées dans des bâtimens, on les charge de quelque
poids
conſiderable;
mais afin de rendre ce que j’ai à dire plus intel-
ligible
, je commencerai à conſidérer une ſolive ou une poutre poſée
11Fig. 11. horiſontalement de façon qu’une de ſes extrêmités ſoit engagée dans
un
mur &
que l’autre porte à faux, c’eſt-à-dire, reſte en l’air ſans
être
ſoutenuë, ainſi voyés la muraille AB, dont l’épaiſſeur ſera par
exemple
de deux pieds &
demi, on ſupoſe que l’extrêmité d’une
poutre
eſt engagée dans cette muraille &
bien ſerrée de tout côté,
enſorte
que la partie EK qui eſt en dehors ſe ſoûtiendroit d’elle même
horiſontalement
ſi aucune force étrangeren’y touchoit, (parce que
l’on
fait abſtraction de ſon propre poids.)
Cependant ſi à l’extrê-
mité
K on ſuſpendoit un poids M aſſés conſiderable pour faire plier
la
poutre, d’abord elle commencera à ſe courber &
fera effort à
l’autre
extrêmité pour ſortir du mur;
mais comme elle y eſt ſi bien
arrêtée
que le bout enfermé ne peut abſolument bouger, toute la
violence
que l’on fera à cette poutre ſe terminera à l’endroit DCHF,
de
la ſurface, les fibres qui touchent la ligne HC, s’allongeront à
meſure
que l’on augmentera la péſanteur du poids M, &
il y aura
un
inſtant ceux qui ſont hors du mur, ſe dêtacheront d’avec
ceux
qui ſont dedans, &
alors l’équilibre étant rompu, le poids M,
emportera
la poutre, &
pendant que cet effort ſe fera, la ligne FD,
qui
repreſente le bord du trou de la muraille ſoûtiendra toute l’ac-
tion
du poids &
ſera par conſequent le point d’apui lequel répond
à
un lévier recourbé EDL qui ſera ſi l’on veut formé par deux plans
GEDF
&
FDLN. Or comme le plan DEGF, comprend tous les
30914LA SCIENCE DES INGENIEURS, fibres qui doivent être rompus, ſi l’on ſupoſe comme ci-devant que
leur
réſiſtance ſoit réünie le long de la ligne EG &
même au point
E
, l’on pourra concevoir que la puiſſance réſiſtante, c’eſt-à-dire
la
force du bois eſt apliquée à l’extrêmité du bras DE du lévier
EDL
, tandis que la puiſſance agiſſante eſt à l’autre extrêmité L, du
bras
DL, &
que par conſequent ceci retombe dans tout ce que
nous
avons dit au ſujet d’une poutre qui ayant ſes extrêmités poſées
ſur
deux apuis, tend à être rompuë dans le milieu par l’action d’un
poids
qui ſeroit poſé deſſus ou ſuſpendu.
Si l’on imagine preſentement une poutre engagée par ſes extrê-
11Fig. 7. mités, dans deux murs AB &
CD, qu’on ſupoſe paralelles, je dis
que
ſi l’on charge le milieu de cette poutre d’un poids conſidera-
ble
, elle ſe caſſera en trois endroits, dans le milieu &
aux deux ex-
trêmités
, ce qui ne peut arriver autrement, ſi l’on fait attention que
quand
la poutre commence à faire un angle dans le milieu, elle ne
peut
quitter la ligne horiſontale EF, ſans que chaque extrêmité ne
faſſe
effort pour ſe rompre;
car tout ce que nous avons aperçû dans
la
2e &
la 11e Figure, ſe trouve réüni ici, puiſque pour la rup-
ture
qui doit ſe faire dans le milieu, nous avons les deux léviers re-
courbés
IGM &
HGP, & pour celle des extrêmités l’on a auſſi les
deux
autres léviers PQH &
MNI, par conſequent le poids qui ſeroit
dans
le milieu exercera l’action de ſa péſanteur en trois endroits à
la
fois;
puiſque d’abord les fibres qui uniſſoient les points H & I,
étoient
tendus auſſi fort que ceux qui uniſſoient d’une part les points
M
&
F, & de l’autre les points E & P; ainſi quand ceux du milieu
commencent
à ſe rompre, il s’en détache à chaque extrêmité un
même
nombre &
dans le mème tems. On peut donc conclure
qu’une
poutre dontles extrêmités ſont bien engagées &
ſerrées dans
des
murs, étant chargée d’un poids conſiderable dans ſon milieu,
ce
poids excerce un tiers de ſa péſanteur à chaque endroit qui tend
à
ſe caſſer, &
que par conſequent on ne ſauroit trop prendre de
précautions
dans la Conſtruction des bâtimens pour bien engager
&
ſerrer les extrêmités des poutres, parce qu’elle en ſont beaucoup
plus
fortes &
qu’on prévient par-là les accidens qui arrivent ſouvent
faute
de bien connoître la conſequence des ſuites dans leſquelles
on
ne manque pas de tomber quand on travaille ſans raiſonner.
L’on dira peut-être qu’on a peine à s’imaginer qu’une poutre qui
eſt
retenuë par les deux bouts, comme elles le ſont ordinairement,
puiſſe
ſe rompre à l’endroit des apuis, puiſque cela eſt contraire à
l’experience
qui montre que cette rupture ſe fait toûjours dans le
milieu
.
Il eſt vrai que cela arrive ſouvent; mais, c’eſt par une cauſe
31015LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. qui n’a rien de commun avec ce que l’on vient d’inſinuer, puiſque
ſi
l’on y fait attention, l’on verra que quand les poutres ſe courbent
dans
le milieu, ou ſont prêtes à ſe rompre, leurs extrêmités ſont ſor-
ties
de leur ſituation naturelle, c’eſt-à-dire qu’elles ont un peu cha-
riées
, ce qui provient d’ordinaire de ce que la maçonnerie qui eſt
au-deſſus
s’eſt degradée, ne ſerre pas la poutre, &
leur laiſſe aſſés de
jeu
pour n’être pas contre-peſée par le poids qui la maintenoit fixe,
ou
bien on employe des poutres trop courtes qui n’étant engagées
dans
le mur que de 5 ou 6 pouces, il n’y en a point une aſſés grande
partie
d’embraſſée pour qu’elle pût être ſerrée comme il faut;
& c’eſt
en
quelque maniere pour ce ſujet qu’on les retient toûjours par des
ancres
, mais qui ſont foibles ou mal acrochées &
qui ne peuvent
jamais
faire le même effet que ſi la poutre repoſoit ſur toute l’épaiſ-
ſeur
du mur, parce que ces ancres ſe plient &
ſuivent la poutre dans
la
ſituation qu’elle eſt contrainte de prendre.
Les principes que je viens d’établir, quoique très-évidens, ſeront
ſans
doute reçûs encore avec plus de conſiance, ſi je montre que
les
Experiences, que j’ai faites ſur la force du bois, ſont parfaitement
d’accord
avec nôtre théorie;
& ce qui m’a le plus ſatisfait dans ces
Experiences
, c’eſt de voir qu’elles ſe rencontroient aſſés bien avec
celles
de Mr.
Parent; mais ſur leſquelles je n’ai pas voulu compter
que
je ne viſſe par moi-même ce qui en étoit:
or, pour qu’on
puiſſe
en tirer toute l’utilité qu’on a lieu d’en eſperer, on en va
voir
le détail dans le Chapitre ſuivant, qui pourroit être juſtifié
par
20 ou 25 Officiers d’Artillerie de l’Ecole de la Fere, qui ſe
ſont
rendus à l’Arſenal de la même Place pour ſe convaincre de ce
qu’ils
m’avoient entendu dire ſur la force du bois dans l’Ecole de
Mathematique
.
CHAPITRE TROISIE’ME.
l’on raporte pluſieurs Experiences faites ſur la force du
bois
, que l’on applique enſuite à l’uſage qu’on en peut
faire
dans la Conſtruction des Edifices.
POUR executer les mêmes Experiences de differente maniere,
j’ai
fait faire un nombre de petites Solives bien équarries &

toutes
de bois de chêne paſſablement bon, plus ſec que vert, à peu-
31116LA SCIENCE DES INGENIEURS, près de même qualité & coupées de façon que le fil du bois ſe
trouvât
toûjours dans le même ſens par raport à la ſituation il
devoit
être poſé.
On s’eſt ſervi de deux chevalets pour tenir lieu d’apui, & l’on en a
percé
la tête afin d’y paſſer des valets de fer pour ſerrer les Solives
par
les deux bouts quand on le jugeroit à propos;
& comme dans un
Arſenal
tel que celui de la Fere, il y a un grand nombre de poids
de
toute ſorte de peſanteur &
des machines pour les élever, j’ai
été
à portée de faire pluſieurs de mes Experiences en aſſés grand
volume
pour pouvoir ſervir de baſe aux conſequences que j’en ti-
rerai
à la fin de ce Chapitre.
Comme il eſt difficile de rencontrer
du
bois dont les morceaux quoique tirès d’une même piece ſoient
aſſés
égaux en toutes choſes pour qu’il ne ſe rencontre pas de diffe-
rence
qui rendroit la plûpart des Experiences équivoques ſi on n’y
prenoit
garde, j’ai repeté chaque Experience trois fois avec des
pieces
de mêmes dimenſions, enſuite j’ai ajoûté enſemble les poids
que
chacune à portée, &
le tiers de la ſomme m’a donné un nom-
bre
qui peut exprimer la force moyenne, &
c’eſt ce nombre que
l’on
trouve à côté de l’accolade chaque Experience.
Il eſt bon que j’avertiſſe, que quand je dirai qu’une Solive a tant
de
longueur, on doit entendre que cette longueur eſt compriſe en-
tre
les deux apuis, puiſqu’il n’eſt pas neceſſaire de faire mention des
trois
ou quatre pouces qu’on a donné de plus à leur bouts pour re-
poſer
ſur les apuis.
J’ajoûterai auſſi, qu’on n’a point égard à la pé-
ſanteur
des Solives, &
que dans l’aplication que nous ferons de ces
Experiences
aux poutres, on fera auſſi abſtraction de leur poids
pour
rendre les calculs moins compoſés.
Premiere Experience.
Une Solive de 18 pouces de longueur & d’un pouce en quarré,
poſée
ſur deux apuis, ſans être ſerrée par ſes extrêmités, a porté
11dans ſon milieu un moment avant de ſe caſſer. . # 400 # { # liv.
Une
ſeconde ſemblablement poſée. . . # 415 # # 406
Une
troiſiéme ſemblable en tout aux précedentes # 405
Cette experience s’accorde aſſés bien avec la douziéme raportée
par
Mr.
Parent, dans les Memoires del’Academie Royale des Scien-
ces
de l’année 1707.
il dit qu’une piece de bois de chêne de
24
pouces de longueur ſur un pouce en quarré a porté 300 liv.
dans ſon milieu un moment avant de ſe rompre; & comme la
nôtre
de 81 pouces avoit pour longueur les trois quarts de celle
31217LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. de Mr. Parent, elle devoit porter 100 liv. de plus, auſſi ne s’eſt-elle
rompue
que par l’action d’un poids d’environ 400 liv.
Seconde Experience.
Une Solive de 18 pouces de longueur ſur un pouce en quarré
11ſerrée par ſes deux extrêmités a porté avant de ſe rompre. # 600 # } # liv.
Une
ſeconde de même ſerrée par ſes extrêmités. # 600 # # 608
Une
troiſiéme telle que les précedentes & poſée de \\ même. . . . . . . . # 624
Comme, dans cette ſeconde Experience, chaque Solive a été ar-
rêtée
par les deux bouts, la queſtion étoit de ſavoir ſi effectivement
elles
romproient en trois endroits, j’ai été ſurpris de voir que la pre-
miere
qui a caſſé avec le poids de 600 liv.
n’étoit rompuë que dans
le
milieu, les deux bouts ne s’étant qu’un peu courbés;
mais, ayant
aperçû
que les valets qui ſerroient cette Solive avoient tant ſoit peu
obéï
, ne pouvant ſoûtenir un ſi grand poids, j’ai fait retenir celle que
l’on
a miſe en ſecond lieu, par deux valets à chaque extrêmité, au
lieu
d’un;
& , après avoir été chargée juſqu’à la peſanteur de 600
liv
.
elle s’eſt rompuë net dans le milieu & aux extrêmités, les deux
morceaux
du milieu étant tombés à terre dans le même tems que le
poids
:
la troiſiéme Solive s’eſt auſſi caſſée de même, & pluſieurs
autres
enſuite, qu’on a ſeulement rompu par curioſité.
Cette Experience prouve évidemment, qu’une poutre, arrêtée
&
bien ſerrée par les deux bouts, eſt capable de porter un poids
beaucoup
plus grand que celle qui n’eſt poſée que ſur deux apuis,
la
difference étant comme 3.
eſt à 2. c’eſt-à-dire, que la poutre ſerrée
par
les deux bouts eſt plus forte d’un tiers que celle qui ne l’eſt pas.
Ces deux Experiences ſe raportent auſſi à la ſeconde & à la troi-
ſiéme
de Mr.
Parent, qui dit qu’ayant une piece de bois de chêne
longue
de 11 pouces ſur 5 à 6 lignes de baſe poſée de cant ſur
deux
apuis ſans êtrc ſerrée par les extrémités a porté 34 liv.
& demi
avant
l’inſtant de ſa rupture, &
qu’une autre piece toute ſemblable
à
celle-ci, mais ſerrée par les deux bouts, a porté 51 liv.
ce qui
donne
auſſi le raport de 3 à 2, dont je viens de parler:
la 7e. & la
8
e.
Experience de cet Auteur prouvent encore la même choſe.
Troiſiéme Experience.
Une Solive de 18 pouces de longueur & de deux pouces ſur
un
pouce d’équarriſſage, poſée à plat ſans être arrêtée par ſes ex-
31318LA SCIENCE DES INGENIEURS, 11trêmités a porté. . . . . . # 810 # } # liv.
Une
ſemblable poſée de même. . . . # 795 # # 805
Une
troiſiéme poſée encore de même. . # 812
Ayant dans la premiere Experience, qu’une Solive de 18 pou-
ces
de longueur ſur un pouce en quarré poſée ſur deux apuis ſans
être
ſerrée a porté 400 liv.
la raiſon veut qu’une autre Solive de
même
longueur &
même hauteur poſée auſſi de même, mais qui
auroit
le double en largeur, porte un poids double;
auſſi avons-nous
805
liv.
pour la force moyenne au lieu de 800, qui eſt une diffe-
rence
qui ne mérite pas d’attention.
Quatriéme Experience.
Une Solive de même dimenſion que dans la troiſiéme Expe-
rience
, mais poſée de cant ſans être arrêtée par les deux bouts, a
22porté. . . . . . . # 1570 # } # liv.
Une
ſeconde ſemblable & poſée de même. . # 1580 # # 1580
Une
troiſieme. . . . . # 1590
Cette Experience prouve que deux poutres de même longueur, &
dont
la largeur des baſes eſt égale, ont leur force dans la raiſon des
quarrés
de leur hauteur, puiſque la force moyenne d’une Solive qui
a
une hauteur double de celle de la premiere Experience, &
dont
tout
le reſte eſt égal, eſt de 1580, qui eſt un nombre à peu près qua-
druple
de 400.
Elle montre auſſi que la force d’une poutre poſée
de
plat eſt à celle qu’elle auroit poſée de cant, comme le plus petit
côté
de la baſe eſt au plus grand.
Cinquiéme Experience.
Une Solive de trois pieds de longueur & d’un pouce en quarré,
33n’étant point ſerrée par ſes deux extrêmités, a porté. # 185 # } # liv.
Une
ſeconde ſemblable & poſée de même. . # 195 # # 187
Une
troiſiéme. . . . . . # 180
Cette Experience montre ſenſiblement que de deux poutres qui
ont
leurs baſes égales &
poſées ſur le même côté, la plus longue a
moins
de force que la plus courte dans la raiſon qu’elle a plus de
longueur
;
car dans la premiere Experience une poutre de 18
pouces
de longueur, &
d’un pouce en quarré, a porté 400 liv.
tandis que la force moyenne d’une autre Solive de 36 pouces de
longueur
&
de même baſe n’a été qu’à 187 au lieu de 200 qu’elle
auroit
porter;
cette difference vient apparemment de ce que
31419LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. le bois n’étoit pas tout-à-fait ſi bon que celui de la premiere Ex-
perience
.
Sixiéme Experience.
Une Solive de trois pieds de longueur & d’un pouce en quarré,
11arrêtée par les deux bouts, a porté. . . # 285 # } # liv.
Une
ſeconde poſée de même. . . . # 280 # # 283
Une
troiſiéme. . . . . . # 285
Les Solives de cette Experience ſe ſont rompuës en trois endroits
comme
dans la ſeconde, &
leur force moyenne n’a été qu’à 283
au
lieu de 300 pour être dans le même raport avec la ſeconde Ex-
perience
;
mais il n’eſt preſque pas poſſible que les Experiences puiſ-
ſent
donner juſte ce que l’on devroit en attendre par raport à celles
qui
ont été faites les premieres:
cependant l’on peut encore remar-
quer
ici que la force moyenne des Solives de la 6e Experience eſt à
celle
des Solives de la 5e, à peu près comme 3 à 2, puiſqu’il ne s’en
faut
que trois unités que ce raport ſoit exact, par conſequent
c’eſt
un ſurcroît de preuve que les poutres qui ne ſont poſées ſeule-
ment
que ſur deux apuis ont moins de force d’un tiers que celles
qui
ſont ſerrées par les bouts.
Septiéme Experience.
Une Solive de trois pieds de long ſur deux pouces en quarré, non
22ar rêtée par les deux bouts, a porté. . . # 1550 # } # liv.
Une
ſeconde ſemblable & poſée de même. . # 1620 # # 1585
Une
troiſieme. . . . . . # 1250
La premiere & la ſeconde Solive de cette Experience ont porté
à
peu près le poids qui devoit exprimer leur force par raport à la
premiere
&
la cinquiéme Experience; cependant la premiere Solive
a
porté 50 liv.
de moins & la ſeconde 20 liv. de plus, puiſque le
poids
devoit être de 1600 liv.
: quant à la troiſieme Solive, il s’en faut
beaucoup
qu’elle ait toute ſa force, puiſqu’elle n’a porté que
1250
liv.
; il eſt vrai qu’elle a paru défectueuſe avant même d’en
avoir
fait uſage, &
on n’a pas été ſurpris de ce qui eſt arrivé.
Cependant, comme il ne reſtoit point de bois debité ſelon ces di-
menſions-là
, j’ai ſupoſé, pour trouver la force moyenne, que la troi-
ſiéme
Solive avoit porté la moitié de la ſomme des poids de la
premiere
&
de la ſeconde.
31520LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Huitiéme Experience.
Une Solive de trois pieds de long ſur 20 à 28 lignes de baſe,
11poſée de cant, a porté. . . . . # 1665 # } # liv.
Une
ſeconde ſemblable poſée de même. . # 1675 # # 1660
Une
troiſieme. . . . . . # 1640
J’ai eu deſſein par cette Experience de voir de combien à peu-
près
une Solive, qui auroit les dimenſions de ſa baſe dans le raport
de
5 à 7, auroit plus de force qu’une autre dont la baſe ſeroit
quarrée
, comme dans la ſeptiéme Experience, &
j’ai été convaincu
de
ce que nous avons inſinué cy-devant, puiſque la force moyenne
des
Solives de la ſeptiéme Experience n’eſt que de 1585 liv.
tan-
dis
que celle des Solives de la derniere eſt de 1660 qui eſt une
difference
de 75:
cela ne donne pas au juſte le raport de 245 à
216
, dont nous avons fait mention dans le Chapitre précedent,
mais
ſuffit pour la juſtification de la Théorie.
Je n’ai point fait d’Experiences ſur les Solives arrêtées par un
bout
ſeulement, parce qu’il m’a paru qu’elles auroient éte inuti-
les
;
celles que je viens de raporter étant ſuffiſantes pour établir
les
regles dont il va être queſtion:
je n’en ai pas fait non plus avec
d’autres
bois que celui de chêne;
mais, comme Mr. Parent en a
fait
non ſeulement ſur le chêne, mais auſſi ſur le ſapin, il ne ſera
pas
inutile que je diſe, qu’il s’eſt aperçu que la force moyenne du
ſapin
étoit à celle du chêne, comme 119.
eſt à 100. ou environ
comme
6.
eſt à 5. d’où l’on peut conclure, que quand une certaine
Solive
de chêne portera 500.
livres avant l’inſtant de ſe rompre,
une
autre de ſapin toute ſemblable à celle-ci en portera 600.
c’eſt-
à-dire
un cinquiéme en ſus de plus que le chêne:
par conſequent,
quand
il s’agira du bois de ſapin, il ſera aiſé de calculer ſa force
par
la connoiſſance que les Experiences precedentes nous ont don-
nées
de celles du chêne.
Etant prévenu par la ſeconde Experience, qu’une Solive de 18.
pouces de longueur & d’un pouce en quarré, ſerrée par les deux
bouts
, peut porter 600.
livres avant l’inſtant de ſa rupture, il s’en-
ſuit
qu’une autre auſſi d’un pouce en quarré, &
qui auroit 3. pieds
ou
36.
pouces de longueur, & ſerrée par ſes deux extrêmités, ne
portera
que 300, ce qui eſt confirmé par la ſixiéme Experience:

or
puiſque la force de deux Solives de même longueur eſt dans le
raport
du quarré de la hauteur de chacune, multiplié par la lar-
geur
de la baſe;
ſi de ces deux ſolives la baſe de l’une a un pouce
31621LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. en quarré, & la baſe de l’autre 6. pouces auſſi en quarré, leur for-
ce
ſera dans le raport des cubes des côtés de leur baſes:
par con-
ſequent
comme un eſt à 216.
ainſi la Solive d’un pouce en quarré
&
de 3. pieds de longueur portant 300. livres, arrêtée par les
deux
bouts, celle qui auroit 3.
pieds en longueur & 6. pouces
en
quarré portera donc 64800.
mais comme cette derniere Solive
eſt
très commode, pour ſervir de modêle dans la maniere de con-
noître
la force du bois, nous nous en ſervirons préférablement
à
toute autre, pour les operations ſuivantes;
c’eſt-à-dire, que nous
regarderons
comme indubitable, qu’une Solive de 3.
pieds de
longueur
&
de 6. pouces en quarré porte dans ſon milieu 64800
avant
l’inſtant de ſe rompre, lors qu’elle eſt parfaitement ſerrée
par
les deux bouts.
Preſentement, ſi l’on avoit une poutre de 30. pieds de lon-
gueur
entre ſes deux apuis, &
de 12. pouces en quarré, dont les
extrêmités
ſeroient bien engagées &
ſerrées dans deux murs, &
qu’on
voulut ſavoir qu’elle eſt la charge que peut porter cette
poutre
dans ſon milieu, avant l’inſtant de ſe rompre;
il faut com-
mencer
par diviſer 216.
par 3. c’eſt-à-dire, le cube de la hauteur de
la
Solive, qui doit ſervir de modele par ſa longueur, &
le quo-
tient
ſera 72.
qui doit ſervir de premier terme à une regle de pro-
portion
, dont le ſecond ſera le poids que peut porter cette ſolive,
c’eſt-à-dire
, 64800.
pour avoir le troiſiéme terme, il faut quarrer
la
hauteur de la poutre dont il eſt queſtion, multiplier ce quarré
par
la largeur de la baſe, diviſer enſuite le produit qui eſt ici 1728.
par la longueur de la poutre, qu’on ſupoſe être de 30. pieds,
&
en prendre le quotient; faiſant la regle comme à l’ordinaire,
le
quatriéme terme donnera le poids que doit porter la poutre,
qui
ſe trouvera de 51840.
, on aura de même la force de toute au-
tre
poutre, dont les dimenſions ſeroient telles qu’on voudra.
Si la poutre, dont on demande la force, n’étoit point ſerrée par
ſes
deux bouts, mais ſeulement poſée ſur deux apuis;
on pourra
faire
la même regle que ci-deſſus, &
prendre les deux tiers du
poids
que le calcul aura donné, puiſque l’on ſait qu’une poutre
dans
cette ſituation porte un tiers moins que la précédente.
Nous avons ſupoſé juſqu’ici, que le poids étoit toûjours poſé
dans
le milieu;
ce pendant, comme il peut ſe rencontrer dans d’au-
tres
endroits, voici une maniere de connoître la charge que por-
tera
une poutre, à tel point qu’on voudra de ſa longueur, pour
qu’elle
reſiſte autant qu’elle le feroit ſi elle étoit chargée dans le
milieu
.
31722LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Supofant une poutre AB, de 24. pieds de longueur, & de 10.
11Fig. 12. pouces ſur 14. d’équariſſage, poſée de cant, & ſerrée par ſes deux
bouts
, on demande quel poids elle peut porter aux deux tiers de
ſa
longueur, avant l’inſtant de ſe rompre;
pour cela, il faut com-
mencer
par chercher la peſanteur du poids E, qu’elle portera dans
ſon
milieu, &
on trouvera qu’il eſt de 73500. livres: or ſi on ſe
rapelle
que l’action de ce poids eſt partagée en trois, dont un tiers
agit
à l’extrêmité A, un autre à l’extrêmité B, &
le troiſiéme dans
le
milieu D, l’on verra qu’aſin que la poutre ſoit chargée aux deux
tiers
C, comme elle le ſeroit dans le milieu, avec le poids de
73500
.
il faut que chaque bout ſoit tiré de la même façon, c’eſt
pourquoi
je multiplie 24500.
qui eſt le tiers du poids E, par 12.
qui eſt la longueur du bras de levier AD, ou BD, qui répond aux
extrêmités
, &
diviſe le produit par les deux-tiers de la longueur
de
la poutre, qui expriment alors le bras de levier CB, qui répond
au
bout B, &
le quotient 18375. eſt la partie du poids qui doit agir
à
l’extrêmité C de ce levier, pour faire le même effet que le tiers du
poids
E, fait en D pour avoir la partie du poids qui doit tirer l’au-
tre
bout A, de la même façon que l’eſt le précédent, je multiplie
encore
24500.
par 12. & diviſe le produit par l’autre tiers AC, de
la
longueur de la poutre, c’eſt-à-dire, par 8.
pour avoir 36750.
qui
eſt ce que l’on demande;
enfin comme les deux bouts ne
pouvoient
être rompus ci-devant que par l’action du tiers qui agit
dans
le milieu, il faut donc fupoſer que la poutre eſt encore char-
gée
au point C, du poids de 24500.
ainſi ajoûtant ce nombre avec
les
deux précedens, c’eſt-à-dire, avec 18375.
& 36750. l’on aura
79625
.
pour la valeur du poids G, que la poutre peut porter à
l’endroit
C pour être chargée de la même façon qu’elle le ſeroit ſi
elle
avoit porté dans ſon milieu le poids E de 73500.
qui n’eſt
ici
qu’imaginaire, puiſqu’il en faut faire abſtraction, &
ne conſide-
rer
la poutre chargée que du ſeul poids G.
Si on vouloit charger une poutre de pluſieurs poids, poſés à
differens
endroits de ſa longueur, &
qu’on deſirât ſavoir quel rap-
port
il y a de cette charge avec celle que la poutre peut porter
avant
l’inſtant de ſe rompre, il faudra commencer par chercher
quel
eſt le poids que cette poutre peut porter dans le milieu, en-
ſuite
ſupoſer qu’on a réuni tous les poids dont il eſt queſtion dans
le
même milieu, alors on pourra comparer ce poids avec celui
que
la poutre eſt capable de ſoûtenir, &
l’on verra s’il eſt plus
grand
ou plus petit, pour juger du parti qu’il faudra prendre.
Comme il ne conviendroit pas de charger les poutres de tout
31823LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. le poids qu’elles peuvent porter avant l’inſtant de ſe rompre, puis
qu’elles
ſe romproient effectivement, &
ne pourroient plus être
d’uſage
;
je croi que, pour agir en toute ſureté, & ne les point for-
cer
, on ne doit les charger au plus dans le milieu, qui eſt l’endroit
le
plus foible, qu’environ de la moitié du poids ſous lequel elles
pourroient
être rompuës;
ainſi, ayant trouvé par le calcul pré-
cedent
, qu’une poutre qui auroit 24.
pieds de long, ſur 10. à 14.
pouces d’équariſſage & poſée de cant, peut ſoûtenir dans le mi-
lieu
de ſa longueur, un poids de 73500.
on ne doit charger cette
poutre
au plus que de 36750.
on peut d’autant mieux compter
ſur
cette regle, qu’il n’arrive jamais que le poids dont on charge
les
planchers que ſoutiennent les poutres, ſoit parfaitement réuni
dans
le milieu, comme s’il y étoit ſuſpendu à l’aide de quelque
cordage
, puiſque les corps peſans ont toûjours un certain volu-
me
qui occupe une partie de la longueur de la poutre, &
dimi-
nuë
par conſequent du bras de levier, ce qui fait qu’elles reſiſtent
avec
plus d’avantage, &
ſe reſſentent moins du fardeau qu’elles
portent
.
Nous ſupoſons ici que les poutres portent tout le poids dont les
planchers
peuvent être chargés;
car quand même le poids ſeroit
ſur
les ſolives entre deux poutres, ces ſolives étant apuyées ſur les
poutres
, c’eſt toûjours ſur elles que ſe termine toute la charge;
auſſi quand les planchers viennent à manquer, ce n’eſt jamais que
par-là
&
rarement par les ſolives, parce qu’elles n’ont pas beau-
coup
de portée;
mais s’il falloit avoir égard à leur force, on pourra
connoître
la réſiſtance dont elles ſeront capables comme on a fait
pour
les poutres, avec cette attention cependant qu’on doit les re-
garder
comme des pieces poſées ſur deux apuys ſans y être ſerrées
par
les extremités, &
que par conſequent elles ont un tiers moins
de
force à proportion que les poutres.
N’ayant parlé juſqu’ici que des poutres dont les dimenſions étoient
connuës
, il nous reſte à examiner comme on peut trouver quelle
doit
être la groſſeur d’un arbre dont on voudroit tirer une poutre
qui
fut la plus forte de toutes celles que peut fournir le même arbre,
&
qui ſoit en même tems capable de porter dans ſon milieu un poids
donné
.
Il eſt conſtant qu’ayant deux arbres dont les diamétres AB &
11Fig. 9.
& 10.
GH, ſont inégaux, que voulant en tirer les deux plus fortes poutres
qu’ils
peuvent donner, ces poutres auront des baſes ſemblables,
puiſque
les rectangles FE &
KI, auront été tracés de la même ma-
niere
.
Or ſi les poutres ont des longueurs égales, leurs forces ſeront
commeles
parallelipipedes, comprisſousle quarré du côté FB, &
le
31924LA SCIENCE DES INGENIEURS, côté FA, eſt au parallelipipede, compris ſous le quarré du côté
KH
, &
la ligne KG; mais GI, étant à GK, : : AE, AF, il s’en-
ſuit
que ces parallelipipedes ſeront ſemblables, &
dans la raiſon
des
cubes de leurs côtés homologues FB, &
KH, ou bien dans la
raiſon
des cubes des diamêtres ou diagonales AB, &
GH, à cauſe
des
triangles ſemblables AFB, &
GKH, par conſequent l’on pour-
ra
prendre les cubes des diamêtres, au lieu des parallelipipedes
pour
exprimer la force des deux poutres, en ſupoſant toûjours que
leurs
longueurs ſont égales;
mais ſi elles étoient differentes, on
connoîtra
encore le rapport de leur force, en diviſant le cube de
chaque
diametre par la longueur de la poutre qui luy répond.
Si l’on ſupoſe preſentement qu’on a tiré du cercle FE une poutre
dont
on connoît la longueur, la baſe FE &
le poids que cette pou-
tre
peut porter avant l’inſtant de ſe rompre, &
qu’on veuille ſavoir
quel
doit être le diamêtre de l’arbre d’où l’on veut tirer une autre
poutre
dont la baſe ſoit ſemblable à la precedente, enſorte que
cette
poutre ſoit capable de porter un poids donné, il faut chercher
par
l’Algebre une formule qui nous enſeigne la maniere dont il
11Fig. 6. faudra s’y prendre.
Prenant la poutre NP pour celle qui doit ſervir de modele, nous
nommerons
la diagonale OQ, a;
ſa longueur NO, b; & le poids
qu’elle
peut porter m;
de même nous nommerons x, la diagonale
de
la baſe que l’on cherche, d, la longueur de la poutre qui apar-
tient
à cette baſe, &
n, le poids donné; & alors on aura m, n : :
{a3/b} {x3/d}; c’eſt-à-dire que le poids que peut porter la poutre NP,
eſt
au poids que doit porter la poutre dont on demande la baſe,
comme
le cube de la diagonale NQ, divifé par la longueur NO,
eſt
au cube du diamêtre du cercle que l’on demande divifé par la
longueur
de la poutre quirépond à ce diamêtre.
Or ſi de cette pro-
portion
on en forme une équation on aura {na2/b} = {mx3/d} qui étant
diviſée
par m, &
multipliée par d, aſin de dégager l’inconnuë il vient
{dna3/bm} = x3 dont extrayant la racine cube, l’on a {3dna3\x{0020}/bm} = x,
qui
donne la valeur de l’inconnuë, que l’on trouvera en ſuivant
ce
qu’enſeignent les lettres qui compoſent le premier membre,
comme
nous allons le détailler.
Supoſant que la poutre NP, qui doit ſervir de modele, ſoit de
24
pieds de longueur, ſa hauteur OP de 14 pouces, &
la largeur
PQ
de 10, le quarré de 14 étant à peu-près double de celui de 10,
32025LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. le rectangle RP, pourra être conſideré comme ſemblable à celui
que
nous cherchons, &
comme l’on a le rectangle OPQ, il ſera aiſé
d’avoir
la diagonale OQ, qu’on trouvera environ de 17 pouces
3
lignes, qui eſt la valeur de a;
ainſi cubant ce nombre l’on aura
5132
= a3, 24 = b;
& comme nous avons ci-devant, qu’une
poutre
telle que celle-ci pouvoit porter dans ſon milieu 73500
liv
.
avant l’inſtant de ſe rompre lorſqu’elle étoit bien ſerrée par ſes
extrêmités
, on aura donc 73500 = m, par conſequent la valeur
des
trois quantités qui apartiennent à la poutre qui doit ſervir de
modele
;
& ſi la poutre dont on cherche la baſe a 30 pieds de lon-
gueur
, on aura 30 = d, &
il ne reſtera plus qu’à ſavoir quel eſt le
poids
qu’on veut faire porter à cette poutre, &
de quelle façon on
veut
qu’elle le porte;
car ou l’action de ce poids ſera en équilibre
avec
la réſiſtance de la poutre &
même un peu plus fort que cette
réſiſtance
pour cauſer la rupture, ou bien la réſiſtance de la poutre
ſera
tellement au-deſſus du poids, qu’on n’aura pas lieu d’aprehender
qu’elle
caſſe, qui eſt le cas qui convient à l’uſage, puiſqu’on ne fait
pas
des poutres pour les rompre, &
comme j’ai dit ailleurs qu’il
ne
falloit les charger que de la moitié du poids qu’elles pouvoient
porter
avant l’inſtant de ſe rompre, il faut donc pour ſuivre ceprin-
cipe
faire comme ſi la poutre dont on cherche la baſe devoit porter
un
poids double de celui qu’elle portera en effet, parce qu’alors ſa
réſiſtance
ſera double de l’effort qu’elle aura à ſoûtenir, c’eſt pour-
quoi
voulant qu’elle puiſſe porter 100000l.
nous ſupoſerons qu’elle
peut
en porter 200000, ainſi on aura 200000 = n, qui eſt la va-
leur
de la derniere lettre qui nous reſtoit à connoître.
Pour ſuivre ce qu’enſeigne la formule {3√dna3\x{0020}/bm} = x, on com-
mencera
par multiplier la valeur de d &
de n, l’une par l’autre, qui
donneront
6000000 qu’il faut multiplier par la valeur de a3, l’on
aura
30792000000 = dna3, qu’il faut diviſer par la valeur de bm;
c’eſt-à-dire par le produit de 24 & de 73500 qui eſt 1764000, & le
quotient
donnera 17455 = {dna3/bm}, dont il faut extraire la racine
cube
qui ſera à peu-près de 25 pouces 6 lignes pour la valeur de
x
;
c’eſt-à-dire pour le diamétre de l’arbre d’où l’on veut tirer la
poutre
que l’on demande.
Si l’on vouloit ſavoir en nombre quelle eſt la valeur des deux côtés
GI
&
IH, de la baſe de la poutre qu’on doit tirer du cercle KI,
dont
le diamétre GH, eſt de 25 pouces &
demi, remarqués que le
quarré
du côté GI, étant double de celui du côté IH, le premier
32126LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſera les deux tiers du quarré du diamêtre GH, & le ſecond le tiers
même
, ainſi quarrant 25 &
demi ſi l’on prend à part le tiers & les
deux
tiers du produit, &
qu’on extraye la racine quarrée de chacune
de
ces quantités, elles donneront à peu-prés 14 pouces 8 lignes,
&
20 pouces 8 lignes, pour la valeur des côtés GI & IH, c’eſt-à-
dire
pour les dimenſions de l’équarriſſage.
Ileſt bon de dire que toutes les fois que nous avons parlé du cer-
cle
d’un arbre, nous avons toûjours entendu la partie interieure de
l’arbre
, qui n’a ni aubier ni écorce, mais qui eſt dure &
de bonne
conſiſtance
;
& que quand il étoit queſtion d’en tirer une poutre,
on
commençoit à tracer avec le compas un cercle dont le centre
étoit
celui de l’arbre même, &
dont le rayon alloit ſe terminer un
peu
au-deſſous de l’écorce;
& que c’étoit le diamétre de ce cercle
qu’il falloit diviſer en trois parties égales, pour tracer la baſe de
la
poutre que l’on demande:
de même, après avoir trouvé le diamé-
tre
d’un arbre duquel on veut tirer une poutre, comme dans l’opé-
ration
précédente, il faut toûjours ſupoſer que l’arbre doit avoir
au
moins un diamétre de 3 pouces plus grand que celui qu’on aura
trouvé
, afin d’avoir égard au déchet.
Voici encore un cas que je ne paſſerai pas ſous ſilence, eſpe-
rant
qu’il ſervira dans les occaſions qui peuvent ſe preſenter.
La longueur d’une poutre étant donnée, & le côté ſur lequel elle
doit
être poſée, on demande quelle doit être ſon épaiſſeur verticale,
pour
être capable de porter dans ſon milieu un poids donné.
Pour cela, nous ſupoſerons que la poutre, qui doit ſervir de mo-
dele
, a pour baſe un quarré, dont le côté ſera nommé a, la lon-
gueur
de la poutre b, &
le poids qu’elle peut porter avant l’inſtant
de
ſe rompre, m;
que la longueur de la poutre qui fait le ſujet de la
queſtion
eſt nommée d;
le côté de la baſe que l’on connoît, c;
celui que l’on cherche, x; & le poids que cette poutre doit porter,
n
:
cela poſe2; , ſi on multiplie le quarré de la hauteur verticale de
chaque
poutre par ſon épaiſſeur, &
que l’on diviſe chaque produit
par
la longueur des poutres auſquelles elles appartiennent, on pour-
ra
avec les deux quotiens, &
les poids que ces poutres peuvent por-
ter
avant l’inſtant de ſe rompre, former cette proportion, m, n :
:
{√a3\x{0020}/b}, {cxx/d} qui donne {na3/b} = {mcxx/d}, &
multipliant cette équation par d,
&
la diviſant enſuite par mc, l’on aura après avoir extrait la racine
quarrée
de chaque membre, {2√dna3\x{0020}/bcm} = x, qui eſt une formule, dont
voici
l’application.
32227LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
Prenant pour modele la Solive de 3 pieds de longueur fur 6
pouces
en quarré, qui porte un poids de 64500 liv.
l’on aura
a
3 = 216, 6 = 3, m = 64500.
Si preſentement la poutre, dont il
eſt
queſtion, a 24 pieds de longueur, que le côté ſur lequel elle doit
être
poſée ſoit de 12 pouces, &
que le poids qu’elle doit porter pour
n’être
pas en danger de ſe rompre, ſoit de 70000.
il faut doubler ce
poids
, pour les raiſons que j’ai dit ci-devant, &
alors il ſera conſideré
comme
étant de 140000.
Ainſi nous aurons donc d = 24, c = 12,
&
n = 140000; c’eſt pourquoi il n’eſt plus queſtion que de ſuivre ce
qu’enſeigne
la formule, c’eſt-à-dire multiplier les valeurs de d &
de
n
l’une par l’autre, &
le produit 3360000. par la valeur de a3, c’eſt-
à-dire
par 216 pour avoir 725760000.
= dna3 qu’il faut diviſer par
le
produit des trois nombres qui expriment la valeur de b, c, m, le-
quel
donnera 2322000.
= b, c, m; & le quotient ſera 312, dont il
faut
extraire la racine quarrée qu’on trouvera de 17 pouces, 7 lignes,
11
points, pour la hauteur verticale de la poutre.
Si la hauteur verticale étoit donnée, & qu’on voulût trouver l’é-
paiſſeur
horiſontale, nommant cette épaiſſeur x;
& l’autre c; & tout
le
reſte avec les mêmes lettres, alors la formule ſe changeroit en
celle-ci
{dna3/bmcc} = x.
Enfin, ſi les deux dimenſions de l’équariſſage étoient données, &
qu’on
voulût ſçavoir quelle doit être la longueur d’une poutre pour
caſſer
ſous l’éfort du poids n;
nommant c, la hauteur verticale, f l’é-
paiſſeur
horiſontale;
nous ſervant toûjours du même modele, nous
aurons
encore m, n, :
: {a3/b}, {ccf/x} d’où l’on tire cette formule, après a-
voir
dégagé l’inconnuë {bccfm/na3} = x.
Comme de toutes les ſituations qu’on peut donner à une piéce de
bois
par rapport à ſa longueur, il n’y en a point elle ait moins de
force
, que quand elle eſt poſée horiſontalement, il eſt à propos d’e-
xaminer
ce qui arrive quand elle eſt poſée obliquement.
Si l’on conſidere la poutre AB poſée ſur deux apuis, dont l’un eſt
11Fig. 8. beaucoup plus élevé que l’autre, il eſt conſtant que le poids D qui
ſeroit
ſuſpendu dans le milieu de ſa longueur, n’agiſſant point ſelon
une
direction perpendiculaire au bras de levier, fera d’autant moins
d’effort
pour rompre cette poutre, que l’angle CFG formé par l’o-
bliquité
de la poutre, &
la ligne horiſontale FG aprochera davantage
de
valoir un droit, juſques-là que ſi la poutre étoit perpendiculai-
re
à l’horiſon, c’eſt-à-dire que l’angle CFG fût effectivement droit,
32328LA SCIENCE DES INGENIEURS, le poids D ne feroit plus aucun effet, parce que ſa direction & celle
du
levier ſe trouveroient dans une même ligne.
Mais ſi la poutre eſt
ſeulement
inclinée, comme nous la ſupoſons ici, alors on n’a qu’à
faire
le paralellogramme rectangle EFCH, &
l’action du poids ſur la
poutre
poſé horiſontalement ſera à celle du même poids, quand
cette
poutre eſt oblique, comme la diagonale EC eſt au côté EF, ou,
ce
qui revient au même, comme le ſinus de l’angle CFE, eſt au ſinus
de
l’angle FCE:
de ſorte que ſi l’on vouloit que cette poutre fût chan-
gée
dans la ſituation oblique de la même façon qu’elle le ſeroit ſi elle
étoit
horiſontale, pour être rompuë dans l’un &
l’autre cas, l’on voit
que
quand il faudra dans la ſituation horiſontale un poids exprimé
par
le côté FE, ou par le ſinus de l’angle FCE, celui pour la ſituation
oblique
doit être exprimé par la diagonale EC;
par conſequent lorſ-
que
l’angle FCE devient ſi petit, que les deux lignes CE &
CA ſe
trouvent
confonduës, ce qui arrive quand la poutre eſt perpendicu-
laire
à l’horiſon, la ligne CE n’étant plus déterminée, le poids que
peut
porter la poutre devient inexprimable.
Bullet, en parlant de la charpente dans ſon Architecture pratique,
dit
que la force d’une piéce de bois, qui eſt inclinée, augmente dans
la
raiſon de l’ouverture des angles que cette piéce forme avec la
ligne
horiſontale;
& , comme bien des gens ajoûtent foi à tout ce
que
raporte un Auteur qui a quelque réputation, je croi qu’il eſt à
propos
d’expoſer ici mot pour mot le ſentiment de celui que je viens
de
citer, afin de faire enſuite quelques Remarques qui ne ſeront
peut-être
pas inutiles.
A l’égard de la groſſeur des bois, dit-il, l’on peut ſavoir que
ceux
, que l’on employe aux combles, n’ont pas beſoin d’être ſi
gros
par rapport à leur longueur, que ceux qu’on employe aux
planchers
, car ceux-ci ſont poſés de niveau, &
ſoufrent beau-
coup
davantage que ceux des combles qui ſont inclinés, &
on
ne
doit pas douter qu’une piece de bois poſée de bout, ne por-
te
ſans comparaiſon plus dans une même groſſeur &
longueur,
que
ſi elle étoit poſée de niveau;
enſorte que ſupoſant qu’une
piece
de bois puiſſe porter, par exemple, 1000 étant poſée de
niveau
, &
qu’étant poſé de bout elle porte 3000, ſi on l’in-
cline
d’un demi-angle droit, elle doit porter 2000, &
ainſi des
autres
angles plus ou moins inclinés à proportion.
Tout le monde penſe avec Bullet, qu’il ne faut pas donner tant
de
groſſeur aux chevrons d’un comble, qu’aux ſolives d’un plan-
cher
, non ſeulement par raport à la ſituation avantageuſe des pre-
miers
, mais auſſi parce que les chevrons ne portent jamais d’autre
324
[Empty page]
325 22[Figure 22]
326
[Empty page]
32729LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. poids que celui de la couverture, au lieu que les ſolives, indepen-
damment
des planchers qu’elles ſoutiennent, doivent être auſſi ca-
pables
de porter la peſanteur de tous les corps étrangers dont on
voudroit
les charger, ſelon l’uſage des lieux elles ſont emplo-
yées
:
mais à l’égard du bois poſé obliquement, je ne vois point
ſur
quel fondement il dit, qu’une piece, qui ſeroit inclinée ſous un
angle
de 45.
degrés, portera un poids moyen arithmetique, en-
tre
celui qu’elle porteroit ſi elle étoit horiſontale, &
entre l’autre
qu’elle
ſoutiendroit ſi elle étoit de bout;
car l’on peut bien con-
noître
ce que peut porter cette piece quand elle ſera horiſontale,
en
ſuivant les regles précedentes, mais il n’eſt pas poſſible de dé-
terminer
ce qu’elle portera étant de bout, le poids dans cette der-
niere
ſituation ne pouvant être exprimé, par conſequent il n’eſt
pas
poſſible de trouver des termes moyens:
ce n’eſt pas que je
veuille
dire qu’une piece de bois, poſée de bout, ſoit capable de
porter
un fardeau immenſe, je ſais bien que quand elle aura une
certaine
hauteur, elle pourra plier, &
même ſe rompre; mais quand
cela
arrive ce n’eſt pas l’effet d’une cauſe ſuſceptible d’aucune regle,
c’eſt
que le poids ne porte pas à plomb, &
pouſſe obliquement, ou
que
le bois lui même n’eſt pas bien perpendiculaire, ou ce qui pa-
roît
le plus vraiſemblable encore, c’eſt que le fil peut en être obli-
que
, &
par conſequent tende à ſe caſſer du côté le plus foible;
mais comme il ſuffit de ſavoir ce qu’une piece de charpente peut
porter
étant horiſontale, pour juger de ce qu’elle portera quand elle
ſera
miſe dans une ſituation oblique;
l’on voit ſelon ce que j’ai
dit
ci-devant, que cette force n’augmente point dans la raiſon de
l’ouverture
des angles, mais ſelon que le ſinus total ſe trouve plus
grand
que les ſinus des complemens des angles, formés par la li-
gne
horiſontale &
la piece.
Un peu après, cet Auteur continuë en ces termes: Il y auroit
beaucoup de choſes à dire ſur la groſſeur que les bois doivent
avoir, par raport à leur longueur &
à leur uſage, quand même
on les ſupoſeroit generalement tous de même qualité, ce qui ar-
rive rarement;
cette queſtion ne peut pas être reſoluë par les
regles de Geometrie, parce que la connoiſſance de la bonne &

mauvaiſe qualité des bois apartient à la Phiſique;
ainſi il faut ſe
contenter de l’experience, avec laquelle on peut donner quel-
ques regles, pour les differentes groſſeurs des poutres, par rap-
port à leur longueur, ſupoſant neanmoins que la charge n’en ſoit
pas exceſſive, comme quand on fait porter pluſieurs cloiſons &

planchers l’un ſur l’autre à une même poutre, ce que j’ai en
32830LA SCIENCE DES INGENIEURS,pluſieurs endroits, & ce qu’il faut abſolument éviter. Voici une
table pour avoir la groſſeur des poutres ſuivant leur longueur,
donnée de 3 pieds en 3 pieds, depuis 12 juſqu’à 42 pieds, laquel-
le table a été faite par une regle fondée ſur l’experience, dont
chacun pourra ſe ſervir comme il jugera à propos pour ſon utilité.
11Longueur des poutres. # leur largeur. # leur hauteur.
Une
poutre de 12 pieds aura # 10 pouces ſur # 12 pouces.
15
# 11 # 13
18
# 12 # 15
21
# 13 # 16
24
# 13 {1/2} # 18
27
# 15 # 19
30
# 16 # 21
33
# 17 # 22
36
# 18 # 23
39
# 19 # 24
42
# 20 # 25
Il a raiſon de dire, qu’il arrive rarement qu’on rencontre des
bois
de même qualité;
mais, c’eſt à tort qu’il croit que les regles
de
la Geometrie ne peuvent être d’aucune utilité, pour proportion-
ner
leur groſſeur à leur longueur, quand on fera abſtraction de la
difference
de leur force naturelle, puiſque je ne crois pas qu’on
puiſſe
y arriver par d’autres voyes, car independamment des ex-
periences
qu’on a rapportées ci-devant, il ſuffira que l’uſage nous
ait
apris que des poutres, des ſolives, des chevrons &
c. d’une cer-
taine
longueur &
d’une groſſeur déterminée, ayent toûjours bien
réuſſi
, pour qu’on puiſſe après cela trouver les baſes qu’il con-
vient
de donner à ces mêmes pieces, ſi on étoit dans la neceſſité
de
les employer beaucoup plus longues, &
alors la pratique ſeule
ne
ſuffit pas pour juger exactement de la groſſeur des bois;
c’eſt
pourquoi
je ne vois pas qu’on puiſſe ſe ſervir ſurement de la ta-
ble
qu’il donne, ne rendant aucune raiſon de la maniere dont elle
a
été calculée;
j’ai même voulu voir ſi les poutres, qui y ſont ra-
portées
, répondoient tant ſoit peu aux regles qui devoient leur
convenir
, mais je n’ai rien aperceu qui en aprochât.
Si j’ai fait
mention
du Livre de Bullet, ce n’a été que pour faire ſentir aux per-
ſonnes
qui veulent s’apliquer à l’Art de bâtir, combien il eſt impor-
tant
qu’ils ayent quelques principes de theorie, qui puiſſent les
guider
dans la pratique.
32931LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
Voilà ce que je m’étois propoſé de dire ſur la maniere de con-
noître
la force des bois, qui ſont en uſage dans les bâtimens:
j’a-
vois
fort envie de ne pas m’en tenir-là, &
de faire d’autres apli-
cations
des principes de la mécanique à la charpente, pour montrer
quelle
eſt la diſpoſition la plus avantageuſe qu’il convient de don-
ner
à l’aſſemblage des pieces de toute ſorte d’ouvrages en général,
pour
être capables de reſiſter le plus qu’il eſt poſſible, aux pouſſées
qu’ils
auroient à ſoûtenir, avec un certain nombre de ſolives détermi-
, neceſſaire ſeulement pour l’éxecution de ce que l’on a en vuë,
car
on ne peut douter que dans les fermes qui ſoûtiennent les com-
bles
, celles qui ſont employées pour les jettées qui ſe font dans la
mer
, les chevalets des ponts, les portes des écluſes &
c. il n’y ait
des
puiſſances qui agiſſent &
qui reſiſtent ſelon certaine direction,
&
par conſequent des leviers de differente eſpece, & que tout cela
ne
faſſe un mécaniſme, dont la connoiſſance ne peut être que très
utile
, que j’aurois volontiers developé, ſi je m’étois trouvé plus de
loiſir
que je n’en ai preſentement;
car ayant commencé à écrire
quelques
chapitres ſur ce ſujet, je me ſuis aperçu que pour les trai-
ter
comme il faut, je ſerois obligé d’embraſſer un ouvrage qui de-
viendroit
fort étendu, mais que je me propoſe pourtant de ré-
prendre
dans le ſecond Volume.
CHAPITRE QUATRIE’ME.
Des bonnes & mauvaiſes Qualités du Fer.
LE grand uſage que l’on fait du fer dans les travaux du genie
&
de l’artillerie, en rend la connoiſſance ſi neceſſaire, que
j’ai
crû ne pouvoir me diſpenſer de raporter ici toutes les Obſer-
vations
qui pouvoient contribuer à en faire un bon choix:
pour
cela
, j’ai eu recours à ce que l’experience a apris à ceux qui travail-
lent
continuellement dans les Forges des Arſenaux du Roy;
&
comme
je ne connois point d’Auteur qui traite mieux cette matie-
re
que Monſieur Felibien, dans ſes Memoires d’Architecture, j’ai
profité
auſſi des Inſtructions qu’il donne.
Pour juger de la qualité du fer, il faut ſavoir de quelle Forge il
vient
, ſi la mine d’où il eſt tiré eſt douce ou caſſante;
& pour con-
noître
ces mines, voici ce que l’on a remarqué ſur celles qui four-
niſſent
du fer en France.
33032LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Le meilleur fer, que nous ayons, eſt celui qui ſe tire des mines
de
Berry;
il y a quelques années que l’on en a travaillé une grande
quantité
à l’Arſenal de la Ferre;
les ouvriers l’ont trouvé ſi excel-
lent
, qu’ils ne pouvoient lui donner aſſez d’éloge.
Le fer de
Bourgogne
eſt auſſi fort bon, cette Province en fournit pour la con-
ſtruction
des Vaiſſeaux &
Galeres qui ſe font à Toulon & à Mar-
ſeille
;
on le tire particulierement des Forges de Peſmes & de Mo-
rambert
, parce qu’il eſt fort doux &
aiſé à employer.
Le fer de Senonge & celui de Vibray, proche Monmiral au Mans,
eſt
aſſez eſtimé, parce qu’il ſe forge bien, étant doux &
pliant.
L’on ne fait pas grand cas du fer de Normandie, non plus que de
celui
de Champagne &
de Thierrage, parce qu’il eſt fort caſſant &
d’une
très mauvaiſe qualité.
Le fer de Roche eſt bon, s’employant bien en toute ſorte d’ou-
vrage
, de même que celui qui vient des mines de Nivernois;
ce der-
nier
étant fort doux, propre à faire des épées, &
des canons de fu-
ſils
:
il eſt même d’une qualité qui aproche fort de l’acier.
Celui qu’on tire de Signy le petit eſt dur & caſſant, mal aiſé à
forger
, le grain en eſt gros &
clair, par conſequent d’une mauvaiſe
qualité
, auſſi ne l’employe-t-on guere que pour les bombes &
les
boulets
.
Le fer d’Eſpagne eſt très doux, de maniere qu’on le forge à
froid
comme l’argent:
il y a des Forges entre St. Sebaſtien & le
Paſſage
, dont le fer a cette qualité.
J’ai d’habiles gens, partagés ſur le fer de Suede & d’Allemagne,
les
uns en faiſant beaucoup de cas, &
les autres ne l’eſtimant gue-
re
;
au reſte, il eſt fort bon, quand il eſt corroyé avec d’autre fer
pour
des outils tranchans.
J’ai dit que le fer de Berry étoit de très bonne qualité; mais il eſt
à
propos d’obſerver qu’il s’en trouve de deux eſpeces, l’un &

l’autre
ſe debitent en barre, toute la difference eſt, que l’un eſt de
fer
battu, &
l’autre ſe tire comme le Vitrier tire le plomb, & par
on le fait auſſi mince &
auſſi large que l’on veut; mais ce qu’il
y
a de particulier, c’eſt que celui qui eſt ainſi tiré eſt d’une qua-
lité
incomparablement meilleure que l’autre qui eſt battu, étant
plus
nerveux:
l’on n’y voit preſque point de grain, & on a de la
peine
à le caſſer à froid;
aparamment que le rouleau contribuë
beaucoup
à lui donner cette qualité.
Comme il ſe rencontre du fer bon & mauvais, quoi qu’il vien-
ne
de la même Forge, &
quelquefois de la même Gueuſe, il faut
pour
en être plus ſur, en prendre une barre:
ſi l’on voit qu’il y ait
33133LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. de petites veines noires, qui s’étendent au long, & qu’on n’y aper-
çoive
point de gerſures, ou de coupures qui aillent en travers, &

que
cette barre ſoit pliante ſous le marteau, c’eſt une marque que
le
fer eſt bon;
au lieu que s’il y avoit des gerſures, & que ia barre
fût
roide, c’eſt une preuve évidente que le fer eſt Rouverain, c’eſt-
à-dire
caſſant à chaud, &
qu’il eſt difficile à forger.
On connoîtra encore ſi le fer eſt doux, à la couleur qu’il aura en
dedans
après l’avoir caſſé, car s’il eſt noir, c’eſt ſigne qu’il eſt bon,
&
malleable à froid & à la lime; mais auſſi il eſt ſujet à être cen-
dreux
, c’eſt-à-dire qu’il ne devient pas plus clair après qu’il eſt
poli
, principalement s’il s’y rencontre des taches griſes comme de
la
cendre, car c’eſt ce qui le rend difficile à polir, &
à mettre en
bon
luſtre, ce qui n’arive pas à toutes les barres, mais à la plû-
part
;
auſſi cette ſorte de fer eſt moins ſujette à ſe roüiller, par-
ce
qu’il tient un peu de la nature du Plomb.
Il y a d’autres barres dont le fer, à la caſſe, paroît gris, noir, &
tirant
ſur le blanc;
il eſt beaucoup plus dur & plus roide que le
précédent
lors qu’on le plie:
il eſt très propre à être employé aux
gros
ouvrages dans les bâtimens;
mais, pour la lime, il eſt mal ai-
ſé
, à cauſe qu’il s’y rencontre des grains qu’on ne peut emporter
facilement
.
Celui qui, étant caſſé, a le grain mêlé de blanc, de gris, ou de
noir
, eſt ſouvent le meilleur, ſoit pour la forge ou la lime, &

pour
ſe bien polir.
Il y a d’autres barres, qui ont le grain petit comme de l’acier, &
dont
le fer eſt pliant à froid, il eſt mal aiſé à limer, &
greſille lors
qu’il
commence à être chaud, de ſorte qu’il eſt difficile à em-
ployer
, à la forge &
à la lime, attendu qu’il ne ſe ſoude pas faci-
lement
, &
qu’à la lime il a des grains; il eſt bon pour ceux qui
font
de gros ouvrages.
Il y en a encore d’autres, dont le grain eſt gros & clair à la caſſe,
comme
de l’étain de glace:
ce fer eſt de mauvaiſe qualité, car il
eſt
caſſant à froid &
tendre au feu, ne pouvant ſouffrir une gran-
de
chaleur ſans ſe brûler, parce qu’il eſt fort poreux, aiſé à ſe
rouiller
&
à ſe manger.
Le fer, qu’on apelle Rouverain, ſe connoit; comme je viens de di-
re
, lors qu’il y a des gerſures ou des coupures, qui vont au travers
des
barres;
il eſt d’ordinaire pliant & malleable à froid: ſi en le
forgeant
il ſent le ſoufre, &
qu’en le frapant il en ſorte de petites
étincelles
, c’eſt une marque qu’il eſt caſſant à chaud;
auſſi lors
qu’il
vient en ſa mauvaiſe couleur, qui eſt d’ordinaire un peu plus
33234LA SCIENCE DES INGENIEURS, blanche que couleur de ceriſe, il caſſe quelquefois tout au travers
de
la piece;
ſi on le frape, & qu’on le ploye, il deviendra tout
pailleux
.
Les ouvriers, & ceux qui ont accoûtumé de faire travailler, con-
noiſſent
bien la qualité du fer en le forgeant, car s’il eſt doux ſous
le
marteau, il ſera caſſant à froid, au lieu que s’il eſt ferme, c’eſt
ſigne
qu’il ſera ployant à froid.
Comme il ſe rencontre des occaſions, il eſt neceſſaire de
ſavoir
les differentes eſpeces de fer que l’on tire des Forges, voi-
ci
les dimenſions de celui qui ſe debite le plus communement chez
les
Marchands:
il ne s’en rencontre guere d’autres, à moins qu’il
ne
ſoit de commande.
Le fer plat a 9 à dix pieds de long, & quelquefois plus, ſur 2
pouces
&
demi de large, & 4 lignes environ d’épaiſleur: il s’en
trouve
même de 12 &
13 pieds de long, ſur 3 pouces & demi
&
4 pouces de large.
Le fer, qu’on nomme quarré, eſt en barre de diverſe longueur,
&
a depuis un juſqu’à 2 pouces ou environ en quarré.
Le quarré batard a 9 pieds de long, & 16 à 18 lignes en quarré.
Le fer Cornette a 8 ou 9 pieds de long, 3 pouces de large, &
4
à 5 lignes d’épaiſſeur.
Le fer Rond à 6 à 7 pieds de long, ſur 6 lignes de diamétre.
Le fer de Carillon eſt un petit fer qui n’a que 8 à 9 lignes de
groſſeur
.
Celui de Courçon eſt par gros morceaux de 2, 3 & 4 pieds de
long
.
La Taule eſt en feuilles, & de pluſieurs largeurs & hauteurs.
Il y a outre cela le petit fer en botte, qui ſert pour faire les ver-
gettes
des vitres &
autres ouvrages.
Je ne dis rien du fer coulé, ou qu’il faut forger exprès pour des
machines
, parce que les aplications qu’on en feroit ici ſeroient
hors
de propos.
33335LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
CHAPITRE CINQUIE’ME.
Des Portes que l’on fait aux Villes de Guerre.
AVant qu’on ne fortifiât les Places comme on le fait depuis
un
ſiécle, on avoit recours à mille inventions pour garentir
les
Portes des ſurpriſes:
on pratiquoit à droit & à gauche du paſ-
ſage
des eſpeces de Corridors ou Places d’Armes garnis de Cre-
neaux
qui ſervoient à paſſer par les armes ceux qui après avoir en-
foncé
la premiere Porte avec le Petard ou le Canon ſe trouvoient
arrêtés
par la herſe ou autre barriere;
& , afin d’enfiler & voir de
revers
, on faiſoit quelquefois le paſſage de biais, ce qui le rendoit
ſi
obſcur à cauſe que l’entrée &
la ſortie n’étoient point directe-
ment
opoſées, qu’il reſſembloit à un coupe-gorge.
Aujourd’hui
que
la force des Places conſiſte dans les Ouvrages détachés, on fait
les
Portes beaucoup plus ſimples.
On ſe contente de les couvrir
par
une demi-Lune lorſquelles ſont conſtruites dans le milieu des
courtines
&
d’en deffendre l’entrée par les flancs des Baſtions
voiſins
;
& , pour en juger d’un coup d’œil, il ſuffira de conſiderer
les
Planches 13 &
14, qui comprennent les Plans, Profils, & Ele-
11Planch.
13
& 14.
vations d’une Porte avec toutes les dimenſions de ſes parties, que
l’on
a cottées exprès pour n’avoir pas recours à l’échelle:
ainſi, ſans
entrer
dans un grand détail, je dirai ſeulement, que les ouvertures des
Portes
entre les piés-droits doivent avoir 9 à 10 pieds ſur 13 à 14
de
hauteur;
que le paſſage eſt accompagné de Pilaſtres de diſtance
en
diſtance, pour porter les arcs-doubleaux de la Voûte;
que ces
Pilaſtres
ont 2 pieds &
demi de largeur ſur 4 ou 5 pouces de ſaillie;
qu’on pratique entre deux des niches ménagées dans I’épaiſſeur des
piés-droits
, qui ſervent à retirer les gens de pied, quand le paſſage
eſt
embaraſſé par quelque Voiture.
A l’égard de l’épaiſſeur des piés-
droits
, je croi qu’il eſt inutile d’en parler, puiſque ſi l’on eſt bien
prévenu
de ce qui a été enſeigné ſur la pouſſée des Terres &
celle
des
Voûtes, l’on pourra ſans difficulté trouver l’épaiſſeur qu’il faut
leur
donner, ſelon la grandeur &
la figure de la Voûte; & ayant dit
auſſi
, dans le troiſiéme Livre, les précautions qu’il falloit prendre
pour
garentir les Voûtes des injures du tems, on ne doit point igno-
rer
non plus ce qu’il faudra faire ſi une partie du paſſage n’étoit point
couverte
par un Bâtiment qui regnât d’un bout à l’autre, comme
33436LA SCIENCE DES INGENIEURS, cela ſe rencontre ordinairement, ainſi qu’on le peut voir dans le
Profil
de la Porte dont nous parlons, l’on remarquera que le paſ-
ſage
du Rempart au-deſſus de la Voûte n’eſt pas entierement cou-
vert
, n’y ayant que deux petits bâtimens, dont l’un fait face à la
Campagne
, &
l’autre à la Ville: le premier ſert pour loger l’orgue,
qui
eſt une Porte à couliſſe qui ſe léve &
ſe baiſſe perpendiculai-
rement
par le moyen d’un tour qu’on lâche de façon que l’orgue
peut
tomber tout d’un coup;
cette Porte ſert à couper le paſſage
aux
Ennemis en cas de quelque ſurpriſe en tems de Siége, ſile Pont-
Levis
venoit à être rompu par le Canon:
l’autre bâtiment, qui eſt
du
côté de la Ville, eſt deſtiné à loger un Capitaine des Portes ou
un
Ayde-Major de la Place.
Pour veiller à la fûreté des Portes, l’on fait deux Corps de Garde,
l’un
pour l’Officier, &
l’autre pour les Soldats, & on pratique entre
deux
un veſtibule au-deſſus duquel eſt le bâtiment dont nous venons
de
parler, &
à côté de ces corps de Gardes l’on fait deux Eſcaliers
de
Pierre de Taille pour monter au Rempart.
Le Corps de Garde de l’Officier ne devant pas être à beaucoup
près
ſi grand que celui des Soldats, on conſtruit à côté une Priſon;
& alors la façade des deux Corps de Garde ſe trouve de même gran-
deur
, ce qui offre avec celle du bâtiment ſuperieur une décoration
aſſés
belle, comme on le peut voir ſur la Planche 13.
& même ſur
la
15.
qui comprend encore une autre Porte de Ville à peu-près
ſemblable
à la précédente.
J’ai raporté ces deux Portes exprès, afin
de
donner quelque exemple de la maniere dont il faut détailler les
deſſeins
que répreſentent les Plans, Profils, &
Elevations des projets
ou
des réparations des Edifices dont les Ingenieurs ſont chargés;

puiſque
c’eſt en copiant de ſemblables morceaux, que les jeunes
gens
peuvent ſe mettre dans l’habitude d’en faire d’autres.
Pour
avoir
une plus grande intelligence dela Conſtruction de la premiere
Porte
, il faut lire l’Article qui répond à la 30e page du ſixiéme Livre.
Comme, dans les Places conſidérables, il y a pluſieurs poſtes de-
puis
la Porte juſqu’à la derniere barriere, on y fait des Corps de
Gardes
, qui ſont à peu-près ſemblables à celui qui eſt ſur la Planche
15
, dont il ſuffit de conſiderer le Plan &
l’Elevation, pour juger de
ſa
diſtribution.
On remarquera ſeulement, qu’on a pratiqué un Poële
à
la façon d’Allemagne, qui, ſe trouvant entre le Corps de Garde
de
l’Officier, &
celui des Soldats, peut les échauffer tous deux.
L’on fait des façades d’Architecture en dehors des Portes pour
les
orner, au ſujet deſquelles je ne dirai par grand choſe préſente-
ment
, parce que les proportions de leurs ornemens dépendent des
335
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336 23[Figure 23]
337
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338
[Empty page]
339 24[Figure 24]
340
[Empty page]
34137LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. régles que l’on trouvera dans le cinquiéme Livre: celle qui eſt ſur
la
Planche 13.
me plairoit aſſés; elle a quelque choſe de grand, quoi-
que
ſimple &
ruſtique, & n’eſt que d’une dépenſe médiocre. Celle
de
la Planche 15.
n’eſt pas ſi belle, auſſi la ſupoſe-t-on faite pour
un
endroit on ne jugeroit pas à propos de donner dans le ma-
gnifique
.
On en peut voir encore quatre autres beaucoup plus éle-
gantes
ſur les Planches 16 &
17. , que je donne à deſſein de mon-
11Planch.
16
& 17.
trer que la belle décoration n’eſt pas incompatible avec les Forti-
fications
;
elles ont l’aprobation des plus habiles Architectes:
on les trouvera peut-être trop riches, pour être employées à des
Villes
de Guerre;
mais, je pourrois dire que la dépenſe n’a ja-
mais
effrayé nos Roys, puiſqu’à Lille, &
à Maubeuge, & à pluſieurs
autres
Places, on y voit des Portes qui ſont au moins auſſi ma-
gnifiques
que celles-ci.
Les Portes ſe ferment ordinairement par un Pont qu’on peut
lever
&
baiſſer de pluſieurs manieres: la plus ancienne, & qui eſt
encore
en uſage en bien des endroits, eſt celle qui ſe fait avec une
baſcule
qui eſt compoſée de pluſieurs piéces de Charpente, &
prin-
cipalement
de deux flêches, aux extrêmités deſquelles il y a des
chaînes
qui ſont attachées au tablier du Pont pour lui donner le
mouvement
, comme on le peut voir dans la deuxiéme Figure de
la
Planche 18.
On n’en fait plus ainſi aux Places neuves, parce que
22Planch.
18
.
Fig. 2.
les flêches font voir de loin quand le Pont eſt levé ou baiſſé, &
que
le
Canon de l’ennemi peut facilement les rompre, par conſéquent
faire
baiſſer le Pont ſans que ceux de la Place puiſſent l’empêcher:
un autre défaut, c’eſt qu’on eſt obligé de couper les plus beaux
ornemens
du frontiſpice de la Porte pour loger lesflêches, comme
on
le peut remarquer à la façade dont nous parlons.
L’on s’eſt ſervidans quelqu’endroit d’une autre ſorte de Pont-Le-
vis
, dont les flêches ne paroiſſent point en dehors de la Place:
tel
eſt
celui qui eſt répreſenté dans le premier Profil, qui montre que la
flêche
BD, tourne ſur ſes tourillons à l’endroit C, de maniere que
la
chaîne AB, étant d’un côté bien arrêtée au tablier A du Pont, &

de
l’autre à l’extrémité B de la flêche, on tire la chaîne DE pour
baiſſer
la baſcule, tandis que l’extrêmité B décrit l’arc BG, l’extrê-
mité
A du Pont décrit l’arc AF;
ce Pont auroit ſon mérite, ſi, pour
loger
les flêches, il ne falloit un trop grand eſpace qui rétraiſſit
beaucoup
le paſſage du Rempart au-deſſus de la Porte, ce qui peut
gêner
le charroy du Canon &
les autresſervices du Rempart: d’ail-
leurs
, on ne peut voûter le deſſus de la Porte, à moins qu’on ne faſſe
une
Voûte extrêmement élevée, qui ne conviendroit point, parce
34238LA SCIENCE DES INGENIEURS, que le bâtiment de deſſus ſeroit trop en vûë auſſi-bien que la façade.
Cependant, c’eſt une neceſſité que le paſſage des Portes ſoit couvert
à
l’épreuve de la bombe, pour prévenir les accidens qui pourroient
arriver
en tems de Siége, puiſqui’il n’en faudroit qu’une pour y
cauſer
un grand deſordre.
Le Profil, qui eſt ſur la Planche 13, repreſente une fermeture de
Portes
meilleure que la précédente;
à l’extrêmité I du tablier eſt
11Planch.
13
.
une chaîne IG de chaque côté, qui étant attachée par l’un de ſes
bouts
, l’autre va paſſer ſur deux poulies G &
F, & eſt arrêtée en-
ſuite
à l’endroit K de la Porte HK, qui eſt ſuſpenduë en l’air quand
le
Pont eſt baiſſé, &
ſe ferme quand le Pont eſt levé en tournant
ſur
des tourrillons H:
car tandis que le Pont en ſe levant décrit
l’arc
IG, la Porte décrit l’arc KL, ce qui ſe fait en tirant la chaîne
KE
vers L;
& , pour juger encore mieux comme ſe ferme cette
Porte
, il n’y a qu’à jetter les yeux ſur le Profil qui eſt coupé ſur la
largeur
CD, on y verra les poulies Mm, &
la diſpoſition de leur
crapaudines
:
j’ajouterai, qu’on pratique un Guichet dans la Porte,
afin
que lorſqu’elle eſt baiſſée on puiſſe aller fermer les verroux de
la
baſcule.
Comme il y a long-tems qu’on s’eſt aperçû que les Ponts-Levis à
flêches
étoient ſujets à pluſieurs inconveniens, on les a fait a baſ-
cule
comme on le voit dans le Profil qui eſt ſur la Planche 15;
ce
Pont
eſt compoſé de pluſieurs poutrelles, comme IF, qui ont en-
viron
28 pieds de longueur.
Une partie de ces poutrelles, étant re-
couverte
de madriers, compoſent par leur aſſemblage le tablier
HF
, &
le reſte comme HI, (qui eſt ce que l’on nomme baſcule)
ſert
de contre-poids pour donner le mouvement au Pont par le
moyen
des tourrillons qui ſont à l’extrêmité d’une bare de fer, qui,
étant
entretenuë avec les poutrelles, traverſe toute la largeur de la
Porte
à l’endroit du ſole:
cette baſcule eſt logée dans une cave que
l’on
nomme auſſi Cage de la baſcule, qui eſt couverte par un Pont dor-
mant
compoſé de poutrelles &
de madriers. Quand on met le Pont-
Levis
en mouvement, la baſcule décrit l’arc IK, tandis que le ta-
blier
décrit l’autre FG pour deſcendre dans la cave;
on fait un eſ-
calier
pratiqué dans l’un des piés-droits, comme il eſt figuré au Plan
de
la Porte qui répond au Profil dont nous parlons.
On ne fait plus preſentement de ces ſortes de Ponts, parce qu’à
le
bien prendre ils ſont encore plus défectueux que les autres à flê-
ches
;
car la cage eſt d’une grande dépenſe, & affoiblit beaucoup
le
mur de face:
ils ſont ſujets à des réparations continuelles, & diffi-
ciles
à manœuvrer.
Un autre inconvenient, c’eſt que la cage qu’il
34339LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. faut faire pour loger la baſcule ne peut avoir lieu qu’aux Places
dont
les Foſſés ſont à ſec, car s’ils étoient inondés, il faudroit que
le
rez-de-Chauſſée de la Porte fut au moins de 15 pieds au-deſſus
du
niveau des plus hautes eaux;
autrement, elle pénétreroit dans la
cave
, en dégraderoit la maçonnerie, &
cauſeroit une grande diffi-
culté
de hauſſer &
baiſſer le Pont, ſur-tout en hyver, venant à
ſe
gêler, la baſcule pourroit ſe trouver priſe.
On preſenta en 1708. à M. le Pelletier de Souſy, pour lors Di-
recteur
General des Fortifications de France, un modele de Pont-
Levis
fort ingenieux, qui a été executé à Givet en 1716.
Si l’on jette les yeux ſur le troiſiéme Deſſein de la Planche 18,
11Planch.
18
.
Fig. 3.
l’on verra que le tablier B, ſe léve par le moyen de deux flêches
qui
ont 12 ou 13 pieds de longueur, ſur 10 à 11 pouces de groſ-
ſeur
au milieu, revenant à 8 &
9 par les bouts; elles ſont traverſées
par
le milieu d’un axe de fer d’environ deux pouces quarrés, &
de
16
à 18 pouces de longueur:
les deux bouts qui excedent la flêche
ſont
arrondis ſur 3 à 4 pouces de longueur &
tournent ſur deux
crapaudines
, dont l’une eſt poſée au milieu du tableau de la Porte
au
point G, &
l’autrc faitc en S, paſſc au-devant de la flêche com-
me
le marque le Profil au même point G, laquelle eſt attachée par
un
Goujon de fer à chacune de ſes extrêmités &
ſcellée en plomb
dans
la partie du tableau la plus avancée;
ces Goujons ſont faits en
vis
par leur extrêmité pour recevoir un écrouë ſemblable à ceux
que
l’on met aux eſſieux des Carroſſes, afin de pouvoir démonter
les
flêches lorſqu’il faut les renouveller.
Les deux fleches ſont liées au tablier du pont B, & à la baſcu-
le
H, par deux barreaux de fer arrondis, ou à pans, qui ont leur
mouvement
à chaque extrémité dans des œüillets, ou par des dou-
bles
charnieres, de ſorte que tirant la chaîne I, à meſure que la
baſcule
deſcend &
tourne ſur les tourillons K, le pont monte juſ-
qu’à
ce que tout ait pris une ſituation verticale.
Quoique ce mou-
vement
ſoit plus compoſé que celui des baſcules ordinaires, il n’a
pas
laiſſé de fort bien réuſſir à Givet &
à Toul, on l’a mis en œu-
vre
:
mais ce pont, que l’on nomme Ziczague, n’eſt pas d’une in-
vention
nouvelle, comme on l’a voulu inſinuer à Mr.
Pelletier;
il s’en trouve de ſemblables en pluſieurs Villes d’Allemagne, qui
y
on été conſtruits depuis long-tems, entr’autres à Hambourg &

à
Lubee.
Nouvelle maniere de Pont-Levis.
Après avoir examiné les differentes ſortes de Ponts qu’on a
22Planch.
20
.
34440LA SCIENCE DES INGENIEURS, imaginé pour fermer les Portes des Villes, j’ai cherché ſi je ne trou-
verois
pas quelque moyen plus ſimple que ceux que je viens de rap-
porter
:
car, à mon ſens, ce n’eſt point aſſés de faire la deſcription
des
choſes qui ſont en uſage;
ceux qui ſe mêlent d’écrire ſont
dans
une eſpece d’obligation de travailler à les perfectionner:
au-
trement
, les arts ne font point de progrés;
les livres ſe multiplient,
ſans
que ceux qui les liſent en deviennent plus éclairés.
Pour enten-
dre
parfaitement le Pont que j’ai imaginé, il eſt à propos que j’ex-
poſe
le raiſonnement que je me ſuis fait à moi-même:
le voici.
L’on ſupoſe que AB eſt un levier ſans peſanteur, dans le milieu
11Voyez la
Figure
qui
eſt
au bas
de
la Plan-
che
20.
duquel on a ſuſpendu un poids D, qu’on regardera comme réu-
ni
au point C;
qu’une des extrêmités B peut tourner au tour d’un
point
fixe;
qu’à l’autre extrémité A, l’on a attaché une corde, qui
va
paſſer ſur deux poulies E &
F, pour ſoutenir un poids G, qui
eſt
en équilibre avec celui du levier;
enfin, que la verticale BE, eſt
égale
à la longueur BA.
Pour que le poids G ſoit en équilibre avec celui qui répond au
point
C, il faut, ſelon les principes de la mécanique, que la pé-
ſanteur
de l’un ſoit à celle de l’autre dans la raiſon réciproque
des
perpendiculalres, tirées du point d’apui B, ſur les lignes de di-
rection
AE &
CD, ainſi le poids G doit être au poids C, comme
BC
eſt à BI, c’eſt-à-dire, comme le côté d’un quarré eſt à ſa dia-
gonalle
, par conſequent l’on pourra, quand on le jugera à propos,
à
la place des poids G &
C, prendre les lignes BC & BI, puis qu’el-
les
ſont dans le même raport.
Or ſi l’on donnoit au levier AB une
ſituation
oblique KB, il eſt conſtant que l’équilibre ſeroit rom-
pu
, puiſque le poids D, n’agiſſant plus ſelon une direction perpen-
diculaire
au levier KB, ne fera pas tant d’effort qu’auparavant,
pour
contrebalancer l’action du poids G, c’eſt pourquoi ce der-
nier
deſcendra le long de la verticale FH avec précipitation, tant
que
le point K ſoit parvenu en E, ce qui ne peut arriver autre-
ment
, à moins que le poids G en deſcendant ne rencontre des
obſtacles
qui diminuent l’action de ſa peſanteur abſoluë:
ſi ces obſ-
tacles
étoient cauſés par des plans inclinés, dont les differentes
inclinaiſons
fuſſent proportionnées aux ſinus des angles, comme
MLB
qui deviennent toûjours plus petits, à meſure que le levier
approcbe
de la verticale, il eſt certain que ces plans inclinés
cauſeront
l’équilibre du poids D avec le poids G, dans quelque
ſituation
que ſoit le levier;
mais, pour que cela arrive, il faut que
les
plans changent à tout moment, &
que chacun en particulier
comprene
un eſpace infiniment petit, d’où il s’enſuit qu’ils forme-
345
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346 25[Figure 25]
347
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348
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349 26[Figure 26]
350
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351
[Empty page]
352 27[Figure 27]
353
[Empty page]
354
[Empty page]
355 28[Figure 28]
356
[Empty page]
35741LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. ront tous enſemble une courbe rSVX, ainſi la queſtion ſe reduit
à
ſavoir, comme il faut conſtruire cette courbe, pour que les deux
poids
ſoient toûjours en équilibre, dans toutes les ſituations ſe
peut
trouver le levier, en venant de A en E.
Remarquez que quand l’extremité A du levier BA, décrira le
quart
de cercle ANE en venant joindre le point E, l’extrémité C
de
la ligne BC, décrira le quart de cercle CQ;
or quand le point
A
ſera parvenu en K &
en N, le poids C ſera parvenu en L & en
O
, &
monté d’une hauteur exprimée par les perpendiculaires LM
&
OP, qui ſont les ſinus des angles formés par le levier & le
rayon
AB;
on peut donc dire que tous les ſinus du quart de cer-
cle
CQ, en commençant depuis le plus petit, exprimeront de ſui-
te
le chemin que le poids C fera dans le tems que l’extrémité A
du
levier parcourra les points du quart de cercle ANE;
mais il
ſuffit
pour que les deux poids L &
G ſoient en équilibre, dans la
ſituation
eſt le levier KB, que l’élevation ML, du premier,
ſoit
à la deſcente verticale rR du ſecond, en raiſon reciproque de
la
peſanteur abſoluë de ces deux poids *:
& comme la même
11Voyez le
Cours
de
Mathe-
matiq
. art.
799
. &
300
.
choſe doit arriver dans toutes les autres ſituations du levier &
du
poids
G, puiſque leur mouvement dépend toûjours l’un de l’au-
tre
, quand le poids C ſera en O, &
le poids G en V, l’on aura
encore
que le poids G eſt au poids O, comme l’élevation OP eſt
à
la deſcente verticale rT;
& ſi à la place des poids C & G, on
prend
les lignes BI &
BC, qui ſont en même raiſon, on pourra
connoître
le raport de tous les ſinus, comme LM &
OP, avec les
verticales
rR &
rT: d’un autre côté il ſera aiſé de déterminer les
perpendiculaires
RS &
TV, pour avoir les points S & V de la cour-
be
;
puiſque la diſtance du centre de la poulie F à chaque point
S
&
V, ſera toûjours égale à la difference de la longueur, de la
corde
compriſe depuis A juſqu’en G, aux parties KEF &
NEF,
qui
diminuent toûjours à meſure que le levier aproche de la ver-
ticale
;
ainſi nous avons tout ce qu’il faut pour conſtruire la cour-
be
qui ſera geometrique, puiſque nous n’employons dans ſa conſ-
truction
que des grandeurs, dont la relation eſt connuë:
& com-
me
ce ſont les ſinus qui deſignent le raport de ces grandeurs, il
m’a
paru que pour donner un nom à la courbe, qui fût tiré de ſa
génération
même, il étoit naturel de l’appeller la Sinuſoide.
Conſtruction de la Sinuſoide.
Il faut d’abord diviſer le quart de cercle CQ, en un grand nom-
35842LA SCIENCE DES INGENIEURS, bre de parties égales, par chaque point de diviſion comme L & O,
abaiſſer
les perpendiculaires LM, OP, &
c. ſur le demi diamêtre CB,
tirer
les rayons BK, BN, &
c. auſſi bien que les lignes KE, NE, & c.
enſuite chercher aux lignes BC, BI, & au ſinus LM, (que nous
regarderons
comme le plus petit de tous), une quatriéme propor-
tionnelle
que l’on portera ſur la verticale FH, en commençant
du
point r, qui répond immediatement au-deſſous du poids G, &

ſupoſant
que rR ſoit égale à la quatriéme proportionnelle qu’on
vient
de trouver, on élevera au point R la perpendiculaire RS in-
definie
;
on cherchera de même aux lignes BC, BI, & au ſinus OP,
(que nous ſupoſons ſuivre immediatement le plus petit LM,) une
quatriéme
proportionnelle qu’on portera depuis r juſqu’en T, &

on
élevera encore la perpendiculaire TV.
Le triangle CBI étant rectangle & izocelle, il ſera bien aiſé de
trouver
toutes les quatriémes proportionnelles dont nous avons be-
ſoin
;
car ſi l’on prend chaque ſinus comme LM ou OP, pour le
côté
d’un quarré, la diagonalle de ce quarré ſera quatriéme propor-
tionnelle
aux lignes BC, BI, &
au ſinus qu’on aura pris pour côté
du
quarré, ce qui eſt bien évident à cauſe des triangles ſemblables.
Après qu’on aura toutes les perpondiculairoc, comme R, S, T,
V
, &
c. on tirera une ligne d e, égale à la longueur de la cor-
de
AEFG, l’on prendra dans cette ligne (en commençant de l’ex-
trémité
d,) la partie d f, égale à la diſtance du centre de la poulie
F
au poids G, c’eſt-à-dire, égale à cette partie de la corde qui eſt
paralelle
à la verticale FH, quand le levier AB eſt horiſontal;
on
prendra
la difference de la ligne KE, quirépond aurayon de la pre-
miere
diviſion à la ligne AE, &
on portera cette difference depuis
f
juſqu’en h, alors on prendra la longueur d h avec un compas,
pour
décrire un arc qui aura pour centre celui de la poulie F, &

cet
arc venant couper la perpendiculaire RS, donnera le point
S
qui eſt un de ceux de la courbe, par le moyen duquel on aura
l’ordonnée
S a &
ſon abciſſe r a; de même prenant la difference
des
lignes NE &
AE, pour la porter de f en j, ſi l’on ouvre le com-
pas
de l’intervale d j, &
que du centre F de la poulie, on décrive
un
arc qui vienne couper la perpendiculaire TV, on aura un autre
point
V de la courbe, qui donnera l’ordonnée V b &
l’abciſſe BIr;
enfin le point N étant parvenu en E, toute la ligne AE pourra être
priſe
pour ſa difference avec zero, &
le portant depuis F juſqu’en
K
, ouvrant le compas de l’intervale d K, on décrira du centre or-
dinaire
, un arc qui venant rencontrer la derniere perpendiculaire
h
X, donnera le point X qui ſera celui de la courbe, va ſe ter-
35943LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. miner le poids G, quand le levier AB eſt vertical.
Je croi qu’il n’eſt pas beſoin de dire, que, pour tracer la cour-
be
avec beaucoup de juſteſſe, il faut prendre les ſinus bien près les
uns
des autres, afin d’avoir un grand nombre de points comme S, V,
&
c. Il eſt à propos de remarquer, que la plus grande ordonnée ZX,
ou
rH, de la courbe, eſt égale à la perpendiculaire BI, c’eſt-à-dire
au
côté du quarré, dont la diagonalle ſeroit de même longueur que
le
levier AB, car comme la ligne rH ſera la plus grande de tou-
tes
les quatriémes proportionnelles, qu’on aura été obligé de cher-
cher
pour tracer la courbe, on ne l’aura trouvée que lors que le le-
vier
AB ſera vertical, &
alors comme il formera un angle droit
avec
l’horiſontal, le ſinus de cet angle ſera égal au rayon BQ, par
conſequent
l’on aura BC, BI:
: BQ, rH; mais comme dans cette
proportion
les deux antecedens BC &
BQ ſont égaux, étant rayon
d’un
même cercle, les deux conſequent BI &
rH le ſeront donc
auſſi
.
Par cette Remarque on pourra toûjours (connoiſſant la longueur
du
lévier AB,) ſavoir à quel point de la verticale FH ira ſe termi-
ner
la baſe HX de la Sinuſoide, quand on aura déterminé la po-
ſition
du point r, ou cette courbe doit prendre ſon origine.
L’on remarquera encore que tout ce qu’on vient de dire peut
s’apliquer
aux Ponts-Levis;
car le lévier AB peut être pris pour le
profil
du tablier qui tourne autour de ſes tourillons B, &
dont la
péſanteur
eſt réünie au centre de gravité C, ainſi il ne s’agit plus
que
d’executer tout ce qui doit en faciliter le mouvement, &
c’eſt
ce
que lon va voir dans l’Aplication ſuivante.
Aplication de la Sinuſoide aux Pont-Levis qui ſervent à
fermer
l’Entrée des Villes.
Ayant déterminé la largeur IK de la porte, qui eſt comme nous
l’avons
dit de 9 pieds ou 9 pieds &
demi, il faut à droit & à gauche
reculer
les piés-droits de la Voûte d’environ 4 pieds au-delà des ta-
bleaux
IG &
KG, afin de pratiquer deux niches pour y loger les
couliſſes
BF, le long deſquelles doivent rouller les poids qui ſervi-
ront
à donner le mouvement au Pont que nous nommerons par la
ſuite
poids de baſcule.
L’élevation d’une des couliſſes eſtrepreſentée
au
profil de la porte l’on voit que la courbe STE, n’eſt autre
choſe
que la Sinuſoide executée en Maçonnerie.
Ce profil montre
auſſi
que le poids de baſcule D, eſt attaché à une chaîne qui paſſe
ſur
deux poulies B &
A, pour aller joindre le chevet C, du Pont.
36044LA SCIENCE DES INGENIEURS, Car l’on doit concevoir que derriere les tableaux de la Porte, on
a
ménagé des fentes dans la maçonnerie pour y placer les poulies,
afin
que la chaîne, qui doit donner le mouvement au Pont, puiſſe
aller
&
venir librement; c’eſt pourquoi l’on ſupoſe que cette chaîne
eſt
ronde.
On remarquera auſſi que le chevet doit être plus long
que
le Pont n’eſt large, afin que les chaines qui ſont à ſes extrêmi-
tés
ſe trouvent vis-à-vis des poulies.
Si les poids de baſcule ſont en équilibre avec le Pont, il eſt cer-
tain
que par la propriété de la Sinuſoide à quelque point qu’on vou-
dra
du quart de cercle CR, le Pont reſtera toûjours immobile en
allant
de C en R, ſans que les poids l’entraînent, puiſqu’ils demeu-
reront
eux-mêmes en repos aux endroits des couliſſes ils ſe trou-
veront
, par conſéquent il ſuffira que l’on aide tant ſoit peu les
poids
à vaincre le frotement pour que le Pont ſe lêve, ſans être
obligé
d’employer une force conſidérable pour lui faire décrire le
quart
de cercle CR, ce qui ſe fera d’un mouvement uniforme ſans
ébranlement
ni ſecouſſe, de même quand on voudra le baiſſer, on
n’aura
qu’à pouſſer le tablier pour le faire deſcendre, enſuite paſſer
deſſus
pour l’aller arrêter ſur le dernier chevalet du Pont dormant
avec
les verroux.
Comme mon deſſein n’eſt pas que l’on touche aux poids de baſ-
cule
, par la difficulté qu’on auroit d’y atteindre, il n’y a pas de
moyen
plus ſimple pour obliger ces poids de deſcendre, que d’ac-
crocher
deux chaînes au Pont environ à 3 pieds en deça du chevet,
dont
chacune ira paſſer ſur une poulie ſituée au milieu des tableaux
de
la porte &
élevée de 9 pieds au-deſſus du rez-de-Chauſſée; de
ſorte
que quand on voudra fermer la porte, il ſuffira qu’il y ait un
homme
qui tire chaque chaîne pour lever le Pont, dont le mou-
vement
eſt ſi naturel, qu’il ſeroit inutile d’en parler davantage:
ainſi
je
paſſe à pluſieurs détails qu’il eſt neceſſaire d’expliquer, afin de
ſavoir
comme on pourra connoître la peſanteur des poids de la
baſcule
, leur groſſeur, la grandeur des couliſſes, &
les autres cir-
conſtances
eſſentielles à l’intelligence de ce Pont.
La premiere choſe qu’il faut ſavoir, c’eſt qu’un pied cube de bois
de
chêne péſe 60 liv.
& qu’un pied cube de fer en péſe 580; ainſi
examinant
quelles ſont les dimenſions des piéces qui doivent com-
poſer
la charpente du Pont, il ſera aiſé de connoître combien il y
entre
de pieds cubes de bois, par conſéquent combien cette char-
pente
doit péſer.
Si l’on fait le chevetplus long qu’à l’ordinaire, afin
que
les chaînes qui doivent être attachées à ſes extrêmités ſe trou-
vent
directement vis-à-vis les poulies, il faudra lui donner 14 pieds
36145LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. de longueur ſur 10 à 10 pouces, pour que cette piéce, qui a un grand
effort
à ſoutenir quand on met le Pont en mouvement, ne ſoit point
en
danger de ſe rompre par la ſuite.
La piéce des tourillons ſe fait toûjours de 10 pieds de longueur ſur
10
à 10 pouces de groſſeur:
il a ſix ſoliveaux de 12 pieds de long
ſur
5 à 6 pouces de groſſeur ſervant à porter le plancher du Pont, qui
eſt
compoſé de madriers de deux pouces d’épaiſſeur, &
qui couvre
un
eſpace de 12 pieds de longueur ſur 10 de largeur;
& tout cela en-
ſemble
compoſela charpente du tablier, qui monte à 51 pieds 8 pou-
ces
4 lignes cubes, qui étant multiplié par 60, donne 3102 l.
pour la
péſanteur
de la charpente:
ſurquoi il eſt à remarquer, que le chevet
ayant
plus de péſanteur que la piéce des tourillons, les extrêmités du
Pont
ne ſont point égales, ainſi on ne peut pas regarder 3102 liv.
comme un poids qui puiſſe être réüni au centre de gravité du
Pont
, c’eſt-à-dire dans le milieu de ſa longueur.
Il faut donc voir
à
quoi peut aller cette difference qui ſera facile à connoître;
car
le
chevet contient 9 pieds 8 pouces 8 lignes cubes, &
la piéce des
tourillons
ne contient que 6 pieds 11 pouces 8 lignes, par conſé-
quent
la difference eſt de 2 pieds 9 pouces dont la péſanteur monte
à
165 liv.
or ces 165, étant à l’extremité du lévier, font deux fois
plus
d’effet par raport au point d’apui, que s’ils étoient dans le mi-
lieu
du même lévier, c’eſt pourquoi il faut augmenter 3102 liv.
de
165
liv.
& alors la péſanteur de la charpente réünie au centre de
gravité
ſera de 3267 liv.
Pour conſerver le plancher des Ponts Levis, on le recouvre de
barres
de fer de 7 pieds de longueur poſées tant plain que vuide,
elles
ont un peu plus de deux pouces de largeur, &
il y en entre
ordinairement
32, &
comme chacune eſt attachée avec 4 cram-
pons
, au lieu de 7 pieds de longueur, nous leur en ſupoſerons 7 &

demi
, afin d’y comprendre les crampons, ainſi ces 32 barres feront
enſemble
240 pieds de long, à quoi il faut encore en ajoûter 6 au-
tres
de chacune 6 pieds de long quiſe mettent au-deſſous du tablier
pour
lier le chevet &
la piéce des tourillons avec les poutrelles, ce
qui
fait en tout 276 pieds;
& le poids d’un pied de ces ſortes de
barres
étant de 3 liv.
elles péſeront donc enſemble 828 liv. qui étant
ajoûtées
avec le poids de la charpente, l’on aura 4095 liv.
pour la
péſanteur
totale du Pont réüni au centre de gravité.
Préſentement, il ſera aiſé de connoître la péſanteur des poids de
baſcule
;
car l’on ſait que la péſanteur du Pont eſt à celle des poids
de
baſcule dans l’état d’équilibre, comme la diagonale d’un quarrè
eſt
au côté du même quarré, ou, ce qui revient au même, comme le ſi-
36246LA SCIENCE DES INGENIEURS, nus de l’angle droit eſt à celui de 45 degrés, ainſi on dira ſi 100000
donnent
70710, que donneront 4095 liv.
péſanteur du Pont pour
celle
des poids, que l’on trouvera de 2895 liv.
dont la moitié qui eſt
1447
, ſerala péſanteur que doit avoir chaque poids;
mais comme
pour
avoir égard au frotement, il vaut mieux les faire plus péſans
que
trop légers, á cauſe qu’on ne peut pas les augmenter, au lieu
qu’il
n’y a point d’inconvenient de ſurcharger le Pont s’il ſe trouvoit
au-deſſous
de l’équilibre, il eſt à propos, en faveur de toutes ces
conſidérations
, d’augmenter chaque poids de 100 liv.
c’eſt-à-dire de
lesfaire
de 1547 liv.
au lieu de 1447. Je n’ai pas dit que les poids de
baſcule
devoient être cilindriques;
car l’on s’imagine bien qu’on ne
peut
leur donner une figure qui convienne mieux pour rouler faci-
lement
le long des couliſſes:
il s’agit donc de ſavoir qu’elle ſera la
valeur
de l’axe de ces cilindres, ou celle du diamêtre de leur baſe,
qui
eſt la même choſe;
car je ſupoſe ces deux lignes égales, afin
que
les poids ayent moins de volume.
Sachant qu’un pied cube de fer péſe 580 liv. commençons par
chercher
quel eſt la péſanteur du cilindre qui ſeroit inſcrit dans un
pied
cube:
pour cela, il faut remarquer que ces deux ſolides, ayant
la
même hauteur, ſeront en même raiſon que leur baſe, par con-
ſéquent
comme le quarré du diamêtre d’un cercle eſt à la ſuperficie
du
même cercle, ou ſi l’on veut comme 14 eſt à 11;
il faut donc
dire
, comme 14 eſt à 11, ainſi 580 péſanteur d’un pied cube defer,
eſt
à celle du cilindre inſcrit, qu’on trouvera d’environ 456 liv.
Les cilindres ſemblables étant dans la raiſon des cubes de leur
axe
, on pourra dire ſi un cilindre de 456.
liv. dont le diamêtre de la
baſe
&
l’axe ſont chacun d’un pied, donne 1728 pouces pour le
cube
de ſon axe;
combien donnera 1547 liv. péſanteur d’un autre
cilindre
ſemblable au précédent pour le cube de ſon axe, on trou-
vera
5862 pouces, dont extrayant la racine cube, elle ſera de 18
pouces
qui eſt la valeur de l’axe que l’on demande;
il n’y a donc
pas
de difficulté à avoir les poids de baſcule dans la juſte proportion
qui
leur convient, puiſqu’on n’a qu’à demander aux Forges l’on
coule
le fer, deux poids péſants chacun 1547 liv.
dès qu’on leur
donnera
pour baſe un cercle de 18 pouces de diamêtre, &
pour axe
une
ligne égale à ce diamêtre.
J’ajoûterai que ces poids doiventêtre percés dans le milieu par un
trou
d’un pouce en quarré, afin qu’on puiſſe y paſſer un eſſieu qui ſer-
ve
à entretenir la chape qui doit en faciliter le mouvement le long
des
couliſſes.
Cette chape eſt figurée ſur la planche elle accom-
pagne
le poids qui eſt déſigné par la Lettre V:
ſi je dis qu’il faut faire
36347LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. cet eſſieu quarré plûtôt que rond, c’eſt qu’il me ſemble que pour
diminuer
le frotement, il vaut mieux que les extrêmités de l’eſſieu
étant
arrondies tournent avec le poids dans la chape, que ſi le
poids
tournoit autour de l’eſſieu.
Les couliſſes ſeront conſtruites de pierres de taille les plus dures
que
l’on pourra trouver, leur longueur doit être de 4 pieds &
demi
ou
5 pieds &
leur largeur de 18 pouces ſur autant d’épaiſſeur, les
couliſſes
y ſeront creuſées d’environ 6 ou 7 pouces de proſondeur
terminées
par 2 bordures de 8 pouces d’épaiſſeur, pour entretenir
le
poids &
les obliger à faire toûjours le même chemin.
Dans le fond de chaque couliſſe on y mettra deux barres de fer
plattes
qui feront la même courbure que la Sinuſoide;
c’eſt ſur ces
barres
que rouleront les poids afin de diminuer le frotement qui ſera
bien
moins conſidérable, que ſila ſurface des cilindres touchoit par
tout
en roulant:
d’ailleurs, ces barres ſerviront encore à empêcher
que
le frotement n’uſe la pierre;
& , pour que les poids ne la touchent
en
aucun endroit, il eſt également néceſſaire d’apliquer des bandes
de
fer contre les bords des couliſſes, le long deſquelles les deux
cercles
ou baſes de chaque cilindre puiſſent gliſſer ſans jamais s’ac-
crocher
, &
il ſuſſira qu’entre l’un & l’autre il y ait 2 ou 3 lignes de
jeu
afin que le poids roule toûjours dans le même eſpace ſans qu’il
puiſſe
s’écarter d’aucun côté.
Supoſant donc que les barres quiſeront
apliquées
contre les bordures ayent chacune 3 lignes d’épaiſſeur cela
fera
6 lignes pour les deux, leſquelles étant ajoutées avec l’axe du
poids
de baſcule, c’eſt-à-dire avec 18 pouces, ou ſi l’on veut avec
18
pouces 4 lignes, en y comprenant 4 lignes qu’il faudra donner
pour
le jeu des poids, on aura 18 pouces 10 lignes, qui eſt exacte-
ment
la largeur que les couliſſes doivent avoir:
ainſi, de quelque
péſanteur
que ſoient les poids, dès qu’on en connoîtra l’axe, on ſaura
au
juſte (en prenant garde à toutes ces petites circonſtances) la
largeur
dans œuvre qu’il faudra donner aux couliſſes.
Donnant 18 pouces 10 lignes de largeur aux couliſſes, & 8 pou-
ces
d’épaiſſeur à chaque bordure, cela fait environ 3 pieds en tout,
qui
étant pris ſur la longueur de 4 pieds &
demi ou 5 pieds que doi-
vent
avoir les pierres qui ſerviront à la conſtruction des couliſſes,
il
reſtera un bout d’un pied &
demi ou deux pieds, qui doit être
engagé
avec la maçonnerie des piés-droits contre leſquels les cou-
liſſes
ſeront adoſſées, cette précaution étant néceſſaire pour rendre
l’ouvrage
plus ſolide.
Il conviendroit même d’avoir des pierres de
deux
ſortes de longueur, les unes de 5 pieds, les autres de 5 &

demi
, afin de les engager alternativement de 2 pieds &
de 2 pieds
36448LA SCIENCE DES INGENIEURS, & demi: à l’égard des autres bouts qui paroîtront en dehors, il
faut
qu’ils ſoient bien maçonnés les uns contre les autres &
cram-
ponez
avec des crampons de fer coulés en plomb, obſervant de
poſer
des crochets de 2 pieds en 2 pieds dans les joints des pierres
au-deſſus
des bordures de chaque couliſſe, enſorte que ces crochets
ſe
répondent, afin que quand il y aura quelque réparation à faire
aux
couliſſes, aux poids de baſcule, aux chaînes, ou aux poulies,
on
puiſſe en poſant des planches ſur ces crochets, donner la faci-
lité
aux ouvriers de monter &
de deſcendre le long des couliſſes.
Pour conſtruire les couliſſes de maniere qu’elles forment une
courbure
qui ſoit exactement celle de la Sinuſoide, j’ajoûterai qu’il
faut
tracer cette courbe en grand &
en faire 2 épures ou patrons
avec
des planches;
dont l’un repréſente la convexité de la Sinuſoide,
&
l’autre ſa concavité; ce dernier eſt abſolument neceſſaire aux ou-
vriers
, pour les conduire dans la coupe des pierres, &
pour les aider
à
les mettre en œuvre dans leur véritable ſituation.
Il eſt néceſſaire que les niches ſoient fermées par des cloiſons de
madriers
, afin que perſonne n’y touche;
il ſuffira ſeulement d’y pra-
tiquer
une petite porte pour y entrer quand on le jugera à propos:
ainſi le paſſage de la porte ſera comme à l’ordinaire, ſans qu’on voye
rien
de tout ce qui contribuera à donner le mouvement au Pont.
Je crois en avoir dit aſſés pour rendre ſenſible l’execution du
Pont
que je viens de décrire:
je laiſſe aux habiles gens qui vou-
dront
le mettre en uſage d’y faire les changemens qu’ils jugeront
à
propos;
mais, comme tout ce qui a un air de nouveauté ne man-
que
pas de rencontrer des cenſeurs, qui ſe font un plaiſir de trou-
ver
des difficultés par-tout, dans les choſes même les plus naturel-
les
, on ſaura que peu de tems après avoir imaginé ce Pont, je l’ai fait
executer
à un Château dans le voiſinage de la Fere, &
que j’y ay
ſuivi
à peu de choſe près tout ce qui vient d’être détaillé.
On fait auſſi des Ponts-Levis aux ouvrages de dehors, comme
11Planch.
19
.
demi-Lunes, ouvrages à corne, &
c. pour en fermer l’entrée: on les
leve
par le moyen des baſcules à flêches, parce que n’étant pas né-
ceſſaire
de couvrir avec des frontons les portes de ces ſortes de
paſſages
, on n’aprehende point d’en couper l’Architecture, il ſuffit
que
l’entrée ſoit décorée par des Pilaſtres couronnés d’un entable-
ment
, comme on le peut voir dans les 3 premieres Figures de la
Planche
19.
qui conviennent fort quand les ouvrages détachés ſont
revêtus
de maçonnerie juſqu’au parapet;
mais, quand ils ne le ſont
qu’à
demi, alors il eſt aſſés inutile d’y faire aucune décoration, on
peut
ſe contenter de faire porter la baſcule par un chaſſis qui doit
365
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366 29[Figure 29]
367
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36849LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. être ſitué ſur la berme, comme je l’ai exprimé dans la quatriéme &
cinquiéme
Figure de la même Planche, que je ne m’amuſerai point
à
expliquer, parce qu’elle ne contient rien qui ne ſoit facile à
concevoir
.
CHAPITRE SIXIE’ME.
Des Ponts dormans qui ſervent à faciliter l’Entrée des Villes
de
Guerre.
LEs Ponts dormans, que l’on fait pour paſſer les Foſſés des For-
tifications
, ſont toûjours de charpente, &
élevés ſur pluſieurs
chevalets
quiſont poſés ſur des Piles de Maçonnerie A, dont la hau-
teur
ſe régle ſur la profondeur du Foſſé:
quelquefois dans les lieux
marécageux
, on ne peut fonder des piles de Maçonnerie ſans
beaucoup
de difficulté &
de grandes dépenſes, on ſe contente de
planter
des files de pieux d’une longueur ſuffiſante, pour qu’une
partie
étant enfoncée à refus de mouton, l’autre qui reſte en dehors
ſoit
aſſés élevée pour recevoir les chapeaux qui doivent être à peu
près
au niveau du rez-de-Chauſſée.
Quand on n’a point de bois d’une aſſés belle longueur, on en-
11Planch.
20
.
fonce autant de files de pilots qu’on le juge neceſſaire, par raport
au
nombre des travées que doit avoir le Pont:
ces pilots ſont arra-
ſés
au niveau du fonds du Foſſé par des tenons qui s’emmanchent
dans
le ſole des chevalets.
C’eſt ainſi que j’ai conſtruire à St. Ve-
nant
en 1709.
celui qui eſt ſur le grand Foſſé de la Porte d’Aire.
Le Pont, dont il eſt queſtion preſentement, eſt compoſé de plu-
ſieurs
travées &
chevalets dont on ne détermine point ici la quan-
tité
, parce que cela dépend de la longueur du Foſſé il doit être
executé
;
chaque Solle B, qui ne porte point de baſcule, a 22 pieds
de
longueur ſur 10 à 12 de groſſeur;
celui C, qui porte le chaſſis
de
la baſcule a 25 pieds de longueur ſur 12 à 12 pouces de groſ-
ſeur
;
ſur chacune de ces ſoles, qui ne portent point de baſcule, ſont
aſſemblés
à tenons &
mortoiſes 5 Poteaux D, avec deux Liens bou-
tans
H, terminés d’un Chapeau E.
Les poteaux ont 11 à 12 pouces de groſſeur ſur differentes lon-
gueurs
, ſuivant les endroits ils ſont employés.
Le chevalet, qui porte la baſcule du Pont-Levis, eſt conſtruit de
même
, avec cette difference qu’il y a deux poteaux de plus, &
que les
36950LA SCIENCE DES INGENIEURS, chapeaux ont 25 pieds de longueur ſur 13 à 14 pouces de groſ-
ſeur
.
Sur tous les chapeaux E, il y a, d’un chevalet a l’autre, cinq cours
de
longerons F, de 11 à 12 pouces de groſſeur, eſpacés entr’eux de
diſtance
égale, formant en tout une largeur de 14 pieds, &
ſont re-
couverts
d’un Plancher de madriers I, de 4 pouces d’épaiſſeur, che-
villés
ſur chaque longeron d’une broche de fer de 8 à 9 pouces
de
longueur, ébarbellée par les angles.
Sur ce premier plancher l’on en poſe un ſecond de 8 pieds de
largeur
ſeulement, &
de 3 pouces d’épaiſſeur, qu’on apelle redouble-
ment
, ſur lequel l’on attache quelque fois des barres de fer plattes
autant
plain que vuide, &
de même longueur que les madriers.
L’on n’employe plus guére de redoublement, ni de barres de fer,
pour
conſerver les Ponts dormans:
on les couvre d’un pavé plus
élevé
dans le milieu qu’aux extrêmités pour l’écoulement des eaux;
& alors l’on poſe le long des poteaux montans des gardes-pavé, de 9
à
11 pouces d’équarriſſage.
Il eſt certain que ce pavé rend le Pont
d’une
bien plus longue durée, les réparations n’en étant pas ſi fré-
quentes
qu’aux autres.
A l’extrêmité de la largeur du premier plancher, & ſur les cha-
peaux
E, l’on aſſemble à tenons &
mortoiſes les Poteaux montans G,
des
gardes-foux de 7 pieds &
demi de longueur compris les tenons
ſur
8 à 8 pouces de groſſeur, terminez par une tête arrondie ou à pan
avec
une gorge &
un quart de rond au-deſſous, comme il eſt figuré
au
deſſein:
ces poteaux ſont affermis chacun d’un lien pendant M,
de
6 pieds de longueur ſur 12 à 6 pouces d’épaiſſeur, chamfrines à
un
pied au-deſſus du chapeau par un talon renverſé, qui reduit la
partie
ſupérieure à 8 pouces de largeur pour affleurer le poteau des
gardes-foux
;
ces poteaux ſont liés enſemble par deux cours de liſſes,
L
&
K, dont la premiere L eſt appellée liſſe d’apuy.
Le chaſſis de la baſcule eſt compoſé de deux poteaux montans N,
de
8 liens enguette O, d’un chapeau P, de 4 liens ceintrés Q, de deux
liens
heurtoirs R, &
de 2 ſemeles S; les poteaux montans N, ont 14 pieds
de
longueur ſur 13 à 14 pouces de groſſeur élevés à plomb em-
mortoiſés
dans le chapeau E, ſur lequel ils ſont aſſemblés par les 4
liens
enguette O, &
arcboutés par les 4 autres qui ſont aſſemblés dans
les
ſemeles S:
ces 8 liens enguette ont 10 ſur 12 d’épaiſſeur, & de
differentes
longueurs, ſuivant les endroits ils ſont employés;
il
faut
ſeulement remarquer, qu’ils doivent faire avec le chapeau &
la
ſemelle
ils ſont aſſemblés un angle d’environ 60 dégrés.
La baſcule eſt compoſée de deux flêches T, d’une culaſſe V, de deux
370
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371 30[Figure 30]
372
[Empty page]
37351LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. entre-toiſes X & r, dont la derniere r, s’apelle entre-toiſe des tou-
rillons
, &
qui doit être comme la culaſſe aſſemblée dans les flêches
par
un double tenon:
l’on fortifie cet aſſemblage ordinairement
par
des Croix de St.
André Z, & d’autres liens, tant pour la ſolidité
de
l’ouvrage, que pour donner du poids à la baſcule &
faire un
équilibre
à peu-près égal au Pont-Levis;
je dis à peu-près, parce
qu’il
faut que la baſcule ſoit au moins de 200 liv.
plus légere que
le
tablier.
Les flêches ont 14 à 16 pouces de groſſeur à la culaſſe revenant
à
10 à 12 aux extrêmités, dont la partie qui excede l’entre-toiſe
des
tourillons r, eſt preſque toûjours taillée à 8 pans:
la culaſſe a
auſſi
14 à 16 pouces de groſſeur, &
les deux autres entre-toiſes X
&
r, un peu moins, c’eſt-à-dire, qu’elles affleurent toûjours la
groſſeur
des flêches;
à l’égard des Croix de St. André & des autres
liens
, ils ſont d’un ou même de 2 pouces plus petits, ſuivant que
l’on
a beſoin de poids pour l’équilibre.
Le tablier des Ponts-Levis eſt ordinairement compoſé d’une piéce
qui
porte les tourillons de 10 pieds de longueur ſur 10 à 10 pouces
de
groſſeur, d’une autre h, apellée chevet, &
de 6 ſoliveaux j, de
12
pieds de longueur ſur 5 à 6 pouces de groſſeur, recouverts de
madriers
de 2 pouces, &
redoublés de barres de fer autant plain que
vuide
.
Il y a des Ingenieurs, qui donnent quelques pouces moins en
quarré
au chevet qu’à la piéce des tourillons, &
ne donnent pas
tant
de groſſeur non plus au bout des ſoliveaux qui répondent au
chevet
;
afin que le centre de gravité du tablier, n’étant point dans
le
milieu de ſa longueur, mais plus près de la piéce des tourillons que
du
chevet, la baſcule ſoit moins chargée &
rende le mouvement
du
Pont plus doux:
c’eſt en effet ce qui arrive quand on en
uſe
ainſi.
L’on fait, à la tête des Ponts dormans, une barriere ſur le penul-
tiéme
chevalet, dont les poteaux ſont comme ceux du chaſſis de la
baſcule
des Ponts-Levis aſſemblés ſur le chapeau du chevalet &
affer-
mis
par deux liens pendans a, &
deux autres liens b, plus quatre au-
tres
liens enguette ſur l’interieur des poteaux ſemblables à ceux
des
baſcules O, &
qui ne ſont pas figurés ſur le deſſein.
La barriere eſt aſſemblée à claire voye à 2 vantaux, chacun com-
poſé
d’un tournant c, d’un battant d, &
de 5 à 6 épées ou barreauxe,
avec
une barre &
deux traverſes, le tout de même hauteur: les tour-
nans
&
battans c, & d, ont 7 pieds de hauteur ſur 5 à 7 pouces
de
groſſeur;
les barres & traverſes ont les mêmes groſſeurs; & les
37452LA SCIENCE DES INGENIEURS, barreaux f, tant de la barriere que des aîles, ont 3 à 4 pouces
de
groſſeur, poſés tant plain que vuide, &
entaillés moitié par moitié
dans
les barres &
traverſes qui ſont aſſemblées à tenons & mor-
toiſes
dans les tournans &
batans de la barriere.
Il ſe fait auſſi des barrieres, pour fermer la ſortie du chemin cou-
vert
des portes, auſſi-bien que les places d’Armes qui ſont répan-
duës
dans les dehors;
on en peut voir ici l’élevation. Cette barriere
a
2 ventaux qui tournent ſur des pivots &
arrêtés par le haut avec
des
collets de fer aux poteaux qui ſervent à l’entretenir;
ces poteaux
ont
9 pieds &
demi de longueur, & 8 ſur 6 pouces de groſſeur,
tenus
en raiſon par un patin de 7 pieds de long &
de 7 à 8 pouces
de
gros, &
aſſemblés par 2 ſolles de 8 à 9 pouces de groſſeur, dont
l’un
doit être enterré de 2 ou 3 pieds, &
l’autre poſé au niveau des
paſſages
:
les 2 ventaux de la barriere ſont entretenus par des tra-
ver
ſes &
contre-fiches de 6 ſur 7 pouces de gros, aſſemblés par entaille
avec
les barrieres par une profondeur de moitié par moitié;
ces
barreaux
doivent avoir 5 ſur 6 pouces de groſſeur &
apointés com-
me
les palliſſades.
Quand l’eau du foſſé eſt dormante, ou qu’elle n’a qu’un cours
paiſible
, les ponts ſe peuvent faire à peu-près ſemblables aux pré-
cedens
;
mais, s’il ſe rencontroit une riviere à l’entrée de la place,
dont
le courant fût rapide, il faudroit s’y prendre d’une façon tou-
te
differente, comme on le va voir.
Les ponts dormans de charpente, qui ſervent au paſſage des ri-
vieres
, ſont ordinairement conſtruits comme celui qui eſt répreſen-
ſur la Planche 21:
mais de quelque façon que ſoit diſpoſé l’aſ-
11Planch.
21
.
ſemblage de la charpente, on les éleve auſſi haut que la naviga-
tion
le demande;
quant à leur largeur, elle doit être proportion-
née
à la grandeur des routes:
on les éleve ſur pluſieurs palées, com-
poſées
d’une ou deux files de pieux, &
l’on a ſoin de faire une de
leur
travées aſſés large, pour que les plus grands bateaux puiſſent
y
paſſer librement.
Le nombre des pieux, qui compoſe chaque palée, eſt reglé
par
la largeur du pont, &
l’on obſerve qu’ils ayent environ 3 pieds
de
diſtance par en bas, qu’on réduit en haut à un pied &
demi,
ou
à deux pieds pour chaque vuide d’entrevoux, parce qu’ainſi on
forme
une maniere d’empatement qui reſiſte d’avantage aux efforts
de
l’eau, que ſi tous les pieux étoient perpendiculaires.
Quand on ne fait les travées que d’une file de pieux ſeulement,
cela
ne doit ſe pratiquer qu’aux ponts qui ſervent à traverſer de
petites
rivieres;
car, pour ceux qui ſont ſur des rivieres fort
375
[Empty page]
376 31[Figure 31]
377
[Empty page]
37853LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. larges, & dont le courant eſt rapide, les palées doivent être
faites
de 2 ou 3 rangs de files de pieux bien coefés, liernés, &
moiſés,
avec
des contre-fiches à deux rangs, pour les entretenir comme dans
la
planche 22.
La plûpart de ces palées ſont pour l’ordinaire contregar dées du cô-
d’amont par un avant-bec de pilotage en forme de briſe-glace, qu’on
11Planch.
22
.
revêtit de planches par dehors, depuis les plus baſſes eaux de la ri-
viere
, juſqu’aux plus hautes des inondations, afin que lors que le
courant
charie des glaces &
des arbres, les uns & les autres ayent
moins
de priſe ſur le corps des palées, &
qu’ils ne faſſent que
gliſſer
.
Comme il peut arriver qu’en voulant planter des pieux pour
former
une palée, l’on rencontre du roc dans le lit de la riviere,
poſitivement
dans l’endroit l’on en veut enfoncer;
ſi l’on
n’a
faire des batardaux &
les épuiſemens, enſorte qu’il reſte 5
ou
6 pieds d’eau, on ſera ſans doute embaraſſé dans un pareil cas,
puiſqu’il
n’eſt pas poſſible que des hommes tout couverts d’eau,
puiſſent
faire un trou de 3 ou 4 pieds dans le roc:
pour ſurmon-
ter
une pareille difficulté, il faut faire deux tonneaux ouverts par
les
deux bouts, dont l’un ait 9 pieds de diamétre &
l’autre 5, & que
ces
deux tonneaux ſoient deux pieds plus hauts que la profondeur
de
l’eau, l’on placera le plus grand dans la riviere à l’endroit l’on
veut
percer, de maniere que le roc ſe trouve dans le milieu du
tonneau
, enſuite l’on enfoncera les douves de quelques pouces
dans
le lit de la riviere, &
l’on chargera le deſſus du tonneau de
façon
que le courant ne l’ébranle point, après l’on mettra le petit
tonneau
dans le milieu du grand, &
l’on remplira de terre glaiſe
l’eſpace
qui eſt entre deux, que l’on battra avec la demoiſelle,
pour
qu’elle faſſe un bon maſſif;
enfin l’on vuidera l’eau qui ſera
dans
le petit tonneau, &
l’on y introduira un ouvrier qui fera le trou
qu’on
s’étoit propoſé.
Mais, pour revenir à notre pont de charpente de la Planche
21
, je crois qu’il eſt inuile de m’étendre ſur l’aſſemblage des pie-
ces
dont il eſt compoſé:
je raporterai ſeulement les dimenſions de
chacune
;
les plans, profils, & élevations, donneront l’intelligence
du
reſte.
Les moiſes ſont de differentes longueurs, & de 8 à 9 pouces de
groſſeur
.
Les chapeaux ſont de 6 toiſes de longueur chacun, & de 18 à
20
pouces de groſſeur.
Les ſemelles au-deſſus des chapeaux, ont chacune 16 pieds de
longueur
&
15 pouces de groſſeur.
37954LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Les liens ſous les ſemelles ont chacun 6 pieds de long, ſur 10
à
12 pouces de groſſeur.
Les Poutrelles des travées du pont, qui ne ſont pas dans le grand
courant
, ont ſix toiſes 4 pieds de longueur, ſur 14 à 15 pouces
de
groſſeur;
& celles du grand courant ont 7 toiſes 4 pieds & de-
mi
ſur 15 à 16 pouces de groſſeur.
Le plancher du pont a 5 toiſes 5 pieds de largeur, ſur 3 pouces
d’épaiſſeur
.
Le redoublement du plancher entre les deux banquettes, a 3
toiſes
de largeur, ſur 2 pouces d’épaiſſeur.
Les ſeuilles des banquettes ſont de toute la longueur du pont,
&
de 20 pouces de groſſeur.
Les ſolivaux des banquettes ont 6 pieds de long, ſur 8 pouces
de
groſſeur.
Le plancher des banquettes a 6 pieds de largeur, ſur 2 pouces
d’épaiſſeur
.
Les poteaux des garde-ſoux ont 6. pieds de long, ſur 8 & 10
pouces
de groſſeur.
Les liens pendans ont 10 pieds de longueur, ſur 10 pouces par
le
bout, &
20 ſur le bout du chapeau.
Les décharges ou jettées ont chacune 20 pieds de longueur, ſur
8
à 9 pouces de groſſeur.
Les garde-foux ont 7 à 8 pouces de groſſeur.
Quant aux briſe-glaces, les pilots ſont de differentes longueurs,
ſur
13 à 19 pouces de groſſeur.
Les moiſes ſont auſſi de differentes longueurs, & ont 8 à 10 pou-
ces
de groſſeur.
Il ſe fait des ponts tournans qui ſont très commodes, pour faci-
liter
le paſſage au-deſſus des écluſes, ou aux autres endroits d’une
riviere
ou canal, il doit paſſer des batteaux:
je ne m’étois pas
propoſé
de parler ici de ces ſortes de ponts, parce qu’étant rela-
tifs
aux écluſes, ils apartiennent plûtôt à l’Architecture Hydrauli-
que
, qu’à la matiere que je traite preſentement;
mais comme, ſans
y
faire attention, on en a raporté deux deſſeins ſur la Planche 21,
je
me trouve dans la neceſſité d’en donner l’Explication, quoi
qu’aſſés
hors de propos par raport au plan que je me ſuis fait, de
ne
parler de chaque choſe que dans l’endroit qui lui convient na-
turellement
.
Le plan CI du premier Pont fait voir, qu’il eſt coupé en deux
11Planch.
21
.
également, afin que chaque moitié ſe puiſe ſeparer, &
ſe rejoin-
dre
, en tournant comme ſur un pivot:
une de ces moitiés eſt re-
380
[Empty page]
381 32[Figure 32]
382
[Empty page]
38355LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. preſentée à jour, pour montrer l’aſſemblage de la charpente, &
l’autre
eſt recouverte de madriers;
l’on obſervera que la jonction
des
deux moitiés ſe fait en portion de cercle à l’endroit AA, afin
qu’étant
arrêtée par des verroux, l’union en ſoit plus ferme:
à l’é-
gard
de l’élevation elle n’a rien de particulier, ſinon que les gar-
des-foux
ſont de fer, pour que le pont en paroiſſe plus leger.
L’autre deſſein repreſente encore un pont tournant, dont la jonc-
tion
ſe ſait obliquement à l’endroit D:
le plan eſt à peu près de
même
que le précédent, il n’y a de difference que dans l’élevation,
les gardes-foux, au lieu d’être de fer ſont de bois, d’un aſſembla-
ge
particulier qu’il ſuffit d’examiner pour voir que l’on a eu en
vûë
de rendre ce pont beaucoup plus ſolide que l’autre;
& com-
me
une pareille conſtruction chargeroit beaucoup la crapaudine, on
a
crû que pour la ſoulager il falloit faire des roulettes à l’entour,
afin
de faire tourner le pont aiſément, &
qu’il demeure toûjours
en
équilibre, ſans pancher plus d’un côté que de l’autre:
à l’égard
des
dimenſions du pont de la 22.
Planche, je n’en parlerai pas,
parce
qu’il ſera aiſé de les déterminer, ſur ce que je viens de dire
au
ſujet de l’autrc.
Comme tout ce qui peut faciliter la communication des ou-
vrages
apartient à ce chapitre, je crois devoir ajoûter, que quand
les
foſſés d’une place ſont inondés, on fait des petits ponts à fleur
d’eau
, qui vont des poternes du corps de la place à la demi-Lune,
ou
à quelqu’autre ouvrage:
on en fait auſſi de ſemblables le long
des
gorges, pour aller de la demi-Lune dans le chemin couvert,
ou
dans les contregardes, ainſi qu’on le peut voir dans la 25 Plan-
11Planch.
25
.
che:
l’on pratique pourtant quelquefois des poternes dans les fa-
ces
, &
en ce cas le pont, qui communique aux autres ouvrages
voiſins
, répond à la poterne, &
n’eſt plus à la gorge de la demi-
Lune
;
c’eſt ainſi par exemple qu’au Neuf Briſack l’on communi-
que
des contregardes dans les tenailles, en paſſant par les poter-
nes
qui ſont aux flancs.
Quand les foſſés ſont à ſec, on fait des Caponieres qui aſſeurent
&
couvrent parfaitement les communications: ces caponieres ne
ſont
autre choſe qu’un parapet fait en glacis à droit &
à gauche
du
paſſage que l’on pratique dans le fond des foſſez, comme on
le
peut voir ſur la Planche que je viens de citer.
38456LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE SEPTIE’ME.
Des Corps de Gardes en general, des Guerites & Latrines.
INdépendamment des Corps de Gardes dont nous avons par-
pour veiller à la ſûreté des Portes, il s’en fait encore d’autres
dedans
&
dehors les Places: par exemple, quand les Portes ſont
trop
éloignées les unes des autres pour que les Corps de Gardes qui
y
ſont puiſſent poſter des Sentinelles à tous les endroits du Rem-
part
l’on juge à propos d’en poſer, l’on en conſtruit d’autres
pour
être à portée de faire les rondes &
de veiller à ce qui ſe paſſe;
ſi la Ville eſt traverſée par quelque Riviere, & qu’il y ait par con-
ſequent
des Portes d’eau, l’on ne manque pas d’y en faire un.
En
un
mot à tous les endroits l’on a quelque raiſon d’y en établir,
tel
eſt celui de la place d’Armes &
des autres répandus dans les
grandes
Villes pour maintenir le bon ordre &
poſer des Sentinelles
aux
Portes de ceux qui ont droit d’en avoir.
Or comme ces Corps
de
Gardes ne comprennent rien de particulier dans leur conſtruc-
tion
, je ne m’arrêteray point à en raporter d’autres que celui qui
eſt
ſur la planche 15.
qui pourra ſervir de modéle en y faiſant les
11Planch.
15
.
changemens que l’on croira neceſſaires, j’ajoûterai ſeulement, qu’en
conſtruiſant
ceux des remparts, on fera bien d’y menager de petits
entrepots
pour renfermer des munitions, afin de les avoir à portée
d’être
diſtribuées aux détachemens qui ſortent de la place, pour
des
eſcortes ou pour quelque expedition, &
n’être point dans la
peine
d’ouvrir les magaſins, ſouvent pour peu de choſe:
ces en-
trepots
ſont fort commodes en tems de ſiége, pour le ſervice du
rempart
&
celui des dehors; il eſt vrai que dans la plûpart des
grandes
Villes, l’enceinte eſt accompagnée de tours ou reduits,
on
y rencontre des endroits propres pour des entrepots, mais
je
ſupoſe une place neuve l’on ſeroit privé de ces ſortes de com-
modités
.
Je crois que l’on peut auſſi comprendre, ſous le nom de corps
de
garde, les redoutes de maçonnerie qui ſe font dans les dehors
des
places, aux endroits il eſt de conſequence d’avoir des poſtes
pour
garder une Ecluſe, un Batardeau, un Pont, &
c. puiſque ces
redoutes
ne ſont à le bien prendre que des corps de gardes rétran-
chés
:
quand elles ſont près de la place, on en releve la garde tous
385
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386 33[Figure 33]
387
[Empty page]
38857LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. les jours par de nouvelles troupes; mais quand elles en ſont fort
éloignées
, on y établit une petite garniſon, &
alors il faut qu’elles
ſoient
compoſées de pluſieurs étages, pour y diſtribuer les logemens
neceſſaires
aux Officiers &
aux Soldats: & ne pouvant être que fort
ſerrés
dans un auſſi petit endroit, il faut faire enſorte, en les conſtrui-
ſant
, de ménager ſi bien la grandeur des piéces, qu’on y puiſſe avoir
les
commodités eſſentielles;
par exemple, ſi on peut faire un étage
ſouterrain
, il faudra y pratiquer un magaſin à poudre, un autre
pour
les vivres, une cave, &
une citerne qui recevra les eaux de
pluye
, qui tomberont ſur la plate forme, ou ſur le toit, par le
moyen
des goutieres:
enſuite au-deſſus de l’étage ſouterrain, on
en
pourra faire deux ou trois autres pour loger les troupes, de la ma-
niere
qu’on les voit repreſentés ſur la Planche 23, qui comprend les
11Planch.
23
.
plans de deux redoutes differentes;
les premier ſecond & quatriéme
deſſeins
ſont des étages dont la troiſiéme figure repreſente le profil,
les
cinquiéme ſixiéme &
ſeptiéme ſont ſupoſés apartenir à une autre
redoute
qui ſeroit à machicoulis, c’eſt-à-dire, qui ſeroit faite de fa-
çon
, que le dernier étage faiſant ſaillie en dehors ſur les deux autres
inferieurs
, puiſſe voir le pied du revêtement de la redoute, pour
en
deffendre l’accès:
je n’en ai point raporté le profil, parce qu’il
ne
reſtoit pas de place ſur la Planche pour l’y tracer, mais on ju-
gera
ſans peine dequoi il eſt queſtion;
ces redoutes ſont preſque
toûjours
entourées d’un rempart, qui a ſon foſſé comme on l’a ſu-
poſé
ici, pour éviter les deſſeins qu’il auroit fallu encore raporter,
ſi
on avoit voulu détailler quelque choſe de plus que le corps de
la
redoute.
Les Guerites, qui ſe font ſur le rempart, ſont ordinairement pla-
22Planch.
24
.
cées aux angles des Baſtions, demi-Lune, &
autres ouvrages deta-
chés
, elles doivent être de plain pied au rempart, &
quand elles
ſont
de maçonnerie, elles peuvent être rondes, pentagonalles, ou
exagonalles
, leur diamétre doit être en dedans, d’environ quatre
pieds
, &
leur hauteur de ſix à la naiſſance de la calotte; il faut
qu’elles
ſoient percées de quatre ou cinq petites fenetres ouvertes,
de
maniere que la ſentinelle puiſſe aiſément découvrir le fond du
foſſé
, le chemin couvert, &
les autres dehors: les trois premieres
figures
de Guerites pourront ſervir de modelles, ſelon qu’on les vou-
dra
plus ou moins orner;
les trois autres deſſeins ſont des Guerites
de
charpente, pour faire aux angles des ouvrages qui ne ſont point
revêtus
, l’on y voit l’aſſemblage des pieces qui les compoſent,
ſelon
l’ouverture des angles droits, obtus, ou aigus:
quant aux
autres
Guerites que l’on place indifferemment, on les fait toûjours
38958LA SCIENCE DES INGENIEURS, de figure quarrée, comme aux 7e. & 8e. deſſeins, qui s’expliquent
aſſés
d’eux mêmes.
L’on fait quelquefois des Latrines de charpente ſur le rempart,
aumilieu
des courtines, quand il n’y a point de poternes au-deſſous,
parce
que s’il s’y en trouvoit, il faudroit prendre garde de ne point
en
falir la ſortie, ainſi ſupoſant que le corps de la place ſoit revê-
11Voyez les
Latrines

qui
ſont ſur
la
Planche
33
.
tu, il faut commencer par poſer au niveau du terre-plain du rem-
part
, des poutrelles à deux pieds &
demi l’une de l’autre, qui ayent
environ
20 pieds de long, ſur 10 à 12 pouces;
ces poutrelles doi-
vent
ſaillir de 4 pieds au delà du talud du revêtement, ainſi leur
longueur
étant de 20 pieds, &
le revétement en ayant 6 de talud,
la
moitié portera ſur le rempart, &
l’autre moitié ſera en ſaillie,
afin
de faire les Latrines de maniere, que les ordures ne tombent
point
ſur la muraille:
pour les maintenir on y attachera avec des
liens
de fer, des poteaux pendans, qui ſeront retenus entre la mu-
raille
&
les terres du rempart; & pour rendre le plancher plus ſo-
lide
, on peut, au-deſſous du cordon, encaſtrer dans la muraille
d’autres
poteaux pendants ſous chaque poutrelle, afin de ſoûtenir
le
poids des Latrines, ou bien on pourra, en conſtruiſant le revê-
tement
, placer au-deſſous des endroits on doi@ poſer les pou-
trelles
des Corbeaux ou Conſoles de pierre de taille, pour apuyer les
liens
, ce qui rendra l’ouvrage plus ſolide:
quant à l’aſſemblage du
reſte
de la charpente, il n’eſt pas beſoin de l’expliquer puiſque les
plans
&
profils qui ſont ſur la 33 Planche, en facilitent aſlés l’in-
telligence
:
d’ailleurs, ce ſujet n’eſt pas ſi intereſſant pour mériter
une
plus longue explication;
je l’aurois même ſuprimée, ſi, dans un
ouvrage
comme celui-ci, il ne falloit parler de tout.
Quand il ſe rencontre, dans le voiſinage des Cazernes, une rivie-
re
ou un ruiſſeau, il vaut beaucoup mieux en profiter pour y faire
des
Latrines, que de les placer ſur le rempart, puiſque, tout bien
conſideré
, elles preſentent un coup d’œil fort deſagreable;
mais
quand
on n’a point cette commodité, je voudrois qu’on les fit ſous
le
terre-plain du rempart, ou ſous les eſcaliers par leſquels on y
monte
:
en ce cas, il faut que l’égout, ſe raſſemblent les eaux des
ruës
, reçoive les ordures pour les conduire dans le foſſé.
390
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391 34[Figure 34]
392
[Empty page]
39359LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES
CHAPITRE HUITIE’ME.
De la Diſtribution des Ruës dans les Villes de Guerre.
QUand l’eſpace, que l’on veut fortifier, n’eſt point occupé par
quelque
ancienne habitation, on ne doit rien negliger pour
faire
regner dans l’interieur de la place le plus de regularité
qu’il
eſt poſſible, ſoit pour la diſtribution des ruës, celle des mai-
ſons
de Bourgeois, l’emplacement des Corps de Garde, Cazernes,
magaſins
à poudre, arſenaux, cantines, boulangeries, &
logemens
d’état
Major, afin que tous ces édifices répondent au reſte de la
place
, de façon que chacun puiſſe être à portée de remplir ſon ob-
jet
principal;
& , pour mieux juger de cette diſpoſition, je donne-
11Planch.
25
.
rai pour modelle le plan des ruës du Neuf-Briſack, comme le plus
parfait
que je connoiſſe.
Quand on peut diſpoſer d’un grand terrain, il eſt à propos, pour
la
commodité du public, de faire pluſieurs places;
mais ſi on en
étoit
empêché par une raiſon contraire, il faudroit au moins en fai-
re
une au centre, &
lui donner une figure quarrée; ſa grandeur
doit
être proportionnée à celle de l’enceinte, par conſequent la
quantité
de troupes qui veilleront à ſa conſervation;
car cette pla-
ce
devant ſervir à aſſembler la garniſon, pour le ſervice journa-
lier
, il faut qu’elle ait une capacité raiſonnable.
J’eſtime donc qu’à
une
Fortification de ſix Baſtions, ſur la baſe de 180 toiſes, on pour-
ra
donner à la place d’armes 40 à 45 toiſes en quarré, à celle de 7
Baſtions
, 55 à 60, pour une à 8, 70 à 75, pour celle qui en auroit
9
ou 10, 80 à 85, enfin à celle qui en auroit 11 ou 12, 90 à 95:
au reſte, il vaut mieux s’en raporter à la diſcrétion des Ingenieurs,
qui
executent de pareils deſſeins, qu’à aucune regle particuliere.
On fait ordinairement une petite place d’armes devant chaque
porte
de la Ville, afin que les corps de garde qui y ſont ayent
devant
eux une eſpece d’eſplanade, pour ſe garentir des ſurpriſes
du
dedans:
d’ailleurs, ces petites places font un bel effet, & ſont fort
commodes
pour degager le paſſage, quand les voitures qui veulent
ſortir
de la Ville ſont obligées d’attendre que celles qui ſont ſur
les
ponts ſoient entrées.
Quant aux ruës, il faut que les principales partent de la place
d’armes
, pour aller ſur un même allignement aux portes de la Ville,
39460LA SCIENCE DES INGENIEURS, aux remparts, & principalement à la Citadelle, ou au reduit s’il y
en
a, afin qu’elles puiſſent être enfilées;
on obſervera qu’elles ſoient
perpendiculaires
les unes aux autres autant qu’il eſt poſſible, pour
que
les encoignures des maiſons ſoient à angle droit:
on leur don-
ne
ordinairement ſix toiſes de large, afin que trois chariots puiſ-
ſent
paſſer de front, &
que s’il s’en rencontroit un d’arrêté de cha-
que
côté de la ruë, un troiſiéme pût paſſer entre - deux, de ſor-
te
qu’il reſte aſſez d’eſpace pour les gens de pied &
de cheval;
pour les petites ruës, on ſe contente de leur donner 3 à 4 toi-
ſes
de largeur.
La diſtance d’une ruë, à celle qui lui eſt paralelle, doit être telle,
qu’entre
l’une &
l’autre, il y reſte un eſpace pour deux maiſons
de
Bourgeois, dont l’une regarde dans une ruë, &
l’autre dans cel-
le
opoſée;
chacune de ces maiſons doit avoir environ 5 à 6 toiſes
de
face, ſur 7 à 8 d’enfoncement, avec une cour de pareille gran-
deur
, pour que l’intervale d’une ruë à l’autre ſoit d’environ 32 ou
33
toiſes;
dans cette largeur on peut aiſément trouver l’étenduë
qu’il
faut pour les grandes maiſons, qui auroient écuries &
jardins.
Dans les Villes il y a des ruës anciennes, on les laiſſe telles
qu’elles
ſont, on ſe contente ſeulement de redreſſer ou d’élargir
les
plus eſſentielles, comme celles des entrées &
ſorties: on en
fait
de même à l’égard de la place d’armes, quand il ne s’en trou-
ve
point d’aſſés grande pour faire le ſervice ordinaire.
Independamment du corps de garde de la place d’armes, & de
ceux
des portes, on en fait encore ſur le rempart, pour avoir des
poſtes
qui ſoient à portée de veiller à la ſureté du corps de la place:
ils ſe font quelquefois au centre ou aux gorges des Baſtions, quand
il
n’y a point de cavaliers ou de magaſins à poudre, ou bien on
les
place dans le milieu des courtines, principalement quand il y
a
quelque porte d’eau, occaſionnée par les rivieres.
Les Magaſins à poudre devant être éloignés, le plus qu’il eſt poſ-
ſible
, des maiſons des habitans, on ne peut guere mieux les pla-
cer
, que dans le milieu des Baſtions.
Comme l’Arſenal eſt un des Edifices militaires qui doit occuper
le
plus d’eſpace, il eſt aſſés difficile d’en déterminer l’emplacement,
parce
que cela depend de mille circonſtances qu’on ne peut apper-
cevoir
que ſur les lieux;
mais on aura au moins attention de le dé-
tacher
de tout autre Bâtiment, tant pour la ſûreté des munitions, que
pour
ne point participer aux incendies qui pourroient arriver dans
ſon
voiſinage.
Quand il paſſe une riviere dans la Ville, il eſt eſſen-
tiel
, pour le bien du ſervice, que l’Arſenal n’en ſoit point éloigné,
395
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396 35[Figure 35]
397
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39861LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. afin d’être plus à portée de former les convois qui pourront ſe faire
par
la navigation.
Nous reprendrons cet article dans le Chapitre
neuviéme
.
Les Cazernes ſe placent ordinairement proche le Rempart, le
long
des Courtines, &
c’eſt en effet la ſituation qui leur convient
le
mieux, parce qu’on y peut ménager un eſpace pour faire faire
l’exercise
, le Soldat eſt plus détaché de la Bourgeoiſie, on peut
faire
plus ſecretement les détachemens qui doivent marcher pour
quelque
entrepriſe, au lieu que par-tout ailleurs les mêmes avan-
tages
ne ſe rencontreroient peut-être pas ſans difficulté.
Comme la Cantine & la Boulangerie regardent la ſubſiſtance de
la
Garniſon, on doit les placer dans le voiſinage des Cazernes &

même
dans l’endroit il ſe rencontre près de-là un Corps de Garde
qui
ſoit en état d’en impoſer en cas de deſordre.
Pour l’Hôpital, il eſt preſque inutile de dire qu’il eſt à propos de
le
placer dans un endroit écarté;
mais, ſur toute choſe, proche une
rivierre
ou ruiſſeau, s’il en paſſe dans la Ville.
A l’égard des logemens de l’état Major, il eſt naturel qu’ils ré-
pondent
à la Place d’Armes, ceux des Capitaines des Portes ſe font
ordinairement
au-deſſus des Portes mêmes, ces logemens peuvent
auſſi
ſervir pour les Aydes-Majors de la Place.
Pour dire auſſi un mot de l’emplacement de l’Egliſe, il convient
que
quand il n’y a qu’une Paroiſſe, comme cela eſt aſſés ordinaire
dans
les Villes neuves, qu’elle ſoit ſituée ſur la Place, afin qu’étant
au
centre de la Ville, les Habitans en ſoient également à portée.
A l’égard de la décoration, on ne doit rien négliger de ce qui peut
flater
le coup d’œil, afin qu’il regne par-tout un air de ſimetrie qui
répande
autant de grace dans l’interieur, que la force &
la ſolidité
des
Fortifictions donnera de Majeſté à l’extrerieur.
Voilà en gros ce que je m’étois propoſé d’inſinuer dans ce Cha-
pitre
:
tout ce qui en fait l’objet eſt de ſi petite conſéquence, que je
ne
crois pas devoir l’étendre davantage, puiſqu’il ne faut que le
ſens-commun
pour voir la neceſſité de ſemblables diſtributions;
mais, ce qui demande plus de capacité & d’intelligence, c’eſt l’exe-
cution
, tant des Edifices dont je viens de parler, que de ceux dont
on
va voir les détails dans les Chapitres ſuivans.
39962LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE NEUVIEME.
Des Magaſins à Poudre & Arſenaux pour les Munitions
de
Guerre.
ON ne faiſoit pas autrefois de Magaſins comme on l’a prati-
qué
dans ces derniers tems, on reſſerroit la Poudre dans
des
Tours attachées au corps de la Place, ce qui étoit ſujet à de
grands
accidens, car quand le feu venoit à y prendre, ſoit par haſard,
ou
par le deſſein concertée de quelque trahiſon, il ſe formoit une
brêche
dont l’ennemi pouvoit ſe prévaloir, comme cela eſt arrivé
à
Aire du tems que cette Place apartenoit à l’Eſpagne:
les François
qui
en faiſoient le Siége, d’intelligence avec un habitant, trouve-
rent
moyen de mettre le feu aux Poudres qui étoient dans le ſoû-
rerrain
d’un Baſtion, elles firent un ſi grand effet, qu’une partie
du
Rempart fut renverſée dans le Foſſé, &
un Cavalier qui occu-
poit
le terre-plain partagé en deux monticules que l’on voit en-
core
;
les Aſſiégeans s’étant preſentés ſur la contreſcarpe pour mon-
ter
à l’Aſſaut, la Garniſon fut obligée de ſe rendre plûtôt qu’elle ne
l’eût
fait.
Quand on vit de quelle conſéquence il étoit de ſéparer les Ma-
gaſins
de l’enceinte, on en batit de differente figure;
mais on fut
longtems
avant de rencontrer les juſtes proportions qu’il falloit leur
donner
:
les plus ordinaires ſe faiſoient comme celui qui eſt re-
preſenté
par le premier &
le deuxiéme deſſein de la Planche 26.
11Planch.
26
.
Fig. 1.
& 2.
l’on voit qu’on les couvroit par pluſieurs Voûtes d’arrête apuyées
dans
le milieu ſur deux ou trois pilliers;
mais comme pour réünir
ces
Voûtes ſous les mêmes pentes du toit, il falloit faire un maſſif
conſidérable
de Maçonnerie qui les chargeoit extraordinairement,
on
convint qu’il valloit beaucoup mieux les couvrir d’une ſeule
Voûte
que l’on fit d’abord en tiers-point, comme on le peut voir
dans
le cinquiéme &
ſixiéme deſſein de la même Planche: l’on pra-
tiquoit
à la naiſſance de la Voûte un plancher pour faire une eſpece
de
Grenier, afin d’y reſſerrer les Poudres qui ne pouvoient pas être
contenues
au rez-de-Chauſſée.
Mr. de Vauban ayant remarqué dans pluſieurs Siéges, que les
Voûtes
en tiers-point étoient trop foibles, &
que le Grenier ne fai-
ſoit
que charger les piés-droits fort mal-à-propos, puiſque la pru-
40063LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. dence ne vouloit pas qu’on avanturât tant de Poudre dans un même
Magaſin
, étant plus convenable de la partager dans differens en-
droits
, rejetta abſolument toutes les conſtructions qui avoient été
en
uſage juſqu’alors, &
en propoſa une nouvelle beaucoup plus
parfaite
, qui eſt celle qu’on voit répreſentée par le premier &
le ſe-
cond
deſſein de la 27 Planche, qui a toûjours été executée avec
11Planch.
27
.
Fig. 1.
& 2.
ſuccès, quoiqu’on pourroit la rendre encore plus parfaite en y chan-
geant
quelque choſe, comme je le ferai voir dans la ſuite.
Je n’ai jamais conſideré ſerieuſement ce deſſein, ſans avoir été
ravi
d’admiration, en remarquant que ce grand Homme avoit ren-
contré
à peu de choſe près, par la juſteſſe de ſon eſprit &
ſa grande
experience
, des proportions preſque auſſi exactes que celles qu’au-
roit
donner une parfaite connoiſſance de la Mécanique des
Voûtes
.
Voilà l’avantage des Génies ſuperieurs; s’ils ne frapent pas
directement
au but, du moins ils ne s’en écartent guére.
Tous
les
Magaſins qui ont été conſtruits dans ce goût-là ſe ſont ſoûte-
nus
juſqu’à preſent, ſans qu’il leur ſoit arrivé aucun accident, même
dans
les Places aſſiégées qui ont le plus ſouffert des Bombes;
il en
eſt
tombé à Landaw plus de 80 ſur un ſemblable Magaſin, ſans que
la
Voûte en ait été aucunement endommagée, la même choſe eſt
arrivée
à Ath &
à pluſieurs autres endroits. Mr. Demus Directeur
des
Fortifications, auquel on peut bien s’en raporter, m’a dit
qu’au
dernier Siége de Tournay, il étoit, les ennemis jette-
rent
plus de 45000 Bombes dans la Citadelle, dont le plus grand
nombre
tomba ſur deux Magaſins qui n’en furent point ébranlés,
parce
que les Voûtes étoient en plain ceintre, de même que celui
de
Landaw, au lieu que deux Soûterrains voûtés en tiers-point
furent
enfoncés à la troiſiéme ou quatriéme Bombe, quoique cou-
verts
de 5 à 6 pieds de terre, depuis plus de 40.
ans.
Si l’on joint à de pareilles experiences tout ce que la raiſon peut
inſpirer
, on n’héſitera point de donner la préference à la Voûte en
plain
ceintre, ſur celle en tiers-point, &
de ſe conformer au deſſein
de
Mr.
de Vauban: ceux qui ont été d’un ſentiment opoſé ne s’en
ſont
pas mieux trouvés;
mais il eſt neceſſaire qu’il arrive des acci-
dens
qui faſſent ſentir la conſéquence de ne point s’écarter des
bonnes
maximes pour ne ſuivre que le haſard ou le caprice:
le
droit
de réformer ne s’acquiert point impunément, &
il n’y a qu’u-
ne
longue pratique accompagnée d’une certaine théorie, qui puiſſe
22Planch.
26
.
Fig. 1.
& 2.
en donner la poſſeſſion.
Les Magaſins ſuivant le modele de Mr. le Marêchal de Vauban
ſe
font ordinairement de 10 toiſes de longueur dans œuvre ſur 25
pieds
de largeur.
40164LASCIENCE DES INGENIEURS,
Pour les fondemens des longs côtés on leur donne 9 ou ro pieds
d’épaiſſeur
, &
la profondeur ſe détermine ſelon la nature du fond
ſur
lequel l’on veut bâtir:
car je ne ſaurois croire que cette pro-
fondeur
ait été reglée à 15 pieds, comme je l’ai ſur un deſſein
ſigné
de Mr.
de Vauban, puiſqu’il ſemble que 6 pieds ſont plus que
ſuffiſans
;
mais il ſe peut que ce deſſein ait été projetté pour être
executé
dans un endroit qui exigeoit qu’on en uſât ainſi.
Sur ces fondemens on éleve les piés-droits de 9 pieds d’épaiſſeur
lorſque
la Maçonnerie n’eſt pas des meilleures, &
de 8 pieds ſeu-
lement
lorqu’elle ſe trouve compoſée de bons matériaux:
& ne
faiſant
point de Grenier, il ſuffit de leur donner 8 pieds de hauteur
au-deſſus
de la retraite;
de ſorte que quand le plancher du Magaſin
eſt
élévé au-deſſus du rez-de-Chauſſée, autant qu’il eſt neceſſaire
pour
le mettre à l’abry de l’humidité, il reſte à peu-près 6 pieds de-
puis
l’aire du plancher juſqu’à la naiſſance de la Voûte.
La Voûte ſe fait de 3 pieds d’épaiſſeur au milieu des reins & com-
poſée
de quatre Voûtes de briques repetées l’une ſur l’autre, l’ex-
trados
de la derniere terminée en pente, dont la direction ſe déter-
mine
en donnant 8 pieds d’épaiſſeur au-deſſus de la clef, ce qui
rend
l’angle du faîte un peu plus ouvert qu’un droit.
Les deux pignons ſe font chacun de 4 pieds d’épaiſſeur élevé juſ-
qu’aux
pentes du toit &
même un peu au-deſſus, comme cela ſe
pratique
à tous les Edifices.
A l’égard des fondemens de ces pignons
on
leur donne 5 pieds d’épaiſſeur, &
autant de profondeur que ceux
des
longs côtés.
Les piés-droits ou longs côtés ſe ſoûtiennent par quatre contre-
forts
de 6 pieds d’épaiſſeur &
de 4 de longueur, eſpacés de 12
pieds
les uns des autres.
Dans le milieu de l’intervalle d’un contrefort à l’autre, on prati-
que
des évents pour donner de l’air aux Magaſins, les dez de ces
évents
ont ordinairement un pied &
demi en tout ſens, & l’eſpace
vuide
pratiqué autour ſe fait de 3 pouces de largeur contourné
de
maniere qu’ils aboutiſſent au parement exterieur &
interieur en
forme
de creneaux.
Ces dez ſervent à empêcher que des gens mal-
intentionnés
ne puiſſent jetter quelque feu d’artifice pour faire ſau-
ter
le Magaſin;
& pour prévenir un ſemblable malheur, il eſt à
propos
de fermer encore les fentes des évents par pluſieurs pla-
ques
de fer percées, parce qu’autrement on pourroit attacher à la
queuë
d’un animal la machine qu’on voudroit y introduire, ce qui
ne
ſeroit pas difficile, puiſqu’on a trouvé pluſieurs fois, dans des Ma-
gaſins
, des coquilles d’œufs, &
des volailles, que les Fouïnes y avoient
portées
.
402
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403 36[Figure 36]
404
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40565LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
Après que l’aire du Magaſin eſt bien arraſée, on y fait un couchis
de
lambourdes de bois de chêne de 8 à 9 pouces de goſſeur, eſpa-
cés
à un pied &
demi les unes des autres, dont l’intervalle ſe remplit
de
charbon ou de recoupes de pierres, puis on recouvre le tout
de
deux planchers de madriers de 2 pouces d’épaiſſeur chacun po-
ſés
l’un ſur l’autre.
Pour éclairer le Magaſin, on fait une fenêtre dans chaque pignon
que
l’on ferme avec deux venteaux de madriers de deux ou trois
pouces
d’épaiſſeur, dont l’un eſt en dehors &
l’autre en dedans. Celui
de
dehors eſt couvert de taule, &
ſe ferme auſſi-bien que l’autre
avec
deux bons verroux:
ces fenêtres ſe font fort élevées, crainte
des
accidens;
on les ouvre avec le ſecours d’une échelle, pour
donner
de l’air au Magaſin pendant les beaux jours.
On ferme auſſi les Magaſins par deux portes de bons madriers
qui
s’ouvrent en dehors &
en dedans: celle de dehors eſt recou-
verte
de taule, &
n’a qu’une ſerrure: celle de dedans en a deux qui
ont
chacune leur clef differente;
le Gouverneur ou le Comman-
dant
de la Place en a une, le Lieutenant d’Artillerie l’autre;
& le
Garde-Magaſin
celle de la premiere porte:
il eſt à propos, autant
qu’on
le peut, que l’entrée regarde le midi, ou au moins le levant,
afin
que le Magaſin ſoit orienté avantageuſement, pour être éclai-
du ſoleil quand on veut lui donner de l’air.
Pour empêcher qu’on n’aproche des Magaſins, on fait à 12 pieds
de
diſtance un mur de cloture, d’un pied &
demi d’épaiſſeur & de
9
ou 10 de hauteur.
Un Magaſin, tel que celui-ci, peut contenir 94800 liv. de pou-
dre
, engerbés de 3 barils ſeulement, car lors qu’il y en a 4 ou 5,
les
premiers ſe trouvant trop chargés, les cercles &
les douves ſe
desuniſſent
, &
la poudre tamiſe, ce qui peut être ſujet à de grands
accidens
.
Les Dimenſions precedentes paroiſſent ſi bien reglées, que je
ne
crois pas qu’on puiſſe en ſuivre de meilleures:
car l’on eſt ſûr,
que
la Voûte eſt abſolument à l’épreuve de la bombe, &
que l’é-
paiſſeur
des longs côtés eſt parfaitement bien déterminée, en la
faiſant
de 8 pieds;
car ayant cherché de combien elle devoit être,
pour
ſoutenir en équilibre la pouſſée de la Voûte, j’ai trouvé 7
pieds
&
environ 8 pouces: voilà une occaſion la pratique ſem-
ble
avoir prevenu la theorie, &
l’on voit bien que Mr. de Vau-
ban
n’a pas eu recours à la regle des Architectes, dont j’ai fait
mention
au commencement du ſecond Livre;
& ce qui me ravit
d’admiration
encore une fois, c’eſt que dans preſque tous les cas
40666LA SCIENCE DES INGENIEURS, eſſentiels, j’ai fait un paralelle de ſes maximes, avec les loix de
la
mécanique, j’ai remarqué que l’un &
l’autre étoient preſque toû-
jours
d’accord.
Un ſuccès ſi heureux doit être attribué, (comme
je
l’ai ouï dire à Mr.
le Comte de Vauban ſon neveu) aux con-
noiſſances
qu’il tiroit de l’examen des anciens Edifices, &
au plai-
ſir
qu’il prenoit de ſe communiquer ſouvent avec les plus habiles
Geometres
, &
même avec les ouvriers, dès qu’il leur apercevoit
quelque
merite:
il propoſoit des problêmes aux uns, & des diffi-
cultés
aux autres, ſouvent après les avoir reſolus lui-même;
ſa
grande
capacité lui faiſoit developer les reſſorts de la theorie la
plus
abſtraite, il ſuffiſoit qu’on s’énonçât clairement, &
qu’on le
conduiſit
ſur les voyes, pour arriver ſouvent le premier au dernier
terme
de la ſolution.
Les choſes qui paroiſſent les plus parfaites, n’étant point exemp-
tes
de quelques petites corrections, je voudrois pour plus de ſo-
lidité
changer la diſpoſition des contreforts du Magaſin de Mr.
de
Vauban
:
par exemple, au lieu de les faire de 6 pieds d’épaiſſeur & de
4
de longueur, leur donner 6 pieds de queuë &
4 d’épaiſſeur, parce
qu’alors
le bras de levier devenant plus long, la puiſſance reſiſtante
ſoutien
droit beaucoup mieux la pouſſée de la Voûte;
& comme
on
ne ſauroit avoir un trop grand nombre de points d’apui, il ſe-
roit
à propos, au lieu de quatre contreforts, d’en faire cinq de cha-
que
côté, &
en ce cas il ſuffiroit de donner 6 pieds ou 6 & demi
d’épaiſſeur
aux pieds droits, puiſque ces contreforts étant ainſi diſ-
tribués
, ils cauſeroient une reſiſtance d’environ un tiers au-deſſus
de
celle qu’il faudroit, pour ſoutenir l’effort de la Voûte.
Les piés-droits & les contreforts n’ayant que peu d’élevation, &
bien
liés avec leurs fondemens, on peut regarder les points d’apuis
placés
ſous l’extremité des fondemens de la queuë des contreforts,
&
non pas au rez-de-Chauſſée comme nous l’avons ſupoſé dans le
deuxiéme
Livre:
c’eſt pourquoi, afin d’allonger encore plus le bras
de
levier, je voudrois qu’on donnât beaucoup d’empatement aux
fondemens
, les faiſant deborder de 2 pieds ou 2 &
demi, au-delà
du
nud du mur, ramené au rez-de-Chauſſée par pluſieurs retraites,
comme
on le voit par le cinquiéme deſſein de la 27 Planche,
11Planch.
27
.
Fig. 5.
l’on remarquera que, pour aſſurer les points d’apuis, on les a éta-
blis
ſur deux rangs de madriers;
on ne feroit pas mal d’en mettre
auſſi
ſous les fondemens des longs côtés, afin de prevenir l’inega-
lité
des affaiſſemens:
cette conſtruction ſeroit excellente, ſur-
tout
dans un mauvais terrain, parce qu’il ſuffiroit de s’y aprofondir
de
5 à 6 pieds;
& je puis bien aſſeurer que la dépenſe ne ſeroit pas
40767LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. ſi conſiderable à beaucoup près, que ſi l’on donnoit 8 à 9 pieds
d’épaiſſeur
aux longs côtés comme à l’ordinaire.
La principale cauſe, qui rend les planchers des Magaſins fort
humides
, &
qui fait qu’ils ſe pourriſſent au bout d’un certain tems,
c’eſt
que l’on a coûtume de poſer les lambourdes ſur la terre, &

de
remplir leur intervalle de recoupes de pierre, ou de charbon;
ainſi, l’air ne pouvant circuler par le deſſous du plancher, les ma-
driers
ſe pourriſſent:
or, pour prévenir cet inconvenient, je vou-
drois
que l’on fit la derniere retraite interieure des fondemens
d’environ
un pied plus élevé que le rez-de-Chauſſée du pourtour ex-
terieur
du Magaſin, &
qu’on lui donnât 5 ou 6 pouces de largeur,
&
traverſer enſuite toute la longueur du Magaſin, par trois dez de
Maçonnerie
, également eſpacés les uns des autres, leur donnant
un
pied de hauteur ſur autant d’épaiſſeur, fondés ſur 3 ou 4 rangs
de
briques poſées à plat.
Après que cette Maçonnerie ſera bien arraſée à la hauteur de
la
retraite interieure, &
qu’elle aura eu le tems de ſecher, il
faut
la traverſer par des lambourdes, qui iront ſe terminer ſur les
retraites
des longs côtés, obſervant de les placer à 2 pieds de diſ-
tance
, de milieu en milieu;
& , pour que la Maçonnerie ne les en-
dommage
pas, il eſt bon mettre entre deux des couſſinets ou
bouts
de madriers, d’un pouce &
demi ou deux pouces d’épaiſſeur.
Toutes les lambourdes étant bien arraſées, on poſera le premier
&
le ſecond plancher comme à l’ordinaire, bien chevillé; & com-
me
l’entrevoux des poutrelles, auſſi bien que l’intervalle des dez,
ſur
leſquelles elles ſeront poſées, ne ſera rempli par aucune ma-
tiere
, il faudra, afin que l’air puiſſe y circuler, &
rafraichiſſe le deſ-
ſous
du plancher, pratiquer dans le plancher même, le long de
chaque
pignon, des trous ou évents d’un pied en quarré, enſorte
qu’il
s’en trouve deux, aux extremités de chaque eſpace vuide qui
y
regne.
Pour avoir une parfaite intelligence de ce qne je viens de dire,
il
ſuffira de conſiderer avec un peu d’attention le plan &
le pro-
fil
repreſenté par la 5e.
& la 6e. Figure de la Planche 27, l’on
11Planch.
27
.
verra que le plancher du Magaſin eſt partagé en deux parties:
l’u-
22Fig. 5.
& 6.
ne fait voir la diſpoſition des dez de Maçonnerie, &
des lambour-
des
, &
l’autre en quel ſens ces lambourdes ſont recouvertes par
les
madriers;
ainſi, je ne m’y arrêterai pas davantage.
En compoſant ce Chapitre, j’ai cherché à reſoudre une diffi-
culté
qui s’eſt preſentée pluſieurs fois à mon eſprit;
ſavoir comme
il
falloit déterminer l’épaiſſeur des Voûtes des Magaſins, celle des
40868LA SCIENCE DES INGENIEURS, Souterrains, & de tous autres édifices militaires, ſelon leur differente
grandeur
, pour qu’elle reſiſte également au choc des Bombes:
il eſt
vrai
que nous ſommes prévenus, qu’une Voûte en plain ceintre, de
25
pieds de largeur &
de 3 pieds d’épaiſſeur dans le milieu des reins,
eſt
parfaitement à l’épreuve;
mais, nous ignorons quelle dimenſion
il
faut donner à celle qui auroit plus ou moins de largeur, car il
n’y
a point de doute, qu’il ne faille regler l’épaiſſeur à proportion,
&
c’eſt ce que l’on pourra faire en ſuivant la regle que voici.
Voulant conſtruire un Magaſin de 36 pieds de largeur, couvert
par
une Voûte en plain ceintre;
on demande quelle épaiſſeur il faut
lui
donner dans le milieu des reins, pour qu’elle ſoit à l’épreuve:
il
faut
dire, ſi le diamétre de 25 pieds donne 9 pour le quarré de l’épaiſſeur
de
la Voûte qui eſt à l’épreuve, qui donnera 36 pieds diamétre d’une
autre
Voûte, pour le quarré de ſon épaiſſeur, afin qn’elle ſoit auſſi à
l’épreuve
;
on trouvera environ 13 pieds, dont la racine quarrée,
qui
eſt 3 pieds 7 pouces 2 lignes, ſera au juſte l’épaiſſeur que l’on
demande
, &
ainſi des autres.
Si l’on fait attention, que le principe que nous avons inſinué, au
ſujet
de la reſiſtance des bois, dans le deuxiéme Chapitre de ce
quatriéme
Livre, peut s’apliquer à celle des Voûtes, on apercevra
ſans
peine la demonſtration de cette regle;
c’eſt pourquoi je ne m’y
arrêterai
pas, pour ne point faire une trop longue digreſſion:
je
dirai
ſeulement, qu’on pourra trouver de la même maniere la lon-
gueur
des vouſſoirs pour les arches des Ponts, de telle grandeur
que
l’on voudra, comme j’en ferai mention dans le ſecond volume.
Quand on conſtruit des Magaſins ſur des lieux élevés, & qu’on
peut
pratiquer au-deſſous de leur rez-de-Chauſſée des Souterrains
pour
renfermer des munitions de guerre ou de bouche, on leur
donne
la diſpoſition quel’on voit repreſentée par le 3e &
le 4e deſſein
11Planch.
26
.
de la 26e.
Planche, l’on obſervera que le Souterrain eſt couvert
par
pluſieurs Voûtes d’arrête, pour éviter l’élevation qu’il auroit
22Fig. 3.
& 4.
fallu lui donner, ſi on avoit voulu le faire autrement;
on remarque-
ra
auſſi que les contreforts ſe trouvent placés vis-à-vis les pilliers,
qui
ſoutiennent les Voûtes dans le milieu des ſouterrains, parce
qu’ainſi
ils buttent toute l’action de la pouſſée, qui dans ces ſortes
de
Voûtes aboutit au point ſe rencontrent les arrêtes ou dia-
gonalles
:
comme ces Voûtes ſont garanties du principal effort de
la
bombe, par celle qui couvre le Magaſin qui eſt au-deſſus, il
ſuffit
de leur donner deux pieds d’épaiſſeur, à l’endroit de la clef
pour
être parfaitement à l’épreuve.
L’on deſcend dans le ſouterrain par un eſcalier que l’on voit
409
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410 37[Figure 37]
411
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41269LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. marqué ſur le plan, & c’eſt dans le pignon qui répond à la rampe
que
l’on pratique un évent ou petite fenêtre, pour lui donner de
l’air
:
l’on pourroit même faire des ſoupiraux entre les contreforts,
pour
le rendre moins humide;
mais il faudroit qu’ils fuſſent tour-
nez
de façon à ne cauſer aucun préjudice.
Comme l’étage du rez-de-Chauſſée n’eſt autre choſe qu’un Ma-
gaſin
ordinaire, qui ne conprend rien de particulier, je ne m’y
arrêterai
pas, non plus qu’aux dimenſions qu’il convient de donner
aux
piés-droits, en ayant aſſez dit ſur ce ſujet dans le ſecond Livre.
Dans pluſieurs de nos Places, on voit des Edifices executés com-
me
le précedent;
il s’en trouve même de plus conſiderables, com-
me
on en peut juger par le profil repreſenté par la 3e.
Figure de la
27
e.
Planche, qui apartient à un Arſenal compoſé de quatre étages:
11Planch.
27
.
le premier eſt un ſouterrain couvert par deux Voûtes en plain cein-
22Fig. 3. tre, qui s’apuyent mutuellement ſur le mur de refend, qui partage
le
ſouterrain en deux, dans toute ſa longueur:
on y a percé des
portes
de diſtance en diſtance, pour paſſer d’un ſouterrain à l’autre,
ce
que je n’ai exprimer ſur le plan, n’en ayant raporté qu’un bout
repreſenté
par la 4e.
Figure, à cauſe qu’il auroit fallu trop d’eſpace
pour
le faire voir tout entier;
mais un pareil plan eſt ſi ſimple, qu’on
s’imaginera
aiſément de quoi il eſt queſtion:
d’ailleurs, la longueur eſt
en
quelque façon indéterminée, puiſqu’elle dépend de la place
l’on
voudroit conſtruire un édifice comme celui-là, de la dépenſe
qu’on
y veut faire, ou du beſoin de l’avoir plus ou moins étendu;
j’a-
joûterai
ſeulement, qu’il convient de deſcendre dans cesſortes de ſou-
terrains
par une rampe large &
commode, ainſi qu’on le fait aux
écuries
qui ſont pratiquées dans les caves, plûtôt que par un eſca-
lier
, afin de pouvoir manœuvrer plus aiſément, quand il s’agit d’y
introduire
des munitions de guerre ou de bouche.
Ce ſouterrain étant ſupoſé creuſé dans le roc, on a pris occaſion
de
montrer comme en pareil cas on peut ſe diſpenſer de faire les
murs
auſſi épais en bas qu’en haut, en les apuyant contre le roc qui
doit
faire partie de l’épaiſſeur qu’il auroit fallu donner dans tout au-
tre
terrain, puiſqu’il ſuffit de le couper par reſſaut, &
de ſuivre
ce
qui a été enſeigné dans le 3e.
Livre, en faiſant mention des fon-
demens
établis dans ce goût-là.
Le ſecond étage, qui eſt celui du rez-de-Chauſſée, eſt à peu près
ſemblable
au précédent, étant auſſi voûté en plain ceintre à l’épreu-
ve
de la Bombe;
ce qui peut être d’un grand avantage dans les pe-
tites
fortereſſes eſcarpées, &
qui ſont plus ſujetets à être inquietées
des
Bombes que du Canon.
41370LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Le troiſiéme étage peut ſervir pourles farines ou des munitions de
guerre
, &
le 4e. de Salle d’Armes; je crois même quel’Arſenal de
Charlemont
a été bâti à peu près ſelon le deſſein queje viens d’ex-
pliquer
:
puiſque nous en ſommes ſur les Arſenaux, il eſt à propos
de
traiter ce ſujet un peu plus amplement, par raport à la conſe-
quence
des Places on les conſtruit, &
à pluſieurs circonſtances
qu’il
eſt neceſſaire de détailler.
Il n’y a pas de Place de Guerre oùil ne faille un Arſenal: ſa gran-
deur
&
ſa diſtribution doivent être aſſujetties à la conſequence du
lieu
, &
aux travaux qu’on pourra y faire; par exemple, aux Citadel-
les
&
autres petites fortereſſes, il ſuffit d’en avoir un d’une gran-
deur
mediocre, pour contenir les munitions deſtinées à la défenſe,
au
lieu que dans une Ville frontiere conſiderable, il en faut un grand
pour
y former des équipages de campagne, qui comprenne tous les
endroits
neceſſaires à executer les ouvrages propres à l’artillerie.
Il faut qu’un Arſenal de conſequence ſoit bâti, ſi cela ſe peut, dans
le
voiſinage d’une riviere capable de porter batteaux, &
qu’un bras
de
cette riviere reponde à un baſſin dans l’enceinte de l’Arſenal
même
pour y charger trois ou quatre batteaux à la fois, de manie-
re
que les habitans ne puiſſent être inſtruits de la quantité des mu-
nitions
dont le convoi eſt compoſé, non plus que de leurs qualités.
Le corps propre de l’Arſenal, ſervant à garder les principales mu-
nitions
, doit être conſtruit dans l’étenduë d’une grande cour, en-
tourée
de bâtimens:
ce corps doit avoir auſſi ſa cour particuliere,
environnée
de couverts, ſeparés par autant de cloiſons qu’il ſera
neceſſaire
, pour les differentes eſpeces de munitions;
par exemple,
s’il
y a une fonderie dans la Place, on prendra une ſalle pour les
metaux
, une autre pour le fer, une pour le charbon, une autre
pour
les plombs, grenades, petits boulets, cartouches, pierres à
fuſil
, &
autres munitions peſantes: on reſervera un eſpace près
de
l’une des portes, pour la balance, on mettra des ratelliers
pour
les armes, des piéces dont on peut avoir beſoin, quelque
cordage
, outils dont l’uſage eſt frequent;
& il eſt bon que les me-
taux
, fer &
charbon, ne ſoient pas éloignés de cette balance.
Le premier étage du grand corps de l’Arſenal doit ’avoir ſon
plancher
voûté ſur poutrelles, &
ſervira pour les Salles d’Armes,
dans
leſquelles il ſeroit à propos d’avoir des armoires, pour enfer-
mer
pluſieurs petites munitions ſujettes à être priſes.
Le ſecond ſervira à mettre les armes des piéces de reſerve, ſacs
à
terre, meſures, cordages, leviers, coins de mire, chapiteaux,
fuſées
à Bombes &
à Grenades, marches d’outils, & quantité d’au-
414
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415 38[Figure 38]
416
[Empty page]
41771LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. tres choſes, dont le poids n’eſt pas conſiderable.
Le grenier au-deſſus pourra ſervir de décharge à ce qu’il y au-
ra
de trop dans l’étage au-deſſous;
on y placera les munitions le-
geres
, comme les harnois des chevaux d’Artillerie, les hottes &

paniers
.
L’avant-Cour comprendra les logemens des Officiers d’Artille-
rie
, auſſi-bien que ceux des ouvriers:
ces logemens doivent être
de
deux étages diſtribués ſuivant les commodités qu’on y pourra
pratiquer
, prenant garde qu’il n’y ait point de fenêtres qui donnent
ſur
les ruës voiſines de l’Arſenal;
pour les couverts, il faut les diſ-
tribuer
de façon qu’on quiſſe y pratiquer des Forges, des Boutiques
d’Armuriers
, des Attelliers pour les Charpentiers &
les Charrons,
enfin
pour tous les Charrois, parce qu’on ſupoſe que dans l’étage
du
rez-de-Chauſſée du grand Corps de l’Arſenal, on y mettra
tous
les bois.
Mais, pour avoir une idée des differentes choſes qui conviennent
11Planch.
31
.
à un Arſenal, il n’y a qu’à conſiderer celui du Mont-Royal, que j’ai
raporté
ſur la 31 planche, comme un des plus magnifiques de tous
ceux
qu’on a bâti dans les Places du Roy;
c’eſt pourquoi j’ai mieux
aimé
le donner pour exemple, que d’en faire un ſelon mon idée,
c’eſt-à-dire
qui eut raport à ce que je viens d’inſinuer.
Il ſe fait encore des Arſenaux compoſés d’une grande Cour, à l’en-
tour
de laquelle il y a des Arcades pour mettre à couvert tous les
bois
propres à l’Artillerie, les Affuts &
les autres Charrois neceſſaires
au
Canon, &
au-deſſus de ces Arcades ſont les Salles d’Armes, &
les
autres l’on renferme les munitions;
& tel eſt, par exemple,
l’Arſenal
de la Ferre.
Il me reſte, pour finir ce Chapitre, de faire mention des Fonde-
ries
pour le Canon, dont je ne donnerai qu’une idée ſeulement,
parce
que je me propoſe d’en parler avec plus de détail dans un
Ouvrage
qui regardera particulierement l’Artillerie;
ainſi, il ſuffira
de
jetter les yeux ſur la 28 planche, pour y avoir marqué tous les
22Planch.
82
.
lieux neceſſaires à une Fonderie.
Celle que je raporte a été projettée
pour
la Fere, mais elle n’a pas eu lieu, à cauſe des obſtacles qu’on
a
rencontré de la part du terrain:
car, ce qu’il y a de plus conſi-
derable
dans un pareil Edifice, ce ſont les Fourneaux &
les Foſſes
dans
leſquelles on coule la Fonte pour la Fabrique du Canon;
&
comme
il faut que les Foſſes ſoient d’une certaine profondeur, on
a
trouvé que la Fere étoit un lieu trop aquatique:
cela n’empêche
pas
que ce projet ne ſoit parfaitement bien entendu, &
ne puiſſe
être
quelque jour executé ailleurs.
41872LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE DIXIE’ME.
Des
Cazernes, de l’Hôpital, de la Priſon, & Maiſons de
Bourgeois
.
POUR maintenir l’ordre & la diſcipline dans la Garniſon
des
Places, on y fait des Cazernes pour loger les Troupes;
& on s’en eſt ſi bien trouvé, qu’il y a peu d’endroits l’on n’en
ait
conſtruit:
en effet, l’experience fait voir que les Garniſons qui
ſont
cazernées ſont beaucoup plus tranquiles, à cauſe de la com-
modité
que les bas Officiers ont de faire l’apel tous les ſoirs, ce
qui
ne peut ſe pratiquer exactement quand le Soldat eſt diſperſé
chez
les Bourgeois il a la liberté de ſortir à toute heure de la
nuit
.
Un autre inconvenient, c’eſt qu’un Gouverneur, ou un Com-
mandant
de Place, ne peut en tems de Guerre faire ſortir un Corps
de
Troupes, ou le moindre Parti, ſans que toute Ville n’en ſoit in-
formée
.
S’il arrive quelque allarme, on n’aſſemble la Garniſon qu’a-
vec
beaucoup de peine &
de tems, au lieu que dans les Cazernes
on
fait faire ſur le champ toutes les diſpoſitions que le Service du
Roy
peut demander.
Les Cazernesſe conſtruiſent depluſieurs façons, ſelon la ſituation
de
l’endroit quileur eſt deſtiné.
Quand on a un eſpace aſſez étendu
pour
faire une grande Cour entourrée de Bâtimens, elles ſont fort
commodes
, parce qu’elles ſe ferment d’elles-mêmes, &
queles cham-
bres
étant plus ramaſſées, on peut en moins de tems faire execu-
ter
les ordres que le Gouverneur ou le Commandant de la Troupe
juge
à propos de donner.
Cette diſpoſition de Cazernes convient ſur-tout à la Cavalerie,
parce
qu’elle a beſoin d’une Cour pour le ſervice journalier des
Chevaux
;
alors on fait les Chambres au-deſſus des Ecuries & un
Corridor
pour communiquer de l’une à l’autre, qui regne tout au
tour
du quartier;
ou bien, ſansfaire de Corridor, l’on pratique des
Eſcaliers
de diſtance en diſtance:
mais, ils occupent beaucoup de
place
mal-à-propos;
aulieu qu’ayant un Corridor, deux outrois Eſ-
caliers
ſuffiſent:
il eſt vrai qu’il rend les Chambres du premier étage
un
peu obſcures, comme on le remarque aux quartiers de Cavale-
rie
qui ſont dans la plûpart des Villes de Flandres;
mais, on peut
remedier
à cet inconvenient, en faiſant le Bâtiment moins écraſé que
ceux
dont je parle.
419
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420 39[Figure 39]
421
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422
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423 40[Figure 40]
424
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42573LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
Quand les Cazernes ſe bâtiſſent le long du rempart vers les cour-
tines
(comme Mr.
de Vauban l’a pratiqué en beaucoup d’endroits)
elles
ſont compoſées d’un grand corps de Bâtiment pour loger les
Soldats
, aux extrêmités duquel il y a des Pavillons pour les Offi-
ciers
:
ces logemens ſont preſque toûjours à deux ou trois Etages,
ſans
y comprendre le rez-de-Chauſſée.
Dans chaque corps de Cazerne double, l’on fait quatre Chambres
à
chaque étage, dont deux repondront à l’Eſcalier qui eſt de leur
côté
, &
les deux autres aux leurs: chaque Chambre doit avoir
22
pieds de long dans œuvre ſur 18 de profondeur pour placer
4
lits;
celles du rez-de-Chauſſée doivent être élevées de 12 pieds,
celles
du premier étage de 10, &
celles en galetas de 8, leurs portes
larges
de 3 pieds ſur 6 de hauteur, &
les murs de face deux pieds
d’épaiſſeur
au moins, avec un cordon à l’endroit du premier Plan-
cher
&
une tablette ornée de moulure pour ſervir de couronne-
ment
au-deſſus du ſecond plancher de la maniere qu’on le voit
marqué
ſur la Planche 29.
qu’il ne faut qu’apercevoir pour enten-
11Planch.
29
.
dre les deſſeins qu’elle répreſente.
Quand on veut faire les Planchers des Cazernes voûtés ſur pou-
trelles
, on taille ces poutrelles à cinq pans de 12 pouces de face
chacune
, &
eſpacées de 18 à 20 pouces les unes des autres: elles
doivent
être poſées ſur des Sablieres de 4 à 8 pouces d’épaiſſeur en-
caſtrées
dans les gros murs elles doivent entrer d’environ 12 à
15
pouces;
on les revêtit d’un petit madrier de chêne ou de ſapin
de
2 à 3 pouces d’épaiſſeur, poſées en mortier de terre graſſe pour
empêcher
que la Chaux ne conſomme le bois.
L’entrevoux de ces poutrelles ſe voûte de Briques miſes de cant
en
bonne liaiſon &
en mortier de Chaux & Sable: on poſe en mor-
tier
de terre graſſe le premier rang de briques qui touche le flanc
de
ces poutrelles;
on arraſe bien le deſſus de la Voûte, & on re-
cire
ſeulement les joints ſans y faire aucun enduit, après quoi ſur
l’étendu
de chaque Chambre on fait un pavé de Briques poſées
de
plat à mortier fin.
On ne voûte plus guére ſur poutrelles, parce que cela charge trop
le
bâtiment, on aime mieux faire les Planchers comme à l’ordinai-
re
, en ce cas on ſe ſert de poutres proprement équarries à vive ar-
reſte
de même que les ſolives qui doivent être de bois de brin de
5
à 7 pouces de gros poſés ſur leur fort &
eſpacés à un pied
de
diſtance les uns des autres de milieu en milieu.
Si on ne fait
point
un plancher double, on recouvre les ſoliveaux de planches
ſeiches
d’un pouce &
demi d’épaiſſeur, aſſemblées à languettes &
42674LA SCIENCE DES INGENIEURS, rainure, blanchies des deux côtés,& clouées chacune de trois cloux
à
l’endroit de toutes les ſolives, dont l’un ſera mis au milieu de la
planche
, &
les deux autres à 2 pouces près des joints; obſervant
que
ces planches ſoient poſées de maniere que leur extremité ne
ſe
rencontre point de ſuite ſur une même ſolive, &
que le tout ſoit
bien
mis de niveau, non-ſeulement avec le ſeuil des portes, mais
en
tout autre ſens &
proprement executé.
On pourra auſſi faire des rainures dans le flanc de chaque ſolive
pour
y couler enſuite des boſſes ou petits racineaux que l’on enve-
lope
de terre petrie &
préparée avec de la paille, qu’on ſerrera à me-
ſure
les uns contre les autres, ce qui formera un plat-fond plus ſourd
&
plus ſur contre les accidens du feu, on le crépira & blanchira
enſuite
pardeſſous, &
le deſſus ſera recouvert de planches, de
carreaux
, ou de briques.
Les Cheminées doivent avoir 5 pieds de largeur ſur 4 de hauteur,
&
leurs tuyaux 3 pieds ſur 8 pouces: quant à leur hauteur, il faut
qu’elle
ſurmonte le faîte du comble de 3 ou 4 pieds, pour éviter la
fumée
.
Quoiqu’il ſoit d’uſage de ne point faire de cheminées ſans
jambage
, cependant comme l’experience fait voir la facilité avec
laquelle
elles ſe détruiſent tous les jours, il vaut mieux ſoûtenir leur
manteau
par de doubles conſoles de pierres de taille ſans piés-
droits
.
Les portes ſeront ſuſpenduës avec des gonds qui auront été placés
en
bâtiſſant, &
la queuë de ces gonds ſera gravée dans le deſſus
des
pierres de taille elle devra être miſe.
Les gonds à repos &
les
pivots de ceux des portes auront 15 lignes de diamêtre, ceux
des
fenêtres 7 à 8, &
ſeront tous parfaitement ronds & à plomb ſur
leur
queuë, les œils de pantures ſeront également ronds &
préci-
ſement
de la grandeur convenable.
La cage de l’Eſcalier doit être de 7 à 8 picds de largeur parta-
gée
en deux par un mur de chifre qui ſoûtienne les rampes, les
degrés
ſe font d’un pied de giron ſur 5 à 6 pouces de hauteur;
&
l’on
fait deux pailliers, l’un au retour du milieu de la rampe &

l’autre
à chaque étage pour communiquer d’une Chambre à l’autre.
Supoſant qu’en chaque Chambre il y ait quatre lits, on pourra
y
loger douze ſoldats, ſavoir huit dans la Chambre &
quatre de
garde
;
ainſi dans les quatre Chambres de plain-pied on y logera 48
hommes
, &
dans un corps qui compoſe les douze Chambres qui
accompagnent
les Eſcaliers, on pourra y en loger 144.
Le rez-de-Chauſſée des Cazernes, dont nous parlons, eſt prin-
cipalement
deſtiné pour ſervir d’Ecurie, lorſque ces Cazernes ſe-
42775LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. roient occupées par la Cavalerie, c’eſt pourquoi on n’y a point per-
de fenêtres, n’étant éclairées que par le jour qu’elles peuvent ti-
rer
du deſſus des portes, ainſi qu’on le voit dans l’élevation, ce qui
fait
que ces chambres ne ſeroient pas fort commodes pour l’Infan-
terie
;
mais je n’ai rien voulu y changer, parce qu’on en va voir
d’autres
qui n’ont pas le même défaut.
Pour diſtribuer le logement des Officiers qui ſont dans les Pa-
11Planch.
29
.
villons, il faut faire deux eſcaliers qui paſſent par le milieu, avec
un
corridor de 6 pieds de large, qui traverſe de l’autre ſens, en-
ſorte
que chaque étage d’un Pavillon ſe trouve diviſé en quatre
apartemens
, qui doivent être compoſés d’une chambre pour deux
Officiers
, de 18 pieds de long ſur 16 de large, &
d’une cuiſine ou
garde-robe
pour les valets, de 16 pieds de long ſur 14 de large;
& l’on fera enſorte de placer des Latrines au bout de chaque cor-
ridor
, contre le mur des Cazernes.
Chaque apartement pourra être occupé par un Officier en tems
de
paix, &
par deux ou davantage en tems de guerre, quand la
Garniſon
eſt renforcée, deſorte que douze Officiers peuvent loger
dans
un Pavillon en tems de paix, &
24 en tems de guerre; mais
pour
fixer la quantité des logemens neceſſaires pour la Garniſon,
dans
le tems elle ſera la plus forte, on pourra ſuivre à peu près
la
maxime de Mr.
de Vauban, qui eſt de ſupoſer 500 hommes de
pied
par Baſtion, ou autres ouvrages de la Place équivalens, &
200
chevaux
, ce qui fait dix compagnies d’Infanterie, &
quatre de
Cavalerie
, chaque compagnie d’Infanterie ayant trois Officiers,
&
celles de Cavalerie deux, on jugera par-là du nombre des Pavil-
lons
qu’il faudra pour leur logement, auſſi-bien que de celui des
quartiers
de Cazernes pour les Soldats.
Les Cazernes, qu’on voit repreſentées ſur la Planche 30, ont été
22Planch.
30
.
faites à Bethune en 1728.
& ſont des plus belles que je connoiſſe:
comme elles ſont deſtinées pour la Cavalerie, on voit que le plan
du
rez-de-Chauſſée comprend des écuries d’une fort belle gran-
deur
, &
bien éclairées chacune par deux croiſées; ces écuries ſont
voûtées
par des Voûtes ſurbaiſſées, au-deſſus deſquelles il y trois
étages
doubles pour les Cavaliers:
attenant du même corps de Ca-
zernes
, eſt un Pavillon pour les Officiers, dont la diſtribution eſt
ſuffiſamment
détaillée par les plans profils &
élevations, pour en
avoir
une parfaite intelligence, ſans qu’il ſoit beſoin que je m’y ar-
rête
davantage:
d’ailleurs, comme j’en raporte le devis dans le ſi-
xiéme
Livre, tel qu’il m’a été donné par Mr.
Dartezé, qui en a eu
la
conduite, étant alors Ingenieur en chef de cette Place, on pour-
ra
ſi l’on veut y avoir recours.
42876LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Un édifice encore fort neceſſaire dans une Ville de Guerre eſt
11Planch.
31
.
un Hôpital pour les malades de la Garniſon, particulierement pour
les
bleſſés en tems de ſiége:
ſa grandeur doit être reglée ſur la quan-
tité
de malades que l’on aura dans la plus forte Garniſon, &
com-
me
nous ſupoſons une Ville neuve, on pourra en eſtimer le nom-
bre
ſur ceux des Villes voiſines, ce qui ſe fera encore ſur l’expe-
rience
, qui montre que de 25 hommes ou environ, il y en a un de
malade
:
cependant, il faut faire attention que dans les lieux aqua-
tiques
, les maladies ſont plus generales que dans les endroits
l’air
eſt pur, &
ſur-tout quand on fait des remuemens de terres
conſiderables
.
Prévenu de ceci, on ſaura à pcu près le nombre de lits dont on
pourra
avoir beſoin, &
par conſequent la grandeur des bâtimens
qu’il
faudra faire, qui conſiſtent dans les ſales des malades, infir-
meries
, cuiſines, pharmacie, celliers, blancheries, hangards pour
mettre
le bois, enfin tous les logemens neceſſaires pour les Offi-
ciers
de l’Hôpital:
les ſalles des malades doivent être au rez-de-
Chauſſée
&
au premier étage; on fera leur largeur de 42 pieds pour
mettre
deux rangs de lits de 6 pieds de chaque côté, &
deux autres
dans
le milieu, avec deux allées de 9 pieds de large chacune:
quant
à
la longueur des ſalles, on doit la regler par le nombre de lits,
en
comptant 4 pieds de largeur pour chacun, &
autant pour la diſ-
tance
de l’un à l’autre:
au bout de la ſalle du rez-de-Chaſſuée, on
fait
une Chapelle, qui doit être découverte de la ſalle d’enhaut, par
une
tribune.
Quand il paſſe une riviere dans la Ville, il faut, autant qu’il eſt
poſſible
, faire enſorte de conſtruire l’Hôpital dans ſon voiſinage,
ou
au moins faire paſſer un ruiſſeau près de la cour ou du jardin,
afin
d’avoir l’eau en abondance;
mais, ſans m’arrêter à tout ce qui
peut
convenir à un Hôpital, on n’a qu’à voir celui que je raporte
ſur
la Planche 31e.
Si on ſe trouvoit dans le cas d’en faire conſtrui-
22Planch.
31
.
re un, on ne feroit pas mal d’en communiquer le projet au Chi-
rurgien
Major de la Place, afin que, de concert avec lui, on ne
neglige
rien d’eſſentiel.
Pour remplir le titre de ce Chapitre, il nous reſte à parler de la
Priſon
:
on ſait bien qu’il eſt aſſez rare d’en conſtruire de neuves,
à
moins que ce ne ſoit dans des places nouvellement bâties, par-
ce
que dans les anciennes, il s’en trouve ordinairement dans les
Reduits
, Châteaux, ou Tours;
mais, ſi l’on étoit dans le cas d’en
faire
une, il faudroit qu’elle fût compoſée d’une cour entourée de
bâtimens
, enſorte que le logement du Geolier ſoit ſur le devant,
429
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430 41[Figure 41]
431
[Empty page]
43277LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. & n’ait aucune communication avec les priſonniers: à droit de la
cour
on pourra faire les cachots au rez-de-Chauſſée, &
au-deſſus
les
priſons qui ſeroient deſtinées à de ſimples châtimens, pour le
Soldat
&
le commun du peuple, enſorte qu’elles ne tirent leur
jour
que du côté de la cour, ne devant point avoir de fenêtres
ſur
la ruë:
à gauche on pourra faire deux ou trois petites chambres,
pour
loger les perſonnes qui meriteroient quelque conſideration;
& le fond ſera occupé par d’autres priſons plus détachées du reſte
du
bâtiment, pour reſſerrer les priſonniers qu’on voudroit empê-
cher
d’avoir communication avec les gens du dehors, qui vont
&
viennent: au-deſſus de ce batiment, on pourra faire la Chapelle,
afin
que tous les priſonniers ſoient plus à portée d’entendre la Meſſe.

J’ajoûterai
, que quand il eſt queſtion d’un édifice comme celui-ci,
il
faut faire les murs fort épais, &
toutes ces fenêtres bien grillées,
de
même que les tuyaux des cheminées.
Pour dire auſſi un mot des maiſons de Bourgeois, qui ſont re-
preſentées
ſur la Planche 29e.
il eſt bon qu’on ſache que le plan
11Planch.
29
. & 25.
des cinq maiſons qu’on y voit exprime la moitié d’un des cantons
de
la Planche 25, dont il a été fait mention dans le Chapitre hui-
tiéme
;
ainſi par cette moitié on jugera aiſément du reſte: à l’égard
de
la décoration des façades, comme elles accompagnent le plan
dont
je viens de parler, il ne faut qu’un coup d’œil pour en juger,
ſans
qu’il ſoit beſoin d’un plus grand éclairciſſement;
je raporterai
ſeulement
ici le Reglement qui a été fait au ſujet des maiſons qui ont
été
bâties au Neuf-Briſack;
il preſcrit ce qu’il faut obſerver pour
empêcher
les conteſtations entre les voiſins, &
à quoi chaque par-
ticulier
doit s’aſſujettir en bâtiſſant dans une Place de Guerre.
DEPAR LEROY.
Reglement concernant les Maiſons qui ſe bâtiſſent au Neuf-
Briſack
, ſur les Places que Sa Majeſté a bien voulu
accorder
aux Particuliers.
Premierement.
TOus ceux qui bâtiſſent doivent ſe conformer pour les faces
deleurs
bâtimens à celles qui ſont déja conſtruites ſur la gran-
de
Place, tant pour la décoration de ces faces &
hauteur des cor-
43378LA SCIENCE DES INGENIEURS, niches, que pour la grandeur des Boutiques, Portes, & Croiſées
qui
doivent toutes être ſemblables, ainſi que la hauteur des combles.
II.
Chaque Particulier ſera obligé de faire un pignon de Maçon-
nerie
ayant 2 pieds d’épaiſſeur dans ſes fondemens juſqu’au rez-de-
Chauſſée
, 18 pouces du rez-de-Chauſſée juſqu’au plancher du Gre-
nier
, &
16 pouces de-là au faîte du comble, & ceux qui en ont bâtis
de
Charpente ſeront tenus de les démonter, pour les faire ſolide-
ment
;
& comme il peut arriver quelque difficulté à l’occaſion de la
conſtruction
de ces pignons, les Particuliers ne bâtiſſant pas tout à
la
fois, celui qui commencera le premier ſera indemniſé par ſon
voiſin
de la moitié de la depenſe à meſure que le pignon s’élevera,
ſans
qu’il ſoit obligé d’attendre que ſon voiſin bâtiſſe ſur le devant.
III.
Ils obſerveront de mettre les auvens de même hauteur, obſer-
vant
la même choſe aux enſeignes qui ſeront de pareille grandeur
le
plus que faire ſe pourra.
IV.
Dans la conſtruction des Caves, il eſt ordonné d’en voûter
au
moins une dans chaque maiſon.
V.
Les combles dans un même quarré ſeront de même hauteur
afin
de ſe raccorder parfaitement avec le deſſein.
VI.
Ils éloigneront le plus qu’ils pourront les lieux communs, ou
latrines
, des puits;
non-ſeulement des leurs, mais auſſi de ceux que
leurs
voiſins feront conſtruire chez eux.
VII.
Et comme les tranſpirations de ces latrines pourroient à la fin
gâter
&
corrompre les eaux des Puits, il eſt très-expreſſement en-
joint
à tous les Particuliers de faire citerner la foſſe de leurs latri-
nes
avec de bonne Maçonnerie, &
un enduit de ciment, obſer-
43479LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. vant de laiſſer un trou à la Voûte pour les vuider quand il ſera tems.
VIII.
Il eſt encore enjoint à tous ceux qui ont obtenu des Places de
les
bâtir inceſſamment, afin qu’elles ſoient achevées dans le terme
qu’on
leur a donné, ſous peine de perdre leſdites Places, que l’on
donnera
à d’autres, &
même les legers Bâtimens qui ſont deſſus,
lorſque
le tems de leur ſoûmiſſion ſera expiré.
IX.
Il eſt très-expreſſement ordonné à tous Maçons & Charpentiers
de
ſe conformer à ce Reglement, ſous peine de priſon, &
d’en ré-
pondre
en leur propre &
privé nom.
Et afin que perſonne n’en ignore, ſera le preſent Reglement &
publié
à ſon de Tambour &
affiché par-tout beſoin ſera.
CHAPITRE ONZIEME.
De la Cantine, de la Glaciere, de la Boulangerie, & des
Moulins
.
DANS toutes les Villes de Guerre la Maltote eſt établie,
le
Roy veut bien accorder à la Garniſon une Cantine;
c’eſt-
à-dire
un lieu elle ait le privilege d’avoir de l’Eau-de-Vie, du
Vin
, de la Bierre, à un’certain prix beaucoup au-deſſous de celui
des
Cabarets.
Quand cette Cantine ſetrouve dans une grande Ville,
c’eſt
à celui qui en eſt l’Entrepreneur de ſe pourvoir d’une Maiſon
qui
lui convienne:
mais, dans une Citadelle ou autre Fortereſſe qui
n’eſt
habitée que par des Gens de Guerre, la Cantine eſt preſque le
ſeul
endroit d’où la Garniſon peut tirer des raffraichiſſemens;
&
alors
ce ſont les Ingenieurs qui ſont chargés de la conſtruction &

des
réparations de cet Edifice, ce qui m’engage d’en faire mention.
Une Cantine doit être compoſée de pluſieurs Caves & au rez-de-
Chauſſée
d’une Cuiſine, d’un Garde-manger, de trois ou quatre
Chambres
pour donner à boire aux Soldats, d’une Salle pour l’Au-
berge
des Officiers, d’une Ecurie pour 12 ou 15 Chevaux, &
d’un
43580LA SCIENCE DES INGENIEURS, couvert pour mettre le bois: au-deſſus du corps de logis, on diſtri-
buera
auſſi un nombre de Chambres qui répondront ſi l’on veut à
celle
du rez-de-Chauſſée;
elles ſerviront pour loger les Etrangers.
La Cantine qui eſt raportée ſur la Planche 32. eſt à peu-près dans
11Planch.
32
.
ce goût-là.
Pour procurer aux Officiers d’une Garniſon le plaiſir de boire frais
en
Eté, on fait aſſés ſouvent une Glaciére dont la conſtruction &

l’entretien
regardent auſſi les Fortifications;
mais c’eſt l’Etat Major
de
la Place qui prend le ſoin de la faire remplir.
Pour la bien placer,
il
faut choiſir un lieu élevé, comme par exemple un Baſtion plain,
on
fait une foſſe en forme d’entonnoir, on lui donne environ 20
pieds
de diamêtre &
10 ou 12 de profondeur plus ou moins: ſi
l’on
rencontroit pour faire cette foſſe une terre glaiſe, qui n’eût point
été
remuée, on pourroit ſe diſpenſer de la revêtir de Maçonnerie;
mais quand cela ne ſe trouve point, on y fait un revêtement de
Briques
de deux pieds d’épaiſſeur ou davantage ſelon qu’on aura
lieu
de craindre la pouſſée des terres qui n’a guére lieu dans cette
occaſion
, parce que donnant pour profondeur à peu-près le rayon
du
grand cercle, les terres ſe trouvent avoir leur pente naturelle,
&
par conſéquent ſe ſoûtiendront ſous l’angle de 45 dégrés. Au fond
de
la Glaciére l’on fait un petit Puits de 3 pieds de diamétre ſur 5
ou
6 de profondeur qui doit être auſſi revêtu;
il ſert à recevoir
l’eau
de la glace, qui ne manqueroit pas de fondre celle du fond, ſi
elle
n’avoit un écoulement:
ainſi l’on ſent bien que c’eſt par le
Puits
qu’il faut commencer la Maçonnerie;
& quand on ſera par-
venu
au bord, il faudra faire un roüet compoſé de bon bois de
chêne
, pour ſervir d’empatement aux premieres aſſiſes du revêtement
de
l’entonnoir:
quand on l’a rempli de glace, on ferme le Puits par
un
plancher à claire voye;
la Maçonnerie étant achevée, & lui ayant
donné
tout le tems de ſecher, on fait pour couvrir la Glaciere une
charpente
en figure de cône, dont la baſe repoſe ſur le bord de la
Maçonnerie
, &
cette charpente eſt garni de chaume depuis la
pointe
du cône juſqu’à terre, d’une épaiſſeur ſuffiſante pour empê-
cher
le Soleil de pénétrer à travers;
c’eſt pourquoi, afin de tenir cet
endroit
plus à l’ombre, on plante à l’entour des arbres aſſés près les
uns
des autres pour qu’ils forment par la ſuite un berceau:
pour
entrer
dans la Glaciére, on fait une petite allée de 10 à 12 pieds
de
longueur &
4 de largeur, voûtée & tournée du côté du Nord,
on
la ferme par deux portes, dont il y en a une à chaque extrê-
mité
.

32.
436
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437
42[Figure 42]
438
[Empty page]
43981LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
11Planch.
34
.
deſſinés trop en petit pour être apperçûs diſtinctement.
La conſtruction des Fours n’a rien de particulier que les moindres
Maçons
ne ſachent;
je dirai ſeulement, que les Voûtes doivent être
faites
avec des briques d’une bonne terre bien préparée &
bien cuite,
poſées
de bout comme des vouſſoirs avec du mortier fin:
à l’égard
du
carrelage dont l’étenduë du Four doit être couverte, il faut pour
poſer
les carreaux ſe ſervir de mortier de terre glaiſe, &
non de ce-
lui
fait de Chaux &
de Sable, parce que la chaleur le feroit enfler,
&
détacheroit les carreaux en peu de tems.
L’Edifice doit être compoſé de deux Cours, la premiere pour la
commodité
des mitrons, la ſeconde pour les Charrois &
les Ecuries:
dans le bâtiment il doit y avoir 2 Magaſins pour renfermer le pain,
2
Bureaux pour le diſtribuer;
au-deſſus l’on fera des logemens pour
les
Commis des Vivres, &
les Farines pourront être miſes dans les
Greniers
au-deſſus des hangards:
mais, pour donner une idée plus
ſenſible
de tout ceci, on peut voir la Boulangerie répreſentée ſur
la
Planche 32.

32.
mer les Farines comme on le peut voir ſur la même Planche. lant des Machines.
44082LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE DOUZIE’ME.
De la Conſtruction des Puits & Citernes.
tout ce qui eſt neceſſaire pour en tirer l’eau.
rencontre, voici comme ces ſortes de Puits ſe font.
441
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442
43[Figure 43]
443
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44483LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
de plomb pour la conduire dans le baſſin.
ſur le champ, ou au bout de quelque tems, de monter. ſieurs fontaines qui font un fort bel effet.
44584LA SCIENCE DES INGENIEURS, juſqu’au ſommet des maiſons. l’eau monte avec impetuoſité, & rempliſſe le puits. à groſſir. de Mathematique.
44685LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
11Planch.
33
.
nes demande beaucoup d’aplication pour les faire bonnes, nous allons détailler tout ce qui peut apartenir à ce ſujet; &, pour ne rien dire qui n’ait été déja executé avec ſuccés, je prendrai pour exemple la citerne qui a été faite en 1722 à Charlemont par Mr. de Breval; elle eſt au moins auſſi belle que celle de Dunkerque, dont on fait tant de cas. Cette citerne a, comme on le peut voir par le plan, 15 toiſes de longueur, ſur 6 toiſes 4 pieds de largeur, y compris les deux murs de refends qu’on a fait pour porter les Voûtes, parce que pour ces ſortes d’ouvrages, qui doivent être à l’épreuve de la Bombe, crainte des accidens qui peuvent arriver en tems de ſiége, il vaut mieux faire trois Voûtes chacune d’une grandeur médiocre, que de n’en faire qu’une ſeule qui ſeroit trop élevée & trop foible.
Le plan fait voir auſſi, qu’on a pratiqué une porte dans le milieu
de
chaque mur de refend, pour la communication de l’eau, &
que
l’on
a fait un citerneau de 9 pieds en quarré, pour que l’eau puiſſe
filtrer
avant d’entrer dans la citerne;
c’eſt pourquoi le fond de ce
citerneau
eſt 8 pieds plus haut que celui de la citerne.
Pour tirer l’eau, on a conſtruit au rez-de-Chauſſée de la Place
quatre
niches quarrées de 7 pieds &
demi dans œuvre, dont deux
ſervent
à loger les pompes, &
les deux autres pour recevoir l’eau;
& , afin qu’on en puiſſe tirer juſqu’à la dernier goûte, les tuyaux
des
pompes vont répondre dans un puiſart, qui eſt une eſpece de
rigole
qui regne ſur toute la largeur, dans l’une de ces niches on
a
pratiqué une porte pour deſcendre avec une échelle dans la ci-
terne
, lorſque l’on veut y faire quelque reparation:
ces niches ont
été
voutées à l’épreuve de la Bombe, &
ſont decorées extrerieure-
ment
par une façade de pierre de taille à joints refendus, &
couron-
nées
d’une corniche, elles ſont fermées par des portes de madriers,
auſſi
bien que l’entrée de la citerne.
Je crois que cette explication
ſuffit
, aidé des plans &
profils, pour en donner une connoiſſance
parfaite
;
ainſi, je ne parlerai que de ce qu’on a obſervé en la conſ-
truiſant
.
Après avoir deblayé les terres juſqu’à une profondeur conve-
nable
, on a fait un maſſif de maçonnerie d’environ 3 pieds d’épaiſ-
ſeur
, dirigé en pente de 6 pouces vers le puiſart des pompes, &

ce
maſſif occupant tout le fond de la citerne a ſervi en même tems
de
fondement aux piés-droits des Voûtes &
aux murs de refends.
Après l’avoir bien arraſé, on l’a couvert d’un rang de briques poſées
44786LA SCIENCE DES INGENIEURS, de plat en mortier de ciment, ſur ce premier rang on en a fait un
ſecond
, &
ſur celui-ci un troiſiéme, toûjours avec du mortier de
ciment
&
plain ſur joints: le fond du citerneau a été auſſi conſtruit
de
la même maniere.
La ſuperficie du fond de la citerne étant achevée, l’on a élevé
les
murs du refends &
les piés-droits des Voûtes, auſquels l’on
a
donné 3 pieds d’épaiſſeur:
les murs du pourtour, tant de la citer-
ne
que du citerneau, ont été parementés de briques, poſées en
mortier
de ciment, ſur l’épaiſſeur de deux briques, &
d’une & de-
mi
alternativement, &
le reſte de cette épaiſſeur de moilon; enſui-
te
l’on a poſé les ceintres ſur leſquels l’on a établi la premiere Voû-
te
, d’une brique d’épaiſſeur faite en mortier de ciment;
ſur cette
Voûte
l’on en a faite une ſeconde, &
ſur celle-ci une troiſiéme de
moilon
plat, après quoi l’on a rempli de maçonnerie les reins de
la
Voûte du berceau du milieu, juſqu’à la hauteur qu’on voit dé-
terminé
par le profil, après avoir bien arraſé les pentes, on y a
apliqué
une chape de ciment qui couvre les trois Voûtes, &
cette
chape
a été faite à peu près de la même façon, qu’il eſt enſeigné
dans
le Chapitre onziéme du troiſiéme Livre.
L’on a fait un enduit ſur le pavé de la citerne, & ſur l’interieur
du
mur du pourtour, de la même épaiſſeur qu’on fait ordinairement
les
chapes de ciment, &
fabriqué avec les mêmes précautions,
excepté
ſeulement qu’au lieu de pouſſiere de thuilaux, on s’eſt ſer-
vi
de terraſſe de Hollande, comme étant beaucoup meilleure.
Quand on fait des citernes dans des lieux aquatiques, on enve-
lope
exterieurement toute la maçonnerie, par un bon courroi de
terre
glaiſe, bien petrie &
bien battuë, crainte que les eaux qui
proviendroient
des ſources, ou de quelqu’autre cauſe, ne l’endom-
magent
, ou ne ſe mêlent avec celle de la citerne, ſi à la longue
elles
parvenoient à s’y faire une entrée;
car l’on entend bien que
ces
eaux ne pourroient être que de mauvaiſe qualité, puiſque, ſi
elles
étoient bonnes, on ne ſeroit point dans la neceſſité de faire
une
citerne.
J’en raporterai encore ici une fort belle, qui s’eſt faite à Ca-
lais
, à peu près dans le même tems que celle de Charlemont,
dont
les developemens ſont ſuffiſamment détaillées ſur la 34e.
Plan-
11Planch,
34
.
che, que je ne m’arrêterai point à expliquer, parce qu’on en trou-
vera
le devis dans le ſixiéme Livre, qui en facilitera parfaitement
l’intelligence
, &
que je donne d’ailleurs pour ſervir de modele,
quand
on ſera dans le cas de projetter de pareils ouvrages.
La grandeur des citernes devant être reglée ſur la quantité d’eau
448
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449 44[Figure 44]
450
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45187LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. que les toits des bâtimens les plus à portée peuvent fournir, il faut,
afin
de ſavoir combien on pourra en recueillir, faire des experiences
ſur
les lieux, pour voir ce qu’il tombe de pouces d’eau chaque an-
née
, c’eſt-à-dire, de combien de hauteur d’eau les pluyes couvri-
roient
la ſurface de la terre, ſi elles s’y conſervoient ſans s’écouler,
s’imbiber
, ni s’évaporer;
& , ſupoſant qu’il en tombe 20 pouces, il
faut
meſurer l’étenduë qu’occupent les bâtimens, dont on veut ra-
maſſer
l’eau des toits, ſans s’embarraſſer de leur figure, ni de la gran-
deur
de leur ſurface, puiſque l’eau qu’ils recevront ſera toûjours
équivalente
à celle qui ſeroit tombée ſur le terrain qu’occupe le bâ-
timent
, ſi l’eſpace avoit été decouvert comme en plaine campagne:
or, ſi cet eſpace ſe trouvoit par exemple de 1200 toiſes quarrées,
il
faudroit multiplier cette quantité par 20 pouces, &
le produit
donnera
332 toiſes 4 pieds cubes, pour la quantité d’eau que la ci-
terne
recevra dans le courant d’une année, ſurquoi il faut prendre
garde
de la faire toûjours plus grande, afin que dans le tems des
plus
grandes eaux, elle ne monte jamais juſqu’à la naiſſance de la
Voûte
.
Pour ſavoir la maniere dont on pourra faire ces experiences, je
raporterai
ce qui ſe pratique à l’Obſervatoire Royal de Paris, que
j’accompagnerai
de quelque exemple dont on pourra ſe ſervir dans
l’occaſion
.
Pour connoître la quantité d’eau de pluye qui tombe à l’Obſer-
vatoire
, on place, dans une Tour découverte, un vaiſſeau de fer
blanc
de 4 pieds de ſuperficie, avec des rebors de 6 pouces de
hauteur
, ce vaiſſeau eſt fait en pente vers l’un de ſes angles il
y
a un bout de tuyau pour conduire l’eau dans une cruche, on a
grand
ſoin de meſurer exactement toute l’eau qui eſt amaſſée dans
cette
cruche, avec un vaſe de figure cubique qui a ſon côté de
3
pouces, enſorte que 32 lignes de hauteur d’eau dans ce petit vaſe,
valent
une demi ligne ſur la ſuperficie du grand vaiſſeau;
car il eſt
bon
de remarquer qu’on ne remplit point entierement la meſure,
&
qu’on ſe contente d’y mettre de l’eau juſqu’à une ligne qui eſt
tracée
en dedans à 4 lignes au-deſſous du bord.
Pour avoir les 32
lignes
d’eau dont on vient de faire mention, on écrit ſur un Re-
giſtre
toutes les meſures qu’on a ramaſſees pendant le courant de
chaque
mois, pour en faire une ſomme au bout de l’année, dont
on
prend la moitié pour avoir en ligne la quantité d’eau qui eſt
tombée
.
Mr. de Vauban ayant envoyé à l’Academie Royale des Sciences
un
Memoire de la quantité d’eau de pluye qui eſt tombée dans la
45288LA SCIENCE DES INGENIEURS, Citadelle de Lille pendant 10 années depuis 1685. juſqu’à 1694.
Mr. de la Hire a comparé les ſix dernieres années de l’Obſervation
de
Lille, avec les mêmes années qu’il a obſervées très-exactement
à
Paris, &
en voici le Paralelle.
11Anne’es. # A Lille. # A Paris.
# # pouces. # lignes. # pouces. # lignes.
1689
# 18 # 9 # 18 # 11 {1/2}
1690
# 24 # 8 {1/2} # 23 # 3 {1/2}
1691
# 15 # 2 # 14 # 5 {1/4}
1692
# 25 # 4 {1/2} # 22 # 7 {1/2}
1693
# 30 # 3 {1/2} # 22 # 8
1694
# 19 # 3 # 19 # 9
6
# Années. # 133 # 6 {1/2} # 121 # 9
Par la Comparaiſon de ces 6 Années, on voit en general qu’il
pleut
un peu plus à Lille qu’à Paris, &
que la moyenne Année à
Lille
donne 22 pouces 3 lignes, &
à Paris 20 pouces 3 lignes. Ce-
pendant
on n’en compte ordinairement que 19.
CHAPITRE TREIZIE’ME.
l’on donne les Régles générales que l’on doit obſerver dans
la
Conſtruction des Bâtimens.
APres avoir expliqué, dans les Chapitres précédens, les
propriétés
&
la diſtribution des principaux Edifices Militaires,
il
me reſte à faire le détail de beaucoup de choſes qui appartiennent
à
leur conſtruction &
à celle des Bâtimens pour les Particuliers dont
je
ne traiterai qu’en general, parce qu’ils ne font partie de mon Ou-
vrage
, qu’autant qu’un Ingenieur, ſans vouloir être Architecte du
premier
ordre, ne peut ignorer les proportions qu’il faut don-
ner
aux parties d’un Bâtiment pour être commode &
gratieux. Ce
ſont
ces choſes, dis-je, qu’il faut ſavoir, parce qu’elles ſe rencontrent
ſouvent
dans les Edifices Militaires, qui, quoique très-ſimples par
eux-mêmes
, ont pourtant beſoin d’être dirigés ſelon certaines régles
deſquelles
on ne peut s’écarter ſans tomber dans quelque défaut.
Quant aux détails que j’ai deſſein d’inſinuer, ils ſont de la derniere
45389LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. conſéquence, puiſque ce n’eſt que par eux qu’on peut dreſſer les
Devis
qui doivent précéder la conſtruction des Bâtimens.
Ces détails ſont une intelligence parfaite de la Charpente, de la
Menuiſerie
, de la Serrurerie, des Couvertures de Thuille &
d’Ar-
doiſe
, de la Vitrerie, de la Peinture, du Carelage, du Pavé, en un
mot
tout ce qui peut tomber ſous la direction d’un Ingenieur;
&
pour
peu qu’on en faſſe enſuite l’aplication aux ouvrages dont il
eſt
parlé dans ceux qui les précédent, je crois qu’en peu de tems
un
jeune Ingenieur ſe rendra capable de ſe bien acquitter des diffe-
rens
Travaux dont les Chefs jugeront à propos de le charger;
car
je
ſupoſe qu’il s’eſt mis au fait du premier, du ſecond, &
du troi-
ſiéme
Livre, il a apprendre ce qui appartient aux gros Ouvra-
ges
, &
qu’il n’eſt plus queſtion que de s’inſtruire des autres plus légers.
Quand on conſtruit un Edifice, il faut donner aux murs des
épaiſſeurs
convenables à la hauteur &
à la charge qu’ils doivent por-
ter
, faiſant attention que cette épaiſſeur dépend auſſi de la qualité
des
pierres dont ils ſeront compoſés:
ces murs doivent avoir une
retraite
d’un demi pied au-deſſus des fondemens, 3 pouces d’un
côté
&
3 pouces de l’autre, & chaque étage ſera auſſi recoupé
d’environ
3 pouces en dehors &
3 pouces en dedans, parce qu’ainſi
la
charge du mur portera à plomb ſans qu’on ſoit obligé de lui don-
ner
de talud;
l’on fait une plinthe en dehors à chaque étage, pour
ne
pas rendre ce recoupement ſenſible.
Pour rendre l’ouvrage plus ſolide, les encoignures doivent être
de
pierre de taille autant qu’il eſt poſſible, prenant garde d’en
éloigner
le plus qu’on pourra les fenêtres &
les portes, crainte de
les
trop affoiblir;
quant aux murs de refends, on leur donnera la
moitié
de l’épaiſſeur de ceux de faces.
L’on obſervera de ne jamais aſſeoir les poûtres ſur des vuides,
comme
ſur des fenêtres ou portes, &
qu’elles ne paſſent pas dans
les
cheminées;
le vuide doit être aſſis ſur le vuide, comme le plain
ſur
le plain.
Pour la commodité d’un bâtiment, il faut que les apartemens
ſoient
voiſins les uns des autres, bien arrangés;
que les principaux,
comme
les ſalles &
les chambres, ſoient accompagnées d’une gar-
de-robe
&
d’un cabinet, le tout de plain pied: ces apartemens doi-
vent
être proportionnés au ſervice auquel ils ſont deſtinés, &

quand
on eſt libre de ſuivre des juſtes proportions, on ſe reglera
ſur
celles-ci.
Les ſalles auront depuis 22 juſqu’à 24 pieds de largeur, & depuis
34
juſqu’à 36 de longueur:
aux grands bâtimens, la longueur des
45490LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſalles doit être double de leur largeur, les chambres ſeront quar-
rées
comme étant la figure qui leur convient le mieux, &
on pour-
ra
leur donner depuis 22 juſqu’à 24 pieds;
quant à la grandeur des
cabinets
&
des garde-robes, elle dépend des perſonnes à qui ces
ſortes
d’endroits conviennent plus ou moins.
Les apartemens au rez-de-Chauſſée pourront avoir depuis 13
juſqu’à
14 pieds de hauteur, celle du premier étage ſera depuis 12
juſqu’à
13, &
celle du ſecond, depuis 11 juſqu’à 12, ainſi en di-
minuant
d’un pied ou d’un pied &
demi, pour les étages plus
élevés
.
Les proportions qui conviennent le mieux aux grandes & peti-
tes
portes, eſt de leur donner pour hauteur, le double de leur lar-
geur
;
les portes, par doivent paſſer les voitures, auront depuis 8
juſqu’à
9 pieds de large;
celles des apartemens ordinaires en au-
ront
3, ou au moins 2 &
demi, & celles des grands apartemens &
des
veſtibules pourront avoir depuis 4 juſqu’à 5 pieds.
Dans la face d’un bâtiment, il faut toûjours obſerver que la por-
te
ſoit dans le milieu, autant que cela ſe peut faire:
les portes des
apartemens
doivent être de ſuite, &
opoſées à une fenêtre lorſ-
que
le bâtiment retourne d’équerre;
& , dans les étages qui ſont les
uns
ſur les autres, l’on aura ſoin que les portes ſe répondent à
plomb
, afin que le vuide repoſe ſur le vuide.
Les grandes fenêtres doivent être proportionnées au lieu qu’elles
éclairent
;
car, ſi elles ſont trop éloignées & trop petites, elles ren-
dent
le lieu obſcur;
ſi elles ſont trop grandes & trop proche les
unes
des autres, elles affoibliſſent le mur dans lequel elles ſont per-
cées
:
la meilleure regle eſt de les eſpacer tant plein que vuide,
c’eſt-à-dire
, que la largeur du tremeau ſoit égale à celle de la croi-
ſée
, obſervant que vers les encoigneures (pour ne point affoiblir
le
mur), il y ait de diſtance, de l’angle du bâtiment au tableau
de
la croiſée, un tiers ou un quart plus que la largeur de la croi-
ſée
même.
Les proportions des grandes fenêtres, ou autrement des croiſées,
dependent
de leurs ſituations, ſi elles ſont au rez-de-Chauſſée, au
premier
, au ſecond, ou troiſiéme étage, &
de la hauteur de l’étage
qui
eſt different, ſelon la grandeur des édifices.
Toutes les fenêtres des bâtimens particuliers, & des autres de-
ſtinez
aux uſages ordinaires, doivent avoir depuis 4 juſqu’à 5 pieds
de
largeur.
Pour regler généralement leur hauteur, il ſuffira de dire qu’a-
près
avoir pris dans la hauteur de l’étage 3 pieds au plus, qu’il faut
45591LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. donner au mur d’apui, l’on pourra donner le reſte de la hauteur
ſous
ſolives aux croiſées:
par exemple, ſi l’étage a 13 pieds de hau-
teur
ſous ſolives, en ayant pris 3 pour l’apui, il en reſtera 10 pour
la
hauteur des croiſées;
ainſi à proportion des autres étages qui ſont
moins
élevés.
On fera en ſorte que toutes les fenêtres répondent à plomb les
unes
ſur les autres:
s’il y avoit des endroits au ſecond étage ou au
troiſiéme
, l’on n’auroit en faire à cauſe de la diſtribution du
dedans
, qui répondiſſent à celle des étages au-deſſous, il faudroit
en
feindre, afin que la façade du bâtiment ſoit reguliere.
Pour les lucarnes des étages en galatas, elles doivent avoir un
cinquiéme
moins de largeur, que les croiſées de deſſous, &
leur
hauteur
doit être environ une fois &
demie leur largeur.
La grandeur des cheminées doit être proportionnée à celle des
places
elles ſont ſituées:
les grandes pour les ſalles & ſallons
auront
6 à 7 pieds d’ouverture entre leurs jambages, &
4 à 5, de-
puis
le deſſous de leur plattebande, &
environ 2 pieds de profon-
deur
d’atre;
les moyennes pour les chambres ſeront environ de 4
pieds
de largeur, ſur 3 de hauteur &
de 18 à 20 pouces de pro-
fondeur
;
les petites pour les cabinets peuvent avoir depuis 2
pieds
juſqu’à 4 de largeur, &
le reſte à proportion.
Dans les grands bâtimens, les murs ont une épaiſſeur conſi-
derable
, on peut y faire paſſer les tuyaux des cheminées;
mais,
quand
cette épaiſſeur eſt mediocre, il ne convient pas d’y rien an-
ticiper
, parce qu’on affoibliroit trop les murs de refends ou les
pignons
.
Autrefois, les cheminées étoient adoſſées les unes devant
les
autres;
mais, comme elles chargeoient les planchers, & ſail-
loient
trop dans les chambres, on a corrigé ce défaut en les ren-
11Planch.
35
.
geant le long du mur, &
en devoyant les tuyaux; mais, comme
ce
devoyement eſt deſagréable à voir, on pratique des armoires
dans
les vuides, ce qui rend la chambre reguliere.
Les tuyaux peuvent avoir 3 ou 4 pieds de longueur, ſur 10 12
à
15 pouces de largeur, &
leur épaiſſeur doit être de languette de
pierre
ou de briques de 4 pouces:
quant à la ſituation des chemi-
nées
, je crois qu’il n’eſt pas beſoin de dire, qu’il ne faut jamais les
adoſſer
contre les murs de face, entre les fenêtres, pour des raiſons
qui
ſe font aſſés ſentir;
ainſi leur veritable place eſt dans le milieu
des
murs de refends, deſorte qu’elles ſe preſentent en entrant, ſans
pourtant
ſe trouver vis-à-vis la porte, qui doit, comme on l’a déja
dit
, être de côté, pour être d’enfilade avec les autres.
Il faut que les ſouches des cheminées ne cauſent aucune diffor-
45692LA SCIENCE DES INGENIEURS, mité au dehors d’un bâtiment, & celles qui ſont ſur le courant du
comble
&
iſolées doivent être les plus égales en groſſeur, avec le plus
de
ſimetrie qu’il eſt poſſible, toutes de pareille hauteur, obſervant
qu’elles
ſurmontent le faîte de 3 pieds:
leur fermeture doit être
d’environ
4 à 6 pouces de jour, pour l’échapé de la fumée, ſur
la
longueur proportionnée à celle du tuyau, avec un petit adou-
ciſſement
au-deſſus.
Les eſcaliers faiſant une des principales parties des bâtimens,
il
y auroit beaucoup de choſes à dire ſur le choix de leur place,
leur
grandeur, &
leur figure, ſur-tout dans un tems, il ſemble
qu’on
ne peut rien ajoûter à ce que l’on a fait de merveilleux dans
ce
goût-là.
Eſt-il rien de plus beau que de voir des eſcaliers qui ſe
ſoûtiennent
d’eux-mêmes en l’air, par l’admirable invention que l’on
a
trouvée de les évuider dans le milieu?
J’avouë, que j’aurois un
extrême
plaiſir à traiter ce ſujet, pour examiner, avec autant de
préciſion
qu’on le peut, le Mécaniſme qui doit regner dans la coup-
pe
des pierres, pour y trouver les limons &
les apuis en courbe
rempante
, afin que tout puiſſe s’aſſembler &
ſe ſoutenir, ſans y
employer
d’autre matiere que la pierre même;
mais, comme cela
m’auroit
mené trop loin, je me contenterai de raporter quelques
regles
generales, qu’on doit obſerver dans la conſtruction des eſca-
liers
ordinaires, d’autant que ceux, qui ſe pratiquent pour la com-
modité
des édifices militaires, n’ont rien de commun avec la ma-
gnificence
de ceux qui peuvent avoir lieu dans les grands édifices.
Pour ne rien interrompre dans la ſuite des apartemens du de-
dans
du corps de logis, on faiſoit autrefois des eſcaliers, au mi-
lieu
de la face en dehors, dans des tours ſeparées;
mais, comme
ces
tours defiguroient la ſimetrie exterieure, on a jugé plus à pro-
pos
, par la ſuite, de les placer en dedans, au milieu du corps de
logis
, pour donner la communication à deux apartemens ſeparés
à
droit &
à gauche: , ils étoient bien en vûë & bien éclairés, ne
gâtoient
rien à la décoration;
& lors qu’il s’agiſſoit d’un bâti-
ment
ſimple &
de peu de profondeur, il ſuffiſoit d’avancer de part
&
d’autre un avant-corps de la largeur de l’eſcalier, ſur chacune
des
faces, pour trouver aſſés de longueur aux rampes, que l’on
faiſoit
ordinairement doubles, afin que pratiquant un paſſage ſous
le
premier palier, à l’endroit de la ſeconde rampe, l’on pût com-
muniquer
de la cour au jardin:
cette avance, que l’on faiſoit dans
le
milieu du corps de logis pour placer l’eſcalier, donnoit tant de
grace
au bâtiment, &
rendoit l’eſcalier ſi commode, que je ne crois
pas
que l’on puiſſe mieux faire, que de ſuivre cet uſage;
quoique
45793LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. dans ces derniers tems on ſe ſoit plûtôt attaché à les placer dans les
coins
, à l’imitation de ce qui ſe pratique en Italie, l’on affecte
de
faire paſſer ceux qui vont à l’eſcalier par pluſieurs membres en-
gagés
l’un dans l’autre:
cependant, comme un eſcalier placé dans
le
milieu occupe la plus belle place du bâtiment, dont on peut
ſe
ſervir plus avantageuſement pour un ſallon, il vaut mieux, quand
on
le peut, le mettre de côté.
Quant à la figure que l’on peut donner aux eſcaliers, ceux, qui
ſont
dans des cages quarrées, ou quarrés longs, conviennent mieux
aux
bâtimens conſiderables, que les autres qui ſeroient diſpoſés
en
rond, en ovale, ou à pans, à moins qu’on n’y ſoit contraint par
quelque
raiſon indiſpenſable.
La grandeur des eſcaliers doit être proportionnée à celle des édi-
fices
à l’uſage deſquels ils ſont deſtinés, &
par conſequent doit dé-
pendre
de cette partie d’Architecture, qui fait diſtribuer l’eſpace
que
les apartemens doivent occuper, enſorte que chaque membre
ſoit
proportionné à tout le reſte:
la ſeule choſe, quipeut être commu-
ne
aux grands &
aux petits eſcaliers, eſt la hauteur des marches
par
raport à leur grandeur, celle des baluſtres &
des apuis, parce
que
ce ſont des choſes qui ſervent à des uſages, qui ſe font de mê-
me
par tout.
La moindre largeur, qu’on puiſſe donner à la rampe d’un eſcalier
principal
, eſt de 4 pieds, pour que deux perſonnes puiſſent mon-
ter
&
deſcendre de front ſans s’incommoder: la hauteur des apuis
&
des baluſtres doit être au plus de 3 pieds, & au moins de deux
pieds
&
demi; quant à la hauteur des marches par raport à leur
largeur
, voici une Regle que Mr.
Blondel donne dans ſon Cours
d’Architecture
, que j’ai cru à propos de raporter ici.
La longueur du pas aiſé d’un homme qui marche de niveau eſt
de
2 pieds, c’eſt-à-dire de 24 pouces, &
la hauteur de celui qui
monte
à une échelle dreſſée à plomb n’eſt que d’un pied ou de 12
pouces
, d’où il paroit que la longueur naturelle du même pas à plomb
eſt
la moitié de la hauteur naturelle du pas étendu de niveau;
ainſi,
pour
les joindre l’une avec l’autre, comme il ſe fait dans toutes les
rempes
, il faut que chaque partie en hauteur ſoit par compenſa-
tion
priſe pour deux parties de niveau, &
que l’une & l’autre, pour
compoſer
un pas naturel, faſſent enſemble la longueur de 2 pieds
ou
de 24 pouces:
pour cet effet, ſi dans une rempe vous ne donnés
qu’un
pouce de hauteur à la marche, il faudra lui donner 22 pou-
ces
de largeur, parce que 22 pouces de niveau avec le pouce de
hauteur
, qui vaut deux pouces de niveau, font enſemble la lon-
45894LA SCIENCE DES INGENIEURS, gueur du pas naturel de 24 pouces; ſi la marche à 2 pouces de hau-
teur
qui valent autant que 4 pouces de niveau, elle n’aura que 20
pouces
de large, qui font enſemble 24 pouces;
à 3 pouces de hau-
teur
, qui en valent 6 de niveau, il n’en faudra que 18 de large;
à 4
pouces
de hauteur, qui valent 8 pouces de niveau, il faut 16 pou-
ces
de large;
à 5 pouces de hauteur, 14 pouces de giron; à 6 pouces
de
haut, 12 pouces de large;
à 7 de haut, 10 de large; à 8 de haut,
8
de large;
à 9 de haut, 6 de large; & ainſi du reſte; ce quiſe trouve
faire
un parfaitement bon effet, comme l’experience le montre.
Pour rendre un Eſcalier commode, il faut prendre garde de ne
point
faire les marches trop élevées:
pour cela, il ne faut jamais leur
donner
plus de 6 pouces de hauteur, &
moins encore ſi on le peut,
&
régler la largeur du giron ſelon la régle précédente; quand on ne
peut
pas leur donner autant de largeur qu’on le deſire, il faut les
faire
ſaillir d’un pouce, &
tailler cette partie en quart de rond.
Il y a des Architectes, qui veulent qu’on faſſe les marches un peu
inclinées
ſur le devant, pour les rendre plus faciles &
plus commo-
des
, quand on eſt tellement contraint par l’eſpace qu’on ne peut
leur
donner une largeur convenable;
mais, quand cela arrive, il
vaut
beaucoup mieux faire cette pente du ſens opoſé, c’eſt-à-dire
qu’en
montant la pointe du pié ſoit un peu plus baſſe que le talon,
cette
pente aidant tellement à monter, qu’il ſemble que l’on mar-
che
de niveau:
on a voulu auſſi faire le giron des marches un peu
creux
dans le milieu, pour rendre la montée plus douce;
mais, cette
pratique
eſt trés-dangereuſe, l’experience faiſant voir que ces ſortes
d’Eſcaliers
ſont difficiles à deſcendre, le pied n’y étant jamais aſſuré.
La principale choſe, que l’on doit obſerver en conſtruiſant un
Eſcalier
, eſt de faire enſorte qu’il ſoit bien éclairé;
& comme on
ne
peut tirer du jour que des ouvertures qui ſont aſſujetties au reſte
du
bâtiment, il faut bien prendre garde au choix du lieu &
à la diſ-
poſition
des rempes, pour qu’il n’y ait aucun endroit qui ne ſoit
bien
éclairé, ſoit par des fenêtres qui répondent au milieu de chaque
rempe
, ſur les paliers, ou par les flancs;
mais, il faut éviter que les
fenêtres
ſoient coupées par les rempes, comme cela ſe fait aſſés
communément
, rien n’étant plus diſgracieux à la vûë.
Mais ce qu’on
vient
de dire doit ſuffire pour ce ſujet, paſſons à ce qui regarde les
combles
.
Les Architectes ſont aſſés partagés ſur la hauteur qu’il faut don-
ner
aux combles:
les uns veulent qu’ils faſſent un triangle équilate-
ral
, les autres un triangle rectangle &
iſocelle, d’autres enfin pren-
nent
un milieu entre ces deux-ci &
leur donnent pour hauteur les
459
[Empty page]
460 45[Figure 45]
461
[Empty page]
46295LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. trois quarts de la largeur du bâtiment; cette proportion eſt fort
bonne
, ne rendant point les toits trop plats ni trop élevés, je l’ai-
merois
mieux qu’aucune autre.
Il faut avouër qu’autrefois on les
faiſoit
d’une hauteur exceſſive, comme on le voit encore aujour-
d’hui
à une quantité de bâtimens dont les combles ſont plus élevés
que
les murs de face, défaut qui choque le bon-ſens, &
qui n’eſt
point
pardonnable;
car, à quoi bon employer une Foreſt de bois
pous
charger inutilement des murs qui ſemblent plier ſous le poids
dont
ils ſont accablés:
il eſt vrai qu’on avoit alors deſſein de don-
ner
plus d’écoulement à la neige &
aux eaux pluviales; mais, quand
les
toits ont une pente d’environ 50 dégrés, l’experience montre
que
les étages les plus élevés, comme les Greniers, n’en ſont pas
moins
ſecs.
Les combles à la Manſarde, que l’on nomme auſſi combles briſés,
ont
fort bonne grace, &
c’eſt ce que l’on a imaginé de mieux pour
la
couverture des maiſons qui n’ont guére d’élevation &
qui ſont
iſolées
, comme la plûpart de celles que l’on fait à la campagne:
un avantage encore de ces ſortes de combles eſt de rendre l’étage
en
galetas fort habitable, preſque quarré, &
les jouës des Lucarnes
fort
petites.
Bullet, pour faire le comble à la Manſarde, décrit un demi, cercle
dont
le diametre eſt ſupoſé égal à la largeur du bâtiment:
il diviſe
enſuite
ce demi-cercle en quatre parties égales, pour tracer la moi-
tié
d’un octogone, dont deux des côtés répreſentent le vrai com-
ble
, &
les deux autres ce qu’on apelle faux comble.
Mr. Daviller, dans ſon Cours d’Architecture, n’approuve point cet-
te
conſtruction, parce qu’en effet elle rend le toit trop plat;
il en pro-
poſe
une autre en termes aſſés obſcurs, qui me paroit auſſi ſujette
à
pluſieurs inconveniens:
ainſi, n’ayant rien dans les autres de
ſatisfaiſant
ſur ce ſujet, j’ai pris le parti de chercher moi-même ſi
je
ne trouverois pas une méthode de tracer le comble à la Manſar-
de
, qui fût plus reguliere que celles qui ſont venuës à ma connoiſ-
ſance
;
la voici.
Il faut décrire un demi-cercle A D B, dont le diamêtre ſera égal
11Planch.
35
.
à la largeur du bâtiment hors d’œuvre, tracer dans ce demi-cercle
la
moitié d’un décagone regulier A C F G E B, ce qui ſe fait en diviſant
le
raïon en moyenne &
extrême raiſon pour avoir la mediane qui
ſera
le côté du décagone, enſuite tirer les deux lignes C A &
E B,
qui
exprimeront les côtés du faux comble;
& ſi l’on diviſe l’arc C D E,
en
deux également au point D, &
qu’on tire les cordes D C & D E,
elles
acheveront la figure A C D E B, de la Manſarde, qui aura fort
46396LA SCIENCE DES INGENIEURS, bonne grace, n’étant ni trop élevée ni trop écraſée.
Après avoir donné les régles generales qu’on doit ſuivre dans
la
conſtruction des bâtimens, il ſera aiſé d’en faire l’aplication à ceux
quel’on
conſtruit pour l’Etat Major, dans les Citadelles, Forts, &
c.
C’eſt pourquoi je paſſerai legerement ſur cet article, & dirai ſeule-
ment
un mot de la diſtribution qui peut convenir pour ces ſortes
de
logemens.
Il faut que le logement d’un Gouverneur ſoit compoſé de trois
parties
principales, ſavoir du corps de logis avec ſa cour, de la
baſſe-cour
, &
du jardin: ſon apartement doit être au premier étage,
&
conſiſtera à une anti-chambre, une chambre, un cabinet, & une
garde-robbe
;
& ſupoſant que l’eſcalier ſoit dans le milieu du corps
de
logis, l’on doit regler de l’autre côté un ſecond apartement ſem-
blable
à celui-ci pour des gens de conſideration que le Gouverneur
ſeroit
obligé de recevoir, le ſecond étage ſera diſtribué pour les prin-
cipaux
domeſtiques, &
le troiſiéme pour les laquais & les fournitu-
res
de la maiſon:
dans le rez-de-Chauſſée on y ménagera une ſalle à
manger
, une cuiſine, un garde-manger, une office, une chambre
&
un cabinet pour les Officiers de la Garniſon quand le Gouverneur
veut
déliberer avec eux de quelque choſe qui regarde le ſervice.
Dans la baſſe-cour, on doit y mettre les hangards pour le bois
de
la maiſon;
les écuries & les greniers au-deſſus de ces bâtimens
ſerviront
pour les Fourages:
à l’égard de la diſpoſition du jardin,
je
n’en parlerai point, puiſqu’elle dépend du lieu, je raporterai ſeu-
lement
le Plan de la maiſon que je viens de décrire, que l’on trou-
vera
ſur la Planche 40.
auſſi-bien que ceux des logemens du Lieu-
tenant
de Roi &
du Major.
Dans les Villes fortifiées qui ſont habitées depuis long-tems, il
11Planch.
36
.
y a ordinairement aſſés d’Egliſes pour faire le ſervice divin;
mais
s’il
s’agiſſoit d’une Place neuve, il faudroit au moins une Paroiſſe
dont
la grandeur fut proportionné:
au nombre des habitans, par
exemples
dans les Villes à ſix Baſtions Royaux, l’Egliſe doit avoir
35
toiſes de longueur dans œuvre ſur 6 toiſes de largeur, avec
deux
Chapelles de 20 pieds de large ſur 24 de longueur:
à droite
&
à gauche de l’Egliſe, il faudra faire des logemens pour le Curé
&
pour le Chapelain, dont la diſtribution auſſi-bien que celle de
l’Egliſe
doit être à peu-près comme on le voit marqué ſur la mê-
me
Planche.
464
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465 46[Figure 46]
466
[Empty page]
46797LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
CHAPITRE QUATORZIE’ME.
Qui
comprend pluſieurs détails néceſſaires à l’execution des
Bâtimens
.
APres avoir donné dans le Chapitre précédent les régles
generales
qu’on doit obſerver dans la conſtruction des bâtimens,
il
me reſte à parler dans celui-ci de tout ce qui apartient à
leur
execution, car ne conſiderer les choſes qu’en gros, c’eſt n’en
donner
qu’une connoiſſance ſurperficielle;
il faut entrer dans les
détails
, &
il n’y en a pas qui ne ſoient d’une utilité indiſpenſable,
comme
on le va voir.
Détail de la Charpente, des Combles, des Planchers, de
la
Menuiſerie, des Portes, & Fenêtres.
Les combles ſe font toûjours par travées, & l’on apelle travée,
11Planch
35
.
la diſtance d’une ferme à l’autre, qui eſt ordinairement de 10 ou
12
pieds:
chaque ferme eſt poſée ſur une poûtre, dont la groſſeur
dépend
de ſa longueur, par conſequent de la largeur du Bâtiment;
& comme les dimenſions de toutes les autres pieces doivent être
auſſi
proportionnées à cette largeur, afin qu’elles ne ſoient ni trop
fortes
ni trop foibles par raport à la portée qu’elles auront, nous
ſupoſerons
qu’il eſt queſtion d’un bâtiment de 30 pieds de largeur
qui
eſt un milieu entre 24 &
36 pieds, qu’on peut regarder comme
la
moindre &
la plus grande largeur des bâtimens ordinaires.
Les piéces qui compoſent une ferme ſont les jambes de force, qui
ont
8 à 9 pouces de gros;
l’entrait, qui ſert à ſoûtenir les arbaleſtriers
&
à aſſembler les jambes de force, en a 8 à 9 poſé de cant; les
aiſſelieres
qui ſervent à lier les jambes de force avec l’entrait, en
ont
7 à 8;
le poinçon 8 en quarré; les contre-fiches quiſervent à ſoû-
tenir
les arbaleſtriers 6 à 7, &
les arbaleſtriers 8 à 9.
Les autres piéces d’un comble ſont le faîte, le ſoû-faîte, les pan-
nes
, &
les chevrons. L’un & l’autre faîte a 6 à 8 pouces en quarré, &
les
chevrons ordinairement 4 auſſi en quarré, poſés de quatre à la
latte
, c’eſt-à-dire environ à un pied de diſtance.
Quand on met
des
plattes-formes ſur l’entablement pour recevoir le pied des che-
vrons
, elles doivent avoir 4 à 8 pouces;
& lorſque l’entablement a
beaucoup
de ſaillie, l’on employe des coyeaux pour l’égoût du com-
46898LA SCIENCE DES INGENIEURS, ble, afin de conduire les eaux de pluye à quelques pieds au-delà du
mur
de face:
ces coyeaux ne ſont autre choſe que des bouts de
chevrons
, dont l’une des extrêmités eſt coupée en bezeau pour être
apliquée
ſur les chevrons mêmes, les pannes repoſent ſur des taſ-
ſaux
, &
ces taſſaux ſur l’échantignolle, l’un & l’autre arrêté ſur les
arbaleſtriers
avec des chevilles de bois.
Pour les planchers, je croi qu’il n’eſt pas neceſſaire d’inſinuer
combien
il eſt de conſéquence que les poutres &
les ſolives ſoient
de
bon bois coupées depuis pluſieurs années, puiſqu’on n’ignore
point
le danger qu’il y auroit à les employer de mauvaiſe qualité.
A
l’égard
des dimenſions des poutres, j’en ai aſſés dit dans le ſecond
&
le troiſiéme Chapitre de ce Livre, pour qu’on ſoit en état de
juger
de la groſſeur qu’il conviendra leur donner.
Les principales piéces de Charpente d’un eſcalier ſont les patins
ſur
leſquels elles ſont poſées, les limons par leſquels on les aſſemble,
les
poteaux qui ſervent à porter les limons, les planchers des paliers,
les
apuis, les baluſtres, &
les marches.
Les patins ont 8 à 9 pouces de gros, les poteaux 4 à 6, la groſ-
ſeur
des limons doit ſe régler par rapor@ à leur longueur qui dépend
de
la grandeur de l’eſcalier;
mais communément on leur donne 6 à
8
pouces, poſés de cant:
les baluſtres ont 3 ou 4 pouces de groſ-
ſeur
, &
les apuis qui ſont poſés deſſus 4 à 6, les marches ont 5 à
7
pouces poſées ſur le cant, pour les grands eſcaliers, &
pour les
petits
, on ne leur en donne que 4 à 6, à l’égard des pieces qui por-
tent
les paliers, il faut qu’elles ſoient de bon bois, parce qu’elles
ſoûtiennent
les rempes dont elles facilitent la communication, c’eſt
pourquoi
on ne peut guéres leur donner moins de 6 à 8 pouces de
groſſeur
&
même 8 à 10 quand elles ont une certaine longueur.
Les principaux ouvrages de Menuiſerie, qui ont lieu dans les bâ-
timens
militaires, ſont les portes &
les croiſées. On donne ordi-
nairement
aux petites portes d’un apartement un pouce d’épaiſſeur,
collé
&
emboëté par en haut & par en bas. Les portes ordinaires
ont
environ 15 lignes d’épaiſſeur, &
quand on veut les faire d’aſ-
ſemblage
on leur en donne juſqu’à 18, parce qu’alors on fait une
moulure
en forme de cadre des deux côtés, les panneaux ont un pou-
ce
d’épaiſſeur, les chambranles ont 5 à 6 pouces de largeur, ſur 2
pouces
d’épaiſſeur ornés de moulures, &
l’on fait des embraſe-
mens
aſſemblés à panneaux.
Pour les portes cocheres, on donne à leur battant 8 à 9 pouces
de
largeur ſur 4 d’épaiſſeur, les baſtis qui ſont en dedans ont 3 pou-
ces
, les cadres 4, &
les panneaux un pouce & demi.
46999LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
Les croiſées ſont ordinairement à panneaux ou à carreaux; on ne
ſe
ſert plus guére aujourd’hui de celles à panneaux, les autres étant
beaucoup
plus belles &
d’un meilleur uſage: aux croiſées ordinaires
de
4 pieds de largeur on donne un pouce &
demi ſur 2 & demi aux
chaſſis
dormans, quand on y fait entrer les chaſſis à verre, on leur
donne
8 pouces;
aux maneaux 3 pouces en quarré, un pouce & de-
mi
ſur 2 pouces &
demi, aux batans des chaſſis à verre, & aux pe-
tits
bois ou croiſillons, on leur donne environ un pouce en quarré.
Aux grandes croiſées, les chaſſis dormans doivent avoir 3 pouces
ſur
4, les maneaux de même, les battans des chaſſis à verre 2 pou-
ces
d’épaiſſeur ſur 3 ou 4 pouces de large, &
les croiſillons un
pouce
&
demi.
Pour empêcher que la pluye qui tombe vers les apuis n’entre
dans
les apartemens, il faut faire la traverſe d’enbas du chaſſis à verre
aſſés
épaiſſe pour y faire des renverſeaux, &
pour cela on fait cette
piéce
pardeſſus en quart de rond, &
le deſſous en mouchette pen-
dante
pour jetter l’eau à une certaine diſtance.
La traverſe du maneau ſe place plus haut que la moitié de la
hauteur
de la croiſéc d’environ un ſixiéme de cette même hauteur,
afin
que la vûë ne ſoit point barrée par cette traverſe, &
que la
croiſée
en ait plus de grace;
à l’égard de la hauteur des carreaux,
il
faut leur donner environ un ſixiéme de plus que leur largeur.
Détail des Couvertures de Thuille & d’Ardoiſe.
L’on diſtingue ordinairement trois ſortes de thuille: la premie-
re
eſt celle du grand moule, qui a 13 pouces de long &
8 de lar-
ge
, on lui donne 4 pouces de purreau d’échantillon:
la ſecon-
de
eſt le moule bâtard dont nous ne dirons rien, parce qu’il n’eſt
plus
d’uſage:
la troiſiéme, celle du petit moule qui a environ 10
pouces
de long, ſur 6 de large;
on lui donne 3 pouces de pureau:
il faut environ 150 thuilles du grand moule, pour faire une toiſe
quarrée
de couverture, &
près du double, c’eſt-à-dire, 300 thuil-
les
du petit.
La latte, dont on ſe ſert pour les couvertures de thuille, s’apelle
latte
quarrée, elle doit être de bon bois de chêne de droit fil, ſans
noeuds
ni aubier, elle ſe vend en botte, &
la botte contient 50 lat-
tes
de 4 pieds delong chacune;
quand les chevrons ſont à un pied de
diſtance
les uns des autres, chaque latte eſt clouée ſur quatre che-
vrons
, avec cinq ou ſix clouds, &
comme il reſte trois eſpaces de
chevrons
entre les deux extrêmités d’une latte, on met une contre-
470100LA SCIENCE DES INGENIEURS, latte clouée de deux en deux contre-lattes, & la diſtance d’une latte
du
deſſus à celle du deſſous, qui eſt ce qu’on apelle pureau, eſt
ordinairement
d’un tiers de la hauteur de la thuille, priſe au-deſſous
du
crochet.
Quand on employe des thuilles du grand moule, il faut environ
30
lattes par toiſes quarrées de couverture, 36 quand on ſe ſert de
celles
du petit moule, ce qui demande l’un portant l’autre 190
clouds
.
Pour que la thuille ſoit bonne, elle doit être faite d’une argille bien
graſſe
, qui ne ſoit ni trop rouge ni trop blanche, &
ſi bien cuite,
que
lors qu’on la ſuſpend avec un fil pour la fraper, elle rende un
ſon
clair &
net, ce qui n’arrive pas quand elle eſt mal cuite, alors
elle
s’écaille &
tombe par morceaux, on obſervera auſſi que la plus
vielle
cuite eſt la meilleure.
Nous avons en France de deux ſortes d’ardoiſe, dont l’une ſe ti-
re
de Meziere &
de Charleville, & l’autre vient d’Angers: cette
derniere
eſt beaucoup plus eſtimée que celle de Meziere &
de Char-
leville
;
mais, en général, la meilleure eſt celle qui eſt la plus noire,
la
plus luiſante eſt la plus ferme.
Il y a à Angers de trois ſortes de grandeur d’ardoiſe: la premie-
re
s’apelle la grande quarrée forte, il en faut environ 200 pour
faire
une toiſe quarrée:
la ſeconde s’apelle grande quarrée fine,
il
en faut 180 par toiſe:
la troiſiéme s’apelle petite fine, il en faut
340
par toiſe.
On donne pour pureaux à l’ardoiſe auſſi-bien qu’à la thuille, le
tiers
de ſa hauteur, &
les lattes ſur leſquelles elles ſont attachées,
s’apellent
lattes voliſſes, &
ces lattes qui ſont beaucoup plus lar-
ges
que celles qui ſervent aux couvertures de thuille, ſe touchent
preſque
l’une l’autre, elles ſe vendent auſſi par bottes, &
chaque
botte
contient 25 lattes, une botte fait environ une toiſe &
demi
de
converture, la contre-latte eſt de bois de ſciage.
Pour employer un millier d’ardoiſe, ſupoſant qu’elle ait un pied
de
long &
5 à 6 pouces de large, qui eſt la plus en uſage, il faut
150
lattes, &
10 ou 12 toiſes de contre-lattes, il faut environ 12
clouds
pour attacher chaque latte ſur les chevrons, &
au moins
trois
clouds pour chaque ardoiſe.
L’on ſe ſert ordinairement de thuille, pour faire les égoûts des
couvertures
d’ardoiſe;
& , afin de les rendre de la même couleur,
on
les peint à l’huile.
Le plomb, dont on couvreles enfaîtemens descombles d’ardoiſe
&
des arreſtieres, doit avoir une ligne d’épaiſſeur, & environ 20
471101LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES. pouces de large, on le maintient avec des chrochets poſés le long
de
l’enfaîtement, dont il y en a un ſur chaque chevron:
l’enfaîte-
ment
des lucarnes ſe couvre auſſi de plomb de même épaiſſeur,
mais
pas tout à fait ſi large, puiſqu’il ſuffit qu’il ait 15 pouces;
ce-
lui
, que l’on employe pour couvrir les œils de bœuf &
les nouëds,
eſt
auſſi de même eſpece.
Le plomb pour les cheneaux, que l’on met ſur les enfaîtemens,
doit
avoir une ligne &
demi d’épaiſſeur, & 18 pouces de largeur,
&
celui des bavettes au-deſſus des mêmes cheneaux eſt auſſi de
même
qualité:
il faut donner aux cheneaux environ un pouce de
pente
par toiſe, pour l’écoulement de l’eau, que l’on ſoûtient par
des
crochets poſés auſſi ſur chaque chevron.
Le plomb du tuyau de deſcente doit avoir deux lignes d’épaiſ-
ſeur
, &
le tuyau 3 pouces de diamétre, & leurs entonnoirs ou hot-
tes
peſent ordinairement 50 ou 55 livres, &
l’on ſoûtient cet en-
tonnoir
&
ſon tuyau, par des crochets poſés de diſtance en diſtance.
Quand on ne veut point faire la dépenſe d’un tuyau pour con-
duire
les eaux juſqu’en bas, on fait une goûtiere qui porte l’eau
environ
cinq pieds hors de l’égoût, afin que le pied du mur ne s’en
reſſente
point;
cette goûtiere doit être ſoûtenue par une bande
de
fer.
Comme le plomb ſe vend à la livre, l’on ſaura qu’un pied quar-
ſur une ligne d’épaiſſeur peſe environ 5 livres &
demi; ſur ce
principe
, il ſera aiſé de connoître le poids des tables de plomb,
quand
on en ſaura l’épaiſſeur.
Detail de la Vitrerie.
Le plus beau Verre qui s’employe en France ſe fait dans la
Forêt
de Leonce, près de Cherbourg en Normandie:
il ſe vend
à
la ſomme ou au pannier, qui comprend 24 plats de verre, qui
ont
30 ou 32 pouces de diamêtre, &
le pannier ſe vend preſen-
tement
ſur les lieux 25 livres, après en avoir valu 50 &
55 il y
a
quelques années;
mais, le Roy en a reglé le prix par un Arrêt
rendu
en 1724.
& l’a taxé comme je viens de dire à 25 liv.
Quand les plats ſont entiers ſans aucun accident, & qu’ils ont
30
à 32 pouces de diamêtre, on peut en tirer environ 5 pieds
quarrés
;
ainſi, un pannier, il n’y a point de plat rompu, peut
fournir
120 pieds.
Ce ſont ordinairement les Marchands Verriers, qui ſe chargent
de
faire voiturer les panniers de verre aux differens endroits les
472102LA SCIENCE DES INGENIEURS, Vitriers en demandent: & il ya une convention généralement reçûë
entr’eux
, qui eſt que les Marchands Verriers n’indemniſeront les
Vitriers
des plats de verre qui pourront ſe caſſer en chemin, que
lors
qu’il y en aura plus de ſept d’endommagés;
c’eſt-à-dire, que
s’il
n’y en avoit que cinq ou ſix, le Vitrier doit recevoir le pannier
comme
ſi tous les plats étoient entiers;
mais ſi au contraire il s’en
trouvoit
plus de ſept de rompus, alors les Vitriers ont une indem-
nité
de 20 ſols par plat, deſorte que s’il y en a neuf ou dix de
rompus
, c’eſt neuf ou dix livres que le Marchand doit diminuer.
Il y a encore une autre ſorte de verre pour la vitrerie que l’on tire
de
Lorraine, qui n’eſt pas à beaucoup près ſi beau que celui de
Normandie
, parce qu’il eſt plein de puſtules &
très rude, mais il eſt
plus
épais que le précédent;
c’eſt pourquoi on ne laiſſe pas de s’en
ſervir
dans les endroits qui ont beaucoup à ſoufrir du vent, &
qui
ne
ſont pas de conſequence;
ce verre ſe vend au ballot, & dans
chaque
ballot il y a 20 liens, chaque lien contient ſix tables ou
plats
de verre, dont on ne peut guere tirer de chacun plus de 2
pieds
&
demi de verre en quarré, ainſile ballot ne fournit qu’envi-
ron
360 pieds quarrés.
Moyennant toutes ces petites connoiſſances, il ſera aiſé de juger
du
prix que doit valoir le pied quarré de verre, en quelque endroit
du
Royaume que l’on ſoit;
puis qu’étant prevenu de ce qu’il ſe
vend
ſur les lieux, de ce qu’il en peut couter pour la voiture, &

de
ce que chaque plat peut donner, il n’en faut pas davantage pour
ſavoir
ſi le marché que l’on veut faire eſt raiſonnable ou non:
il
eſt
bon de prendre garde que tous les Vitriers du Royaume, ex-
cepté
ceux de Paris, ont en uſage parmi eux un pied qui n’a que 10
pouces
de roi, &
que par conſequent on doit avoir égard à cette
difference
dans les marchés que l’on fait, afin de n’avoir point de
difficulté
pour le toiſé;
mais, il faut remarquer que la valeur du pied
quarré
de verre doit dépendre auſſi de la grandeur des carreaux;
que quand ils ſont d’une belle grandeur, comme par exemple de
10
pouces ſur 8, on n’en peut tirer qu’un petit nombre du même
plat
, &
que par conſéquent il faut entrer dans le dechet, qui ſera
alors
plus conſiderable que ſi les carreaux n’étoient pas ſi grands,
car
je ſupoſe toûjours qu’il n’eſt point queſtion des panneaux, &
qu’il
s’agit
des croiſées comme on les fait aujourd’hui;
enfin j’ajoûte-
rai
, que quand on toiſe une ou pluſieurs croiſées, on ne s’amuſe
point
à compter les carreaux, mais que l’on meſure la largeur &
la
hauteur
des fenêtres, fans y comprendre les chaſſis, &
qu’on toiſe
tant
plein que vuide, ſans diminuer la difference que cauſent les
croiſillons
ou petits bois.
473103LIVRE IV. DES EDIFICES MILITAIRES.
Pour empêcher que l’air ne paſſe entre les carreaux & les croi-
ſillons
, l’on a coutûme d’entourer de plomb les carreaux, ou de
les
coler avec du papier, dont on ſe ſert plus volontiers, parce
que
les carreaux en ſont plus clos:
cependant, comme le papier ſe
détache
à la pluye, ce qui oblige de les renouveller de tems en
tems
, on ſe ſert depuis peu d’un maſtic excellent pour cela, &
qui
y
étant une fois apliqué ſe conſerveroit des ſiécles entiers ſans
être
renouvellé, ayant la proprieté de ſe durcir à l’air, &
comme
l’uſage
de ce maſtic n’eſt connu que de peu de Vitriers, en voici
la
compoſition qui eſt fort ſimple.
On prend du blanc d’Eſpagne, que l’on réduit en poudre, avec
laquelle
on fait une pâte qui ſe petrit avec de l’huile de noix ou de
lin
, &
quand cette pâte eſt molle à peu près comme de la terre
glaiſe
, on l’aplique avec un couteau dans la feüillure, l’on fait
un
cadre d’environ 2 ou 3 lignes de largeur, &
comme ce maſtic
fait
un talud, il contribue à conſerver le chaſſis contre la pourri-
ture
, parce que l’eau, qui tombe ſur les feüillures d’embas, coule
&
ne ſejourne point: il eſt ſurprenant de voir que quand ce maſtic
eſt
ſec, il devient ſi dur, &
tient les carreaux ſi fermes, qu’il eſt im-
poſſible
de pouvoir les détacher ſans les caſſer par morceaux, ce
qui
cauſe une difficulté quand on veut renouveller ceux qui ſe
trouvent
rompus;
mais, on peut empêcher que ce maſtic ne dé-
vienne
ſi dur, en ſe ſervant de l’huile de navette préferablement
à
toute autre;
l’experience faiſant voir qu’il ſe détache plus aiſé-
ment
quand on eſt contraint de le faire.
Détail du Pavé de Grais, de celui de Brique, & de Carreaux.
On ſe ſert ordinairement de deux ſortes de pavés de grais, dont
l’un
s’apelle gros pavé, &
l’autre pavé d’échantillon; le premier,
qui
peut avoir 7 à 8 pouces en quarré, ſert pour paver les ruës
&
les grands chemins, il s’employe à ſec avec du ſable, on le bat
&
on le dreſſe à la demoiſelle, il y a ſi peu de façon à le mettre en
uſage
, que ce n’eſt preſque point la peine d’en parler.
Le pavé d’échantillon ſe diſtingue auſſi en gros & en petit, le gros
n’eſt
autre choſe que des grais de 7 à 8 pouces fendus en deux, on
l’employe
avec du mortier compoſé de chaux &
de ciment, pour
paver
les cours &
autres lieux qui demandent quelque attention;
le pavé de petit échantillon eſt le plus ſouvent compoſé de cail-
loux
de couleur bleuâtre, comme il s’en trouve dans certaine Pro-
vince
, il ſert dans les Fortifications pour paver les Platte-For-
474104LA SCIENCE DES INGENIEURS. mes des tours, le deſſus des Voûtes des Portes de Ville, à l’endroit
du
rempart ces Voûtes ne ſont point couvertes par un bâti-
ment
, alors on le met en œlig;
uvre avec beaucoup de précaution, ſe
ſervant
de mortier de ciment, afin que les cailloux ſoient bien unis
les
uns contre les autres, &
qu’après en avoir dirigé les pentes
qui
doivent être au moins d’un pouce par toiſe, les eaux de pluye
coulant
deſſus ſans qu’elles puiſſent s’y arrrêter, ni s’introduire dans
leurs
intervalles.
Il eſt aſſez difficile d’eſtimer au juſte la quantité de cailloux qu’il
faut
par toiſe quarrée, parce que cela dépend de leur groſſeur, qui
eſt
ſujette à une grande varieté;
cependant, l’experience montre
qu’avec
une toiſe cube, on peut faire dix toiſes quarrées de pavé,
&
qu’il faut environ 100 gros pavés de 7 a 8 pouces en quarré l’un
portant
l’autre, pour faire une toiſe quarrée, &
deux tombereaux
de
ſable.
Les planchers des Cazernes ſe pavent le plus ſouvent avec de
la
brique, parce que les carreaux n’y reſteroient pas long-tems
entiers
:
il eſt vrai que cela charge beaucoup les poutres & les ſo-
lives
;
c’eſt pourquoi il faut y avoir égard, pour ne pas faire les
planchers
trop foibles.
Quand on ſe ſert de briques de 10 pouces de longueur, ſur 5 de
large
&
2 & demi d’épaiſſeur, il en faut 90 poſées de plat pour
faire
une toiſe quarrée, &
environ deux tiers d’un ſac de chaux,
&
le ſable à proportion.
Si l’on veut poſer les briques de cant, pour rendre le pavé d’un
meilleur
uſage, il en faut le double que quand elles ſont poſées de
plat
, c’eſt-à-dire 180 pour une toiſe quarrée, un ſac de chaux, &

le
ſable à proportion.
Pour paver les chambres des pavillons, on ſe ſert ordinairement
de
carreaux, qui peuvent être de differente grandeur &
figure, les
plus
communs ſont quarrés, &
ont ſix pouces de côté, d’autres en
ont
8 à 9;
de ceux-ci il en faut 64 pour faire une toiſe quarrée,
deux
tiers d’un ſac de chaux, &
le ſable à proportion; il y en a
d’autres
à ſix pans, &
qui étant employés font un meilleur effet
que
les quarrés:
les échantillons les plus ordinaires de ces derniers
ſont
de 8, de 6, &
de 4 pouces de diamétre; quand on les employe
dans
les bâtimens qui ont pluſieurs étages, il eſt bon de ſe ſervir
des
plus grands au rez-de-Chauſſée, &
des autres plus petits aux
étages
ſuperieurs, parce qu’ayant moins d’épaiſſeur, ils ne char-
gent
pas tant les planchers.
Fin du quatriéme Livre.
475 47[Figure 47]
LA SCIENCE
DES
INGENIEURS
DANS
LA CONDUITE DES TRAVAUX
DE
FORTIFICATION.
LIVRE CIN QUIE’ME.
l’on enſeigne tout ce qui peut appartenir à la Décoration
des
Edifices.
L’ART de décorer les Edifices renferme tant de
choſes
interreſſantes &
utiles, que j’ai crû ne pou-
voir
me diſpenſer d’en donner un petit Traité, qui
contint
ſuccinctement les Maximes les plus aprou-
vées
des meilleurs Architectes:
je ſai bien que la
plûpart
des Ingenieurs s’y attachent peu, les autres parties de
leur
métier étant aſſés étenduës pour les occuper entierement;
cependant, ſi l’on fait reflexion que ce n’eſt que par la connoiſ-
ſance
des Ordres d’Architecture qu’on peut acquerir le bon goût
&
cette grace qui ſied ſi bien dans les Ouvrages mêmes les plus
4762LA SCIENCE DES INGENIEURS, ruſtiques, l’on conviendra qu’il ſe rencontre mille occaſions d’en
faire
uſage, ſoit pour orner les Portes des Villes, les Guerites de
Maçonnerie
, &
les Edifices Militaires en general, puiſqu’il faut ne-
ceſſairement
certains principes pour profiler ſelon les regles les par-
ties
d’un entablement, &
même celles de la moindre corniche: d’ail-
leurs
, quelle ſatisfaction n’eſt-ce pas pour ceux qui ſe piquent d’avoir
quelque
connoiſſance au-deſſus des autres, de pouvoir juger du
mérite
des ſuperbes monumens qui marquent de toute part la ma-
gnificence
de nos Roys;
& que pourroit-on penſer ſi on les voyoit
au
milieu du Château de Verſailles y admirer commele Peuple les
beautés
qu’on y trouve, ſans en avoir un ſentiment plus éclairé?
Il eſt des choſes que l’on ne peut ignorer ſans ſe faire tort, on n’ex-
cuſe
point aiſément un galant homme qui n’a nulle connoiſſance de
la
Fable, ni de l’Hiſtoire, à plus forte raiſon ſeroit-on en droit de
trouver
à redire ſi un Ingenieur ne ſavoit pas faire la difference d’un
Ordre
Toſcan d’avec un Corinthien, ce n’eſt pas que je penſe qu’il
y
en ait beaucoup dans ce cas, je ſuis fort éloigné d’un préjugé ſi
injuſte
, les entretiens que j’ai eus avec pluſieurs ſur cette matiere
m’ont
fait voir qu’il s’en trouvoit d’auſſi capables de conſtruire un
Palais
, qu’une demi-Lune ou une contre-Garde, je veux ſeulement
deſabuſer
ceux qui veulent s’attacher aux Fortifications de l’opinion
que
Vitruve, Palladio, Vignole, &
Scamozzy, ſont des Auteurs qui
ne
les intereſſent pas, s’imaginant qu’il leur ſuffit de ſavoir tracer
ſur
le Papier un front de Poligonne pour être d’habiles gens, &
que
tout
ce qui ne tend pas directement à la maniere de fortifier les
Places
regarde le miniſtere des Architectes plûtôt que le leur,
il
y en a même qui croiroient déroger s’ils s’y apliquoient, comme
s’il
y avoit plus de gloire de faire bâtir un corps de Cazernes qu’un
Portique
.
Malgré tout ce que je pourrois dire pour juſtifier les raiſons que
j’ai
eûes de parler de la Décoration, ce n’a pas été ſans peine que je
me
ſuis déterminé à écrire ſur un ſujet ſi délicat, les Bibliotheques
étant
remplies d’une grande quantité de Livres qui ſemblent avoir
épuiſé
la matiere;
car, il faut avoüer que cette Science, après avoir
éte
long-tems enſevelie ſous les ruines des Edifices antiques, eſt
parvenue
ajourd’hui à un dégré de perfection qui la met au-
deſſus
de ſon ancienne ſplendeur, &
qu’il faut être bien habile ou
bien
téméraire, pour ajoûter quelque choſe aux préceptes que tant
de
grands hommes nous ont laiſſés, auſſi n’eſt-ce pas mon deſſein,
n’ayant
en vûë que de rendre mon Ouvrage complet, en évitant
aux
Lecteurs la peine d’étudier un grand nombre de Traités, il
4773LIVRE V. DE LA DE’CORATION. n’eſt pas aiſé de faire un bon choix des meilleures régles. Ainſi, à
le
bien prendre, ce n’eſt pas moi qui vais parler, mais plûtôt, Vi-
truve
, Palladio, Vignole, Scamozzy, Chambray, Perrault, Blon-
del
, Daviler, &
tous les autres Architectes, dont les Ouvrages ont
de
la réputation:
ſouvent même je me ſers de leurs propres termes;
n’ayant pas voulu imiter ceux qui changent les expreſſions d’un Au-
teur
, pour s’en approprier les penſées.
Cependant, comme la plûpart
des
Architectes ont leur méthode particuliere de déterminer les pro-
portions
des Ordres, j’ai ſuivi celui qui m’a parû le moins confus
&
le plus goûté du Public; je veux dire Vignole, qui peut paſſer
avec
raiſon pour le plus célebre d’entre les modernes:
ſa mé-
thode
eſt aiſée, ſes régles ſont générales, &
ce qui en augmen-
te
le prix, c’eſt qu’il les a tirées de ces grands Originaux qu’on
ne
peut ſe diſpenſer de prendre pour modéle, ſans tomber dans
des
deffauts groſſiers;
comme cela n’eſt que trop arrivé à la con-
fuſion
de l’Architecture gothique, qui, ſans avoir d’autre fon-
dement
que l’ignorance &
un caprice ridicule, a rempli le monde
d’une
quantité prodigieuſe d’Edifices qui n’étoient ornés que par des
colifichets
, dont le mauvais goût fait tort à la mémoire de nos
Peres
, qui ont admirer des choſes ſi bizarres, tandis qu’ils
rencontroient
par-tout des veſtiges de ces beaux monumens qui
font
tant d’honneur aux Grecs &
aux Romains; & peut-être
ſerions-nous
encore dans le même aveuglemént, ſi le Roi Fran-
çois
I.
en rapellant en France les Sciences & les belles Lettres
n’avoit
occaſionné le rétabliſſement de l’ancienne Architecture:

mais
ce nefut point d’abord ſans peine que les yeux accoûtumés aux
Ouvrages
gothiques pûrent ſe faire à de nouveaux objets, &
comme
dit
Mr.
Blondel, (c’eſt alors que l’on vit qu’il eſt bien plus facile
de
corriger les deffauts de l’ignorance ſans préſomption, que d’a-
porter
du remede à ceux qui viennent d’une fauſſe capacité,) les
nouveaux
Architectes mépriſerent tout ce que l’uſage avoit intro-
duit
de défectueux &
d’impertinent, & ne ſongerent plus qu’à s’inſ-
truire
dans l’examen des anciens Edifices qui reſtoient en Italie &

particulierement
à Rome;
ils en meſurerent exactement les parties,
&
enchantez de l’harmonie qui regnoit entre elles, ils mirent toute
leur
aplication à recouvrer les regles que les Romains avoient apriſes
des
Grecs, &
heureuſement ils trouverent dans Vitruve dequoi leur
abreger
beaucoup de chemin.
Cet Auteur, qui eſt le ſeul qui nous
reſte
des anciens, après avoir été fort negligé, fut enfin par les
gens
du métier:
& comme ſi la Nature avoit voulu dédommager l’Ar-
chitecture
de l’injuſtice qu’on lui avoit faite pendant tant de ſiécles,
4784LA SCIENCE DES INGENIEURS, les Roys ſucceſſeurs de François I. la reçûrent avec tant d’acueil,
&
donnerent tant de marques de leurs bienfaits à ceux qui la culti-
voient
, qu’on vit en peu de tems des morceaux dignes des plus
grands
Maîtres;
& les choſes en ſont venues à ce point, que ſi les
Romains
du tems d’Auguſte pouvoient renaître, ils viendroient en
France
, pour y admirer ce qu’on ne trouvoit autrefois que chez
eux
.
Quoique j’aye ſuivi Vignole par préférence à cauſe de l’extrême
facilité
de ſes meſures, je n’ai pas laiſſé, ſans vouloir m’écarter de
ſes
ſentimens, de tirer des autres ce qui pouvoit corriger ou per-
fectionner
certaines parties que cet Auteur avoit negligé ou rendu
équivoques
par le peu d’étenduë qu’il donne à l’explication de ſes
principes
;
je n’ai pas voulu non plus comme lui me borner aux
cinq
Ordres, j’ai crû qu’il étoit à propos de les accompagner de tou-
tes
les regles particulieres qui pouvoient y avoir raport, pour ren-
dre
ce ſujet auſſi inſtructif qu’on peut le ſouhaiter dans un ouvrage
comme
celui-ci, dont le principal objet n’eſt point de faire des
Architectes
, mais des Ingenieurs capables de tout ce qui regarde
leur
métier.
Quoique le mot d’Ordre en general puiſſe s’apliquer à une infinité
de
choſes differentes, pour ſignifier qu’elles ſont dans l’arangement
qui
leur convient, les Anciens l’ont affecté particulierement à
l’Architecture
, pour exprimer l’harmonie de pluſieurs parties, qui
par
leurs diſpoſitions font un tout qui plait, &
ſurprend agréable-
ment
le coup d’œil:
& comme les moulures & les ornemens dont
on
ſe ſert peuvent s’employer de diverſes manieres, &
en plus ou
moins
grande quantité, les Ordres ont été réduits à cinq, ſavoir le
Toſcan
, le Dorique, l’Ionique, le Corinthien, &
le Compoſite.
Les Grecs, qui ont inventé les Ordres, n’en ont jamais eu que
trois
, le Dorique, l’Ionique, &
le Corinthien: les deux autres,
c’eſt-à-dire
le Toſcan &
le Compoſé, ont été imaginés par les Ro-
mains
, qui n’en ont pas fait eux-mêmes grand cas;
puiſqu’au raport
de
pluſieurs Auteurs célebres, il reſte peu de veſtiges de l’Ordre
Toſcan
, parce qu’ils l’ont trouvé trop groſſier, &
n’ont point em-
ployé
ſeparément le Compoſé, ayant toûjours donné la preference
au
Corinthien:
en effet, il eſt bien mieux proportionné; car, comme
le
remarque Scamozzy, le chapiteau de l’Ordre Compoſite eſt
trop
maſſif, &
ne s’accorde point avec la délicateſſe des autres par-
ties
.
Mr. de Chambray, dans ſon Paralelle de l’Architecture antique
avec
la moderne, ſepare abſolument les trois Ordres Grecs des
deux
Romains, &
fait voir avec beaucoup de diſcernement, com-
4795LIVRE V. DE LA DE’CORATION. bien ces Ordres ſont inferieurs à la beauté des autres; car le Toſ-
can
ne peut être employé ſeul que dans les Ouvrages maſſifs &

groſſiers
, quoiqu’on puiſſe s’en ſervir ſans répugnance aux Portes
des
Villes, ou à quelque endroit qui demande du ruſtique.
Le Com-
poſé
étant pris des autres Ordres, &
n’ayant rien de particulier, n’en
devroit
point faire un à part:
l’on prétend même, que la licence que
les
Romains ont priſe en imaginant cet Ordre, a été en partie cauſe de
la
confuſion qui s’eſt introduite dans l’Architecture gothique;
car l’a-
mour
de la nouveauté a fait qu’on ne s’en eſt pas tenu , les ou-
vriers
les plus ignorans s’étant crû en droit de faire tous les chan-
gemens
dont ils on s’aviſer.
Pour dire un mot de l’origine des Ordres, l’on prétend que le Do-
rique
fut inventé par un nommé Dorus, qui l’employa le premier
dans
Argos à la conſtruction du ſuperbe Temple qui fut érigé à la
Déeſſe
Junon, &
qu’enſuite on en bâtit un autre dans Delos à Apol-
lon
, à l’occaſion duquel on imagina les Trigliphes pour répreſenter
la
Lire dont ce Dieu étoit l’Inventeur.
L’Hiſtoire ne nous aprend pas poſitivement quel eſt l’Auteur de
l’Ordre
Ionique:
l’on ſait ſeulement, qu’un nommé Ion Athenien fut
choiſi
par ceux de ſa Nation, pour être chef de treize colonies qui
furent
envoyées dans l’Aſie mineure, ils s’établirent dans la Carie
nommée
enſuite Ionie, pour faire honneur à Ion qui en avoit fait
la
conquête, &
qui y fit bâtir treize grandes Villes, dont la plus
conſidérable
étoit Ephéſe, l’on éleva un Temple à Diane, dont
l’Ordre
étoit different du Dorique;
& comme ce Temple eut enſuite
beaucoup
de réputation, y ayant toute aparence que c’eſt celui qui
a
été brûlé par Eroſtrate, on nomma le deſſein, ſelon lequel il avoit
été
conſtruit, l’Ordre Ionique, pour marquer la Province il avoit
pris
naiſſance.
Vitruve, en parlant de l’Ordre Corinthien, dit qu’il fut inventé par
Callimachus
Sculpteur Athenien, qui demeuroit alors proche la
Ville
de Corinthe une des plus conſidérables de la Grece;
& com-
me
il y a aparence que c’eſt-là cet Ordre fut mis en uſage pour
la
premiere fois, c’eſt ſans doute ce qui lui en a fait retenir le nom:
d’autres prétendent que le chapiteau Corinthien tire ſon origine du
Temple
de Salomon;
au reſte, il en ſera tout ce qu’on voudra: mais
il
faut convenir que l’Ordre Corinthien eſt le chef-d’œuvre de l’Ar-
chitecture
, &
que tout ce qu’on a faire de mieux juſqu’ici a été
ſeulement
d’atteindre à la beauté que lui ont donnée ſes premiers
Inventeurs
.
Les Romains, après s’être rendus Maîtres de l’Univers, enrichi-
4806LA SCIENCE DES INGENIEURS, rent Rome, non ſeulement de tous les Tréſors que leur procu-
rerent
leurs conquêtes, mais introduiſirent encore tout ce qu’ils
trouverent
d’admirable chés les étrangers, particulierement leur
maniere
de bâtir, que des ouvriers leurs Eſclaves leur enſeignoient;
& bien-tôt ſurpaſſant en magnificence toutes les autres nations,
leurs
édifices devinrent dans la ſuite les plus excellens modéles
qu’on
pût imiter:
& pour encherir ſur ce qu’ils tenoient des Grecs,
ils
voulurent ſe faire un Ordre plus riche que tous les autres;
& com-
me
de ce tems-là la matiere étoit déja épuiſée, ils prirent des
autres
Ordres ce qui leur parut de plus beau, &
en firent celui
qu’on
a nommé depuis Compoſé.
La ſeule Province de Toſcane,
ne
voulant rien devoir aux Grecs ſes plus cruels ennemis, inventa
l’Ordre
qui a depuis conſervé ſon nom;
& , pour ſe paſſer abſolument
des
autres, il falut le deſtituer d’ornemens, ſe contentant de décorer
les
Temples &
les autres Edifices, qui devoient avoir quelque relief,
de
Colomnes ſans pieds-d’eſtaux, &
d’un ſimple Chapiteau ſurmon-
par l’entablement, dont la corniche &
les autres parties ſont des
plus
unies.
Je viens de placer les Ordres dans le Rang qui leur convient le
mieux
, quoique cela ne tire ici à aucune conſequence;
mais, quand
il
ſera queſtion de les décrire &
de les expliquer en détail, je me
conformerai
à l’arangement de Vignole, puiſque c’eſt l’Auteur que
je
me ſuis propoſé de ſuivre, c’eſt-à-dire, je commencerai par
l’Ordre
Toſcan comme le plus ſimple, &
qu’enſuite je raporterai le
Dorique
, l’Ionique, le Corinthien, &
le Compoſite pour le dernier.
Explication des Termes propres aux Ordres d’ Architecture.
Quoique je donne à la fin du ſecond Volume un Dictionnaire
fort
ample, pour expliquer tous les Termes d’Architecture, auſſi-
bien
que les autres qui auront lieu dans les differens Traitez que
l’on
verra par la ſuite;
j’ai cru qu’il étoit à propos de définir pre-
ſentement
ceux qui ſont employés aux Ordres, afin qu’aidé de ce
qu’on
trouvera écrit ſur les trois premieres Planches, l’on puiſſe ſe
former
une idée juſte des proprietés de chaque moulure, &
que
ſe
trouvant expliqués de ſuite, ſans être interrompus par d’autres
termes
, comme cela arrive dans un Dictionnaire, on ait plus de
facilité
à les retenir.
Doucine, Cimaiſe, ou Gueule droite, eſt une moulure dont le contour
a
une ſinuoſité, ce qui fait que cette moulure change de nom ſui-
vant
la ſituation elle ſe trouve:
quand la partie d’enhaut eſt con-
4817LIVRE V. DE LA DE’CORATION. cave, elle ſe nomme Gueule droite ou Doucine; & quand elle eſt con-
vexe
, on la nomme Gueule renverſée ou Talon.
Liſteau, Filet, ou Ourelet, eſt une petite bande qu’on met entre les
moulures
pour les ſeparer, &
empêcher qu’elles ne ſe confondent.
Ove, quart de rond, ou échine, eſt une moulure dont le contour eſt
un
quart de cercle, &
qui fait une partie eſſentielle des ornemens.
Couronne, Larmier, ou Goutiere, eſt un membre de la corniche,
qui
ſert à faire écouler l’eau loin du mur, &
on apelle Mouchette
le
petit rebord qui pend en bas.
Modillons, ſont des pieces qui s’avancent ſous le plafond des cor-
niches
pour en ſoûtenir la ſaillie, &
font un des plus beaux orne-
mens
de cette partie de l’entablement;
les Anciens s’en ſont ſervis
pour
repréſenter des bouts de chevrons.
Aſtragale, eſt un petit membre rond, dont le contour a ordinai-
rement
la figure d’un demi-cercle:
on l’apelle communement Cha-
pelet
, quand il eſt taillé en forme de petites boules, qui reſſem-
blent
à des grains de chapelet enfilés.
Denticule, eſt un membre quarré, recoupé par pluſieurs entail-
les
, qui ſemblent vouloir repreſenter des dents:
elles s’employent
ordinairement
dans la corniche Ionique &
Corinthienne; Vitruve
apelle
Metoche l’eſpace vuide qui eſt entre chaque Denticule.
Trigliphe, eſt un ornement compoſé de trois litels ou jambes, qui
ſont
ſeparés par deux canelures:
cet ornement ne s’employe que
dans
la Friſe de l’Ordre Dorique.
Metope, eſt l’eſpace entre deux Trigliphes; cet eſpace eſt ordi-
nairement
quarré, ayant autant de hauteur qu’il y a de diſtance
d’un
Trigliphe à l’autre.
Soffite, ou Plafond, eſt le deſſous de ce qui eſt ſuſpendu: ainſi
l’on
dit le Soffite d’un Architrave ou d’un Larmier.
La Friſe, eſt une des principales parties de l’entablement, dont elle
occupe
le milieu, étant toûjours entre la corniche &
l’architrave:
cette partie a été nommée Friſe, à cauſe que les ornemens qu’on
y
fait reſſemblent à de la broderie.
Architrave, eſt la premiere partie de l’entablement, poſée ſur les
colomnes
ou pilaſtres, ou ſimplement ſur un mur de face, quand
on
veut le terminer par un entablement:
l’Architrave à le bien pren-
dre
repreſente les poutres, dont les extrémités étant bien apuyées
portent
dans leur longueur les parties d’une façade, ou tout autre
corps
élevé verticalement;
ainſi l’Architrave n’eſt autre choſe que
ce
qu’on apelle communement Sabliere ou Poitrail.
Abaque, eſt une partie qui ſert dans l’Ordre Corinthien à repre-
4828LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſenter la thuille qui couvroit le pannier, autour duquel s’élevoient
les
feuilles d’Acanthe qui ont donné lieu à l’invention du Chapiteau
de
cet Ordre:
les ouvriers l’apellent Tailloirs.
Volute eſt un ornement qui fait la partie eſſentielle du chapiteau
Ionique
:
cette Volute eſt contournée comme une ligne ſpiralle,
&
a été imaginée par les Anciens pour repreſenter les boucles des
cheveux
qui pendoient aux côtez du viſage des femmes.
Cathete de la Volute n’eſt autre choſe qu’une ligne perpendiculai-
re
, qui paſſe par l’œil de la volute, &
ſert à la décrire & à en dé-
terminer
la hauteur;
l’on met auſſi de petites volutes aux chapi-
teaux
Corinthiens, mais celles-ci s’apellent Helices.
Galbe, on dit qu’un membre ou morceau d’Architecture ſe ter-
mine
en forme de galbe, lorſqu’il s’élargit doucement par en haut,
comme
font les feuilles d’une fleur.
Fuſt ou Tige d’une colomne, doit ſe prendre pour le corps de la
colomne
, depuis ſa baſe juſqu’à ſon chapiteau.
Canelures ſont des eſpeces de côtes ou liſtaux exprimées ſur une
colomne
, par le moyen des creux que l’on y pratique;
ces cane-
lures
ſe font à vive arrête dans l’Ordre Dorique, mais elles ne ſont
guére
aprouvées, à cauſe qu’elles ſont trop foibles, par conſequent
trop
ſujettes à être rompuës.
Eſcape, Conge, ou Retraite, eſtun trait concave qui joint le nud
de
la colomne avec ſa baſe ou ſon chapiteau:
ce trait s’apelle auſſi
Fruit
quand il s’agit de l’eſcape d’en bas, pour ſignifier que la co-
lomne
ſort de ſa baſe, commence à monter &
à s’échaper en haut.
Baſe d’une Colomne eſt la partie ſur laquelle elle eſt poſée.
Tore eſt une eſpece de gros anneau dans la baſe d’une colomne,
qui
ſemble repreſenter les cercles de fer, dont on fortifie les ex-
trémités
des troncs d’arbres, qui ſervent à ſoûtenir quelque corps
fort
preſant.
Scotie, c’eſt la partie creuſe qui eſt entre deux tores, que les ou-
vriers
apellent Nacelle à cauſe de ſa cavité;
l’on nomme Cavet la
moitié
de la Scotie.
La Plinthe eſt un membre quarré & plat, que quelques uns
nomment
Orle ou Ourelet:
elle ſe trouve toûjours dans les baſes
des
colomnes.
Plinthe dans le chapiteau Toſcan eſt la partie que l’on nomme
Tailloirs
dans ceux des autres Ordres.
Piédeſtal eſt un corps quarré de figure parallelipipede, qui ſert à
élever
une colomne ou une ſtatuë au-deſſus du rez-de-Chauſſée:
le Piédeſtal a ſa baſe & ſa corniche; & le corps parallelipipede, qui
eſt
entre ces deux parties, eſt nommé Tronc ou du Piédeſtal.
4839LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
CHAPITRE PREMIER.
l’on explique les proprietés des Moulures & de
leurs
Ornemens.
IL y a deux ſortes de moulures, ſçavoir les quarrées & les ron-
11Planch.
37
.
des;
les quarrées ſont faites avec des lignes droites, les rondes
avec
des portions de cercle ou autres lignes courbes:
de ces mou-
lures
il y en a de grandes &
de petites; les grandes ſont les Douci-
nes
, Oves, Gorges, Talons, Tores, &
Scoties; les petites ſont les Filets,
Aſtragales
, &
Conges: ces petites moulures ſervent à ſéparer & à cou-
ronner
les grandes, pour leur donner auſſi plus de relief &
de
diſtinction
.
Les unes & les autres ſe tracent differemment, ſelon la
diſtance
d’où elles doivent être vûës, puiſque c’eſt de cette diſtan-
ce
que dependent les ſaillies ou retraites qu’on leur donne.
Les plus belles moulures ſont celles dont le contour eſt parfait,
comme
le Quart-de-rond &
le Cavet, qui ſe tracent par le moyen d’un
quart-de-cercle
, ainſi qu’on le peut voir dans les figures 6, 7, &

8
.
Le Talon & la Doucine marquez par les figures 9, 10, 11, &
12
, ont auſſi fort bonne grace;
pour les tracer, il faut être pre-
venu
qu’à ces quatre moulures, on leur donne autant de ſaillie que
de
hauteur, c’eſt-à-dire que AB eſt égal à BC, &
qu’enſuite on ti-
re
la ligne AC, qu’on diviſe en deux également au point F;
ſur cha-
que
partie égalle CF &
FA comme baſe, on fait un triangle équi-
lateral
, l’un en dehors, l’autre en dedans, afin d’avoir les points
D
&
E, qui ſervent de centre pour décrire deux portions de cer-
cles
, qui compoſent enſemble la ſinuoſité de cette moulure, qui
eſt
la même dans les figures 9 &
10, l’une étant droite & l’autre
renverſée
:
les Cimaiſes ou Talons, que l’on voit exprimés par les fi-
gures
11 &
12, ſe tracent auſſi par le moyen du triangle équilate-
ral
, avec cette difference cependant, que la portion du cercle GH
qui
répond à la partie ſaillante G, eſt convexe, &
que l’autre qui ré-
pond
à la partie rentrante I eſt concave, au lieu que dans les deux
autres
figures, c’eſt tout le contraire.
Le contour des aſtragales ſe fait ordinairement avec les trois
quarts
, ou les deux tiers, de la circonference d’un cercle, au lieu
que
le gros &
le petit tore font formez par une demi circonferen-
48410LA SCIENCE DES INGENIEURS, ce juſte, ainſi qu’on le voit marqué aux figures 3 & 4; à l’égard de
la
Scotie &
du Tore corrompu marquez par les figures 5 & 13, je ne
ſache
point qu’on ait aucune regle geometrique, pour tracer la
concavité
de l’une &
la convexité de l’autre; c’eſt à ceux qui font
des
modeles de profils de contourner ces moulures, de façon qu’el-
les
ne faſſent point un effet deſagreable.
Pour faire de beaux profils, il faut prendre garde de ne les point
trop
charger de moulures, &
n’en point repeter de ſemblables
imediatement
l’une après l’autre;
pour cela, il faut les mêler alter-
nativement
de quarrées &
de rondes, de maniere que les grandes
ſoient
ſeparées des autres, par des petites, qui les faſſent valoir par
leur
comparaiſon;
de ces grandes moulures, il faut qu’il y en ait
qui
dominent comme le Larmier dansla Corniche, qui eſt la mou-
lure
la plus eſſentielle, évitant ſur-tout l’égalité des moulures dans
les
profils, c’eſt pourquoi on les fait de differente hauteur, &
pour
donner
là-deſſus quelques regles genérales, on aura attention, qu’une
moulure
qui en couronne une autre ne doit avoir pour hauteur que
la
moitié de celle qui eſt au-deſſous, ni moins d’un tiers;
de même
le
Filet ſur l’Aſtragale, &
l’Aſtragale ſous l’Ove, ne doit être moin-
dre
du quart, ni plus haut que le tiers de l’Ove;
mais on jugera
mieux
de toutes ces proportions, par celles qui accompagnent les
profils
que nous expliquerons par la ſuite.
Quant aux ornemens, il faut ſavoir les placer avec choix & avec
goût
;
car comme il y a des parties qui ſont ornées naturellement, à
cauſe
du beau mélange de leurs moulures, il ſeroit à craindre que ſi
l’on
vouloit y ajoûter quelque-choſe, on fit naître la confuſion plû-
tôt
que la bonne grace;
il faut prendre garde auſſi que les ornemens
conviennent
au genre de l’édifice, &
faire enſorte qu’ils ſoient na-
turels
, ſans en faire d’imaginaires, de groteſques, &
de bizarres: la
nature
fournit aſſés d’objets, ſans qu’il ſoit neceſſaire de faire travail-
ler
d’imagination;
les fleurs, les animaux, & les fruits ſont en aſſés
grande
abondance pour varier les ſujets:
le tout eſt de les placer
aux
endroits qui leur conviennent le mieux;
& c’eſt en ceci, com-
me
dans le reſte, que l’Architecture ancienne eſt toûjours admi-
rable
.
Pour éviter la confuſion, il faut que les ornemens ſoient inter-
rompus
, c’eſt-à-dire, qu’entre deux moulures ornées, il y en ait
une
liſſée ou toute unie;
& lors qu’il ſe rencontre deux moulures
d’un
même profil, les orner differemment, pour donner de la va-
rieté
, faiſant enſorte que chaque partie qui ſert à la décoration
ſoit
ornée avec proportion, évitant qu’il y en ait d’entierement nuë,
48511LIVRE V. DE LA DE’CORATION. tandis que les autres ſeroient enrichies avec profuſion. Les orne-
mens
doivent auſſi convenir aux Ordres:
les plus riches ne doi-
vent
être employés qu’aux Corinthien &
Compoſé, & les moins
recherchés
à l’Ionique;
à l’égard du Toſcan & du Dorique, il faut
que
les moulures en ſoient unies, afin que tout réponde à la ſim-
plicité
qui convient à ces deux Ordres.
Pour le relief des ornemens
il
dépend de la grandeur des moulures, &
de l’éloignement d’où
elles
ſeront vûës, prenant garde que ceux des profils du dedans de
l’édifice
ayent moins de relief que ceux du dehors;
il faut auſſi
remarquer
que les ornemens doivent être comme apliqués ſur les
moulures
ſaillantes, ſans qu’elles en diminuent la groſſeur, lorſque
ces
moulures ſont petites comme les Aſtragales ou Baguettes, au lieu
qu’aux
Quarts-de-ronds &
aux gros Tores, qui ſont de groſſes moulu-
res
, les ornemens doivent être foüillez en dedans, autrement l’ou-
vrage
ſeroit maſſif &
peſant s’ils étoient par deſſus; on fait tout le
contraire
pour les moulures creuſes, comme pour les Cavettes &

les
Scoties, dont les ornemens doivent être comme apliquez ſur le
nud
de leur contour &
non pas creuſés dedans, parce qu’ainſi on
les
voit diſtinctement.
Les ornemens en general peuvent ſe diviſer en deux eſpeces: ceux
de
la premiere, que l’on nomme ſignificatifs, ſervent de ſimbole pour
faire
connoître l’Edifice:
par exemple, ſi c’eſt un Monument élevé
à
la gloire d’un Heros, il eſt naturel d’y figurer quelques traits de
ſon
Hiſtoire &
d’y raporter des marques de ſon Triomphe; ce qui
ne
peut guéres ſe pratiquer que ſur la Friſe, à cauſe que ces ſortes
de
choſes ont beſoin d’un certain eſpace pour être exprimées di-
ſtinctement
.
Les ornemens de la ſeconde eſpece ſont ceux qui ſont indiffe-
rens
&
qui s’apliquent ſur les moulures ſans aucune conſequence;
tels ſont les Oves que l’on fait de pluſieurs manieres, les Rays de cœur,
les
Fleurs, les Feuilles, &
les Fruits, de diverſes eſpeces, & une infinité
d’autres
choſes qui dépendent du goût &
du choix: cependant, ſices
ornemens
ne ſont menagez avec beaucoup de circonſpection, les
profils
en deviennent plûtôt confus &
groſſiers que riches & agréa-
bles
;
le tout eſt de faire enſorte que le coup d’œil ſoit ſatisfait, &
qu’on
aperçoive ſans étude le deſſein que l’on a en vûë, &
pour
tout
dire en un mot, il faut que les moins connoiſſeurs trouvent de
quoi
admirer, &
ſoient ravis d’un certain étonnement qu’a coûtume
de
produire ce qui eſt effectivement beau.
Pour donner quelques
exemples
des ornemens qui ont été mis en uſage avec plus de ſuccès
aux
differentes moulures dont nous venons de parler, on a raporté
48612LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſur la 38 & la 39e Planches pluſieurs deſſeins auſquels on pourra
11Planch.
38
& 39.
avoir recours dans l’occaſion.
CHAPITRE SECOND.
De la connoiſſance des cinq Ordres en general.
POUR donner une idée des Ordres aux perſonnes qui ne les
connoiſſent
point, &
leur faciliter la maniere de les diſtinguer,
il
ſemble qu’avant toute choſe il faut faire voir en quoi ces Ordres
different
, &
à quel ſigne on peut les reconnnître.
Si l’on conſidere la 37, 38, & 39e Planche, l’on y verra les cinq
Ordres
raportés de ſuite, &
l’on y remarquera que le Toſcan ſe diſ-
22Planch.
37
. 38.
& 39.
tingue des autres par ſa ſimplicité, n’étant accompagné d’aucun or-
nement
.
Que le Dorique ſe connoit par les Trigliphes qui ſervent à enri-
chir
la Friſe, étant l’Ordre ſeul cet ornement ſe rencontre.
L’Ionique ſe fait connoître entre les autres par les Volutes qui
accompagnent
le Chapiteau des Colomnes.
Le Corinthien ſe connoit auſſi par ſon Chapiteau, qui eſt orné de
certaines
Feuilles qui imitent celles que l’on nomme d’Acanthe:
d’ail-
leurs
comme cet ordre eſt toûjours enrichi de pluſieurs ornemens
qu’on
n’aperçoit point dans les trois précédens, il eſt aiſé de ne
pas
s’y méprendre.
Enfin, on connoîtra le Compoſé, en remarquant que ſon chapi-
teau
participe des deux Ordres précédens, ayant les Volutes de
l’Ionique
&
les Feuilles du Corinthien.
Il y a beaucoup de bâtimens, qui, ſans avoir de Colomnes ni même
de
Pilaſtres, ne laiſſent pas de prendre le nom de quelqu’un des
Ordres
, parce qu’il ſuffit qu’ils ayent des parties qui en marquent
le
caractere;
& ces parties ſont les Entablemens, les Courron-
nemens
de Façades, les grandes Portes &
c. Par exemple, quand on
voit
des Trigliphes dans l’Entablement d’une Façade, on peut dire
que
cette Façade eſt décorée ſelon l’Ordre Dorique, ainſi des autres.
Pour donner une idée moins ſuperficielle des Ordres, j’ajouterai que
chacun
eſt ordinairement compoſé de trois parties, qui ſont le Pié-
d’eſtal
, la Colomne, &
l’Entablement, & que chacune de ces parties en
comprend
trois autres:
par exemple, celles du pié-d’eſtal ſont la Baze,
le
oule Tronc, &
la Corniche; celles de la colomne, ſa Baze, le Fuſt
487
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488 48[Figure 48]
489
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490
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491 49[Figure 49]
492
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493
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494 50[Figure 50]
495
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49613LIVRE V. DE LA DE’CORATION. oula Tige, & le Chapiteau; & celles de l’Entablement, l’Architrave, la
Friſe
, &
la Corniche.
Comme la hauteur du Piédeſtal & de l’Entablement doit dépen-
dre
de celle de la Colomne, Vignole, pour établir une regle gene-
rale
qui puiſſe s’apliquer indiferemment à tel Ordre que l’on voudra,
donne
pour hauteur au Pié-d’eſtal le tiers de celle de la Colomne,
&
à l’Entablement le quart; ainſi ayant diviſée la hauteur de la Co-
lomne
en 12 parties, il en prend quatre pour le Pié-d’eſtal, &
trois
pour
l’Entablement, &
de cette régle il tire un moyen fort aiſé pour
déterminer
l’Ordonnance d’une Façade:
car, toutes les fois qu’une
hauteur
eſt donnée, on n’a qu’à la diviſer en 19 parties égales, &

alors
les quatre parties d’enbas ſervent pour le pié-d’eſtal, les trois
de
deſſus pour l’Entablement, &
les douze d’entre deux pour la hau-
teur
de la Colomne.
Cependant, comme il arrive quelquefois, que dans la décoration
des
Façades, on ne fait point de Piédeſtal aux Colomnes;
dans ce
cas
, Vignole diviſe la hauteur donnée en 5 parties égales, dont 4
ſervent
pour la hauteur de la Colomne, &
la cinquiéme partie dé-
termine
celle de l’Entablement, qui par ce moyen ſera encore le
quart
de la hauteur de la Colomne.
Comme, dans tous les Ordres, la proportion des petites parties
doit
dépendre de celle des plus grandes, tous les Architectes, tant
anciens
que modernes, ont pris pour meſure commune le demi-
diamêtre
de la Colomne qu’ils ont apellé Module;
deſorte que quand
on
dit qu’une certaine partie d’Architecture a, par exemple, pour
hauteur
5 modules, on doit entendre que cette hauteur eſt égale
à
5 demi diamêtres de la Colomne qui eſt employée dans l’Ordre
dont
il s’agit:
cependant, comme pour rendre les Colomnes plus a-
gréables
à la vûë, on leur a donné moins de groſſeur vers les ex-
trêmités
que dans le milieu;
ce qui fait que n’étant point cilindri-
ques
, elles peuvent avoir pluſieurs diamêtres, il eſt bon de ſavoir
pour
ne pas s’y méprendre, que le demi-diamêtre qui ſert de mo-
dule
, eſt celui du cercle qui répond à la Baſe de la Colomne.
Les cinq Ordres augmentant de ſuite en beauté & en ornement,
on
les a fait auſſi monter par degré en legereté &
en délicateſſe: par
exemple
, les colomnes Doriques ont moins de groſſeur par raport à
leur
hauteur, que les Toſcanes;
& les Ioniques moins de groſſeur
à
proportion de leur hauteur, que les Doriques;
ainſi des autres.
C’eſt pourquoi Vignole donne aux colomnes Toſcanes 7 de leurs
diamêtres
, ou 14 modules;
aux Doriques, 8 de leurs diamêtres, ou
16
modules;
aux Ioniques, 9 de leurs diamêtres, ou 18 modules;
49714LA SCIENCE DES INGENIEURS, aux Corinthienes & aux Compoſites, 10 de leurs diamêtres ou 20 mo-
dules
, donnant la même élevation à ces deux Ordres, quoiqu’il y ait
des
Auteurs qui en donnent davantage au Compoſite.
Prevenu de ce
que
je viens de dire, quand on a trouvé de quelle hauteur doit être la
Colomne
par raport à la Façade elle doit être placée, en ſuivant la
régle
de Vignole, il eſt bien aiſé d’en avoir le diamêtre, &
par conſe-
quent
le module, puiſqu’il n’y a qu’à diviſer la hauteur de la Colomne
en
autant de parties égales, qu’elle doit avoir de diamêtre:
& alors
une
de ces parties ſera le diamêtre qu’on cherche, dont la moitié
pourra
ſervir de module;
car l’on ſent bien que chaque Ordre a ſon
module
particulier, qui eſt plus ou moins grand, ſelon que l’Ordre
dont
il s’agit eſt maſſif ou leger, &
qu’il n’en eſt point de cette me-
ſure
comme dupied ou du pouce ordinaire, qui reſtent toûjours de
même
.
Or, pour rendre ceci plus intelligible, ſupoſons qu’il ſoit queſ-
tion
de decorer une Façade ſelon l’Ordre Dorique, il faut en meſu-
rer
la hauteur depuis le rez-de-Chauſſée, juſqu’à l’endroit doit
ſe
terminer le ſommet de la Corniche de l’Entablement &
diviſer
cette
hauteur en 19 parties, dont il en faut prendre 12 pour la co-
lomne
pour tel Ordre que ce ſoit;
& ces 12 parties n’étant plus con-
ſiderées
que comme une ſeule grandeur, il faut la diviſer en 8 par-
ties
égales, l’une deſquelles ſera le diamêtre de la Colomne, par con-
ſequent
la moitié de ce diamêtre ſera le module pour régler les pro-
portions
de l’Ordre Dorique, relativement à la Façade que l’on veut
décorer
:
or comme on aura connû en pieds & en pouces la hauteur
de
cette Façade, on pourra auſſi ſi l’on veut raporter la grandeur du
module
aux meſures ordinaires, &
fçavoir par conſequent combien
il
contient de pouces, quoiqu’à le bien prendre cela ſoit aſſés inutile,
puiſque
, comme je viens de le dire, cette meſure eſt particuliere
aux
Ordres, &
n’a rien de commun avec la toiſe.
Toutes les meſures en uſage dans la ſocieté, ayant été diviſées
en
pluſieurs parties, pour les raiſons que perſonne n’ignore, les Ar-
chitectes
ont auſſi diviſé leurs modules en un nombre de parties
égales
, les unes plus, les autres moins, ſelon qu’ils en ont crû ti-
rer
plus de commodité, quand ils ont été obligés de déterminer la
grandeur
des moulures &
des autres petites parties, afin qu’elles
euſſent
entre elles certaines proportions qui leur convinſſent par
raport
à l’harmonie qui devoit regner dans le tout:
& Vignole a
cela
d’avantageux au-deſſus des autres, c’eſt que les parties de ſon
module
ne ſont point ſuſceptibles de fractions embaraſſantes;
l’on
ſaura
donc, que pour l’Ordre Toſcan &
le Dorique, il diviſe le mo-
dule
en 12 parties égales:
mais, comme dans les trois autres Ordres,
49815LIVRE V. DE LA DE’CORATION. c’eſt-à-dire l’Ionique, le Corinthien, & le Compoſite, il ſe ren-
contre
des moulures encore plus petites que dans les precedens, il
a
diviſé le module de ces trois Ordres en 18 parties égales, afin
d’éviter
les fractions qui ſe ſeroient rencontrées, s’il ne l’avoit été
qu’en
12 parties.
Comme ce que je viens d’expliquer dans ce Chapitre ſuffit pour
être
prévenu de ce qu’il faut ſavoir afin d’entendre clairement ce
que
l’on verra dans la ſuite, je paſſe à la compoſition des Ordres,
en
commençant par le Toſcan.
CHAPITRE TROISIE’ME.
De l’Ordre Toſcan.
DANS l’Ordre Toſcan le fuſt de la colomne a pour hauteur
6
de ſes diamêtres, c’eſt-à-dire 12 modules, &
ſa baſe & ſon
chapiteau
chacun un, ce qui fait en tout 14 modules comme nous
l’avons
dit dans le Chapitre précédent;
dont le tiers, qui eſt de 4
modules
8 parties, eſt pour la hauteur du Piédeſtal, &
le quart, qui
fait
8 modules 6 parties, pour celle de l’entablement;
ainſi toute
la
hauteur de la Façade, ou ſi l’on veut de l’Ordonnance, ſe trouve
de
22 modules 2 parties, car il faut ſe rappeller que le module dans
cet
Ordre doit être diviſé en 12 parties égales, &
que ce ſont ces
parties
qui vont ſervir à déterminer la proportion des moulures.
Comme nous allons donner les dimenſions dont chaque Ordre eſt
compoſé
, &
que les mêmes dimenſions ſe trouvent exactement cot-
tées
ſur les deſſeins, l’on pourra à l’aide du diſcours connoître plus
diſtinctement
qu’on ne l’a fait dans ce qui précede, la ſituation des
moulures
, leurs figures, &
leurs noms; puiſque chaque chiffre, dont
on
va faire mention dans l’explication, pourra ſervir en même tems
à
déſigner celle dont on parle:
par exemple, quand on dira que la
Plinthe
de la baſe du Piédeſtal Toſcan eſt de 5 parties, il fuſſira
de
jetter les yeux ſur cette baſe, pour voir que la moulure qui ré-
pond
au chiffre 5 eſt nommée Plinthe;
ainſi des autres qui ſe ſui-
vront
immediatement, ce qui contribuera fort à ſe rendre les ter-
mes
familiers.
Piédeſtal Toſcan.
L’on donne un demi-module ou 6 parties à la hauteur de la baſe
11Planch.
40
.
Fig. 3.
du Piédeſtal dont il y en a 5 pour la Plinthe, &
une pour le re-
49916LA SCIENCE DES INGENIEURS, glet: la ſaillie de la Plinthe eſt de 4 parties, & celle du reglet de 2.
Quant à la largeur du ou du Tronc, elle eſt de 2 modules 9
parties
, &
ſa hauteur de 3 modules 8 parties.
La hauteur de la corniche eſt égale à celle de ſa baſe, c’eſt-à-
dire
qu’elle eſt de 6 parties, deſquelles on en donne 4 au Talon, &

deux
à la Bandelette ou Reglet:
toute la ſaillie eſt de 4 parties, dont
il
y en a 3 &
demi pour le Talon, 1 & demi pour le Reglet qui eſt
au-deſſus
.
Colomne Toſcane.
Cette Colomne à 2 modules par le bas & un module 7 parties par
le
haut, parce qu’elle va en diminuant depuis en bas juſqu’en haut
&
que cette diminution eſt de 2 parties & demi de chaque côté.
La baſe de la Colomne a 12 parties, dont il y en a 6 pour la
Plinthe
, 5 pour le Tore, &
une pour l’Anneau: la ſaillie de la Plinthe
&
du Tore eſt de 4 parties & demi de chaque côté, celle de l’An-
neau
n’eſt que d’une partie &
demi; à l’égard de l’Anneau & de l’Aſ-
tragale
qui ſont au ſommet du fuſt de la Colomne, la hauteur du
premier
eſt d’une demi partie, celle du ſecond, d’une partie, la
ſaillie
de ce dernier eſt d’une partie &
demi de chaque côté.
La hauteur du Chapiteau étant de 12 parties comme celle de la
Baſe
, le Gorgerin en a 4, l’Anneau une, l’Ove 3, l’Abaque 3, &
le
11Planch.
41
.
Fig. 1.
Reglet une;
la largeur du Gorgerin eſt d’un module 7 parties, &
par
conſequent n’a point de ſaillie au-deſſus du ſommet de la Colom-
ne
, toute la largeur de l’Abaque eſt de 2 modules 5 parties, ainſi ſa
ſaillie
eſt de 5 parties de chaque côté en y comprenant celle de ſon
Reglet
qui eſt au-deſſus, la ſaillie de l’Anneau eſt d’une partie de
chaque
côté.
Entablement Toſcan.
La hauteur de l’Entablement étant comme on l’a dit de 3 mo-
dules
&
demi, ou de 42 parties, l’Architrave doit en avoir 12 en
y
comprenant la hauteur du Reglet qui en a 2, la Friſe 14:
la Cor-
niche
qui comprend le Talon, le Larmier, &
l’Ove, avec les Filets qui
les
accompagnent en a 16 parties, dont le Talon en a 4, le Filet au-
deſſus
une demie, le Larmier 6, le Filet au-deſſus une demie, l’Aſ-
tragale
qui eſt au-deſſous de l’Ove une, &
l’Ove 4; la Friſe & l’Ar-
chitrave
n’ont point de ſaillies, l’un &
l’autre devant répondre au
vif
du haut de la Colomne:
toute la ſaillie de la Corniche eſt de 18
parties
, chaque membre particulier a autant de ſaillie que de hauteur,
excepté
le Larmier dont la ſaillie eſt de 9 parties, (en y comprenant
50017LIVRE V. DE LA DE’CORATION. le Filet qui eſt au-deſſous, quoique ſa hauteur ne ſoit que de 6: &
pour
juger de l’effet que font toutes ces ſaillies, il ſuffira de conſi-
derer
le deſſein, les proportions de toutes les parties ſont exacte-
ment
marquées.
L’on creuſe ordinairement dans le Larmier un Ca-
nal
que les Ouvriers apellent Mouchette pendante, ce Canal ſe prati-
que
, afin de rendre l’ouvrage plus leger, &
pour empêcher que l’eau
n’aille
couler ſur la Friſe.
Quand on employe l’Ordre Toſcan aux Portes des Villes ou à
celles
de quelques Edifices militaires, on peut, pour leur donner
plus
de majeſté, revêtir les Colomnes de Boſſages ou de Ceintures
&
de Bandes, pourvû qu’elles ſoient ruſtiques & ſans ſculpture: ce
ruſtique
ſe fait pointillé également, ou en tortillis comme les pierres
mangées
&
moulinées par la Lune, ce qui peut être apellé Ruſtique
vermicule
;
cependant, comme ces Boſſages augmentent le module
de
la Colomne, &
la rend plus courte qu’elle ne ſeroit ſi elle étoit
toute
unie, il eſt à propos de lui donner pour hauteur un peu plus
des
7 diamêtres.
Si l’on vouloit ſe ſervir de l’Ordre Toſcan ſans Piédeſtal, il fau-
droit
diviſer la hauteur donnée en 5 parties égales, dont il y en aura
4
pour la hauteur de la Colomne y compris ſa Baſe &
ſon Chapiteau,
&
pour la hauteur de l’entablement, une. Or ſi l’on diviſe enſuite la
hauteur
de la Colomne, c’eſt-à-dire les quatre cinquiémes de la hau-
teur
qu’on veut donner à l’Ordonnance en 14 parties égales, une
de
ces parties ſervira de module:
ainſi le Fuſt de la Colomne aura
comme
cy-devant 12 modules, la Baſe &
le Chapiteau chacun un;
& comme le quart de 14 eſt 3 & demi, il s’enſuit que l’Entable-
ment
aura encore 3 modules &
demi de hauteur, & toute l’Or-
donnance
17 &
demi.
Mr. de Chambray, en parlant de l’Ordre Toſcan, dit que ſa Colom-
ne
ſans aucun Architrave eſt la ſeule piece qui mérite d’être miſe en
œuvre
, &
qui peut rendre cet Ordre recommandable: il fait enſuite
la
deſcription de la Colomne Trajane, dont il remarque l’excellence,
&
qu’il croit avoir ſervi de regle à la Colomne Antonine, & à une
autre
qui fut élevée dans Conſtantinople à l’honneur de l’Empereur
Theodoſe
.
Pour cette derniere, elle eſt des plus belles, non-ſeule-
ment
parce qu’elle eſt bien proportionnée, mais par l’ouvrage en
bas
relief dont elle eſt entourée depuis le bas juſqu’en haut,
l’on
voit la deſcription du triomphe de cet Empereur après avoir
vaincu
les Scites.
J’en ai une Eſtampe, qui a bien 25 pieds de lon-
gueur
ſur 2 de hauteur, gravée ſur le deſſein d’un R.
P. Jeſuite qui
l’a
fait à Conſtantinople d’après l’original.
Cependant, ſelon Felibien,
50118LA SCIENCE DES INGENIEURS, il y a aparence que la Colomne Trajane n’eſt pas la premiere que
l’on
a dreſſée à l’honneur de grands hommes;
puiſqu’il n’y a pas long-
tems
que l’on voyoit à Rome une petite Colomne Toſcane, ſur la-
quelle
étoit la figure d’un Corbeau avec ce mot au-deſſous (Corvin),
qui
marque ſelon toute aparence que cette Colomne fut élevée à
Valerius
Maximus, après l’action qu’il fit à la vûë de l’Armée des
Gaulois
&
de celle des Romains, il accepta le deffi d’un géant
qui
ſortit de l’Armée ennemie, qu’il combatit &
vainquit avec le
ſecours
d’un Corbeau qui vint ſe placer ſur ſa tête, ce qui lui fit
prendre
enſuite le ſurnom de Corvinius:
& comme, ſuivant l’Hi-
ſtoire
Romaine nouvellement miſe au jour par les R.
R. P. P. Ca-
11Voyez
l’Hiſtorie

citée
To.
4
. p. 232.
trou &
Roüillé, de la Compagnie de Jeſus, cette action mémora-
ble
eſt arrivée l’an 404.
de la Fondation de Rome, l’on voit com-
bien
cette Colomne eſt plus ancienne que la Trajane.
CHAPITRE QUATRIE’ME.
De l’Ordre Dorique.
LA hauteur de toute la Colomne de cet Ordre, y compris la
Baſe
&
le Chapiteau, ſelon Vignole, eſt de 16 modules, dont
il
y en a un tiers, c’eſt-à-dire 5 modules 4 parties, pour le Piédeſtal,
un
quart pour la hauteur de l’entablement qui ſera par conſéquent
de
4 modules, &
le module eſt encore diviſé en 12 parties comme
pour
l’Ordre Toſcan.
Piédeſtal Dorique.
La hauteur du Piédeſtal étant de 5 modules 4 parties, on en
22Planch.
40
.
donne 10 à la Baſe &
6 à la Corniche; ainſi le ou Tronc ſe trou-
ve
de 4 modules de hauteur.
33Fig. 2.
Des 10 parties de la Baſe on en donne 4 au Socle, deux & de-
mi
à la Plinthe, 2 au Talon renverſé, une à l’Aſtragale, &
une &
demi
au Filet.
La ſaillie du Socle eſt de 4 parties & demi, celle de la Plinthe
de
4, celle du Talon renverſé de 3 &
demi, celle de l’Aſtragale
de
2, &
celle du Filet d’une, & la largeur du ſe trouve de 2
modules
10 parties.
Des 6 parties qui compoſent la hauteur de la Corniche, on en
donne
1 &
demi au Talon, 2 & demi à la Goûtiere, une demi au
Filet
, une à l’Ove, &
une demi au Reglet.
50219LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
La ſaillie de la Corniche eſt égale à ſa hauteur; c’eſt-à-dire qu’elle
eſt
de 6 parties, dont il y en a 1 demi pour celle du Talon, 4 pour
celle
de la Goûtiere, &
6 pour celle du Reglet & de l’Ove qui eſt
au-deſſous
.
Colomne Dorique.
De 16 modules que l’on donne à la hauteur de la Colomne, il
y
en a une pour la Baſe &
une autre pour le Chapiteau: ainſi il
reſte
14 modules pour le Fuſt, &
la diminution de cette Colomne
par
le haut eſt de 4 parties, deux d’un côté, &
deux de l’autre; par
conſequent
, le vif de cette Colomne eſt d’un module 8 parties.
La Baſe étant de 12 parties, on en donne 6 à la Plinthe, 4 au Tore,
une
à l’Aſtragale, &
une au Reglet ou Anneau: ſur quoi il faut remar-
quer
, qu’il n’y a que dans l’Ordre Toſcan &
le Dorique, le Filet
fait
partie de la Baſe;
car, dans les trois Ordres ſuivans il apartient
au
Fuſt de la Colomne.
La largeur de la Plinthe auſſi-bien que celle du Tore eſt de 2 mo-
dules
10 parties, parce que ces deux membres n’ont point de ſaillie
au-deſſus
du du Piédeſtal;
mais, celle de l’Aſtragale eſt de 2 par-
ties
3 quarts au-deſſus de la Colomne, &
celle du Filet 2.
Ayant compris dans la hauteur du Tronc de la Colomne, l’Aſtra-
11Planch.
41
.
gale &
le Filet qui ſe trouvent au ſommet, on doit dans cet Ordre
22Fig. 2. auſſi-bien qu’au Toſcan ſéparer ces deux moulures du Chapiteau;
ainſi il ſuffira de dire que le Filet eſt d’une & demi partie, & l’Aſtra-
gale
d’une, &
que la ſaillie de l’Aſtragale eſt de 2 parties, & celle
du
Filet d’une &
demi.
La Colomne commence à diminuer au tiers de ſa hauteur, ou
même
dès le pied, auquel cas on lui donne 2 modules &
2 parties
pour
le diamêtre qui répond au tiers de la hauteur, afin de la faire
renfler
d’une partie de chaque côté:
nous parlerons dans la ſuite de
la
maniere que ſe trace la diminution &
le renflement.
De 12 parties que le Chapiteau a de hauteur, on en donne 4 au
Gorgerin
&
une demi à chacun des trois Reglets ou Anneaux qui
ſont
immédiatement après, 2 &
demi à l’Ove qui eſt au-deſſus, 2
&
demi à la Goûtiere de l’Abaque, une au Talon, & une demi au
Reglet
.
La ſaillie du Reglet de l’Abaque a 5 parties & demi de chaque
côté
, ainſi toute ſa largeur ſera de 2 modules 7 parties;
la ſaillie des
3
Reglets eſt d’une partie, celle de l’Ove eſt égale à ſa propre hau-
teur
, celle de la Goûtiere eſt de 4 parties, &
la largeur du Gorge-
rin
eſt égale à celle du haut de la Colomne.
50320LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Le Reglet, le Talon, & la Goûtiere de l’Abaque doivent être
quarrés
dans tous les Ordres, &
les autres membres arrondis comme
le
Fuſt de la Colomne.
Quand on veut embellir cet Ordre & lui donner plus de délica-
teſſe
, il faut canneler les Colomnes de 20 canelures à vive arrête;
c’eſt-à-dire par des canelures qui ne ſoient point ſeparées avec des
Reglets
de la maniere que nous l’expliquerons plus particulierement
dans
la ſuite:
on peut auſſi tailler des Roſes ou Fleurs, ou même
des
Feuilles dans le Gorgerin;
& , pour donner plus de grace, au lieu
de
faire 3 Filets au haut du Gorgerin, n’en faire qu’un, &
changer les
deux
autres en un Aſtragale retaillé d’olives &
de patenotres, & re-
fendre
l’Ove de 20 œufs qui doivent répondre à plomb ſur les ar-
rêtes
des canelures:
les olives de l’Aſtragale doivent auſſi être au
nombre
de 20.
& répondre juſtement ſous les œufs de l’Ove.
Entablement Dorique.
La hauteur de l’Entablement étant de 4 modules ou de 48 par-
ties
, l’on en donne 12 à l’Architrave, 18 à la Friſe, &
18 à la Cor-
niche
;
& comme cet Entablement eſt orné de pluſieurs petites par-
ties
qui demandent d’être bien détaillées pour être executées avec
préciſion
, nous allons faire enſorte de ne rien négliger.
Les Goutes au-deſſous des Trigliphes ſont toûjours au nombre
de
6, diſpoſées de façon que leur intervale en occupe la largeur:
ces Goutes ſont faites en forme de Clochettes, leur ſaillie eſt égale
à
leur hauteur, l’une &
l’autre étant d’une partie & demi, ſont
couronnées
par un Filet qui a pour hauteur une demi partie, au-
deſſus
duquel eſt un Reglet de 2 parties, &
dont la ſaillie eſt d’une
partie
.
Les Trigliphes ſont élevés dans la Friſe de toute ſa hauteur,
&
ont par conſequent 18 parties, leur largeur eſt de 12 parties,
ils
ſont refendus de 2 Canaux, qui ont chacun 2 parties ſeparées
par
3 Arêtes, qui ont auſſi 2 parties de largeur &
une de ſaillie, ac-
compagné
par chaque côté d’un demi canal, le creux des canaux
eſt
en angle droit, leur hauteur eſt de 16 parties.
J’ajouterai, que la
diſtance
d’un Trigliphe à l’autre eſt ordinairement égal à la hau-
teur
de la Friſe, c’eſt-à-dire de 18 parties:
cet eſpace, que l’on nom-
me
Metope, eſt orné quelquefois par des noms en chifres, ou par
quelque
autre deſſein fait à fantaiſie, mais qui doivent être ſimples.
De 18 parties que comprend la Corniche, il y en a 2 pour le
Reglet
qui ſert de Chapiteau aux Trigliphes, 2 pour le Talon, un
50421LIVRE V. DE LA DE’CORATION. demi pour le Filet qui eſt au-deſſus, 3 pour la Bandelette qui eſt
refenduë
par des Denticules, au-deſſus deſquelles eſt une petite Ove
d’une
demi partie:
la largeur des Denticules eſt de 2 parties, leur
intervale
d’une partie &
demi, la Goûtiere de 4, le Talon de 2 &
demi
, le Filet d’une demie, le Cavet de 3, &
le Reglet d’une
partie
.
Toute la ſaillie de la Corniche eſt de 2 modules ou de 24 parties;
ſurquoi la Bandelette des Denticules en a 6, le Larmier 14, faiſant
attention
que les Denticules ſont quarrées par le bas, ayant autant
de
ſaillie que de largeur;
à l’égard des ſaillies des autres moulures,
elles
ſont égales à leur hauteur, comme on le voit marqué dans le
deſſein
.
L’on taille ordinairement le Plafond de la Goûtiere, pour y pra-
tiquer
un Canal &
des Goûtes, afin de l’orner & de le rendre plus
leger
.
Vitruve ne met point de difference entre le Chapiteau Dorique
&
le Toſcan en ce qui regarde les meſures, il ſe contente ſeulement
d’y
ajoûter quelques ornemens pour le rendre moins nud;
mais
Vignole
, &
tous les autres Architectes qui ſont venus après, n’ont
point
ſuivi cette conformité, &
ont tous donné au Chapiteau Do-
rique
à peu-près les mêmes proportions que nous avons raportéesici.
Vignole a tiré du Théatre de Marcellus le deſſein de l’Ordre
Dorique
que nous venons de donner pour exemple, ſurquoi Mr.
Daviler remarque, que Vitruve n’a point été l’Architecte de ce
Monument
, comme pluſieurs l’ont prétendu, parce que cet Auteur
étoit
contemporain d’Auguſte, dont il étoit l’Ingenieur:
d’ailleurs, il
eſt
à préſumer, que s’il y avoit part, il en auroit fait mention dans
ſon
Livre;
mais, ceci eſt de peu d’importance: on remarquera ſeu-
lement
, que Vignole ne s’eſt pas attaché abſolument à ſuivre les
proportions
du Théatre de Marcellus, parce que s’étant aperçû que
les
membres de chaque partie n’étoient pas aſſés bien proportion-
nez
entre eux, il a fait les changemens qu’il a jugé les plus neceſ-
ſaires
;
par exemple, ayant trouvé que la Corniche n’étoit pas aſſés
élevée
, il a ajoûté quelques moulures au-deſſous du Larmier, &

par-là
la hauteur de la Corniche ſe trouve égale à celle de la Friſe,
ce
qui lui donne plus de grace &
de dégagement: dailleurs, la plate-
bande
, qui ſert ici de Chapiteau aux Trigliphes, fait partie de la
Corniche
, &
non pas de la Friſe, ce qui eſt tout le contraire dans
les
deſſeins que nous avons de ce Théatre.
Vignole raporte encore un autre Entablement de l’Ordre Do-
rique
, qu’il a tiré à Rome de pluſieurs Fragmens antiques, &
que
50522LA SCIENCE DES INGENIEURS, l’on peut voir ſur la Planche 48. qu’il eſt peu different de celui
dont
nous venons de parler:
tout ce qu’on y trouve de plus re-
marquable
, c’eſt qu’on n’y voit point de Denticule.
CHAPITRE CINQUIE’ME.
De l’Ordre Ionique.
AYANT fait remarquer dans le ſecond Chapitre, que les
Trigliphes
étoient des membres qui apartenoient particu-
lierement
à l’Ordre Dorique, &
qui ſervoient à le faire reconnoître
entre
les autres, de même que les Volutes du Chapiteau Ionique
étoient
affectées à cet Ordre, ce qui ſert à le diſtinguer auſſi des
autres
;
j’ajoûterai ici que les Voulutes ont été regardées par les An-
ciens
comme exprimant les coëffures des anciennes Dames de la
Grece
, &
que les canelures des Colomnes avoient été faites à l’imi-
tation
des plis de leurs robes:
il y a des Auteurs, qui ne ſont point
de
ce ſentiment, &
qui veulent que les Voulutes ayent été faites pour
repréſenter
les pentes roulées des couſſinets que l’on feignoit avoir
mis
ſur la tête des Cariatides, pour leur donner moins de peine à
porter
le poids des Architraves;
mais, ce qu’il y a de certain, c’eſt
que
l’Ordre Ionique a toûjours été regardé des Grecs, &
des Ro-
mains
, comme étant le ſymbole du beau ſexe.
Piédeſtal Ionique.
La hauteur du Piédeſtal qui eſt de 6 modules ſe partage, en-
ſorte
que la Baſe ait un demi-module &
la Corniche autant, ainſi
il
reſte 5 modules pour la hauteur du .
La Baſe eſt compoſée d’une Plinthe de 4 parties, d’un Filet de
11Planch.
40
.
deux tiers, d’une Doucine de 3 parties, &
d’une Aſtragale d’une par-
tie
&
un tiers.
22Fig. 3.
La ſaillie de la Plinthe eſt de 8 parties, celle du Filet de 7, &
celle
du centre de l’Aſtragale de 6.
La largeur du doit être de 2 modules 14 parties, ſes mou-
lures
ſont les Reglets du deſſous &
du deſſus avec leurs Chamfrains
qui
ont chacun une partie, la ſaillie du Reglet d’enbas eſt d’une
partie
, &
celle d’enhaut de deux.
50623LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
Les moulures de la Corniche ſont l’Aſtragale, qui a une partie,
l’Ove
en a 3, la Goutiere auſſi 3, le Talon 1 &
un tiers, & le Re-
glet
2 tiers ſeulement, la ſaillie de toute la Corniche eſt de 10 par-
ties
, celle de la Goûtiere de 8, &
celle du haut de l’Ove 5.
Colomne Ionique.
La Baſe de la Colomne a pour hauteur un module, elle eſt
compoſée
de la Plinthe qui a 6 parties, de l’Orle ou Anneau qui
n’a
qu’un quart, de la Scotie qui a 2 parties, d’un autre Anneau
d’un
quart, enſuite ſont 2 Aſtragales immédiatement l’un ſur l’autre
qui
ont chacun une partie, au-deſſus eſt encore un Orlet d’un quart
de
partie, &
une Scotie de 2 parties, un Filet d’un quart, le
tout
terminé par un Tore de 5 parties.
Toute la ſaillie de la Baſe eſt de 7 parties de chaque côté afin
que
la largeur ou le front de la Plinthe ſoit le même que le front
du
Piédeſtal que nous avons dit cy-devant être de 2 modules 14
parties
, la ſaillie de l’Orle qui eſt ſur la Plinthe eſt de 6 parties &

demi
, celle des 2 Aſtragales &
du Tore de 5, & celle du Reglet
qui
eſt ſous le Tore de 2 &
demi.
La hauteur du Fuſt de la Colomne eſt de 16 modules 6 parties,
11Planch.
41
.
le Reglet ou Orle de deſſous avec ſon Conge ou Cavet 1 partie
22Fig. 3. &
demi, le Tronc de la Colomne 16 modules & une partie &
demi
, l’Orle de deſſus avec ſon Conge 1 partie, &
l’Aſtragale 2
parties
.
La ſaillie des Orles avec les Chamfarins, eſt de 2 parties, & celle
de
l’Aſtagale de 3:
la largeur de la Colomne par le bas eſt de 2 mo-
dules
qui ſe conduit également juſqu’au tiers de la hauteur, d’où
elle
eſt inſenſiblement diminuée juſques ſous l’Orle de deſſus,
ſa
largeur eſt reduite à un module &
12 parties, afin que la dimi-
nution
ſoit de 3 parties de chaque côté.
Si l’on veut canneler les Colomnes Ioniques, il faut premiere-
33Fig. 6. ment faire le plan du Fuſt à l’endroit de la baſe, c’eſt-à-dire qu’on
tracera
un cercle dont le diamêtre ſera de 2 modules, enſuite on
en
diviſera la circonference en 24 parties égales, tel que AB qu’il
faut
partager chacune en 5 autres parties, aux points 1, 2, 3, &
4,
&
l’une de ces parties comme C, marque l’épaiſſeur des côtés ou
liſtels
des Cannelures, &
les autres 4, comme A 4 ou BD, déter-
minent
le creux ou le fond qui ſe fouille dans le vif de la Colom-
ne
en forme d’un demi cercle, qui auroit pour diamêtre l’interva-
le
A 4 ou BD;
ſes moulures ſont conduites depuis le pied de la
50724LA SCIENCE DES INGENIEURS, Colomne juſqu’au deſſous de l’Orle ſuperieure, enſorte que les li-
gnes
montantes ſuivent toûjours entre elles le contour de la dimi-
nution
de la Colomne, pour s’aprocher avec la même proportion;
ainſi la Colomne ſe trouve cannelée agreablement, & ſuivant les
regles
de la bonne Architecture, avec 24 creux &
autant de can-
nelures
qui ſeront chacune égale au quart de la largeur du creux,
quoi
qu’elles puiſſent être quelquefois plus grandes, enſorte nean-
moins
qu’elles ne paſſent jamais au-deſſus du tiers, &
jamais au-
deſſous
du cinquiéme du même creux, qui ſont les termes que les
Anciens
ſe ſont preſcrits dans leurs cannelures.
Chapiteau Ionique.
La hauteur du Chapiteau ſe fait de 12 parties, non compris la
11Fig. 3.
& 8.
pente des Volutes, ſes moulures ſont l’Ove qui a 5 parties, la Plat-
te-Bande
des Couſſinets des Volutes 3, la Bandelette ou Bordure
1
, la Cimaiſe ou Talon de l’Abaque 2, &
la Regle de l’Abaque 1.
Toute la ſaillie de l’Ove eſt de 7 parties, celle de l’Abaque en
a
5, celle des bordures des Volutes 4 &
demi, & celle du fond
ou
creux de la Platte-Bande du Couſſinet des Voulutes ſur l’Ove
6
&
demi.
La perpendiculaire, ou Catele CD de l’œil des Volutes, paſſe par
le
milieu AB de toute la ſaillie de l’Abaque:
ſa longueur FD ſous
l’Abaque
eſt de 16 parties, &
le centre E de l’œil ſe prend ſur la
9
e.
enſorte qu’il y a 9 parties de F en E, & 7 de E en D. On verra
par
la ſuite comme on trouve dans l’œil de la Volute les centres
qui
ſervent à la former, auſſi-bien que ceux qui donnent les Arcs
de
la bordure ou Volute interieure.
Toute la face ou largeur de l’Abaque eſt de 2 modules 4 parties,
celle
des Volutes par devant, &
par derriere, eſt de 2 modules 11
parties
, comme on le peut voir dans la figure 8 de la Planche 40,
qui
repréſente tout le Chapiteau vu par le deſſous:
la largeur de la
face
des côtés du Chapiteau eſt d’un module 17 parties, la largeur
de
la Ceinture qui eſt entre les Baluſtres, ou qui attache le Couſſi-
net
des Volutes ſur les côtés, eſt de 6 parties, avec un Filet de part
&
d’autre de 1 partie, elle prend ſon origine ſous le Talon de l’A-
baque
, d’où elle deſcend inſenſiblement ſur la partie de l’Ove,
qu’elle
embraſſe de-là avec un contour agreable, juſques ſur l’Orle
ſuperieur
du Fuſt de la Colomne, d’où enfin elle remonte en
s’arrondiſſant
en dedans ſur l’Aſtragale, pour ſe venir perdre au-deſ-
ſous
de l’Ove, les extrémités des Baluſtres ſont enfermées d’un Ru-
50825LIVRE V. DE LA DE’CORATION. ban ou Orle, qui a pour largeur 2 parties, enfin on taille des œufs
dans
l’Ove qui répondent au vif des Cannelures.
Tout ceci s’en-
tendra
parfaitement ſi l’on conſidere les deſſeins qui ſont relatifs à
ce
diſcours.
Scamozzy fait le Chapiteau Ionique different de celui de Vigno-
le
, comme on en peut juger par la figure 7e.
de la 41e. Planche &
11Planch.
41
.
la 9e.
de la 40e. Ce Chapiteau a fort bonne grace & paroit aprouvé
22Fig. 7. des meilleurs Architectes;
& , afin d’être mieux inſtruit des particu-
33Planch.
40
.
larités qui lui apartiennent eſſentiellement, voici l’Explication qu’en
44Fig. 9. donne Scamozzy lui-même dans le Chapitre 23 du 6e Livre de ſon
Idée
generale d’ Architecture, , après avoir décrit le Chapiteau Io-
nique
ordinaire, il continue en ces termes.
Il faut à preſent, dit-il, expliquer un autre Chapiteau Ionique
de
nôtre Invention, imité de l’Antique &
de Vitruve en partie, qui
eſt
different des autres qui ont été faits juſqu’à preſent, en ce que
l’Abaque
eſt dégagé pardeſſous, que les Voulutes ſont angulaires,
que
les 4 faces en ſont égales, &
qu’il a beaucoup de raport à la
partie
ſuperieure du Chapiteau Corinthien:
il eſt ſi regulier en
ſes
parties, &
réüſſit avec tant de grace, qu’il a été mis en œu-
vre
à la plûpart des Bâtimens que nous avons faits.
Son Plan quarré a un module & un tiers à chaque face, il y
faut
tracer des lignes diamêtrales &
d’autres diagonales qui ſe croi-
ſent
&
qui ſe diviſent en 8 parties égales: du centre on décrit la
circonference
du diamêtre ſuperieur &
celle du Liſteau & de
l’Aſtragale
.
Enſuite ſur chaque diagonale il faut tracer à l’équerre une ligne
diſtante
du centre d’un module moins un huitiéme, ainſi la diago-
nale
reſte en tout longue d’un module 3 quarts:
cette ligne à cha-
cune
des extrêmités des diagonales, fait les cornes de l’Abaque qui
ont
2 parties trois quarts de largeur, les 8 angles touchent les 4 cô-
tés
du quarré, &
ſur un des côtés d’un des points qui le touche
il
faut prendre la Baſe d’un triangle équilateral &
de ſon ſom-
met
, tracer la ligne courbe de la face de l’Abaque, la profon-
deur
de cette courbe ſera de 2 douziémes &
demi de module,
de
ſorte que d’une courbure à l’autre, il y aura un module &
un
douziéme
comme nous avons dit cy-devant, ce qui peut encore
ſervir
pour faire l’Abaque quarré.
Au milieu de chaque face de l’Abaque, il faut mettre une
Fleur
large d’un cinquiéme module ou de 3 parties, de 2 cinquié-
mes
des 18, depuis l’extrémité de l’Aſtragale juſqu’à celle de la
corne
de l’Abaque, il y aura 7 parties de largeur, le deſſous des
50926LA SCIENCE DES INGENIEURS, Volutes eſt de 2 parties & 3 quarts vers le devant, & elles s’élar-
giſſent
en dedans, &
s’éloignent de l’Ove & entrent deſſous l’Aba-
que
;
ſous les Fleurs regne l’Ove qui ſaille à chaque face de demi
partie
plus que la courbure de l’Abaque, ce qui eſt pour le Plan.
La hauteur de ce Chapiteau avec ſes Volutes eſt de 9 parties
&
5 huitiémes des 18 du bas de la Colomne, nous nous ſervons
de
ces meſures pour faire la diviſion &
donner les hauteurs des
parties
.
L’Abaque a de front un module & un tiers, ſa hauteur
eſt
d’une partie &
de 5 huitiémes, qui comprennent le Filet & le
Talon
qui a une partie de ſaillie égale à ſa hauteur, ſous l’Aba-
que
le Liſteau &
la Volute a une partie, & le membre creux de
la
Volute qui poſe ſur l’Ove une partie &
demi.
L’Ove a 2 parties de ce membre creuſé qui eſt à la Volute &
finit
ſur l’Aſtragale qui détermine le haut du Fuſt de la Colomne,
il
y a un module &
un neuviéme de diamêtre, l’Aſtragale a une
partie
de hauteur &
répond à l’œil de la Volute, le Liſteau au-
deſſous
a 2 cinquiémes de cette partie, &
ſes membres doivent
être
toûjours dégagés des Volutes qui pendent plus bas que le
Liſteau
de 2 parties 2 cinquiémes.
Les Volutes depuis le deſſous de l’Abaque ont 8 parties de haut,
7
de large, &
leur épaiſſeur ſous la corne de l’Abaque eſt de 2
parties
3 quarts, elles commencent à côté de la Fleur ſur l’Ove &

ſe
vont courber ſous la corne de l’Abaque, l’œil de la Volute qui
eſt
d’une partie doit être de niveau avec l’Aſtragale;
dans le milieu
de
l’œil on fait un quarré plus petit de moitié que le diamêtre &

parallele
aux lignes croiſées:
les diagonales de ce quarré ſe divi-
ſent
en 6 parties égales qui font en tout 12 centres pour les tours
de
la Volute, il faut prendre garde que les centres angulaires
ſont
éloignés entr’eux d’une demi partie, ceux des lignes du
quarré
d’un tiers de partie, &
ainſi la Volute diminue dans les
trois
tours de ſes 12 quartiers.
Il y a 4 parties & demi depuis le centre de l’œil juſques ſous
l’Abaque
, &
4 depuis le centre juſqu’au dehors de la Volute qui
eſt
à plomb ſous la face de la corne de l’Abaque, il y en a 3 &
de-
mi
de ce même centre juſqu’au bas de la Volute;
ainſi elle di-
minuë
de 2 parties dans le premier tour, c’eſt-à-dire une demi
partie
pour chaque quartier;
& dans le tour elle diminuë de 2
tiers
de parties, c’eſt-à-dire d’un ſixiéme pour chaque quartier,
de
ſorte que c’eſt 4 parties pour les trois tours qui ſont dans l’eſ-
pace
contenu depuis le deſſous de l’Abaque juſques ſur l’œil.
51027LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
Entablement Ionique.
La hauteur de l’Architrave ſe fait d’un module 4 parties & demi,
on
donne 4 parties &
demi à la premiere Platte-Bande, 6 à la
ſeconde
, 7 &
demi à la troiſiéme, 3 au Talon, & une & demi à la
Regle
.
La premiere Bande repond au vif de la Colomne, la ſaillie de
11Planch.
41
.
chacune des 2 autres eſt d’une partie, la Regle &
le Talon en ont
22Fig. 3. cinq.
La Friſe a pour hauteur un module & demi, elle ſe fait à plomb
&
répond au vif du haut de la Colomne, de même que la premiere
Platte-Bande
, l’on peut y entailler des ornemens compoſés de Fi-
gures
, de Fleurs, ou de Feuilles.
La hauteur de la Corniche eſt d’un module 13 parties & demi,
ſes
moulures ſont compoſées d’abord d’un Talon qui a 4 parties, de
la
Regle qui en a 1, de la Bandelette des Denticules qui en a 6,
d’un
Filet qui a une demi partie, d’un Aſtragale d’une partie, de
l’Ove
qui en a 4, du Larmier qui en a 6, d’un Talon au-deſſus qui
en
a 2, d’un Filet qui en a une demi, de la Doucine qui a 5 parties,
&
de la Regle qui en a 1 & demi.
Toute la ſaillie de la Corniche eſt de 31 parties, celle de la Regle
eſt
de 5, ſurquoi il faut en ajoûter 4 pour la ſaillie des Denticu-
les
, 4 &
demi pour celle de l’Ove, 10 pour celle de la Goûtiere,
2
&
demi pour le Filet, & 5 pour la ſaillie de la Regle.
La hauteur des Denticules ſe fait de 6 parties, leur largeur de 4
ſur
autant de ſaillie, &
eſpacées de 2 parties: ſur le haut du vuide
de
ces intervales, on laiſſe en dedans une Regle qui a pour hauteur
une
partie &
demi.
Quand on fouille des Feuillages ſur le Talon des Cimaiſes, des
œufs
dans l’Ove, &
des grains d’Olive ou de Patenotres dans les Aſ-
tragales
, on le doit faire de maniere que le Olives répondent à
plomb
ſous les œufs, &
les œufs ſous les Denticules, auſſi-bien
que
les Tiges des Feuillages de la Cimaiſe.
Maniere de tracer la Volute Ionique.
Pluſieurs ſçavans Architectes ont cherché des métodes pour tra-
cer
la Volute Ionique, afin de lui donner cette forme agréable qu’on
remarque
dans les Chapiteaux antiques;
car l’on a ignoré juſqu’ici
de
quelle maniere les Anciens s’y ſont pris, ne nous étant reſté que
les
Ecritsde Vitruve qui ne ſatisfont point aſſés, ce qui a été cauſe
51128LA SCIENCE DES INGENIEURS, qu’on a regardé long-tems la Deſcription de la Volute comme un
Problême
fort interreſſant.
Vignole en donne deux ſolutions diffe-
rentes
dont la pratique eſt aiſée, mais peu exactes, ainſi que plu-
ſieurs
autres, dont je ne ferai pas mention.
Le plus ſûr moyen d’inſtruire un Lecteur à peu de frais, étant de
lui
mettre d’abord ſous les yeux ce qu’il y a de meilleur, je me
contenteray
de raporter ſeulement la Volute de Goldman, qui eſt
la
plus eſtimée de toutes celles qu’on a imaginées juſqu’ici, parce
qu’elle
ſe décrit Géometriquement auſſi-bien que le Liſtel ou
Volute
interieure.
Supoſant qu’on a déterminé la grandeur du module qui doit ſer-
11Planch.
42
.
vir à régler l’Ordonnance Ionique, on le diviſera comme je l’ai déja
22Fig. 5. dit en 18 parties égales, on tirera une ligne AB, à laquelle on don-
nera
16 de ces parties, ou ſi l’on veut un module moins 2 parties,
enſuite
on déterminera dans cette lignele point E enſorte qu’il ſoit
éloigné
de 9 parties de l’extrémité A, &
de 7 del’extrémité B. Ce
point
ſera le centre de l’œil de la Volute, &
pour avoir cet œil,
on
décrira un Cercle quiaura pour centre le point E, &
pour rayon
une
partie, alors le diamêtre CD ſera de 2 parties, la ligne CA
de
8, &
la ligne DB de 6, ainſi que le preſcrit Vignole.
Cela poſé, il faut diviſer les demis diamêtres EC & ED, en 2 éga-
lement
aux points 1 &
4, & ſur la ligne 1. 4, qui ſera égale au rayon,
faire
le quarré 1.
2. 3. 4, dont le côté 2 & 3 touchera la circon-
ference
du Cercle, on tirera les lignes E 2 &
E 3, & l’on diviſera
la
Baſe 1.
4. en 6 parties é©gales, afin d’avoir les points 5. 9. 12. 8.
Après quoi ſur la ligne 5. 8. on fera le quarré 5. 6. 7. 8, & ſur la
ligne
9.
12, le quarré 9. 10. 11. 12, alors on aura 3 quarrés par
conſéquent
12 angles droits qui donneront 12 centres dont nous
nous
ſervirons après avoir prolongé les côtés des quarrés indefi-
niment
dans le ſens qu’on le voit ici.
Pour tracer le contour de la Volute, il faut du centre 1 & de
l’intervale
1 A, décrire le quart de Cercle AF, du centre 2.
& de
l’intervale
2.
F, le quart de Cercle FL, du centre 3 & de l’inter-
vale
3.
L, le quatt de Cercle LO, du centre 4, & de l’intervale
4
.
O, le quart de Cercle OQ, du centre 5. & de l’intervale 5. Q,
le
quart de Cercle QG, du centre 6.
& de l’intervale 6. G, le quart
de
Cercle GI, du centre 7.
& de l’intervale 7. I, le quart de Cer-
cle
IN, du centre 8 &
de l’intervale 8. N, le quart de Cercle NR,
du
centre 9.
de l’intervale 9. R, le quart de Cercle RH, du cen-
tre
10.
& de l’intervale 10. H, le quart de Cercle HK, du cen-
tre
11.
& de l’intervale 11. K, le quart de Cercle KM; enfin du
51229LIVRE V. DE LA DE’CORATION. centre 12. & de l’intervale 12. M, l’Arc MS qui aille rencontrer
la
circonference de l’œil de la Volute.
Pour décrire le contour interieur, il faut prendre la ligne AP,
égale
à une partie de module, enſuite chercher aux lignes CA, CP,
Ej
, une 4e proportionnelle qui ſera aiſée à trouver;
car comme la
ligne
CP, eſt les ſept huitiémes de la ligne CA, celle que l’on cher-
che
doit être auſſi les ſept huitiémes de la ligne Ej, afin que les an-
tecedans
ayent même raport à leurs conſéquents.
Cela poſé, ſi l’on
conſidere
le quarré 1.
2. 3. 4. de la 4e Figure que j’ai détaché de la
Volute
pour l’exprimer plus en grand, l’on y verra la ligne Ej, qui
eſt
ſupoſée égale aux ſept huitiémes de la ligne E 1.
Or ſi de l’autre
côté
du point E, on prend la partie Em, égale à Ej, on aura la ligne
jm
, qu’il faut diviſer en 6 parties égales, comme l’on a fait pour
la
ligne 1.
4, & faire ſur les Baſes jm, eh, & ab, les quarrés iklm,
efgh
, acdb, dont les 12 angles droits donneront encore 12 nouveaux
centres
, qui ſerviront à tracer la Volute interieure que l’on voit
ponctuée
ſur la figure.
Car ſi l’on ſupoſe pour un inſtant que les
quarrés
, dont je viens de faire mention, ſoient placés ſur le diamêtre
de
l’œil de la Volute, on commencera par décrire un quart de
Cercle
qui aura pour centre le point j, &
pour rayon l’intervale
ip
, &
alors ce quart de Cercle ira ſe terminer ſur le prolongement
du
côté jk, comme on l’a fait en premier lieu, enſuite du point k,
qui
ſervira de ſecond centre, on décrira un autre quart de Cercle
quiaura
pour rayon l’intervale du point k, à l’endroit le premier
quart
de Cercle aura été ſe terminer ſur le prolongement de jk, &

l’on
continuera de ſuite à décrire tous lesautres contours de la mê-
me
maniere que l’on a fait pour la premiere Volute, puiſque la
conſtruction
eſt la même:
la ſeule difference eſt que les quarrés, qui
donnent
les centres de l’une, ſont plus grands que ceux qui don-
nent
les centres de l’autre;
& il ſuffira, pour avoir une parfaite
intelligence
de tout ceci, de prendre un compas &
lui faire faire
tous
les mouvemens dont je viens de parler.
CHAPITRE SIXIE’ME.
De l’Ordre Corintbien.
NOUS mettons ici l’Ordre Corinthien devant le Compoſite,
comme
s’il étoit inferieur à ce dernier;
mais, c’eſt pour nous
conformer
à Vignole:
autrement il ſeroit plus naturel de mettre
51330LA SCIENCE DES INGENIEURS, le Compoſite immédiatement après l’Ionique, comme ont fait Sca-
mozzy
&
Mr. de Chambray, qui ont regardé avec raiſon le Corin-
thien
comme le plus parfait &
le plus délicat.
Vignole donne 20 modules de hauteur à la Colomne de l’Ordre
compoſé
, en y comprenant ſa Baſe &
ſon Chapiteau; il’diviſe encore
le
module en 18 parties comme dans l’Ordre précédent, &
ſuit à peu-
près
les mêmes proportions pour l’Entablement &
le Piédeſtal; c’eſt-
à-dire
, qu’il donnne à l’entablement 5 modules de hauteur, qui eſt
préciſement
le quart de la Colomne;
mais au lieu de prendre le tiers
de
cette même hauteur pour le Piédeſtal qui devroit être ici de 6
modules
&
12 parties, il le fait un tant ſoit peu plus élevé, lui donnant
7
modules, par conſéquent 6 parties de plus qu’il ne devroit avoir:
11Planch.
40
.
ſans doute qu’il en a uſé ainſi, pour faire paroître cet Ordre encore
22Fig. 4. plus délicat, &
rendre la proportion du Piédeſtal plus agréable, en
faiſant
que la hauteur du ſoit double de ſa largeur, comme on
le
va voir.
Piédeſtal Corinthien.
La hauteur du Piédeſtal ſe faiſant de 7 modules, on donne 22
parties
pour la Baſe, &
14 pour la Corniche, ainſi il reſte 5 modu-
les
10 parties pour la hauteur du , &
comme la largeur du même
doit être de 2 modules 14 parties pour ſe trouver égale à celle
de
la Plinthe de la Baſe de la Colomne, l’on voit comme je le viens
de
dire que la hauteur du ſe trouve double de ſa largeur.
Des 12 parties qui déterminent la hauteur de la Baſe du Piédeſ-
tal
, on en donne 4 à la Plinthe, 3 au Tore, une à la Regle, 3 à la
Doucine
ou Gueule, &
une à l’Aſtragale; & toute la ſaillie eſt de
8
parties.
A l’égard des moulures du , elles ne ſont compoſées
que
de 2 Regles qui ont chacune une partie:
de ces deux Regles,
il
y en a une en bas &
l’autre en haut; celle d’en bas avec ſon Conge
fait
que la largeur du ſe trouve réduite comme nous l’avons déja
dit
à 2 modules 14 parties.
Des 14 parties que doit avoir la Corniche du Piédeſtal, on en
donne
une à l’Aſtragale, 5 au Gorgerin, une au Filet, une à un autre
Aſtragale
, une à l’Ove, 3 à la Goûtiere, une &
un tiers au Talon &
2
tiers de parties au Filet qui eſt au-deſſus, à l’égard de toute la
ſaillie
, elle eſt de 8 parties comme celle de la baſe.
Colomne Corinthienne.
La hauteur de la Baſe de cette Colomne eſt d’un module, ſes
moulures
ſont la Plinthe qui a 6 parties, le Tore inferieur 4, le Fi-
51431LIVRE V. DE LA DE’CORATION. let un quart, la Scotie de deſſous une partie & demie, le Filet un
quart
, l’Aſtragale inferieur une demi, l’Aſtragale ſuperieur auſſi une
demi
, le Filet un quart, la Scotie de deſſus une demi, le Filet un
quart
, enfin le Tore ſuperieur eſt de 3 parties;
à l’égard de la ſaillie
de
la Baſe, elle eſt de 7 parties, par ce moyen la largeur de la Plin-
the
ſe trouve de 2 modules &
14 parties, par conſequent égale à
celle
du du Piédeſtal comme nous l’avons dit ci-devant.
La hauteur du Fuſt de la Colomne eſt de 16 modules 12 parties,
11Planch.
41
.
ſes moulures ſont l’Orle d’enbas avec ſon Chamfrain qui eſt d’une
22Fig. 4. partie &
demi, & l’Orle d’enhaut auſſi avec ſon Chamfrain qui
n’eſt
que d’une partie, &
terminé par un Aſtragale qui en a 2.
La largeur de la Colomne par le bas eſt de 2 modules reduite à
un
module 12 parties par le haut, ainſi la diminution eſt de 3 par-
ties
de chaque côté, &
afin que l’Aſtragale quitermine la Colomne
réponde
au vif de la même Colomne par le bas, on lui donne 3
parties
pour ſaillie.
La hauteur du Chapiteau Corinthien ſe fait de 2 modules 6 par-
ties
:
on donne 2 modules aux Vaſe, Pannier, ou Tambour, & 6 parties à
l’Abaque
, les Feüilles dont le Tambour eſt couvert ont auſſi leurs
proportions
, les plus courtes ont 9 parties de hauteur, depuis leur
naiſſance
juſqu’au ſommet de leur remplis ou courbure, &
leurs
plis
en ont 3, les autres Feüilles qui ſont au-deſſus de celle-ci, les
ſurmontent
de 9 parties, c’eſt-à-dire qu’elles en ont 18 de hauteur
depuis
l’Aſtragale, leur reply eſt auſſi de 3 parties, enfin les Feüil-
les
moyennes qui ſortent des tiges qu’on voit poſées dans les inter-
vales
des grandes Feüilles ont 4 parties;
l’Orle ou bord du Vaſe a
pour
hauteur 2 parties.
Les Volutes qui ſont ſous les angles ou
corne
de l’Abaque ont pour hauteur 8 parties, depuis le deſſous de
leur
enroulement juſqu’au deſſus de l’Orle du Tambour.
L’Abaque
a
comme nous l’avons dit pour hauteur 6 parties dont on en donne
3
à la Plinthe, une à la Regle, &
2 à l’Ove, la largeur de la Campane
ou
Tambour eſt la même que celle de la Colomne, &
doit être par
conſéquent
d’un module 12 parties, &
par le haut de 2 modules 6
parties
, toute la longueur de la diagonale de l’Abaque eſt de 4 mo-
dules
, la ſaillie de la Plinthe eſt de 4 parties, la Regle en a 2 &
de-
mi
de plus;
la largeur des cornes de l’Abaque eſt de 4 parties, &
pour
avoir la ſaillie des Volutes &
des Feüilles, il faut que les unes
&
les autres aillent ſe terminer ſur la ligne tirée du bout de la cor-
ne
de l’Abaque à l’extrémité de l’Aſtragale qui eſt au ſommet de la
Colomne
:
à l’égard de la courbure qui forme l’enfoncement de
l’Abaque
, elle ſe fait par une portion de Cercle qui a pour centre
51532LA SCIENCE DES INGENIEURS, l’angle du triangle équilateral, dont la Baſe eſt égale à la diſtance
du
milieu d’une corne de l’Abaque à l’autre.
Les Feüilles de ce Chapiteau ſont toûjours au nombre de 16,
dont
il y en a 8 à chaque rang, chaque Feüille ſe partage en 7 ou
9
Bouquets, dont on en donne 2, ou pour mieux dire un entier
&
demi de chaque côté pour former le revers, quelquefois ce re-
vers
ſe fait de 3 Bouquets preſque entiers, refendus ſuivant la na-
ture
de la Feüille.
Ces Feüilles ſe font d’Achante, d’Olive, ou de Perſil; mais quand
l’Ordre
Corinthien eſt fort élevé, il vaudroit mieux ſe ſervir des
Feüilles
d’Olives que des autres, parce qu’étant aſſés plates &
rece-
vant
mieux la lumiere que celles dont le travail eſt plus déclicat, el-
les
paroiſſent plus diſtinctement étant vûës d’une grande diſtance,
que
les autres qui ne ſont guére propres qu’à être vûës de près.
Quand on fait ces Feüilles, il faut avoir un ſoin tout particulier
de
les deſſiner de bon goût;
prendre garde qu’en les refendant par
Bouquets
, les Bouquets ne s’écartent trop, mais que toutes en-
ſemble
forment une ſeule Feüille qui ne devienne pas trop étroite
vers
le haut;
que chaque Bouquet tende à trouver ſon origine vers
le
bas de la côte du milieu, autrement les Feüilles n’ont ni graces
ni
beautés.
Entablement Corinthien.
La hauteur de cet Entablement eſt de 5 modules dont on en don-
ne
un &
12 parties à l’Architrave, autant à la Friſe, & 2 mo-
dules
à la Corniche;
les moulures de l’Architrave ſont la Bande
de
deſſous qui a cinq parties, lAſtragale une, la Bande du mi-
lieu
6, le Talon 2, la Bande de deſſus 7, l’Aſtragale une, la
Gueule
droite 4, &
la Regle une; toute la ſaillie de l’Architrave
eſt
de 5 parties, dont on en ôte 3 pour celle de la Gueule droite,
3
&
demi pour celle de la Bande de deſſous, & 4 & demi pour
celle
de la Bande du milieu.
La hauteur de la Friſe eſt auſſi d’un module 9 parties, la Bande
ou
aire de la Friſe a un module 7 parties &
demi, le Fruit avec ſon
Conge
a une demi partie, &
l’Aſtragale en a une entiere, la ſaillie
de
cet Aſtragale eſt de 2 parties.
Les moulures de la Corniche ſont la Gueule droite qui a 3 par-
ties
, le Filet ſous les Denticules une demi partie, la Bande des Den-
ticules
6, le filet au-deſſus une demi, l’Aſtragale une partie, l’Ove
4
, la Regle ſous les modillons une demi partie, la Bande ſont
les
modillons 6 parties, le Talon un &
demi, la Goûtiere 5, le
51633LIVRE V. DE LA DE’CORATION. Talon qui eſt enſuite un & demi, le Filet un demi, la Doucine
qui
eſt au-deſſus 5 parties, &
enfin la Regle qui termine letouten a
une
;
la ſaillie de toute la Corniche eſt de 2 modules 2 parties, on
donne
5 parties pour celle de la Regle, &
de celle-ci il en faut ôter
une
&
demi pour avoir celle des modillons, le Filet ſous les mo-
dillons
en a 17 &
demi, deſquels on en retranche 4 & demi pour
celle
des Denticules, la longueur ou portée des Modillons eſt de
16
parties, leur largeur eſt de 8, &
leur entre-deux de 16, la largeur
de
chaque Denticule eſt de 4, &
leur intervale de 2 parties.
Les ornemens particuliers des Talons ſe font avec des Feüilles de
Chêne
, ou avec des Arceaux entrelaſſés de Feüilles &
de Fleurs,
ceux
des Aſtragales ſe font avec des Olives mêlées de Grains de
Patenotes
ou Grains de Lauriers, à l’égard des œufs qui ſe taillent
ſur
l’Ove, ils doivent répondre à plomb ſur le milieu des Denticu-
les
;
on taille auſſi des muffles ou têtes de Lyon dans la Doucine
qui
doivent répondre au milieu de chaque Modillon.
J’ajoûterai qu’il eſt à propos que les Feüilles des Modillons
ſoient
de la nature de celles qui font l’ornement du Chapiteau plû-
tôt
que de toute autre eſpece.
CHAPITRE SEPTIE’ME.
De l’Ordre Compoſite.
IL y a aparence que les anciens Architectes n’ont aucunes Re-
gles
déterminées pour l’Ordre Compoſite.
Vitruve, après avoir
expliquéles
meſures du Corinthien, dit à la fin du premier Chapitre
de
ſon quatriéme Livre, qu’il y a d’autres ſortes de Chapiteaux de
differens
noms, que l’on met ſur les mêmes Colomnes, mais dont il
ne
peut marquer les proportions, ni leur donner le nom d’un Or-
dre
, parce qu’étant pris du Dorique, Ionique, &
Corinthien, on en
a
changé les moulures pour en faire d’autres nouvelles.
Ce ſont à
peu-près
ſes termes;
d’où l’on peut conclure, que dans le tems que
cet
Auteur a écrit, l’Ordre Compoſite n’étoit pas ſeparé des autres,
mais
dépendoit du goût &
du caprice de ceux qui ne voulant pas
imiter
exactement les trois Ordres Grecs ſe donnoient la liberté d’y
faire
tous les changemens que pouvoit fournir leur imagination;
ainſi, les Architectes modernes ont crû ne pouvoir mieux faire
pour
établir quelque choſe de certain pour l’Ordre Compoſite, que
51734LA SCIENCE DES INGENIEURS, de meſurer exactement quelques-uns des plus beaux Ouvrages de
l’Antiquité
quinous ſont reſtés dans ce goût-la, &
s’en ſervir comme
de
modeles &
de regles aſſurées pour en déterminer les proportions,
s’attachant
d’ailleurs à lui donner les membres &
les moulures les
plus
delicates &
les ornemens les plus recherchés.
Vignole ne met point de difference entre les meſures generales
de
cet Ordre &
celles du Corinthien, donnant encore 20 modules
de
hauteur à la Colomne Compoſite, y compris ſa Baſe &
ſon Cha-
piteau
, 7 au Piédeſtal qui eſt un peu plus du tiers de la Colomne
pour
les raiſons que l’on a ci-devant, &
5 à l’Entablement qui
eſt
toûjours du quart dela Colomne:
ainſi, ce n’eſt que dans les
meſures
particulieres des moulures, &
dans la figure du Chapiteau,
que
cet Ordre differe du Corinthien.
Piédeſtal Compoſite.
La Baſe du Piédeſtal eſt de 12 parties, ſur quoi l’on en donne 4
11Planch.
40
.
à la Plinthe, 3 au Tore, une à la Regle, 3 au Talon renverſé, &

22Fig. 5. une au Cordon;
toute la ſaillie eſt de 8 parties.
La hauteur du Tronc du Piédeſtal eſt de 5 modules 10 parties, &
ſa
largeur de 2 modules 14 parties, ſes moulures ſont la Regle in-
ferieure
&
ſuperieure avec leurs Chanfrains, qui ont chacun une
partie
.
La hauteur de la Corniche du Piédeſtal eſt de 14 parties, ſur quoi
l’on
en donne une à l’Aſtragale, 5 au Gorgerin ou à la Friſe, une
au
demi-creux, deux tiers au Filet, une &
un tiers à la Doucine, 3
parties
à la Goûtiere, une &
demi au Talon, & deux tiers à la Re-
gle
;
quant à la ſaillie elle eſt égale à celle de la Baſe, c’eſt-à-dire,
qu’elle
eſt de 8 parties, le ſoffite de la Goûtiere eſt creuſé par-deſ-
ſous
d’un Canal qui laiſſe en dehors une Bande d’une partie.
Il y a des Architectes qui mettent des Tables en ſaillie ou en
creux
dans le de ce Piédeſtal, ſans conſiderer le caractere de
l’Ordre
.
Ces Tables à la verité font un fort bel effet: mais, il faut
prendre
garde qu’elles ne doivent avoir de ſaillie qu’aux Ordres
Toſcan
&
Dorique; car aux 3 autres Ordres elles doivent être
priſes
en dedans.
Il eſt vrai, que les Anciens n’ont pas pratiqué ces
eſpeces
d’ornemens aux Piédeſtaux, ayant toûjours laiſſé nud les
faces
du , parce qu’aparament ils aprehendoient que cela fût
contraire
à la ſolidité.
51835LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
Colomne Compoſite.
La Baſe de la Colomne eſt encore d’un module ou de 18 parties,
ſur
quoi l’on en donne 6 à la Plinthe, 4 au Tore inferieur, un quart
au
Filet, 2 parties à la Scotie inferieure, un quart au Filet, 3 parties
au
Tore ſuperieur, un demi à l’Aſtragale, un quart au Filet, un &

demi
à la Scotie ſuperieure, un quart au Filet, &
3 parties au Tore
ſuperieur
;
la ſaillie eſt de 7 parties de chaque côté, & ainſi la Plin-
the
en front eſt de 2 modules 14 parties, il en faut ôter 3 parties
3
quarts pour la ſaillie du Tore ſuperieur, pour celle de l’Aſtragale
4
&
demi, & 5 pour celle du Filet.
Le Fuſt de la Colomne a pour hauteur 16 modules 12 parties,
ſes
moulures ſont l’Orle inferieur avec ſon Chanfrain qui a une
partie
&
demi, le Tronc a 16 modules 7 parties & demi, l’Orle
ſuperieur
avec ſon Chanfrain une partie, &
l’Aſtragale 2, la groſ-
ſeur
du pied de la Colomne eſt de 2 modules, &
réduite par le
haut
à un module 12 parties, ainſi la diminution eſt de 3 parties
de
chaque côté:
la ſaillie de l’Orle inferieur eſt de 2 parties, celle
du
ſuperieur d’un &
demi, & celle de l’Aſtragale de 3, afin qu’il
réponde
au vif de la Colomne.
La hauteur du Chapiteau eſt de 2 modules 6 parties comme au
11Planch.
41
.
Corinthien, le Tambour a 2 modules, &
l’Abaque 6 parties, les
22Fig. 5. membres du Tambour ſont les Feüilles baſſes qui ont 9 parties,
leur
repli 3, les Feuilles hautes 9, leur repli 3, l’eſpace des Ro-
ſetes
4, l’Orle un’demi, l’Aſtragale un &
demi, l’Ove 4 parties,
l’Orle
de la Campane 2;
les membres de l’Abaque ſont la Plinthe
ou
Goutiere qui a 4 parties, le Filet une demi, l’Ove une &
demi,
la
hauteur des Volutes 16 parties, depuis le haut des Feuilles juſ-
qu’au
Filet de l’Abaque;
les ſaillies dépendent du Plan & du Profil
ſur
la diagonale comme au Corinthien, ſur lequel il faut tirer une
ligne
du coin de l’Ove de l’Abaque juſqu’à l’Aſtragale du Fuſt de
la
Colomne qui déterminera celle des Feuilles, &
ſi l’on tire une
ligne
parallele aux moulures de l’Abaque par le point la ligne de
la
hauteur de la Volute eſt diviſée, enſorte qu’elle laiſſe 9 parties
au-deſſus
&
7 au-deſſous, & qu’on prenne ſur cette ligne en dedans 8
parties
, à commencer du point elle coupe celle qui détermine
les
ſaillies, l’on aurale centre de l’œil de la Voulute qui ſe décrira com-
me
l’Ionique, avec cette difference ſeulement que les Ioniques
ſont
droites ou plattes ſur les deux faces anterieures ou poſterieu-
res
du Chapiteau, au lieu que celles-ci ſuivent le contour du ren-
51936LA SCIENCE DES INGENIEURS, foncement des 4 faces du Chapiteau. A l’égard de la ſtructure du
plan
&
du contour du renfoncement de l’Abaque, c’eſt la même
choſe
qu’au Corinthien, la ſaillie de l’Ove ſur le vif du haut de la
Colomne
a 6 parties, celle de l’Aſtragale 3, &
celle de l’Orle 1
&
demi: le front des cornes de l’Abaque eſt de 6 parties, ſa largeur
diagonale
eſt de 4 modules, dont on ôte 4 parties de chaque côté
pour
la goutiere de l’Abaque, &
2 & demi pour le Filet, la largeur
de
la fleur du milieu eſt de 8 parties.
Entablement Compoſite.
L’Architrave a 1 module 9 parties, ſur quoi l’on en donne 8 à
la
premiere Bande, 2 au Talon, 10 à la ſeconde Bande, 1 à l’Aſ-
tragle
, 3 à l’Ove, 2 au Demi-Creux, &
une à la Regle: la ſaillie
a
7 parties, dont l’on ôte 2 pour le pied du Demi-Creux, &
5
pour
la ſeconde Bande.
La Friſe a auſſi 1 module 9 parties, ſur quoi l’on en donne 1 &
demi
au Filet avec ſon Chanfrain, &
1 au Cordon ou Aſtragale.
La Corniche a 2 modules ou 36 parties, dont l’on donne 5
à
l’Ove, 1 à la Regle ſous les Denticules, 8 à la Bande des Denti-
cules
, 4 au Talon, 1 à la Regle, 1 &
demi à l’Ove, 5 à la Gou-
tiere
, 1 à l’Aſtragale, 2 au Talon, 1 à la Regle, 5 à la Doucine, &

1
&
demi à la Regle; la ſaillie eſt égale à la hauteur, c’eſt-à-dire a
2
modules, dont il faut ôter 5 parties pour celle de la Regle, &
8
pour
la Goutiere, &
de celle-ci 10 pour celle de la Regle, la ſaillie
de
la Bande des Denticules eſt de 14 parties, celle de la Regle ſous
les
Denticules 8, &
celle du pied de l’Ove 2. Sous le ſoffite de la
Goutierre
on entaille un Canal, dont le contour doit ſuivre agrea-
blement
celui de l’Ove de deſſous, &
laiſſe une Bande en dehors
de
la largeur de deux parties, le front des Denticules eſt de 6 par-
ties
, &
leur intervale de 3; dans le fond des intervales on laiſſe une
Regle
ſous le Talon, creuſée à la moitié &
ſoutenuë de deux pe-
tits
ronds.
L’on fait auſſi des canelures aux Colomnes Corinthiennes & Com-
poſites
, de la façon que nous avons dit qu’on le pratiquoit à l’Io-
nique
, c’eſt-à-dire qu’elles doivent être au nombre de 24 &
tracées
de
même:
on taille quelquefois dans ces canelures, pour rendre leurs
côtes
moins fragiles &
moins ſujettes à être briſées, certains orne-
mens
qu’on nomme Rudentures, qui ont la figure de cordes ou de ba-
tons
;
par exemple, quand on fait des Colomnes ou des Pilaſtres ca-
nelées
ſans piédeſtaux &
poſées à crû ſur le rez-de-Chauſſée, ou du
520
[Empty page]
521 51[Figure 51]
522
[Empty page]
523
[Empty page]
524 52[Figure 52]
525
[Empty page]
52637LIVRE V. DE LA DE’CORATION. moins ſi peu élevées qu’on les peut toucher de la main, il faut ru-
denter
les canelures juſqu’au tiers de leur hauteur, c’eſt-à-dire qu’il
faut
les remplir en partie juſqu’à cette hauteur de ces Rudentures,
afin
d’en fortifier les côtes qui autrement ſeroient bien-tôt ruinées.
Ces Rudentures, qui furent d’abord imaginées pour l’utilité, ont
donné
enſuite occaſion d’en faire des ornemens pour enrichir les
canelures
:
ainſi au lieu de ces Rudentures fortes & ſimples, on en
fait
quelquefois de très legeres, on les travaille en figures de ru-
bans
tortillés, de feüillages, de chapelets, de fleurons &
autres or-
nemens
délicats &
fort riches; mais, cesſortes de Rudentures ne doi-
vent
être pratiquées que dans des Colomnes ou des Pilaſtres de
Marbre
, &
qui ſont hors la portée des mains du public.
Il faut que le nombre des canelures ſoit moindre, lorſqu’on y
taille
de ces ornemens pour les degager davantage, enſorte qu’au
lieu
de 24 qui ſont ordinairement au Corinthien, il n’y en ait que
20
, &
même que chaque côté n’ait environ que le quart de la lar-
geur
de la canelure.
On diſpoſe ces ornemens de differentes manie-
res
, les faiſant ſortir du Roſeau de la longueur du tiers du Fuſt
comme
aux Colomnes Ioniques des Thuileries, ce qui eſt la meil-
leure
maniere, en les eſpaçant ſans Roſeaux, comme lorſqu’il n’y
a
dans chaque Canelure qu’une branche au bas, une autre au tiers
ou
à la moitié, &
une troiſiéme au haut, ou enfin par petits bouquets
mêlez
alternativement dans les canelures.
Remarques ſur les cinq Ordres en général, ſuivies de l’Ex-
plication
de quelques Fragmens des plus beaux Ediſices
antiques
de Rome.
Si l’on en veut croire Mr. de Chambrai, l’Orde Toſcan ne doit être
employé
qu’aux Maiſons de Campagne, c’eſt-à-dire aux lieux ruſti-
ques
&
champêtres: il eſt vrai que de la maniere dont Vitruve,
Palladio
, &
quelques autres l’ont traité, il n’a rien de recommanda-
ble
;
mais il faut convenir, que, ſuivant la Compoſition de Vignole,
il
a dans ſa ſimplicité des beautez qui le rendent très eſtimable.
L’Ordre Dorique peut paſſer pour le premier que les Grecs ont
inventé
, ſa compoſition eſt grande &
noble, les Trigliphes qui font
l’ornement
de la Friſe ont quelque choſe de gracieux &
de fier;
dans les plus anciens Monumens qu’on a fait de cet Ordre, les Co-
lomnes
y étoient ſans baſe, &
on eſt aſſés embarraſſé d’en donner
une
raiſon ſatisfaiſante.
Vitruve veut qu’étant compoſèes à l’imita-
tion
d’un homme nud, fort &
nerveux, tel que ſeroit un Hercule,
52738LA SCIENCE DES INGENIEURS, elles ne doivent point avoir de baſe, voulant qu’une baſe ſoit à la
Colomne
ce qu’une chauſſure eſt à l’homme;
mais, j’avouë que je ne
puis
conſiderer une Colomne ſans baſe, en la comparant à un hom-
me
, qu’en même-tems je n’aye l’idée d’un homme ſans pieds, plû-
tôt
que ſans chauſſure:
ainſi, j’aime mieux croire que les premiers
Architectes
ne s’étoient pas encore aviſez de donner des baſes à leurs
Colomnes
, lorſqu’ils imaginerent cet Ordre.
Vitruve prétend, que les Colomnes de l’Ordre Ionique ont été
compoſées
ſur le modéle d’une jeune fille coëffée en cheveux, &

d’une
taille gracieuſe:
les Romains les employoient particuliere-
ment
aux Temples, &
aux endroits l’on rendoit la Juſtice. A l’é-
gard
de la baſe que Vignole leur donne, elle paroît de mauvais goût,
le
gros Tore qui la termine faiſant un vilain effet ſur les Aſtragales
&
les Cavets qui ſont au-deſſous: les Anciens y mettoient ordinai-
rement
une baſe attique, ſemblable à celle qui eſt repreſentée par
la
7e figure de la Planche 40.
Comme on peut s’en ſervir indiffe-
11Planch.
40
.
remment dans les trois derniers Ordres, &
qu’elle eſt plus belle que
22Fig. 7. toutes celles de Vignole, je vais en donner les proportions, afin
que
dans l’occaſion on puiſſe en faire uſage.
La hauteur de cette baſe eſt d’un module comme à l’ordinaire,
ſes
moulures ſont la Plinthe qui a 6 parties, le Tore inferieur 4 &

demi
, l’Orle inferieur un demi, la Scotie 3 parties, l’Orle ſuperieur
un
demi, &
le Tore ſuperieur 3 & demi, toute la ſaillie eſt de 7 par-
ties
, dont on en donne 2 tiers pour celle du Tore ſuperieur, 4 &

demi
pour celle de l’Orle qui eſt au-deſſous, &
6 pour le Creux
de
la Scotie.
La figure 6e repreſente encore une autre baſe de fort bon goût,
qui
eſt un peu plus ornée que l’autre, mais cependant ſans confu-
ſion
, elle eſt compoſée de la Plinthe qui a 6 parties, du Tore in-
ferieur
qui en a 3 &
demi, d’un Aſtragale qui en a 1, d’un Filet qui
n’a
qu’une demie, d’une Scotie qui en a 2 &
demi, au-deſſous de
laquelle
eſt un Filet de demie partie, un Aſtragale de 1 partie, le
tout
terminé par un Tore qui en a 3, les ſaillies ſont les mêmes
que
les précedentes.
L’Ordre Corinthien eſt le plus noble, le plus riche, & le plus dé-
licat
de tous ceux qui ont été imaginés par les Anciens &
les Mo-
dernes
, (car les Modernes ont auſſi voulu inventer un Ordre, mais
avec
peu de ſuccès.)
Les proportions que lui donne Vignole me pa-
roiſſent
fort belles:
on lui reproche ſeulement d’avoir mis dans la
Corniche
de l’Entablement des Denticules avec des Modillons;
par-
ceque
, dit-on, cela eſt contraire à la Regle preſcrite par Vitruve, qui
52839LIVRE V. DE LA DE’CORATION. les condamne, & qui ne veut de Denticules qu’aux Ordres Dori-
que
&
Ionique. Cependant, il ſemble que les meilleurs Architectes
de
notre tems ne ſe ſont pas arrêtés au ſentiment de Vitruve, puiſ-
qu’ils
en ont mis dans tous les autres Ordres, excepté au Toſcan;
&
je
ne vois pas qu’on puiſſe leur en faire un crime, puiſqu’elles pro-
duiſent
un fort bel effet:
mais il y a des gens qui ont un reſpect
ſuperſticieux
pour tout ce qui vient des Anciens, &
dont la pré-
vention
eſt ſi grande, que les meilleures raiſons ne ſont pas capa-
bles
de les deſabuſer.
Vitruve raporte un trait aſſés ſingulier au ſujet de l’Invention de
cet
Ordre:
il dit qu’une jeune Fille de Corinthe étant morte, ſa
nourrice
mit ſur ſon tombeau un Panier dans lequel étoient quel-
ques
petits Vaſes qu’elle avoit aimés pendant ſa vie;
& , pour em-
pêcher
que la pluye ne les gâtât, elle mit une Thuile ſur le Panier,
qui
par haſard ayant été poſé ſur une racine d’Acanthe, il arriva
qu’au
Printems les Feüilles venant à pouſſer au tour du Pannier ſe
recourberent
ſous les coins de la Thuile elles formerent une
maniere
de Volute, &
quele Sculpteur Callimachus s’étant apperçû
de
l’effet ſingulier &
gracieux que produiſoient ces Feüilles ainſi
diſpoſées
profita de l’idée que lui fournit la Nature pour en com-
poſer
le Chapiteau qu’on a depuis nommé Corinthien.
Je n’ai rien à dire de particulier ſur l’Ordre Compoſite, en ayant
aſſés
fait mention dans les Chapitres précédens:
j’ajoûterai ſeule-
ment
qu’on n’approuve point que Vignole ait donné la même pro-
portion
à la Colomne de cet Ordre, qu’à celle du Corinthien, puiſ-
que
naturellement il devoit avoir égard à la difference de leurs
Chapiteaux
;
on lui reproche auſſi d’avoir fait les Entablemens de
ces
deux derniers Ordres trop lourds, &
d’y avoir employé des
Denticules
plus groſſieres que dans le Dorique, puiſqu’il ſemble
qu’il
auroit faire tout le contraire.
Si les Ordres d’Architecture avoient des beautés poſitives &
bien
connuës, comme l’a voulu inſinuer Mr.
Perrault dans la Pré-
face
de ſon Livre de l’Ordonnance des cinq eſpeces de Colomnes ſelon la
Méthode
des Anciens, les Architectes auroient été obligés de conve-
nir
entr’eux de leurs regles;
mais, ces beautés n’étant qu’arbitraires,
puiſqu’elles
ne ſont fondées ſur aucune démonſtration conſtante,
ceux
qui en ont traité nous ont donné des principes bien oppoſés
ſuivant
leur goût &
leur genie. Cependant, quoiqu’un même Ordre
puiſſe
avoir des beautés &
des proportions différentes, on convient
qu’il
eſt conſtant qu’entre ces diverſes beautés &
proportions il y en
a
qui plaiſent davantage, &
qui ſont plus univerſellement aprouvées;
52940LA SCIENCE DES INGENIEURS, & c’eſt ce que l’on peut dire des Ordres de Palladio & de Vignole.
Et pour qu’on en puiſſe faire le Paralelle, il eſt bon qu’on ſoit pré-
venu
que les cinq Ordres qui ſontſur les Planches 37.
38. & 39. ſont
ceux
de Palladio, que je ne m’arreterai point à détailler, pour ne
pas
groſſir ce Livre mal-à-propos:
il ſuffira ſeulement, qu’en con-
ſiderant
avec attention les deſſeins de cet Auteur, on ſe mette en
état
de juger en voyant un Edifice s’il eſt décoré ſelon lui ou Vi-
gnole
;
car, il eſt bien aiſé de ne pas prendre le change, la compoſi-
tion
de ce dernier étant beaucoup plus grande &
plus majeſtueuſe.
Pour faire voir que c’eſt avec juſtice que j’ai donné, dans le com-
mencement
de ce cinquiéme Livre, tant d’Eloge à l’Architecture
ancienne
, je vais expliquer quelques Fragmens des plus beaux Edi-
fices
de Rome, que j’ai tiré du Paralelle de l’Architecture antique avec
la
moderne de Mr.
de Chambray, qui peut paſſer ſans contredit pour
un
des grands hommes de ſon tems, &
le plus habile Architecte
que
nous ayons en France:
l’honneur qu’il fait à la Nation mé-
rite
bien que je m’arrête un moment pour rapporter quelques traits
de
ſon Hiſtoire;
les habiles gens m’en ſauront gré, & je m’acqui-
terai
en partie de la reconnoiſſance que je dois à ſa mémoire pour
les
lumieres que j’ai tirées de la lecture de ſes Ouvrages.
Rollant Freart de Chambray, Couſin germain de Mr. Deſnoyers, Se-
cretaire
d’Etat de la Guerre &
Surintendant des Bâtimens ſous Loüis
XIII
.
fut envoyé à Rome par Ordre de Sa Majeſté en 1640, pour
négocier
des Affaires importantes avec Sa Sainteté.
Ce fut dans ce
Voyage
, qu’aidé de Mr.
de Chantelou ſon frere, & de Mr. Pouſſin le
Raphaël
de ſon ſiécle, il recueillit ce que l’Italie pouvoit offrir de
plus
rare &
de plus curieux. De retour en France, on le députa une
ſeconde
fois pour faire benir deux Couronnes de Diamans que leurs
Majeſtés
offroient à N.
Dame de Lorette en action de grace de la
naiſſance
du Dauphin, c’eſt-à-dire de Loüis le Grand;
& comme le
Roy
avoit été fort ſatisfait des ſavantes Recherches de ſon premier
Voyage
, il luiordonna d’en faire de nouvelles, &
de nerien négliger
pour
tout ce qui pouvoit contribuer à la perfection de l’Architec-
ture
, &
à la beauté du Louvre que l’on bâtiſſoit alors. C’eſt à ces
deux
Voyages, que nous devons en partie ſon excellent Livre du
Paralelle
.
Louïs XIV, voulant faire continuer le Bâtiment du Louvre, en-
gagea
par ſon Ambaſſadeur à Rome le Cavalier Bernin, Architecte
fameux
, de venir en France:
il n’y fut pas plûtôt arrivé, que Mr. de
Chambray
eût ordre de travailler de concert avec lui;
mais, l’Italien
ne
fut pas longtems ſans connoître combien les connoiſſances de
530
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531 53[Figure 53]
532
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53341LIVRE V. DE LA DE’CORATION. Mr. de Chambray étoient ſuperieures aux ſiennes; & ce quieſt éga-
lement
à la louange de tous deux, c’eſt que le Cavalier Bernin dit
au
Roi, que Sa Majeſté auroit ſe diſpenſer de le faire venir de ſi
loin
, puiſqu’il avoit trouvé dans Mr.
de Chambray un Maître qu’il
ſe
feroit honneur de ſuivre, &
qu’il n’étoit pas aſſés temeraire pour
rien
changer à ſon projet.
Exemple rare, la concurrence s’eſt
dépoüillée
de ſes propres interets pour rendre hommage au vrai
mérite
;
mais, cela ne doit pas ſurprendre: les grands Hommes ont
toûjours
des traits qui marquent leur caractere, au lieu que l’igno-
rance
croit ſe ſignaler, &
trouver de la reſſource, dans les ſentimens
de
jalouſie qu’elle fait éclater.
Comme il ne reſte aucun ancien Monument de l’Ordre Toſcan
qui
ſe ſoit trouvé digne de quelque attention, Mr.
de Chambray
n’en
donne point d’exemple;
mais, en récompenſe, on a lieu d’être
ſatisfait
de ceux qu’il raporte des autres Ordres:
& comme, tout ad-
mirables
qu’ils ſont, on ne peut les regarder ſans faire quelque
choix
, puiſqu’il ſe trouve de chaque Ordre en particulier des Pro-
fils
mieux proportionnés les uns que les autres, je me ſuis attaché
à
décrire les plus aprouvés dans le rang qui leur convenoit relati-
vement
à celui que Vignole donne aux ſiens.
Si l’on conſidere la Planche 43. l’on verra qu’elle repreſente un
11Planch.
43
.
Chapiteau &
un Entablement Dorique tirés des Termes de Diocle-
tien
.
Ce morceau eſt regardé comme un des plus excellens de tous
les
ouvrages antiques de cet Ordre, ſa compoſition eſt noble &

réguliere
, les ornemens ſont apliqués avec goût ſur chaque mem-
bre
, en enrichiſſant les uns ſans bleſſer les autres.
Comme la Colomne ne ſubſiſte plus en entier, on ne peut juger
poſitivement
des proportions generales qu’on y a ſuivi:
cependant,
l’on
remarque que l’entablement eſt de 4 modules;
ce qui fait pré-
ſumer
que la Colomne en avoit 16, parceque les Anciens ont preſ-
que
toûjours donné à la hauteur de l’Entablement le quart de la
Colomne
:
quant à ſa Baſe, Mr. de Chambray ne la raporte point,
parce
qu’aparamment il n’en paroit plus, la barbarie de certains
ſiécles
ayant tellement défiguré la plupart des anciens Monumens,
que
ce n’eſt qu’avec bien de la peine qu’on en a tiré quelque mor-
ceau
entier.
La 44e. Planche repréſente un Profil Ionique qui peut paſſer pour
22Planch.
44
.
l’ouvrage le plus parfait qui nous ſoit reſté des Anciens.
Mr. de Cham-
bray
le regarde comme le Chef-d’œuvre de la plus haute Perfec-
tion
.
Palladio, qui l’a auſſi raporté dans le treiziéme Chapitre de
ſon
quatriéme Livre, ne peut lui donner trop d’éloge;
& quand on
53442LA SCIENCE DES INGENIEURS, manqueroit de goût pour en connoître toute la beauté, il ſuffiroit
du
Jugement de ces deux grands Maîtres pour en ſentir le prix.
L’Ordre entier, depuis le rez-de-Chauſſée juſqu’à la Corniche, a
pour
hauteur 11 diamêtres ou 22 modules, la Colomne avec ſa
Baſe
&
ſon Chapiteau en a 18, & l’Entablement c’eſt-à-dire l’Ar-
chitrave
, la Friſe, &
la Corniche en a 4, qui eſt un peu moins du
quart
de la Colomne.
Si l’on veut juger de la proportion des autres
parties
, on n’aura qu’à conſiderer les chiſſres qui ſont cottés à l’en-
droit
de chaque membre:
ſurquoi il eſt à propos que j’avertiſſe
que
Mr.
de Chambray diviſe le module en 30 parties égales qu’il
nomme
minutes.
La Planche 45 comprend un Profil Corinthien ſi riche & ſi ſu-
11Planch.
45
.
perbe, qu’il ne paroit pas qu’on puiſſe rien faire de plus magnifique
que
ce qu’on voit dans cet exemple, qu’on ne peut imiter à pro-
pos
, dit Mr.
de Chambray, qu’avec beaucoup de prudence & de cir-
conſpection
;
car l’abondance des ornemens eſt ſujette à embroüil-
ler
s’ils ne ſont employés avec œconomie, autrement ils font naître
une
confuſion qui bleſſe l’œil des connoiſſeurs;
& c’eſt en effet ce
que
j’ai remarqué à Paris à quelque Portail d’Egliſe que l’on a gâté
en
le chargeant d’ornemens ſuperflus:
je croi qu’on ſentira bien,
que
je ne veux point parler de celui de St.
Gervais, qui peut paſſer
pour
le morceau d’Architecture le plus accompli que nous ayons
en
France.
Pour expliquer les proportions generales du profil dont il eſt
queſtion
preſentement, l’on ſaura que la Colomne avec ſa Baſe &

ſon
Chapiteau a 20 modules, que l’Entablement a deux neuviémes
de
la hauteur de la Colomne, ſur quoi l’Architrave &
la Friſe ont
chacun
un module &
un tiers, c’eſt-à-dire 40 minutes, & la Cor-
niche
deux modules moins 8 minutes, c’eſt-à-dire 52 minutes.
Quant à la Baſe de la Colomne, elle me paroit de fort bon goût,
étant
compoſée de pluſieurs moulures qui font enſemble un tout
qui
réüſſit fort bien.
La Planche 46. comprend encore un’autre Profil Corinthien,
22Planch.
46
.
qu’on a compoſé ſur l’idée que pluſieurs Hiſtoriens célébres don-
nent
de quelque partie du Temple de Salomon;
& comme il me
ſiéroit
mal d’entrer dans aucune Diſſertation critique ſur un Sujet ſi
équivoque
, je prens le parti de raporter à la lettre ce qu’en dit Mr.
de Chambray, & je laiſſe au Lecteur éclairé d’en porter le juge-
ment
qu’il jugera à propos.
Voici, dit-il, un Ordre particulier, mais d’une excellente Com-
poſition
:
& , quoique je n’oſe pas aſſurer que ce Profil ſoit préci-
53543LIVRE V. DE LA DE’CORATION. ſément le même que celui du Temple de Salomon (qui eſt le Mo-
dele
que je me ſuis propoſé) neanmoins, autant qu’on peut apro-
cher
de cette divine Idée par la Deſcription qui en paroit dans la
Bible
, &
en quelques Hiſtoriens célébres que Vilalpandus raporte
en
ſon grand Ouvrage, les ornemens &
toutes les principales
proportions
de chaque membre ſont exactement ſpecifiés;
je crois
qu’il
lui eſt aſſés conforme.
La Compoſition en eſt toute Corin-
thienne
, quoique les Feüillages du Chapiteau &
ſes Caulicoles
ſoient
de Palmes, &
que la Friſe de l’Entablement ait emprunté
l’Ornement
Dorique quiſont des Trigliphes, la Solidité deſquels
n’a
pas beaucoup de conformité avec la Délicateſſe Corinthienne.
Mais, quelque Nom qu’on veüille donner à cet Ordre, neanmoins
Joſephe
dit que c’étoit le Corinthien.
Il eſt aſſuré, qu’il n’y en a
jamais
de plus parfait:
& , bien que le Corinthien ſoit un Or-
dre
tendre &
virginal, lequel ne demande pas cette Fermeté & Vi-
rilité
Dorique qui nous eſt ſymboliſée par les Trigliphes, ſi eſt-ce
qu’on
peut en certaines occaſions l’y introduire avec tant d’a-
dreſſe
&
de raiſon, qu’elle ſera non-ſeulement excuſable, mais
très-judicieuſe
.
L’Ordre Compoſite étant celui qui ſouſſre le plus de difficulté
11Planch.
47
.
dans l’execution, à cauſe de l’incertitude des proportions que lui ont
donné
les Anciens, je croi qu’on ſera bien aiſe d’en voir un exemple
ſur
la Planche 47.
qui repreſente un Profil tiré de l’Arc de Titus à Ro-
me
.
Comme cet Arc de Triomphe fut élevé à la gloire de Titus au re-
tour
de la Conquête de Jeruſalem, Mr.
de Chambray croit que
l’Architecte
qui le conſtruiſit y avoit ſuivi cet Empereur, , ſelon
toute
aparence, il étudia les Beautés du Temple, ayant introduit
dans
les Ornemens de la Friſe ſes principales Dépoüilles, comme le
Chandelier
à ſept branches qui étoit dans le Sanctuaire, la Table
d’Or
qui ſervoit à mettre le Pain de Propoſition, &
pluſieurs autres
choſes
touchant les Sacrifices, qui ſe voyent encore aujourd’hui.
Il
ajoûte
, que cet Arc eſt le premier &
le plus achevé qui ait été éle-
à la Gloire des Héros.
54[Figure 54]
53644LA SCIENCE DES INGENIEURS,
CHAPITRE HUITIE’ME.
Des Colomnes & de leur Diminution, des Perſiques, & des
Cariatides
.
SI l’on juge de l’origine des’Colomnes par ce qu’en diſent quel-
ques
Hiſtoriens, il y a apparence qu’elles ſont trés anciennes,
&
que l’uſage en étoit frequent long-tems avant l’Invention des Or-
dres
.
On les fit ſervir d’abord de Monumens pour éterniſer la memoi-
re
des grands hommes, ou pour marquer à la poſterité la reconnoiſ-
ſance
des bienfaits qu’on en avoit reçûs:
après leur mort, on dreſ-
ſoit
une Colomne, au ſommet de laquelle étoit l’Urne qui renfer-
moit
leurs cendres, &
il y a apparence que c’eſt cette Urne qui a
donné
lieu au Chapiteau dont on s’eſt ſervi depuis pour les cou-
ronner
agreablement.
Vitruve dit que les premieres Colomnes, qui parurent en Grece,
furent
celles du Temple de Junon dans Argos;
& que les Doriens,
ne
ſachant quelle proportion leur donner, conſidererent que le pied
de
l’homme étoit ordinairement la ſixiéme partie de ſa hauteur, &

ſur
cet exemple ils firent les Colomnes ſextuples de leur groſſeur:
en-
ſuite
, ils en augmenterent la hauteur au Temple de Diane à Epheſe,
parce
qu’ils voulurent leur donner des meſures proportionnées à
la
ſtature des femmes de leur Païs.
Quoiqu’il en ſoit, les Architec-
tes
ont toûjours paru fort partagez ſur la hauteur qu’il falloit leur
donner
pour chaque Ordre:
c’eſt pourquoi, nous nous en tiendrons
aux
proportions de Vignole, ſans nous arrêter à raporter tout
ce
qu’on pourroit dire ſur ce ſujet.
Les premiers Architectes ayant fait les Colomnes à l’imita-
tion
des arbres, qui ſont ordinairement plus gros par le pied que
vers
le haut, ils les ont auſſi diminuées dans le même goût:
mais,
comme
l’on s’eſt aperçu que cette diminution produiſoit un effet
deſagreable
, on s’eſt contenté de ne la commencer qu’au tiers de
la
tige;
c’eſt-à-dire, qu’ayant diviſé la hauteur de la tige en trois
parties
égales, la premiere reſte a plomb &
partfaitement cilindri-
que
, &
les deux autres vont en diminuant imperceptiblement juſ-
qu’à
l’Aſtragale:
cette diminution ſe fait plus ou moins ſenſible,
ſelon
la groſſeur ou la delicateſſe des Colomnes, &
c’eſt ce que l’on
a
remarquer dans les Chapitres precedens.
537
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538 55[Figure 55]
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550 59[Figure 59]
551
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55245LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
On a auſſi donné du renflement aux Colomnes à l’imitation du
corps
humain, qui eſt plus large vers le milieu que vers les extré-
mitez
:
mais, les Architectes ſont encore partagez ſur ce ſujet, parce
qu’on
n’en a point d’exemple antique;
il y en a même, qui traitent
ce
renflement d’abus inſuportable:
cependant, l’uſage de renfler les
Colomnes
à leurs tiers eſt ſi pratiqué par les modernes, qu’on n’en
voit
preſque point quine le ſoient:
c’eſt pourquoi on a cherché plu-
ſieurs
moyens pour le faire agreablement;
car, moins il eſt ſenſible,
&
plus il eſt beau. Or, pour ſavoir de quelle maniere on doit les
diminuer
ou les renfler, voici les deux Pratiques que donne Vigno-
le
, que je raporterai preferablement à pluſieurs autres qui ſont à la
verité
moins mécaniques, mais plus difficiles à executer.
Maniere de diminuer les Colomnes.
Après avoir déterminé la hauteur & la groſſeur des Colomnes,
11Planch.
48
.
avec la quantité dont on veut qu’elle diminue depuis le tiers juſ-
qu’au
haut, il faut d’écrire un demi-cercle ſur le diamêtre CD, en-
ſuite
mener la parallele GE à l’Axe AB, enſorte qu’elle vienne ren-
contrer
le demi-cercle au point E, afin d’avoir l’arc CE:
l’on divi-
ſera
enſuite la ligne AM en un certain nombre de parties égales,
comme
en 10 ou 12;
mais, je me contenterai de ne la diviſer ici
qu’en
ſix, afin de rendre la figure moins confuſe:
il faut diviſer de
même
l’Arc CE en autant de parties égales que la ligne AM, &
par
chaque
point de diviſion mener des paralleles à l’Axe:
on menera
auſſi
par les points I d’autres paralleles au diamêtre CD, qui, venant
rencontrer
les précédentes, donneront les points K qui marqueront
de
combien la Colomne doit diminuer.
Or, pour tracer cette dimi-
nution
, il faut prendre une grande Regle flexible, &
la faire paſſer
par
tous les points que la courbe doit rencontrer.
Maniere de renfler les Colomnes.
Ayant déterminé les meſures de la Colomne & tiré le diamêtre
DE
, qui doit paſſer par le tiers de l’Axe AB comme ci-devant, il
faut
avec le Compas prendre le demi-diamêtre CE, (que je ſupoſe
égal
à celui de la Colomne) &
le porter à l’extrémité G du diamê-
tre
GH, enſorte que venant rencontrer l’Axe AB au point I, la
ligne
GI ſoit égale au demi-diamêtre CE:
enſuite il faut prolonger
cette
ligne auſſi-bien que le diamêtre DE, de maniere que l’un &

l’autre
, venant ſerencontrer, donnent le point F, duquel il faut tirer
un
nombre de lignes qui viendront couper l’Axe de la Colomne,
55346LA SCIENCE DES INGENIEURS, en autant de points differens LL & c. au-deſſus & au-deſſous du point
C
;
ſur chacune de ces lignes au de-là de l’Axe, il faut faire LK égal
à
GI, c’eſt-à-dire au demi-diamêtre CE, &
alors on aura tous les
points
K, par leſquels doit paſſer la courbe qui fera le renfle-
ment
&
la diminution de la Colomne.
Ce que l’on vient d’enſeigner, au ſujet de la diminution & du ren-
flement
des Colomnes, ſert pour tracer l’épure, c’eſt-à-dire le pa-
tron
, à l’aide duquel on pourra creuſer dans une planche la cour-
bure
dont il s’agit, afin qu’appliquant enſuite cette concavité ſur le
vif
de la Colomne, on puiſſe, en la faiſant tourner à l’entour de
l’Axe
, diminuer le Fuſt, &
lui donner une figure qui s’accorde par-
faitement
avec ce que l’on aura tracé en premier lieu.
La difficulté d’avoir des pierres d’une aſſés belle grandeur, pour
faire
des Colonnes toutes d’une piéce, n’embarraſſoit guére les An-
ciens
;
lorſqu’ils étoient contraints de les faire de pluſieurs morceaux,
ils
les poſoient avec tant de précaution les uns ſur les autres, que
les
joints ne paroiſſoient point:
pour cela, ils laiſſoient le parement
brut
, comme je l’ai dit ailleurs, mais ils étoient très attentifs à tail-
ler
les pierres juſtes ſur leurs lits, afin qu’elles ſe rencontraſſent
parfaitement
;
ſe gardant bien de ſe ſervir de Cales pour les dreſ-
ſer
&
les ficher comme nous faiſons aujourd’hui; & lors qu’elles
étoient
toutes poſées, ils les poliſſoient &
donnoient à leur face la
figure
qu’elles devoient former, pouſſant les moulures les plus dé-
licates
ſur le Tas, parce qu’autrement elles n’auroient ſe ren-
contrer
juſtes, ſi elles avoient été taillées chacune à part.
Il y a aparence que les Anciens n’ont jamais employé d’autres
Colomnes
que la Circulaire, puiſque toutes celles qui nous reſtent
ont
cette figure;
& je croi qu’il n’y a que le mauvais goût de quel-
ques
Architectes modernes, qui en ait imaginer d’Ovales, de
Triangulaires
, &
à Pans. Un défaut inſuportable des Colomnes
Ovales
, c’eſt que, ſi elles font face par le côté du plus grand diamê-
tre
, &
qu’on veuille ſe ſervir de ce diamêtre comme de modules,
elles
deviennent d’une hauteur extravagante lorſqu’on les regarde
du
côté le plus étroit, parceque le petit diamêtre n’a plus de pro-
portion
avec la hauteur de la Colomne le contraire arrive, ſi l’on
veut
prendre le petit diamêtre:
pour module, car quand on vient
à
les regarder du côté du grand, elles ſont trop baſſes &
trop écra-
ſées
.
Je ne dis rien des Colomnes Triangulaires, étant ſi défectueu-
ſes
, qu’elles ne meritent pas qu’on s’y arrête:
à l’égard de celles qui
ſont
à Pans, je les trouve plus ſuportables;
mais, après tout, quelle ne-
ceſſité
de vouloir donner aux Colomnes des figures extraordinaires?
55447LIVRE V. DE LA DE’CORATION. Eſt-il poſſible, que les hommes ayent tant de peine à ſe conſormer
aux
Regles de la Nature, &
qu’ils ne ſeront jamais convaincus que
ce
n’eſt qu’en l’imitant qu’on peut réuſſir!
Les Colomnes Torſes paroiſſent auſſi peu aprouvées des habiles
gens
;
car, les Colomnes étant faites pour ſoutenir un fardeau,
la
raiſon veut qu’on leur donne toute la force qu’elles peuvent avoir:
ainſi, c’eſt un défaut de les affoiblir par des retours qui les éloi-
gnent
de la perpendiculaire.
Cependant, leur beauté a fait qu’on n’a
point
eu égard à cette conſideration, puiſqu’on les employe au-
jourd’hui
comme un des plus beaux ornemens qu’il y ait dans l’Ar-
chitecture
, non pas à la verité à des endroits qui demandent de la
ſolidité
, mais dans des lieux de diſtinction, comme aux Autels,
aux
Tombeaux, aux Salons, &
c. Au reſte, comme les occaſions de
s’en
ſervir ſemblent n’avoir pas grand raport avec un Traité comme
celui-ci
, je ne m’arrêterai point à montrer comme on s’y prend
pour
les tracer, parce que d’ailleurs il n’y a point de Livre d’Archi-
tecture
elle ne ſe trouve.
Il y a auſſi des Colomnes ſimboliques, & qui repreſentent des Fi-
gures
humaines:
leur origine vient des Grecs, qui, voulant conſer-
ver
la memoire de leurs victoires, donnoient ſouvent, aux Colom-
nes
de leurs édifices publics, la Figure &
la Reſſemblance de leurs
ennemis
.
Les femmes des Cariens ayant été reduites en ſervitude,
&
les Perſes vaincus par les Lacedemoniens à la Bataille de Platée,
furent
les premiers ſujets de ces Colomnes;
de-là ſont dérivez les
noms
des Cariatides &
des Perſiques, qu’on a donnez depuis aux Co-
lomnes
qui ont été faites ſous des Figures humaines:
cependant, on ne
donne
plus aux Cariatides des repreſentations d’eſclavage &
de ſer-
vitude
comme autrefois;
ces caracteres étant trop injurieux au beau
ſexe
, on leur en donne de tout oppoſées, ne les employant plus que
ſous
les ſimboles de Prudence, de Sageſſe, de Juſtice, de Temperan-
ce
, &
c. Quand elles ſont izolées, elles ne doivent porter tout au
plus
que quelque Balcon, Tribune, ou Couronnement leger;
mais,
lorſqu’elles
joignent un mur, il eſt à propos de les mettre ſous une
Conſole
qui paroiſſe porter tout le poids de l’Entablement.
Les Colomnes Perſiques ſont le plus ſouvent repreſentées ſous
des
Figures d’hommes nerveux &
barbus; elles conviennent beau-
coup
mieux que celles des femmes, pour repreſenter l’eſclavage:
on en fait auſſi des ſimboles de Vertu, de Force, de Valeur, &
même
des Divinitez de la Fable, comme quand on leur donne des
Figures
d’Hercule, de Mars, de Mercure, ou de Faune &
de
Satire
.
55548LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Il y a encore d’autres Colomnes Simboliques de Figures humai-
nes
, dont la moitié du corps paroit ſortir d’une gaine:
ces Co-
lomnes
ſont nommées Thermes, &
ne doivent jamais entrer en pa-
rallele
avec d’autres Colomnes, non plus que les Cariatides;
cepen-
dant
, elles ont cet avantage qu’on leur donne telle élegance que l’on
veut
, en allongeant leurs gaines pour les faire monter à une hau-
teur
convenable à l’Entablement qui eſt au-deſſus.
Comme les Figures contribuent extrémement à enrichir la Déco-
ration
, &
qu’il faut beaucoup d’Art pour qu’elles accompagnent les
Ordres
agreablement, voici quelques Obſervations de Mr.
de la Hi-
re
, tirées du Traité d’Architecture qu’il a dicté autrefois dans ſon
Ecole
du Louvre.
Je ſupoſe ici que l’Ordre eſt Ionique & qu’il tient le milieu en-
tre
les autres, afin de faire une comparaiſon plus juſte, &
qui con-
vienne
mieux entre les Figures &
les Colomnes; je ſupoſe auſſi que
la
Colomne a 18 modules ou 9 diamêtres de hauteur.
Je prens d’abord une Colomne d’une moyenne groſſeur, dont
la
hauteur eſt de 18 pieds &
le diamêtre de 2 pieds, & je trouve
par
experience qu’une Figure qui a 6 pieds de hauteur peut fort
bien
l’accompagner:
cette Figure ſera donc le tiers de la hauteur
de
la Colomne.
Si la Colomne a 27 pieds de hauteur ou 3 pieds de diamêtre, l’on
peut
donner à la Figure 7 pieds &
demi: ſi elle a 36 pieds de hau-
teur
&
4 pieds de diamêtre, la Figure peut avoir environ 9 pieds:
ſi elle a 45 pieds de hauteur & 5 de diamêtre, la Figure peut en
avoir
10 &
demi; enfin, ſi la Colomne a 54 pieds de hauteur & 6
pieds
de diamêtre, on peut donner à la Figure 12 pieds de hau-
teur
.
Dans ces proportions la Figure eſt augmentée depuis 6 pieds, à
raiſon
d’un pied par toiſe d’augmentation à la hauteur de la Co-
lomne
;
mais, ſi la Colomne n’a que 12 pieds de hauteur & un pied
&
demi de diamêtre, une Figure de 5 pieds peut fort bien y conve-
nir
.
Si elle n’avoit que 9 pieds de hauteur, on y pourra mettre une
Figure
de 4 pieds &
demi: ce qui montre auſſi que la même regle
pourra
ſervir pour les Colomnes plus petites que 18 pieds, en di-
minuant
la hauteur des Figures au-deſſous de la moyenne qui eſt de
6
pieds, à raiſon d’un pied par toiſe de diminution de hauteur à la
Colomne
, &
ſemblablement dans une même raiſon pour les hau-
teurs
qui ſont entre deux.
Pour ce qui eſt de la proportion que doivent avoir entr’elles des
Figures
poſées en differente hauteur, il n’eſt pas poſſible d’en don-
55649LIVRE V. DE LA DE’CORATION. ner de meſures certaines à cauſe qu’on juge la Figure plus ou moins
éloignée
de l’œil ſuivant les accompagnemens.
On doit auſſi remar-
quer
que les Figures, qu’on met ſur les Colomnes, doivent être un
peu
plus grandes que celles qui ſont poſées contre les Bâtimens,
ou
dans une Niche;
& moins groſſes & moins garnies de Draperie
que
celles qui ſont izolées, &
qui n’ont point d’autres fond que le
Ciel
.
CHAPITRE NEUVIE’ME.
De la Proportion des Pilaſtres & des Frontons.
LES Pilaſtres ſont des Colomnes quarrées de pluſieurs eſpeces,
dont
les differences ſe prennent de la maniere qu’elles ſont ap-
pliquées
au mur:
il y en a d’entierement izolées, d’autres attachées
aux
encoignures des Edifices &
qui n’ont que deux faces, d’autres
qui
étant enfoncées en partie dans le mur ne preſentent que la face
de
devant, &
ce ſont les plus en uſage aujourd’hui.
Les Pilaſtres quarrés & izolés s’employent aux extrêmités des
Portiques
, pour donner plus de fermeté aux encoignures:
les autres,
qui
ſont engagés dans le mur, ſervent à décorer les Edifices avec
beaucoup
de grace;
mais, pour qu’ils puiſſent réüſſir, il y a pluſieurs
choſes
à obſerver à l’égard de leurs ſaillies, de leur diminution, de
la
maniere que l’Entablement doit poſer deſſus, &
de la façon qu’ils
doivent
être canelés.
La’ſaillie des Pilaſtres, qui n’ont qu’une face hors du mur, doit
être
de toute la moitié, ou ne ſortir au plus que de la ſixiéme partie
lorſqu’il
n’y a aucune raiſon qui oblige de lui en donner davantage:
par exemple, quand les Pilaſtres doivent recevoir des impoſtes qui
viennent
profiler contre leurs côtés, il faut alors leur donner pour
ſaillie
le quart du diamêtre, c’eſt-à-dire le quart de la face qui tient
lieu
ici de diamêtre;
& cette proportion a cela de commode, qu’el-
le
n’oblige point à tronquer irrégulierement les Chapiteaux Corin-
thien
&
Compoſite, car il ſe rencontre que la feüille d’en bas eſt
coupée
juſtement par la moitié, &
qu’à l’Ordre Corinthien la Ti-
gette
eſt coupée de même:
par cette raiſon, lorſqu’on employe des
demi
Pilaſtres aux angles rentrans, il faut leur donner un peu plus
de
la moitié de leur diamêtre.
On ne diminuë point ordinairement les Pilaſtres lorſqu’ils n’ont
55750LA SCIENCE DES INGENIEURS, qu’une face hors du mur; mais quand il s’en trouve ſur un même
allignement
avec des Colomnes, &
qu’on veut faire paſſer l’Enta-
blement
ſur les uns &
ſur les autres, il faut alors donner aux Pi-
laſtres
la même diminution qu’aux Colomnes:
cela s’entend de la
face
de devant, car pour les côtés doivent reſter auſſi larges en haut
qu’en
bas;
mais, quand le Pilaſtre a deux faces hors du mur, comme
cela
arrive aux encoignures, &
qu’il y en a une qui regarde une Co-
lomne
, cette face doit être diminuée de même que la Colomne.
Les canelures, qui ſe font quelquefois aux Pilaſtres, doivent toû-
jours
être en nombre impair, afin qu’il s’en trouve une dans le mi-
lieu
;
mais, s’il s’agit des demi Pilaſtres qui ſe rencontrent aux an-
gles
rentrans, on ajoûte une canelure afin que le nombre en ſoit
pair
, &
alors on en donne la moitié d’un côté & la moitié de l’au-
tre
;
c’eſt-à-dire que ſi dans un Pilaſtre entier on en mettoit 7, il
en
faudroit 4 à chaque demi Pilaſtre.
Les proportions des Baſes des Chapiteaux & de l’Entablement
pour
les Pilaſtres ſont les mêmes que celles des Colomnes de
l’Ordre
ſelon lequel on veut faire la Décoration:
ainſi, je ne ſache
point
qu’il y ait aucunes regles particulieres à donner qui ſoient
differentes
de celles que nous avons enſeignées pour la compoſi-
tion
des ordonnances en general.
Quand les Pilaſtres ſont engagés dans le mur, il faut prendre garde
qu’ils
ſaillent aſſés en dehors pour recevoir les Corniches des Por-
tes
, des Fenêtres, &
des autres ouvertures qui ſeront entre-deux, les
ſaillies
des Corniches faiſant un bon effet, lorſqu’étant continuées
elles
viennent mourir juſtement dans les flancs des Pilaſtres.
C’eſt
pourquoi
Scamozzy veut que les Pilaſtres ne ſortent au plus hors
du
mur que d’un quart de leur largeur:
car, par ce moyen, dit-il,
ils
pourront recevoir dans leurs côtés toutes les ſaillies des orne-
mens
des Portes &
Fenêtres, qui ne doivent jamais exceder les Pi-
laſtres
;
quoiqu’il y ait des exemples antiques & modernes, l’on
remarque
que ces ſaillies s’avançent, non-ſeulement au-delà des Pi-
laſtres
, mais même des Colomnes qu’elles embraſſent en paſſant,
ce
qui fait un très-mauvais effet.
Mais, s’il arrivoit qu’on fût obligé
de
donner aux Corniches des Portes ou des Fenêtres des ſaillies plus
grandes
que ne ſont les flancs des Pilaſtres, il vaudroit en ce cas
beaucoup
mieux couper ces Corniches au droit des Tableaux des
Portes
ou Fenêtres, &
les continuer en Platte-Bande ſeulement
couronnées
de quelques Cymaiſes ou autres moulures, qui toutes
enſemble
euſſent autant de ſaillie que le flanc du Pilaſtre, que de les
faire
avancer avec toute leur portée.
55851LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
Lorſque les Pilaſtres engagés dans le mur n’ont pas trop de ſail-
lie
, l’on peut faire regner les Architraves ſans interruption, &
les
laiſſer
déborder en dehors du mur qui eſt entre les Pilaſtres, d’au-
tant
qu’ils ont de ſaillie:
mais, quand ils en ont par trop, il faut re-
tirer
les Architraves en dedans;
& en ce cas, ou J’on rompt les En-
tablemens
en les faiſant reſſaillir ſur les Pilaſtres, ou bien l’on ſe-
contente
de donner ces reſſauts à l’Architrave ſeul, ou quelque-
fois
même à l’Architrave &
la Friſe, laiſſant paſſer le reſte de l’En-
tablement
depuis un Pilaſtre juſqu’à l’autre ſans interruption.
L’on peut faire le même raiſonnement ſur les Pilaſtres qui ſe met-
tent
aux encoignures des murs:
car, s’ils font face des deux côtés,
il
faut que les Architraves &
les autres parties des Entablemens
courent
dans les retours ſur les murs des flancs, de la même ma-
niere
qu’ils auront été mis ſur celui de la façade;
c’eſt-à-dire, ſans
reſſauts
ou avec reſſauts, ſi ce n’eſt qu’ayant donné aux Pilaſtres
beaucoup
de ſaillie ſur les faces de devant, qui ayent obligé à faire
des
reſſauts dans l’Entablement, on ne la retranche ſur les flancs,
&
par ce moyen on peut faire courir l’Architrave & le reſte de l’En-
tablement
ſans interruption.
Si le Pilaſtre angulaire ſe termine ſur, l’allignement du mur de cô-
, ſansy faire face, &
ſans avoir aucune ſaillie au dehors de cette part,
il
faut en ce cas que l’Entablement qui eſt ſur le devant vienne mou-
rir
dans le retour du coin du flanc du Pilaſtre, ſans le faire paſſer
ſur
le mur de côté;
ou ſi l’on veut que le flanc ſoit couvert de l’En-
tablement
, il faut que le coin du retour de l’Architrave ſoit au
dehors
du vif du Pilaſtre.
Quelquefois, quand le dernier Pilaſtre de la façade ne ſe trouve
point
ſur le coin du retour, &
laiſſe une Alete dans l’encoignure,
&
qu’il y ait un autre Pilaſtre à pareille diſtance dans le mur du flanc,
il
faut faire tourner l’Entablement de l’un à l’autre avec des reſſauts
ſur
le coin.
S’il s’en rencontre dans la façade, ou bien s’il n’y en a
point
, on le fera paſſer droit ſur les côtés ſans reſſauts;
& s’il n’y
avoit
point de Pilaſtres ſur le côté, il faudroit continuer l’Entable-
ment
de devant avec des reſſauts ou ſans reſſauts ſuivant l’ordonnance
de
la façade juſques ſur le coin du mur, d’où il doit retourner tout
droit
ſur les flancs, en laiſſant ſeulement à l’Architrave autant de
ſaillie
qu’il lui en faut pour le dégager du mur.
Toutes ces pratiques ſont bonnes, & il y en a de beaux exemples
dans
les Ouvrages les plus aprouvés;
mais, dans tout ceci, il faut re-
marquer
que l’on ſupoſe que les Pilaſtres ſont ſeuls, &
n’accompa-
gnent
point de Colomnes.
55952LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Les Frontons augmentent auſſi beaucoup la beauté des façades
lorſqu’ils
ſont mis à propos;
mais, pour qu’ils ayent plus de grace,
il
faut que le corps qui en eſt couronné faſſe quelque ſaillie, afin
de
ſe diſtinguer &
maîtriſer les autres parties continuées de l’Edifice.
Selon Scamozzy, pour avoir la plus belle proportion des Fron-
11Planch.
48
.
tons, il faut diviſer la Corniche AB qui lui ſert de Baſe en neuf
parties
égales, &
en donner deux à la perpendiculaire EC, pour
déterminer
la hauteur qu’il doit avoir depuis l’Entablement juſqu’au
ſommet
;
cette proportion étant plus agréable à la vûë, que de lui
donner
pour hauteur la cinquiéme partie de la Baſe comme font
quelques
Architectes, &
plus commode pour faciliter l’écoulement
des
eaux.
On peut auſſi tracer un cercle dont la Baſe AB ſervira de
diamêtre
que l’on diviſera en deux également, par la perpendicu-
laire
DF &
du point D comme centre, & de l’intervale DA, on
décrira
l’arc ACB qui venant couper la perpendiculaire au point C,
on
n’aura qu’à tracer l’angle ACB, qui donnera celui qui doit for-
mer
le Fronton.
L’on remarquera que cet angle eſt égal à celui
de
la circonference d’un Octogonne, puiſque le point D, étant
le
centre de l’arc que l’on a décrit, les deux rayons DA &
DB,
forment
un angle droit.
Il ſe fait auſſi des Frontons en portion de cercle qui ont la même
hauteur
que les Triangulaires, puiſque l’Arc AGHB, qui en dé-
termine
la figure, doit avoir pour centre le point D, dont nous
nous
ſommes ſervi pour le précédent:
on peut donc dire, que les
Frontons
ronds ſont compoſés d’un ſecment de cercle qui com-
prend
le quart de la circonference.
Quand on a un rang de Fenêtres ſur un même alignement, &
qu’on
veut les couronner par des Frontons, il faut pour les varier les
faire
alternativement ronds &
triangulaires; enſorte qu’ils répon-
dent
avec ſimétrie à droit &
à gauche du milieu de la façade, ainſi
qu’on
l’a pratiqué à la Gallerie du Louvre &
aux Thuileries. Ce-
pendant
, quoique ce Bâtiment ſoit des plus magnifiques, &
qu’on
pourroit
le citer pour exemple en bien des choſes, je ne ſaurois
m’empêcher
de dire qu’il eſt ridicule de voir qu’on ait affecté d’y
mettre
une ſi grande quantité de Frontons:
les choſes qui réüſſiſſent
le
mieux ont beſoin d’être menagées;
autrement, quand elles ſont
trop
repetées, elles apportent plus de confuſion que d’agrément.
Soit qu’on faſſe les Frontons triangulaires ou circulaires, la Cor-
niche
qui couronne le timpan doit toûjours être ſemblable à celle
de
l’Entablement:
il faut ſeulement remarquer, que la partie de la
Corniche
qui ſert de Baſe au Fronton doit être ſans Cymaiſe, par-
56053LIVRE V. DE LA DE’CORATION. ce que la Cymaiſe du reſte de la Corniche, venant à rencontrer le
Fronton
, paſſe par-deſſus, comme on le peut voir dans les Figu-
res
X &
r de la Planche 48. dont il y en a une qui marque plus
en
grand que l’autre de quelle maniere la Corniche du Fronton
doit
ſe rencontrer avec celle de l’Entablement.
Quand il y a des modillons à la Corniche de l’Entablement, on
en
met auſſi à celle du Fronton;
& ces derniers doivent ſe rencon-
trer
à plomb avec ceux de l’Entablement.
Vitruve dit que les An-
ciens
n’aprouvoient pas les Modillons dans la Corniche d’un Fron-
ton
, parce que ſelon eux ces Modillons n’ayant été imaginés que
pour
repreſenter des extrêmités de chevrons, c’étoit mal-à-propos
qu’on
en vouloit exprimer dans les pentes d’un Fronton il ne s’en
pouvoit
rencontrer:
mais les Modillons étant plûtôt des ornemens
pour
ſoulager la grande ſaillie du Larmier, que pour repreſenter des
chevrons
ou autres pieces de Charpente, on ne doit point avoir égard
à
ces prétenduës raiſons;
d’autant plus que ces ornemens font un
très-bon
effet, ſur-tout quand on les employe dans de grands Fron-
tons
.
Il eſt à remarquer, que le nud du Fronton, c’eſt-à-dire ſon Timpan
doit
toûjours répondre à plomb ſur la Friſe de l’Entablement qui
eſt
au-deſſous;
cependant, il eſt aſſés ordinaire d’y faire des orne-
mens
de ſculpture qui repreſentent le caractere de l’Edifice:
on y met
quelquefois
les Armes du Roy ou des Trophées, quand il s’agit de
quelque
Bâtiment Militaire, comme on l’a voir ſur pluſieurs
Planches
du quatriéme Livre.
Un Fronton pointu peut couronner juſquà trois Arcades ou trois
grandes
Croiſées qui ſeroient dans le milieu de la façade d’un Bâ-
timent
;
mais le rond ne peut couronner qu’une Arcade agréable-
ment
:
& quand on en voudra mettre deux l’un ſur l’autre, il eſt
bon
que l’un ſoit ceintré &
l’autre pointu, & que ce dernier termine
la
façade en forme de Pignon.
Il y a des Architectes, qui ont mis
fort
mal-à-propos deux Frontons l’un dans l’autre, comme on en
voit
au vieux Louvre;
mais, en verité, de pareilles licences méritent
d’être
ſifflées, &
choqueront toûjours les perſonnes de bon goût.
Vitruve voudroit que toutes les parties qui ſont au-deſſus des Co-
lomnes
&
des Pilaſtres, c’eſt-à-dire qui ſont élevés au-deſſus de la
vûe
, comme les faces de l’Architrave, la Friſe, le Timpan du Fron-
ton
, les Acroteres, auſſi-bien que leurs Figures ou Statuës, fuſſent in-
clinés
en devant de la 12e partie de leur hauteur;
mais, n’ayant pas
d’autre
raiſon pour cela, que d’expoſer ces parties plus à la vûe de
ceux
qui les regardent de bas en haut, je ne croi pas qu’on doive
56154LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſuivre ſon ſentiment, qui n’eſt appuyé que d’une opinion particuliere
qui
préjudicieroit conſiderablement à la régle generale, qui veut
que
toutes les parties d’un Bâtiment &
d’une belle Architecture
ſoient
bien à plomb, parce qu’autrement elles feroient un très-mé-
chant
effet étant regardées de côté d’où elles paroîtroient comme
prêtes
à tomber en devant.
Cependant, les Sculpteurs obſervent
cette
maxime de Vitruve fort judicieuſement à l’égard de leurs Sta-
tues
, lorſqu’elles doivent être élevées aſſés haut, &
qu’elles ne peu-
vent
être vûes que par-devant &
de bas en haut.
Je ne dis rien des Frontons coupés pour faire place à des Ta-
bleaux
ou à des Cartouches, de ceux qui ſont briſés ſur le haut &

repliés
en dedans, des autres roulés en Volute, ni de ceux qui ſont
renverſés
la pointe en bas, n’y ayant rien de plus diſgracieux &
de
plus
contraire à leur uſage, qui eſt de couvrir entierement ce qui
ſe
trouve au-deſſous.
Il me reſte à parler des Acroteres, qui ſont des petits Piédeſtaux
que
l’on met ſur le coin &
au ſommet des Frontons, afin d’y poſer
des
Figures, comme on le peut voir ſur la 51e Planche.
Scamozzy,
11Planch.
51
.
après avoir examiné la regle de Vitruve ſur ce ſujet, &
y avoir trou-
pluſieurs deffauts, en preſcrit une que Mr.
Blondel approuve
fort
, qui eſt de faire la hauteur du des Acroteres des coins,
égale
à la ſaillie de la Corniche de l’Entablement, obſervant que ce-
lui
du milieu, c’eſt-à-dire qui eſt poſé au ſommet du Fronton, ſoit
un
peu plus élevé que les précedens.
La largeur du des Acroteres, ſuivant le même Architecte,
doit
être égale à celle du haut des Colomnes auſquelles ils doivent
répondre
:
mais, ceci ne peut avoir lieu que quand l’on ne met
qu’une
Statue à chaque coin;
car, ſi l’on avoit deſſein d’y placer un
Groupe
de Figures, il faudroit alors continuer la largeur des Acro-
teres
, &
la faire mourir ſur les côtés du Fronton.
On ne fait point ordinairement de Baſe à ces ſortes de Piédeſtaux,
parce
qu’elle ne ſeroit point vûe, à cauſe de la ſaillie de la Corniche
de
l’Entablement;
ainſi, après avoir fait la hauteur du égale à la
ſaillie
de la Corniche de l’Entablement, comme nous le venons de
dire
, il faut le couronner par une petite Corniche qui ſoit propor-
tionnée
à la hauteur du même , obſervant de ne lui donner que
peu
de moulures, afin qu’on puiſſe les diſtinguer de loin.
562
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563 60[Figure 60]
564
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56555LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
CHAPITRE DIXIE’ME.
Des
Periſtiles ou Colonnates, des Arcades, & des Niches.
L’ON n’a rien imaginé juſqu’ici de plus grand & de plus ſuper-
be
pour orner les Bâtimens conſiderables, que les Periſtiles
ou
Portiques.
Les Anciens s’en ſervoient aux Temples, aux Baſili-
ques
, aux Places, &
aux Marchez publics: nous avons en France
des
morceaux dans ce genre qui feront à jamais l’admiration des
connoiſſeurs
, entr’autres le Periſtile du Louvre à Paris, qui eſt
aſſurement
l’ouvrage le plus achevé &
le plus parfait qu’ily ait. C’eſt
encore
ici, comme en tant d’autres choſes, que les Architectes an-
ciens
&
modernes ſont fort partagés, pour déterminer les Entre-
Colomnes
dans tous les Ordres;
car, il eſt aſſés difficile de ſavoir à
qui
donner la préférence:
ce ſujet eſt pourtant eſſentiel pour la
beauté
&
la ſolidité des Edifices, puiſqu’à le bien prendre c’en eſt-
le point critique.
Quand les Colomnes ſont izolées & qu’elles compoſent des Co-
lonnates
, Vignole, pour en regler l’intervale dans l’Ordre Toſcan,
donne
4 modules deuxtiers du Fuſt de l’une au Fuſt de l’autre, dans
l’Ordre
Dorique 5 &
demi, dans l’Ionique 4 & demi, & dans le Co-
rinthien
&
le Compoſite 4 modules deux tiers comme au Toſcan;
ce qui eſt aſſés extraordinaire, d’avoir laiſſé des intervales égaux aux
Ordres
les plus éloignés l’un de l’autre, comme ſont le Toſcan &

le
Corinthien, auſſi-bien que d’avoir fait les Entre-Colomnes Do-
riques
plus grands que les Toſcans, contre le Sentiment de Vitru-
ve
, qui veut que les Entre-Colomnes des Ordres maſſifs ſoient
plus
grands que ceux des plus legers.
La Regle de Scamozzy eſt differente; il donne 6 modules aux
Entre-Colomnes
Toſcanes, 5 &
demi aux Doriques, 5 aux Ioni-
ques
, 4 &
demiaux Compoſites, & 4 aux Corinthiens: ainſi, il prend
trois
nombres proportionnels Arithmetiques entre 6 &
4, qu’il
regarde
comme les termes extrêmes de ces Entre-Colomnes.
Et
pour
ne point tomber dans la faute qu’il reproche aux autres Ar-
chitectes
, qui font tous leurs Entre-Colomnes égaux, il donne plus
de
largeur à celui du milieu des façades, qu’aux autres qui ſont à
droit
&
à gauche: par exemple, ſelon lui, il faut que l’Entre-Colom-
ne
du milieu pour l’Ordre Dorique ſoit plus grand que les autres
56656LA SCIENCE DES INGENIEURS, d’un Trigliphe & d’un Metope; & à l’Ionique, au Compoſite, &
au
Corinthien, plus grands d’un Mutule.
Les Regles précédentes ne ſont point ſi genérales, qu’on ne puiſ-
ſe
quelquefois s’en écarter, parce que l’Entablement des Ordres obli-
ge
à certaines ſujetions, auſquelles il faut avoir égard abſolument
pour
regler les Entre-Colomnes:
il n’y a que l’Ordre Toſcan qui
peut
s’executer ſans aucune difficulté, parce qu’on n’eſt pas gêné
par
les Trigliphes, les Denticules, ni les Modillons;
car il ſuffit
pour
cet Ordre, que l’Entablement ſoit ſolidement établi, &
n’aye
pas
trop de portée.
Il n’en eſt pas de même pour le Dorique, étant le plus difficile
de
tous à mettre en œuvre, parce que la diſtance de ces Colom-
nes
eſt déterminée par les eſpaces des Trigliphes &
des Metopes;
car entre deux Colomnes il ne peut y avoir que depuis un Trigli-
phe
juſqu’à 5, prenant garde qu’on ne compte que ceux qui por-
tent
ſur le vuide, &
non pas ceux qui ſont à plomb ſur les Colom-
nes
.
Pluſieurs n’ont pas voulu ſe contraindre à la préciſion que cet
Ordre
demande, &
ne ſe ſont point embarraſſés de s’aſſujetir à faire les
Metopes
quarrés;
mais, comme c’eſt juſtement de-là que dépend la
beauté
de cet Ordre, ceux qui n’ont pas ſuivi la maxime des Anciens
n’ont
pas été aprouvés:
d’autres, pour n’être contraints en rien, ont
executé
l’Ordre Dorique ſans Trigliphes ni Metopes, n’ayant mis
nulle
diſtribution dans la Friſe, mais alors c’eſt le priver de ce qu’il
a
de plus beau pour en faire un autre auquel on ne ſait quel nom
donner
.
A l’égard des trois autres Ordres, la ſujetion n’en eſt pas ſi gran-
de
pour regler les Entre-Colomnes, ne s’agiſſant que d’avoir égard
à
la diſtribution des Modillons &
des Denticules, mais principale-
ment
des Modillons, parce qu’on doit obſerver pour regle conſtan-
te
, qu’il doit toûjours y en avoir un qui réponde au milieu de cha-
que
Colomne;
& c’eſt au jugement de l’Architecte, de propor-
tionner
ſi bien la grandeur, la ſaillie, &
l’eſpace des autres, que le
tout
puiſſe cadrer de maniere, qu’il ne paroiſſe pas qu’on ait été
gêné
en rien.
Outre les cinq eſpeces d’Entre-Colomnes dont nous venons de
parler
, les Modernes en ont inventé une ſixiéme, que l’on nomme
Colomnes
Couplées;
parce qu’elles ſont deux à deux fort prés l’une
de
l’autre;
par exemple, s’il y a pluſieurs Colomnes de ſuite diſ-
poſées
ſelon les regles précédentes, on accouple la 2e avec la pre-
miere
, la 4e avec la 3e, la 6e avec la 5e:
c’eſt ainſi qu’on a fait le
Periſtile
du Louvre dont j’ai parlé &
, quoi qu’il y ait peu d’exem-
56757LIVRE V. DE LA DE’CORATION. ples antiques cela ait été pratiqué, on a trouvé que les Colon-
nates
dans ce goût-la réuſſiſſoient ſi bien, qu’il n’y a preſque point
de
Bâtiment conſiderable il n’y en ait.
Les Colomnes couplées n’ont ordinairement qu’un Piédeſtal com-
mun
, parce que devant être autant près l’une de l’autre qu’il eſt poſ-
ſible
, ſi l’on vouloit que leurs Piédeſtaux fuſſent ſeparés, les Corni-
ches
&
les Baſes de ces Piédeſtaux ſe trouveroient confondus en-
ſemble
, ce qui feroit un méchant effet.
Cependant, ſi les deux Co-
lomnes
pouvoient être aſſés éloignées l’une de l’autre pour ne pas
mêler
les Corniches &
les Baſes des Piédeſtaux, elles pourroient
avoir
chacune le leur, ce qui eſt quelquefois neceſſaire comme
quand
deux Colomnes ſont élevées ſur deux autres, parce qu’alors
il
eſt à propos de rendre les Piédeſtaux legers.
Quand il y a pluſieurs Colomnes de file à une égale diſtance,
ou
même quand elles ſont couplées, on leur donne encore un eſpe-
ce
de Piédeſtal commun qui regne ſur toute la longueur du Periſtile
&
n’eſt qu’à hauteur d’apui: & l’intervale qu’il y a d’une Colomne
à
l’autre ſe remplit par une baluſtrade qui lie enſemble toutes les
parties
qui ſervent de ſoubaſſement.
La régle la plus génerale que l’on ſuit aux Arcades des Portiques
eſt
de leur donner pour hauteur deux fois leur largeur, &
c’eſt ce
que
Vignole fait aux Arcades de l’Ordre Toſcan, Dorique, &
Ioni-
que
;
mais pour le Corinthien & le Compoſite, il leur donne pour
hauteur
un module de plus que le double de leur largeur;
cependant
comme
les Colomnes qui accompagnent ces Arcades apportent
quelque
changement à leur largeur, parce qu’elle ſe fait plus grande
quand
il y a des Piédeſtaux aux Colomnes que quand il n’y en a
point
, voici encore ce que Vignole preſcrit pour ces deux cas.
Dans l’Ordre Toſcan, quand il n’y a point de Piédeſtaux aux Co-
lomnes
, il faut donner 6 modules &
demi de largeur aux Arcades
&
3 à leurs Jambages; mais, quand les Colomnes ont des Piéde-
ſtaux
, la largeur des Arcades ſe fait de 3 modules 3 quarts, &
celle
des
Jambages de quatre.
Dans le Dorique ſans Piédeſtaux, il faut donner 7 modules de
largeur
aux Arcades &
3 à leurs Jambages; & quand il y a des Pié-
deſtaux
, la largeur des Arcades ſe fait de 10 modules &
celles des
Jambages
de cinq.
Dans l’Ionique ſans Piédeſtaux, la largeur des Arcades doit être
de
8 modules &
demi, & celle des Jambages de 3; & quand il y
a
des Piédeſtaux, il faut 11 modules de largeur aux Arcades &
3
aux
Jambages.
56858LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Enfin aux Ordres Corinthien & Cempoſite ſans Piédeſtaux, il
faut
donner 9 modules à la largeur des Arcades &
3 à celle des Jam-
bages
;
& quand il y a des Piédeſtaux, la largeur des Arcades ſe
fait
de 12 modules, &
celle des Jambages de trois.
Quand les Colomnes ſont engagées dans les Jambages, Vignole
veut
dans tous les Ordres que la partie engagée ne ſoit que les 3
quarts
du demi-diamêtre.
Scamozzy ne ſuit pas tout-à-fait cette
régle
, voulant que la Colomne ſorte au juſte des 3 quarts de ſon
diamêtre
.
Comme il arrive ſouvent qu’on fait des Arcades ſans Colomne
ni
Pilaſtre, il eſt bon d’obſerver qu’il faut autant qu’il eſt poſſible
donner
à leurs Jambages les mêmes proportions que s’il y en avoit,
&
de ne jamais faire les Jambages plus larges que la moitié de l’Ar-
cade
, ni plus étroit que le tiers, &
que les Bayes ſoient toûjours
plus
grandes aux ordres maſſifs qu’aux plus délicats.
Pour empêcher que la ligne courbe de l’Arcade, en venant join-
dre
la ligne à plomb de l’Alette, ne paroiſſe faire un jarret ou cou-
de
, on termine les piédroits par une impoſte, qui n’eſt autre choſe
qu’une
petite Corniche dont la ſaillie ne doit point exceder les Pi-
laſtres
quand il y en a aux Jambages, ni la rondeur ou le plus
gros
des Colomnes;
& c’eſt ce que Vignole a parfaitement bien
obſervé
dans les deſſeins des impoſtes qu’il a donnez pour tous les
Ordres
, n’ayant pas ſuivi la plûpart des Bâtimens antiques, elles
ont
une ſigrande ſaillie, qu’elles ſemblent être plûtôt des Corniches
d’Entablement
, que des Couſſinets pour recevoir la retombée des
Arcades
avec leurs Bandeaux ou Archivoltes.
Selon Scamozzy, les impoſtes des grandes Arcades, dont les Co-
lomnes
ne portent que ſur des Socles ſans Piédeſtaux, doivent avoir
de
hauteur une treiziéme partie &
demi de celle des Jambages: il
ajoûte
que les Bandeaux de l’Arc, ou Archivolte, ne doivent ja-
mais
avoir pour l’Ordre Toſcan plus de largeur que la neuviême
partie
de celle de l’Arcade, &
la dixiéme pour le Corinthien, ainſi
entre
ces deux proportions pour les autres Ordres.
A l’égard du
Boſſage
de la clef qui excede le Bandeau de l’Arc, ſuivant le mê-
me
Architecte, il le faut faire au moins de 2 tiers de modules, ou
au
plus d’un module, obſervant de lui donner moins de hauteur
aux
Ordres ſimples, &
de l’augmenter à proportion aux Ordres dé-
licats
:
Ces Boſſages peuvent recevoir des ornemens conformes à
l’uſage
du Bâtiment, comme des Conſoles, des Têtes d’Animaux,
des
Maſques, des Caſques, &
c.
Pour donner quelque exemple de tout ce que nous venons d’en-
569
[Empty page]
570
[Empty page]
571 61[Figure 61]
572
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573
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574 62[Figure 62]
57559LIVRE V. DE LA DE’CORATION. feigner, on peut conſiderer un Portique Dorique repreſenté ſur la
11Planch.
50
& 51.
50e Planche, par lequel on pourra juger de ceuxdes autres Ordres:
on verra de même ſur la Plance 51 un autre Portique ſuivant l’Or-
dre
Ionique, tiré des Edifices antiques de Rome, raporté par Mr.

de
Chambray, qui en parle comme du plus noble &
du plus magni-
fique
morceau qu’on puiſſe voir;
il conviendra d’autant mieux ici,
qu’on
y verra l’aſſemblage de toutes les parties d’une ordonnance.
A l’égard des moulures & des autres ornemens qu’on peut don-
ner
aux impoſtes &
aux Archivoltes des Arcades ſuivant les Or-
22Planch.
42
.
dres, on en peut voir des modeles ſur la Plance 42:
par exemple,
les
Figures 2 &
3. pourront ſervir pour les Arcades faites ſelon
l’Ordre
Toſcan, la 7e pour le Dorique, la 8e pour l’Ionique, la
premiere
pour le Corinthien &
la 6e pour le Compoſite, les ayant
deſſinées
d’après Vignole;
pour ce qui eſt des nombres qui en dé-
terminent
les proportions, ils expriment des parties de module,
ſelon
que le module eſt diviſé en 12 ou en 18 parties égales par
raport
à l’Ordre dont il s’agit.
Pour dire auſſi quelque choſe des Niches, que l’on creuſe dans
les
murs pour y placer agréablement quelques Statues, l’on ſaura
que
leur plus belle proportion eſt de leur donner pour hauteur 2
fois
&
demi leur largeur: ainſi, voulant faire une niche de 3 pieds de
large
, on donnera 6 pieds depuis le bas juſqu’à la naiſſance du de-
mi-cercle
du cul-de-four qui termine le haut de la niche;
& com-
me
la hauteur de ce demi-cercle ſe trouvera d’un pied &
demi,
celle
de toute la niche ſera de 7 pieds &
demi, c’eſt-à-dire de 2
fois
&
demi ſa largeur: pour ce qui eſt de l’enfoncement de la Ni-
che
, il ſe fait preſque toûjours d’un demi-cercle, dont le diamêtre
eſt
égal à celui de la largeur de la Niche même.
Souvent les Niches ont une impoſte & une Archivolte: la lar-
geur
de l’Archivolte ſe fait de la 6e.
ou 7e. partie de l’ouverture de la
Niche
, &
celle de I’impoſte de la 5e. ou 6e. partie de la même ou-
verture
;
l’une & l’autre doivent être compoſées de moulures qui
ayent
raport à l’Architecture du lieu:
mais, ſi la Niche étoit placée
au-deſſous
d’une impoſte, entre deux Colomnes ou Pilaſtres, alors
elle
ne doit point en avoir;
parce que deux impoſtes l’une au-deſſus
de
l’autre font un méchant effet:
il ne faut pas non plus mettre de
Niches
entre les Pilaſtres, s’ils ne ſont éloignés l’un de l’autre de
près
d’un tiers de leur hauteur;
autrement elles ſeroient trop petites
&
trop étroites: à l’égard de l’élevation des Niches, le bas doit ré-
pondre
au niveau des Corniches des Piédeſtaux des Pilaſtres ou
Colomnes
qui les accompagnent.
57660LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Comme il doit regner une proportion entre la hauteur des Ni-
ches
&
celle des Figures qu’on veut y placer, on obſervera de po-
ſer
la Figure ſur un Socle, dont l’élevation ſoit égale à la moitié de
la
hauteur de la tête de la Figure, &
que le menton de cette Figure
réponde
à peu-près au niveau de l’impoſte de la Niche:
ainſi la Fi-
gure
ayant 6 pieds, ſi on en ôte 9 pouces pour la hauteur de la tête
qui
en eſt ordinairement la 8e.
partie, il reſtera 5 pieds 3 pouces
pour
la hauteur du Socle, on aura 5 pieds 8 pouces pour celle de
la
Niche juſqu’à l’impoſte, &
2 pieds 10 pouces pour ſa largeur,
c’eſt
pourquoi la hauteur ſous la clef ſera de 7 pieds un pouce.
Si
la
Figure avoit 9 pieds, on trouvera par la même régle que la hau-
teur
de la Niche ſous la clef ſera de 10 pieds 6 pouces.
On peut
donc
de-là tirer une regle pour la proportion de la hauteur des Ni-
ches
avec celle des Figures, qui eſt d’ajoûter à la hauteur de la
Figure
, autant de fois 2 pouces qu’elle a de pieds, ainſi pour une
Figure
de 5 pieds, la Niche doit être haute de 5 pieds 10 pouces.
CHAPITRE ONZIE’ ME.
De
l’Aſſemblage des Ordres, ou de pluſieurs Ordres mis les
uns
ſur les autres.
QUAND on veut décorer un Edifice de conſequence par
pluſieurs
Ordres d’Architecture differens, poſés les uns ſur les
autres
, on doit obſerver pour régle génerale que le fort por-
te
foible, c’eſt-à-dire que l’Ordre ſuperieur ſoit toûjours plus déli-
cat
que l’inferieur:
ainſi, il faut que le Toſcan ſoit ſous le Dorique,
le
Dorique ſous l’Ionique, l’Ionique ſous le Corinthien, &
le Corin-
thien
ſous le Compoſite;
en ſorte que les Axes des Colomnes ſe
rencontrent
toûjours en même aplomb.
Lorſque les Colomnes ſont entierement iſolées, & qu’elles por-
tent
tout le poids de l’Entablement, la régle de Vitruve eſt que
celles
du ſecond Ordre ſoient toûjours un quart moindre en groſ-
ſeur
que celles du premier, &
celles du troiſiéme un quart moindre
que
celles du ſecond;
parce que, dit-il, il eſt juſte que ce qui porte
ſoit
plus fort que ce qui doit être porté, &
d’ailleurs pour imiter
les
Arbres dont la groſſeur diminue toûjours à meſure que la tige
s’éloigne
de la racine.
57761LIVRE V. DE LA DE’CORATION.
Ce qui nous eſt reſté des Monumens antiques nes’éloigne guére
de
cette régle, dit Mr.
Blondel; car les Colomnes du ſecond Ordre
du
Portique de la Scene qui eſt au Théatre de Pole en Dalmatie
ſont
les trois quarts de celles de deſſous;
celles du troiſiéme Ordre
du
Settizone de Severe étoient auſſi les trois quarts de celles du
ſecond
:
mais celles du ſecond Ordre étoient plus hautes à l’égard de
celles
du premier;
car celles-ci ne ſurpaſſoient les Colomnes du
milieu
que d’une 6e.
partie, c’eſt-à-dire que la hauteur des Colom-
nes
de deſſous étoit à celles des Colomnes du milieu comme 6
à
5.
Scamozzy blâme cette régle de Vitruve, diſant qu’elle n’eſt fon-
dée
ſur aucune raiſon:
il veut que les Colomnes de deſſus pren-
nent
la meſure de leur groſſeur ſur celles de deſſous, c’eſt-à-dire
que
la groſſeur du pied de la Colomne ſuperieure doit être la même
que
celle du haut de la Colomne inferieure, comme ſi les Colomnes
des
differens Ordres provenoient d’un grand Arbre coupé par piéces,
dont
les morceaux étant poſés les uns ſur les autres ſuivroient leur
diminution
naturelle.
Serlio donne auſſi pour régle générale aux ordonnances que l’on
doit
mettre l’une ſur l’autre, que la ſuperieure ſoit toûjours les trois
quarts
de celle ſur laquelle elle poſe immédiatement, excepté aux
Edifices
qui ont un ruſtique nud pour premiere ordonnance, parce
qu’il
eſt à propos que celle qui eſt au-deſſus lui ſoit égale;
car autre-
ment
les ordonnances plus hautes paroîtroient trop petites, &
le
ruſtique
ſeroit trop élevé à proportion du reſte:
les Ordonnances
de
cet Auteur ſont toutes avec Piédeſtal, ou toutes ſans Piédeſtal,
afin
que les ſuperieures étant diviſées en même proportion que les
inferieures
, les Colomnes &
les Entablemens de deſſus ſe trou-
vent
toûjours les trois quarts de l’étage de deſſous.
Sans m’arrêter à raporter les differentes régles que les Architec-
tes
ont données pour la compoſition des ordonnances des Colomnes
qui
doivent être miſes les unes ſur les autres, nous nous en tiendrons
à
celle de Scamozzy qui me paroît bien entenduë:
c’eſt pourquoi
je
dirai une fois pour tout, que lorſqu’on voudra mettre deux Or-
dres
l’un ſur l’autre, il faut, après avoir déterminé la diminution de
la
Colomne de l’Orde inferieur, ſe ſervir du demi-diamêtre du haut
du
Fuſt pour le module qui doit régler l’ordonnance ſuperieure;
par
exemple
, voulant mettre le Corinthien ſur l’Ionique, ayant dans
le
troiſiéme Chapitre que la Colomne Ionique ſelon Vignole devoit
diminuer
par le haut de 3 parties de chaque côté, enſorte que le
diamêtre
du ſommet du Fuſt ſoit réduit à un module 12 parties,
57862LA SCIENCE DES INGENIEURS, il faut faire une ligne égale à la moitié de cette quantité, c’eſt-à-
dire
qui vaille 15 parties, &
s’en ſervir pour le module qui doit ré-
gler
l’Ordre Corinthien, après toutesfois qu’on l’aura diviſé en 18
parties
égales, afin de ſe conformer aux meſures dont Vignole ſe
ſert
pour cet Ordre:
de même, voulant mettre un troiſiéme Ordre
ſur
les deux précédens, c’eſt-à-dire le Compoſite ſur le Corinthien,
l’on
verra que la Colomne Corinthienne devant diminuer de façon
que
le demi-diamêtre qui eſt de 16 parties par le bas ſoit réduit à 15
par
le haut, on ſe ſervira encore de ce demi-diamêtre réduit pour
le
module qui doit régler la troiſiéme ordonnance.
La régle précédente ne doit pourtant pas être regardée comme ſi
générale
, qu’on ne puiſſe s’en écarter quelquefois:
car il arrive aſſez
ſouvent
qu’on eſt obligé d’aſſujettir la hauteur des Colomnes à celle
des
étages, auſſi-bien qu’à la difference de leurs Ordres;
car tantôt
il
faut avoir égard à la proportion que la hauteur d’un façade doit
avoir
avec ſa largeur, tantôt à la hauteur de l’Edifice même;
car à
ceux
qui ſont fort élevés, le grand éloignement de la vûë peut al-
terer
conſiderablement les meſures ordinaires &
les rendre differen-
tes
de celles dont on fe ſerviroit dans les diſtances moins éloignées:
&
c’eſt
ſans doute pour cette raiſon, dit Mr.
Blondel, que l’Architecte du
Coliſée
a donné plus de hauteur au Pilaſtre du dernier Ordre, qu’aux
Colomnes
Corinthienes du troiſiéme, &
à celles-ci plus de hauteur
qu’aux
Colomnes Ioniques du ſecond;
car, après avoir diſpoſé les
deux
premiers Ordres, de maniere que les Colomnes Doriques du
deſſous
fuſſent plus hautes que les Ioniques dans le raport de 38 à
35
.
qu’il a pris comme celui qui répondoit aſſez juſte à leur éleva-
tion
, c’eſt-à-dire à la diſtance d’où elles devoient être vûës, il a
fait
celles du troiſiéme Ordre plus hautes que celles du ſecond, dans
la
raiſon de 37 à 35, &
celles du dernier Ordre encore plus hau-
tes
que celles du troiſiéme, dans la raiſon de 38 à 37, parce qu’il a
crû
que ces hauteurs, dans un ſi grand éloignement, ſeroient rai-
ſonnablement
diminuées pour produire un bon effet aux yeux des
Spectateurs
.
La difficulté de bien déterminer les groſſeurs des Colomnes que
l’on
met les unes ſur les autres vient de la rigidité de cette régle
d’Architecture
qui ne ſouffre pas qu’il y ait aucune charge dans le
Bâtiment
, qui porte à faux;
& comme elle veut que la Plinthe de
la
Baſe d’une Colomne réponde au vif du du Piédeſtal ſur le-
quel
elle eſt aſſiſe, que l’Architrave réponde au vif du haut de la
Colomne
, &
la Friſe à celui de l’Architrave, auſſi-bien que le
nud
du Timpan du Frontiſpice, il faudroit ſur ce principe que la
57963LIVRE V. DE LA DE’CORATION. Plinthe de la Baſe du ſecond étage, au cas qu’elle ſe trouvât poſée
immédiatement
ſur la Corniche du premier, répondit au vif du
haut
de la Colomne de deſſous, &
que les membres que l’on vou-
droit
mettre entre-deux, ſoit Socle, ſoit Piédeſtal, fuſſent ſitués de
même
.
Mais, ſi l’on donne à toutes ces parties la ſaillie qui leur con-
vient
ſuivant la nature de leur Ordre, il arrive, ou que le vif de la
Colomne
de deſſous ſe trouve le plus ſouvent reculé en arriere
&
en retraite hors de l’aplomb de celui de la Colomne de deſſous,
ou
que ſon diamêtre eſt tellement diminué, que la Colomne de-
vient
hors de meſure, ce qui preſente bien des difficultés qu’il
n’eſt
pas aiſé de ſurmonter.
L’Architecte du Coliſée, dit Mr. Blondel, ne s’eſt pas ſoucié
que
les Colomnes ſuperieures fuſſent aplomb ſur celles de deſſous;
au contraire, il les a reculées de beaucoup en arriere, les poſant
ſur
les retraites du corps du mur, &
par ce moyen il a eu toute
la
facilité poſſible pour que rien ne porte à faux.
Nous avons un exemple de cette pratique, dit-il encore, au
Portail
de l’Egliſe S.
Loüis des PP. Jeſuites de la Ruë S. Antoine
à
Paris, les Colomnes des Ordres ſuperieurs ſe retirent par de-
gré
en dedans;
ce qui ne paroît point de front, mais ſeulement
lorſqu’on
les regarde de profil:
& cela, ſuivant le ſentiment de
quelques
Modernes, fait un méchant effet à la vûe.
Ces mêmes Architectes, pour éviter ces embarras, ſont d’avis
que
l’on ne mette jamais de Piédeſtaux dans les Ordonnances ſu-
perieures
, mais ſeulement des Socles ſous les Baſes des Colom-
nes
, ce qui eſt contraire à la doctrine de Vitruve, qui met des
Piédeſtaux
dans toutes les ordonnances de la Scene deſon Théâ-
tre
&
par tout ailleurs, & à la pratique de Anciens dont il y a
peu
d’exemples de Colomnes poſéesl’une ſur l’autre ſans Piédeſtal:
les Architectes modernes s’en ſervent preſque toûjours pour
marquer
la hauteur des appuis des Arcs ou des Fenêtres qui ſont
dans
les Entre-Colomnes des Ordres ſuperieurs.
N’ayant rien trouvé d’aſſés précis dans les Auteurs pour ſavoir
quel
parti prendre dans le choix de tout ce qui a été dit &
executé
au
ſujet de la Compoſition des Ordres, je ſuis obligé de convenir
que
cette partie de la Décoration eſt très-difficile, &
demande bien
des
connoiſſances qui ne peuvent guére être dévelopées dans un
Traité
auſſi abrégé que celui-ci:
c’eſt pourquoi, tout ce que je puis
faire
de mieux eſt d’inſinuer quelques Obſervations generales;
laiſ-
ſant
à ceux, qui voudront s’appliquer particulierement à l’Archîtec-
ture
, de s’inſtruire plus à fond par la lecture des bons Auteurs, &
58064LA SCIENCE DES INGENIEURS, l’examen des Edifices les plus aprouvés, qui eſt à la verité un tra-
vail
plus grand qu’on ne penſe, ſi j’en juge par ce que m’a coûté le
peu
d’acquis que j’ai dans ce genre d’étude.
Il ne paroît pas qu’on doive mettre plus de trois Ordres de Co-
lomnes
l’un ſur l’autre;
car, outre qu’un quatriéme ſe trouveroit avoir
ſes
Colomnes trop écartées pour leur hauteur, il ſeroit à craindre
que
quatre étages de Colomnes ne fuſſent point aſſés ſolides:
ce-
pendant
, on pourroit faire le premier étage ſelon un Ordre ruſtique
pour
ſervir comme de ſoûbaſſement au premier des trois autres.
Quand on met pluſieurs Ordres de Pilaſtres les uns ſur les autres,
on
rencontre moins de difficulté pour régler la compoſition des
ordonnances
, que lorſqu’il s’agit des Colomnes, puiſqu’alors il
ſuffit
d’avoir égard à la difference des étages, ſans que les ſaillies
contraignent
à aucune ſujetion génante.
Les Pilaſtres étant de même largeur en haut qu’en bas, il ſemble
d’abord
que la régularité voudroit que ceux qui ſont les uns ſur les
autres
fuſſent auſſi de même largeur.
Mais, deux raiſons obligent à
faire
le contraire:
la premiere eſt que les Ordres devant augmenter
en
délicateſſe, les Pilaſtres doivent auſſi augmenter en hauteur par
raport
à leur largeur.
Or, ſi le module demeuroit le même pour les
ſuperieurs
comme pour les inferieurs, il s’enſuivroit que les Or-
dres
&
les étages augmenteroient en hauteur à meſure qu’ils s’éle-
veroient
les uns ſur les autres:
ce qui ne conviendroit point, ſur-
tout
aux Façades qui n’ont point une grande élevation, &
dont l’œil
qui
les regarde n’eſt pas fort éloigné des parties qui compoſent
l’ordonnance
.
La ſeconde eſt que s’il y avoit des Colomnes avec des Pilaſtres,
comme
cela arrive ſouvent, le diamêtre des Pilaſtres ſuperieurs ſe
trouveroit
plus fort que celui du haut de la Colomne inferieure,
ce
qui cauſeroit encore un autre défaut contraire à la bonne Ar-
chitecture
.
Supoſant donc qu’on veuille mettre pluſieurs Ordres de Pilaſtres
les
uns ſur les autres, je croi que la meilleure maniere eſt de com-
mencer
d’abord par régler la hauteur de chaque Ordonnance ſelon
les
maximes de Vitruve;
c’eſt-à-dire que l’étage ſuperieur ſoit toû-
jours
les trois quarts de celui qui eſt immédiatement deſſous:
en-
ſuite
on ſuivra ce qui eſt enſeigné dans le ſecond Chapitre page 14.
comme s’il étoit queſtion de Colomnes, & alors le diamêtre des Co-
lomnes
déterminera la largeur &
la hauteur des Pilaſtres, par con-
ſéquent
la moitié de cette largeur, ou le demi-diamêtre deviendra
le
module, qu’on n’aura plus qu’à diviſer en autant de parties égales
58165LIVRE V. DE LA DE’CORATION. que le preſcrit Vignole pour l’Ordre dont il ſera queſtion: ainſi il
ſera
aiſé de régler toutes les parties de chaque Ordonnance.
Lorſque les Pilaſtres ſervent d’arriere-corps à des Colomnesiſo-
lées
, il faut prendre garde que ces Pilaſtres ſoient aſſés éloignés
des
Colomnes, pour empêcher que les Chapiteaux ne ſe confon-
dent
comme au Portail de la Sorbonne.
Quand on veut décorer un Edifice, & qu’on a des raiſons pour
lui
donner un air deſolidité, il faut faire le premier étage d’un goût
ruſtique
, ſur lequel on pourra élever un Ordre de Colomnes ou de
Pilaſtres
, (car j’entens ici par premier étage celui du rez-de-Chauſ-
ſée
,) ſurquoi il eſt à remarquer qu’on peut faire le ſecond étage plus
élevé
que le premier, parce qu’alors le premier n’eſt regardé que
comme
le ſoûbaſſement du ſecond:
mais, s’il s’agiſſoit d’un corps de
logis
qu’on voulût faire plus élevé que les aîles qui doivent l’accom-
pagner
, alors il ne faut pas que l’Ordre du rez-de-Chauſſée ſoit
plus
élevé que celui des ailes;
mais il doit par-tout regner égale-
ment
, &
ce ſera par le moyen d’un ſecond Ordre qu’on donnera
au
corps de logis du commandement ſur les aîles.
Quand il y a des Appartemens qui tirent du jour ſous des Portiques
par
des Croiſées qui ont un appuy, alors les Pilaſtres doivent avoir
des
Piédeſtaux de la hauteur même des appuis, ou pour mieux dire
les
Piédeſtaux doivent être continués &
ſervir d’appuis aux Croiſées;
mais ſi ces Croiſées n’avoient point d’appuis, & qu’elles deſcendiſ-
ſent
juſqu’au niveau du Parquet des Appartemens, alors il vaudroit
beaucoup
mieux ne point donner de Piédeſtaux aux Pilaſtres.
On doit auſſi remarquer, que des Colomnes de differentes gran-
deurs
ne doivent jamais ſe rencontrer à côté l’une de l’autre, ne
pouvant
faire que des diſpoſitions très-déſagréables:
de même quand
on
veut ajoûter quelques piéces à un Bâtiment déja fait, il faut
bien
ſe garder de le faire d’un autre Ordre;
au contraire, il faut que
la
piéce ajoûtée paroiſſe avoir été ordonnée par le même Architecte
qui
a conduit le reſte du Bâtiment, &
pour tout dire enfin, il faut
que
les parties ſe rapportent au tout autant qu’il eſt poſſible.
C’eſt
ce
qui ne ſe rencontre pas bien exactement au Palais des Thuille-
ries
du côté du Jardin:
la Façade, toute magnifique qu’elle paroiſſe,
eſt
remplie de défauts inſuportables, parce qu’elle n’eſt compoſée
que
de piéces ajoûtées, dont le tout ne réüſſit pas des mieux;
au
lieu
que ce qui avoit été fait anciennement étoit un morceau ache-
dans ſon eſpece, avant qu’on l’eût accompagné de ce qui devoit
contribuer
au deſſein general du Louvre.
Pour dire auſſi quelque choſe de l’Ordre Attique, qui eſt un pe-
58266LA SCIENCE DES INGENIEURS, tit Ordre toûjours élevé au-deſſus d’un plus grand, parce qu’il ſert
de
dernier étage pour terminer le haut d’une Façade, il eſt bon
qu’on
ſache qu’on ne lui donne ordinairement pour hauteur que le
tiers
de l’Ordonnance du deſſous lorſqu’il n’y en a qu’une ſeule;
mais s’il s’en trouve pluſieurs, il peut avoir juſqu’à la moitié, & mê-
me
les deux tiers, de celle ſur laquelle il eſt immediatement aſſis.
L’ornement le plus ordinaire des Attiques ſe fait avec des Pi-
laſtres
racourcis, que l’on nomme ainſi, parce que ces Pilaſtres
n’ayant
pas moins de groſſeur qu’en ont par le haut les Colomnes
ou
Pilaſtres qui ſont à l’Ordonnance de deſſous, leur hauteur ne peut
être
aſſés grande pour ſe trouver conforme aux régles, puiſque le
plus
ſouvent ils n’ont tout au plus que 5 ou 6 fois leur groſſeur com-
pris
la Baſe &
le Chapiteau. Leur Baſe ſe fait comme à l’ordi-
naire
;
mais, les Chapiteaux ſont preſque toûjours quarrés, je veux
dire
auſſi hauts que le Pilaſtre eſt large.
L’on prend ün 7e. de cette
hauteur
pour l’Abaque, &
le reſte eſt occupé par un Vaſe renverſé
d’un
ſeul rang de Feüillage pareil à ceux du Chapiteau Corinthien.
A l’égard de l’Entablement, il doit être proportionné à la hauteur
de
ces ſortes de Pilaſtres;
mais, le plus ſouvent il n’eſt compoſé que
d’une
Corniche ſans Friſe ni Architrave.
Il y en a qui mettent un Attique entre-deux étages à l’exemple
de
Vitruve, qui, dans la Deſcription de ſa Baſilique, ſemble placer
une
maniere d’Attique entre deux Ordonnances de Colomnes.
Mais à vrai dire un Attique, qui ſe trouve ailleurs qu’au haut d’une
Façade
, me paroît faire un méchant effet.
L’aſſemblage des Ordres a fait naître une Queſtion qui a fait beau-
coup
de bruit il y a 40 à 50 ans;
ſçavoir dans quel goût on pour-
roit
faire une Ordonnance qui pût être élevée au-deſſus de l’Ordre
Compoſite
;
c’eſt-à-dire, inventer un 6e. Ordre, qui eût au-deſſus du
5
e.
les mêmes avantages en délicateſſe & en grace, que le Compo-
ſite
peut avoir ſur les quatre autres.
Cet Ordre, qu’on devoit nom-
mer
l’Ordre François, fut propoſé de la part du Roy à tous les ſa-
vans
Architectes de l’Europe, avec un Prix conſiderable pour ceux
qui
produiroient quelque nouveau deſſein qui mériteroit de porter un
Nom
ſiglorieux.
Auſſi-tôt les habiles Gens de toute nation & de tout
pays
firent tous leurs efforts pour donner des productions de leurs
genies
;
mais, par une fatalité qui ne paroit preſque pas croyable, il
eſt
arrivé que d’un million de differens deſſeins qui ont été propoſés
il
ne s’en eſt pas trouvé un ſeul qui ait merité le moindre applau-
diſſement
.
Mr. Blondel dit que la plûpart n’étoient remplis que d’ex-
travagances
, de chimeres gothiques, &
de fades alluſions. J’ai
58367LIVRE V. DE LA DE’CORATION. auſſi pluſieurs morceaux, qui n’avoient rien de recommandable,
quoique
fort vantés par des gens d’un certain rang, quiavoient ap-
paremment
intereſt de les faire valoir.
Je conviendrai pourtant,
qu’il
y a quelques Profils de l’invention de Sebaſtien le Clerc, qui ne
doivent
point être confondus avec ceux dont je parle:
le goût
exquis
de cet Auteur s’eſt aſſés fait admirer des gens les plus dlicats,
pour
avoir un ſentiment avantageux de ce qui vient de luy.
Quoique les peines, que l’on a priſes pour inventer un nouvel
Ordre
, n’ayent pas fait beaucoup d’honneur au dernier ſiécle, on
auroit
pourtant tort d’en demeurer-là:
il ſe rencontre quelquefois
des
genies heureux, qui produiſent ſans effort ce que leurs pré deceſ-
ſeurs
ont cherché en vain;
car ce que la nature refuſe dans un tems,
elle
le donne quelquefois avec uſure dans un autre.
Nous admirons
aujourd’hui
les anciens Architectes:
il en viendra peut-être par la
ſuite
pour leſquels on aura les mêmes ſentimens;
mais, en attendant,
l’on
peut, ſur un Ordre Compoſé, placer un Ordre Compoſé, à
l’exemple
des Anciens, qui n’ont pas fait difficulté de mettre un
Corinthien
ſur un autre:
il ne ſeroit pas non plus mal-à-propos d’y
mettre
des Caritatides ou des Perſiques, parce que ne faiſant point
d’Ordre
particulier, il ſemble qu’ils peuvent convenir l’un &
l’au-
tre
à tous les Ordres.
Il ne faut pas avoir la délicateſſe de ceux qui
ne
veulent rien ſouffrir dans l’Architecture dont on n’ait des exem-
ples
antiques:
car, au ſujet de l’Ordre Compoſé, nous avons autant
de
droit de changer les penſées des Romains, que ceux-ci en ont eu
d’alterer
celles des Grecs;
mais, on ne le doit faire qu’avec beaucoup
de
ſageſſe, ſans ſortir de certaines régles generales dans leſquelles on
remarque
que ces mêmes Romains ont toûjours renfermé leur in-
vention
;
car, la plûpart des choſes qu’ils ont changé ou ajoûté ne
ſont
point eſſentielles à la beauté de l’Architecture, s’étant toûjours
conformés
aux régles légitimes.
Quelques Architectes de nos jours ont été bien plus hardis, ayant
entierement
abandonné les anciennes régles, pour ne ſuivre que
celles
d’une folle imagination;
& , s’ils avoient beaucoup d’imi-
tateurs
, l’Architecture Gothique, malgré ſon ridicule, auroit peut-
être
regné une ſeconde fois.
L’Egliſe des Théatins à Paris nous en
offre
un exemple qu’on ne devoit pas attendre d’un ſiécle auſſi éclairé
que
le nôtre:
car, il ſemble que celui qui l’a bâti ait voulu épuiſer
tout
ce que l’eſprit humain peut inſpirer de plus extravagant;
non-
ſeulement
dans l’Ordonnance, dont le goût eſt mille fois plus bizarre
que
ce que l’on n’a jamais dans le Gothique, mais même
dans
la diſtribution du terrain, qui pêche contre le ſens-commun.
58468LA SCIENCE DES INGENIEURS, Qu’on me permette encore cette Réflexion. Rien n’eſt plus dan-
gereux
dans la ſocieté, que ceux qui ne veulent pas ſe conformer
aux
maximes generalement reçûës:
car, comme le mépris qu’ils en
font
procede toûjours de ce qu’ils n’ont pas aſſés de capacité pour
en
connoître les avantages, ils cherchent à en établir ſuivant leur
caprice
;
& , quoi qu’ils donnent dans le faux, l’eſprit de nouveauté
fait
que bien des gens ſe rengent de leur parti.
Enſuite, il ne faut
plus
que du tems, pour que les choſes les plus monſtrueuſes ſoient
regardées
comme des Loys ſacrées:
la raiſon veut en vain y trou-
ver
à redire;
on lui impoſe ſilence, & ce n’eſt qu’en tremblant
qu’on
ôſe ſe déclarer pour elle.
CHAPITRE DOUZIE’ME.
De
la Diſtribution & de la Décoration des Ediſices en général.
J’ENTEND par la diſtribution l’uſage qu’on doit faire d’un ter-
rein
dans lequel on peut élever un Bâtiment:
cette partie de l’Ar-
chitecture
peut être regardée comme la principale &
la plus eſ-
ſentielle
, toutes les autres lui étant ſubordonnées;
en effet, quand on
mettroit
Colomnes ſur Colomnes, que les Profils ſeroient plus ré-
guliers
&
plus délicats que ceux des plus beaux Edifices antiques,
&
qu’on employeroit les plus habiles Sculpteurs à la Décoration,
quel
ſuccès pourroit-on en attendre, ſi le terrain eſt mal diſtribué,
que
les principales parties n’ayent pas la grandeur, la nobleſſe, &

les
dégagemens qui leur conviennent, ou ſi l’on manquoit dans
quelque
point eſſentiel qui répugnât à la qualité du Bâtiment dont
il
s’agit?
Il eſt vrai que cette partie a bien plus d’étenduë aujourd’huy
qu’elle
n’avoit autrefois.
Les François ont pouſſé la diſtribution à un
point
qui les met en cela fort au-deſſus des autres Nations:
nous
avons
en France, &
en Italie, des Palais faits dans les ſiécles préce-
dens
, dont l’exterieur eſt décoré d’une aſſés belle Architecture,
tandis
que la diſtribution des dedans n’a rien qui y réponde;
on
n’y
trouve aucune commodité, il ſemble qu’on ait affecté d’en éloi-
gner
le grand jour &
d’y faire regner un crepuſcule perpetuel,
les
Cheminées occupent le plus grand eſpace des Apartemens, les
Portes
ſont petites &
donnent une foible idée des lieux elles
conduiſent
:
mais, quoique depuis un ſiécle on ait inventé un nou-
58569LIVRE V. DE LA DE’CORATION. vel art de la diſtribution, il ne faut pas croire que tout ce qu’on
bâtit
aujourd’hui ſoit exempt de deffauts;
par exemple, on fait dans
des
Palais de conſéquence des Veſtibules, des Eſcaliers, des Salons,
des
Anti-Chambres, des Chambres de Parade, des Cabinets, &
plu-
ſieurs
autres Piéces de cette nature, d’une grandeur au-deſſus de
l’ordinaire
, &
proportionnée à celle de l’Edifice: cela eſt en place,
&
il eſt permis de ſortir des proportions communes dans ces occa-
ſions
;
mais il eſt ridicule, comme cela eſt arrivé à pluſieurs Archi-
tectes
, de faire de ſemblables piéces dans une place d’une médiocre
étenduë
, au lieu d’avoir menagé le terrein pour un meilleur uſage.
Il ne ſuffit pas d’employer aſſés bien l’eſpace que l’on veut oc-
cuper
, &
de trouver à peu-près toutes les commodités néceſſaires,
il
faut encore en faiſant la diſtribution avoir égard à la décoration
des
dehors, ſoit par des avants-Corps ou Pavillons proportionnés
à
la maſſe de l’Edifice, ſoit en plaçant les Portes &
Croiſées, de
maniere
qu’elles faſſent une parfaite ſimetrie, ou en diſtribuant les
Tremeaux
enſorte qu’ils ſoient ſuſceptibles des ornemens qu’on
voudra
y mettre;
en un mot, s’il n’y a un accord de toute part, il ne
faut
pas croire qu’on ait l’approbation des perſonnes de bon goût.
On peut dire au contraire, qu’en mariant les dehors avec les com-
poſitions
des dedans, on fait naître un plaiſir ſecret dans l’ame des
Spectateurs
, qui, ſans pouvoir rendre raiſon de la ſatisfaction qu’ils
reſſentent
, ne ſavent à quoi l’attribuer quoiqu’ils ne voyent dans ce
qu’ils
admirent que des Croiſées, des Pilaſtres, des Maſques, des
Conſoles
, &
d’autres pareils ornemens qu’ils ont remarqué cent fois
ailleurs
ſans ſentir la même émotion.
Je ne ſaurois m’empêcher de dire, qu’il eſt très-difficile pour ne
pas
dire impoſſible, d’atteindre à un rapport parfait des parties inte-
rieures
d’un Bâtiment avec celles des dehors, lorſqu’un Architecte
n’eſt
pas maître abſolu de ſon ſujet, &
qu’on dérange ſes idées le
plus
ſouvent pour des bagatelles;
car s’il mollit, & qu’il ait affaire à
des
perſonnes entêtées &
prévenuës d’une prétenduë capacité, il
ne
peut qu’être blâmé dans la ſuite, puiſqu’on le rendra reſponſable
des
fautes qu’on lui aura fait faire:
les demi-ſavans ſont dangereux
dans
toute ſorte de genre;
mais, ils ſont inſuportables en fait de
Bâtimens
, &
le fâcheux eſt que tout le monde veut être Architecte.
Comme ce n’eſt point ici le lieu d’enſeigner à faire une diſtribu-
tion
, &
qu’on ne le pourroit même qu’en donnant les Plans des plus
beaux
Hôtels de Paris avec les Remarques neceſſaires, je me con-
tenterai
de dire, qu’on ne ſauroit parvenir à faire un Plan achevé, ſi
en
compoſant celui du rez-de-Chauſſée on n’a égard aux ſuperieurs,
58670LA SCIENCE DES INGENIEURS, à commencer depuis les ſoûterrains juſqu’au comble: ſans ces pré-
cautions
, on s’expoſe à des inconveniens très-facheux, &
qui devien-
nent
quelquefois irréparables;
car ce qui rend une diſtribution par-
faite
, c’eſt l’arrangement naturel de toutes les piéces de l’Edifice,
dans
leſquelles il faut conſerver la nobleſſe, la grandeur, &
la pro-
portion
qui leur eſt convenable.
Si nous avons ſurpaſſé les Anciens dans la diſtribution, parce qu’ils
pouvoient
avoir moins de délicateſſe, ou que nous jugeons mal de
leur
magnificence, on peur dire avec juſtice que nous ne ſommes
que
leurs copiſtes pour la décoration, &
que la plus belle Architec-
ture
de nosjours n’a de prix qu’autant qu’elle eſt conforme à la leur;
mais il eſt plus difficile qu’on ne penſe de la bien imiter, puiſque
quelque
habile que l’on ſoit on ne peut jamais s’aſſurer du ſuccès, ne
travaillant
pour ainſi dire que par conjecture, n’ayant point de princi-
pes
démontrés ſur leſquels on puiſſe ſe déterminer.
Si l’on peut ſe
fonder
ſur quelques régles certaines, ce ne peut être que ſur celle de
la
Perſpective qui pourra faire connoîtreles vraies proportions qu’on
doit
ſuivre.
On doit donc s’apliquer avec tout le ſoin poſſible
à
l’étude d’une ſcience ſi neceſſaire, &
dont l’union eſt ſi étroite
avec
l’Architecture, qu’il eſt preſque impoſſible d’atteindre à la
perfection
de celle-ci ſans avoir une connoiſſance très diſtincte
de
l’autre;
car il ſe trouve dans la décoration des grands Edifices
tant
de parties differentes, dont les unes ſont plus enfoncées que les
autres
, qu’il faut convenir qu’on ne ſauroit guére juger de leurs
effets
par une ſimple Elevation Géometralle.
Les ſaillies les plus utiles & les plus belles pour décorer les Bâ-
timens
ſont les Corniches, parce qu’elles les couronnent avec grace
&
conſervent le parement contre les injures de l’air: la hauteur &
11Planch.
48
.
la ſaillie des Entablemens dépendent de l’élevation des Edifices &

de
la diſtance d’où ils doivent être vûs:
les moindres Corniches ſont
en
Chanfrain, &
n’ont qu’une moulure couronnée comme un gros
Talon
, un quart de rond, ou une Doucine avec quelques Filets ou
Aſtragales
, ellesne s’employent qu’aux Bâtimens ruſtiques qu’on ne
veut
point décorer;
mais quand on veut les faire plus riches, on
peut
employer à propos celles de l’Entablement d’un des cinq Ordres,
ſelon
qu’on juge qu’elles pourront convenir à l’Edifice:
ce qui neſe
fait
guére que lorſqu’on employe tout l’Entablement du même Or-
dre
, puiſqu’à le bien prendre il vaut mieux compoſerla Corniche ex-
près
, afin d’avoir égard aux circonſtances les plus eſſentielles, ſoit
par
raport aux differens effets que peuvent cauſer les moulures,
ou
à la nature de la pierre, qui ne ſe rencontre pas toûjours pro-
58771LIVRE V. DE LA DE’CORATION. pre pour exprimer des parties délicates: la couleur même peut faire
beaucoup
;
car ſi c’eſt une pierre colorée ou mélée, il faut des mou-
lures
qui ayent beaucoup de relief, &
qu’on puiſſe diſtinguer aiſé-
ment
, ſans quoi elles cauſent plus de confuſion que d’ornemens;
au lieu que ſi la pierre eſt blanche, il y a moins de ſujetion, à cauſe
que
la lumiere qui s’y réflêchit fait que rien neſe perd dans l’ombre.
Pour qu’une Corniche ſoit bien profilée, il faut que les moulures
ayent
entr’elles un certain raport, pour cela on évite que deux ou
trois
moulures ſemblables ſe rencontrent de ſuite, ainſi que plu-
ſieurs
d’une même hauteur;
car il doit ſe trouver un contraſte dans
leur
diſtribution par l’opoſé qui regne entr’elles en les faifant alter-
nativement
circulaires &
angulaires, ou par la difference de leur
grandeur
:
mais, en général, la ſaillie d’une Corniche doit être à
peu-près
égale à ſa hauteur.
Quand le Batiment eſt fort exhauſſé, & que ſon uſage le diſtingue
des
autres, un Entablement entier lui convient beaucoup mieux
qu’une
Corniche ſeule, &
la maſſe en eſt couronnée avec beaucoup
de
grace;
la proportion doit s’en déterminer en le faiſant comme
s’il
y avoit un Ordre entier;
cependant, quand on le juge à propos,
on
peut en diminuer l’Architrave &
la Friſe, ce qui doit ſe faire
avec
beaucoup d’Art:
ſi l’Entablement eſt tout entier, on doit enri-
chir
la Friſe de Conſoles, &
la Corniche de Modillons; on peut
voir
quelques exemples de tout ceci, en conſidérant les Corniches
&
Entablemens qui ſont raportés ſur la Planche 48e. deſquels on
11Planch.
48
.
pourra tirer des idées pour s’en ſervir dans l’occaſion.
Il eſt bon d’ajoûter, qu’on ne doit jamais interrompre le cours d’une
Corniche
, en la coupant à l’endroit des Lucarnes des Etages en ga-
letas
, parce que cela choque le coup d’oeil &
eſt contre toutes les
régles
;
je dirai auſſi, que quand on veut déterminer la proportion
des
moulures, on peut, au lieu de ſe ſervir des parties du module,
commencer
par tracer la plus grande moulure, enſorte qu’elle ait
avec
toute la hauteur le raport qui conviendra le mieux, enſuite
diviſer
la hauteur de cette moulure en autant de parties égales
qu’on
jugera à propos, &
s’en ſervir pour régler les autres parties.
Quant aux ornemens des Fenêtres, les unes ſont compoſées d’un
Chambranle
ſimple ſans aucune moulure, les autres ont un Cham-
branle
avec des moulures &
une Corniche au-deſſus: enfin les plus
belles
ſont celles qui ont un Chambranle avec des Conſoles &
un
Fronton
ſans montant aux côtés des Chambranles.
Les grandes Croiſées doivent avoir une Corniche aſſés ſaillante
pour
donner du couvert à ceux qui s’y préſentent, &
alors on fait
58872LA SCIENCE DES INGENIEURS, porter cette ſaillie par deux Conſoles auſſi-bien que l’appui ou ac-
coudoir
qui termine la Croiſée par en bas.
Les Conſoles de la Corniche doivent être auſſi larges en bas qu’en
haut
, afin qu’elles ſuivent régulierement le Chambranle &
le mon-
tant
;
la largeur du Chambranle peut être d’une 6e. partie de la Croi-
ſée
ou Fenêtre.
Au-delà du Chambranle, il y a une platte-Bande
qui
lui ſert d’arriere-corps, elle peut avoir autant de largeur que
le
Chambranle, ou un peu moins, elle ſert particulierement à placer
les
Conſoles de la Corniche, ſi la Corniche n’eſt pas portée par
des
Conſoles.
Cet arriere-corps doit être moins large de moitié &
ſans
aucune moulure que celles qui compoſent ſa Corniche.
Les
Conſoles
qui portent l’appui doivent être placées au-deſſous du
Chambranle
&
avoir même largeur, leurs enroulemens auront bon-
ne
grace s’ils ſe portent de dehors par les côtés.
La hauteur de ces
Conſoles
peut être de la moitié de l’ouverture de la Fenêtre tout
au
plus, ou du tiers au moins;
on les fait ordinairement plus étroi-
tes
en bas qu’en haut, cependant j’aimerois mieux qu’elles fuſſent
également
larges.
Souvent la hauteur du Perron termine le bas de
ces
Conſoles.
La principale Porte d’un Edifice étant la partie la plus remarqua-
ble
de la Façade, il faut neceſſairement qu’elle ſoit décorée à pro-
portion
de la conſéquence du Batiment, ſa grandeur doit même être
aſſujettie
à cette circonſtance, par exemple ſi la Façade retient quel-
que
partie d’un Ordre d’Architecture, il faut pour le Toſcan &

Dorique
que la Porte ait de hauteur un peu moins du double de ſa
largeur
, pour l’Ionique on pourra lui donner poſitivement le dou-
ble
de la largeur, &
pour le Corinthien & le Compoſite un peu
plus
;
quant à leur Figure, les plus belles ſont rondes ou quarrées;
c’eſt-à-dire qu’elles ſont terminées par un demi-Cercle, ou par une
platte-Bande
, il y en a d’autres qui approchent de ces figures, com-
me
celles dont le ceintre eſt en ance de panier ou ſurbaiſſé, ou qui
ayant
la Figure d’une platte-Bande ſont un peu ceintrées.
Quand
on
les fait comme cette derniere, le trait le plus parfait eſt celui
qui
ſe décrit ſur la Baſe d’un Triangle équilateral dont le ſommet
eſt
le centre;
je ne dis rien de celles qu’on fait à pan; c’eſt-à-dire
terminées
par pluſieurs faces, parce qu’elles ont mauvaiſe grace,
&
ne ſont point aprouvées.
Si l’on veut avoir un Balcon au-deſſus de la Porte, on peut le faire
porter
par des Colomnes quand le lieu le permet;
en ce cas on fait
ſaillir
les ornemens d’Architecture:
ou bien, ſi l’on ne fait pas de
Colomnes
, le Balcon eſt porté par des Conſoles;
mais lorſqu’on eſt
58973LIVRE V. DE LA DE’CORATION. obligé de ménager la Place, on fait des Pilaſtres ou avant-Corps
qui
ont peu de ſaillie, quelquefois même on prend la Porte dans
un
renfoncement, &
alors les ornemens ſe diſtribuent ſelon la ne-
ceſſité
&
les circonſtances.
A l’égard des Entablemens qui couronnent les Portes, Scamozzy
veut
qu’ils ayent pour l’Ordre Toſcan la 4e.
partie de la hauteur du
vuide
, &
la 5e. partie pour l’Ordre Compoſé, & qu’on prenne des
moyennes
proportionnelles entre ces deux Ordres pour l’Ionique,
le
Dorique, &
le Compoſite; enſuite la hauteur de l’Entablement
doit
être diviſé en 15 parties, dont on en donne 5 à l’Architrave,
4
à la Friſe, &
6 à la Corniche, & les moulures ſe font à proportion:
la largeur des piés-droits ou montans des Chambranles & ſes mou-
lures
doivent être pareilles à celles du Linteau, dont le Profil eſt
ordinairement
ſemblable à celui de l’Architrave.
Il faut autant qu’il eſt poſſible laiſſer les venteaux des grandes
Portes
de toute leur hauteur, à moins qu’on n’en ſoit empêché par
un
entre-ſole.
Si la Porte eſt ronde, & qu’on y mette un dormant,
il
doit occuper la partie ceintrée, enſorte que l’impoſte continué
ſerve
de Linteau;
à l’égard de leur compartiment il y faut peu de
panneaux
, &
que ceux d’enbas ſoient arraſés comme du Parquet,
que
la richeſſe des cadres &
des moulures ſoient conformes à la
Décoration
de l’Architecture;
ſi l’on y pratique des ornemens de
Sculpture
, il faut qu’ils ayent peu de relief, faiſant enſorte qu’ils
ſe
trouvent dans l’épaiſſeur du bois ſans être adaptés.
Pour dire auſſi quelque choſe de l’interieur des Edifices, il faut
convenir
qu’on n’a jamais eu tant de Goût qu’on en remarque au-
jourd’hui
dans les Appartemens de conſéquence;
la maniere d’or-
ner
les Cheminées demanderoit elle ſeule un grand détail, ſi l’on
vouloit
raporter des exemples pour montrer l’Art de mêler à pro-
pos
le Marbre, la Sculpture, &
le Bronze doré pour accompagner
les
Glaces qui en font le principal ornement;
mais, je renvoye le
Lecteur
au Livre de Daviler, qui a traité ce ſujet à fond, &
me
contenterai
de parler des autres ornemens qui ſemblent apartenir
eſſentiellement
à l’Architecture.
Les Anciens, au rapport de Vitruve, ornoient leurs Plafonds de
bois
précieux &
d’ouvrages de Marqueterie, fort riches par la di-
verſité
des bois de couleur, de l’Yvoire, &
de nacre de Perle, dont
ils
compoſoient des compartimens qui étoient enrichis par des la-
mes
de Bronze.
Il eſt conſtant que les Plafonds conviennent fort aux
Salons
&
aux grandes piéces la hauteur des Planchers donnent
affés
d’éloignement pour les voir d’une diſtance raiſonnable, parce
59074LA SCIENCE DES INGENIEURS, que dans les petites piéces il faut le moins de relief qu’il ſe peut.
Pour faire la diviſion des compartimens, les cadres doivent répon-
dre
au vuide des murs, comme Fenêtres &
Portes, ce que les Poû-
tres
réglent aſſés facilement.
Dans les grandes piéces il faut de gran-
des
parties, particulierement une qui marque le milieu &
qui ſoit
differente
des autres par ſa figure;
par exemple, elle doit être ronde
ou
octogone pour les piéces quarrées, &
ovale pour les longues:
les
enfoncemens peuvent être ornés de Roſes tombantes, qui ne doi-
vent
point exceder l’arraſement des Poûtres principales;
les Corni-
ches
ou Entablemens doivent être tellement proportionnés, que
leurs
Profils ayent la même hauteur que s’il y avoit un Ordre au-
deſſous
, parce qu’alors on eſt ſur que la Corniche ne ſera ni trop
puiſſante
ni trop foible lorſqu’elle ſera élévée à la hauteur de l’Ordre
qu’elle
doit couronner:
à l’égard de la Friſe, elle peut recevoir de
beaux
ornemens, mais il faut qu’ils ſoient répandus avec choix &

avec
goût, &
qu’ils conviennent au lieu ils ſont employés; mais
pour
régler d’une maniere generale la proportion que doivent avoir
les
Entablemens qui portent les Plafonds, s’il n’y a qu’un Architrave
ou
Impoſte, il faut ſelon Scamozzy qu’elle ait la 16e.
partie de la
hauteur
depuis le Plancher juſques ſous le Plafond;
& ſi le lieu
permet
d’y mettre une Corniche, ſoit avec modillons ou ſans mo-
dillons
, il faut qu’elle ait alors la 13e.
partie & demi de cette hauteur.
Daviler
veut qu’on donne aux Corniches la 12e.
partie de la hauteur
de
Chambres, ou, ce qui revient au même, un pouce par pied,
&
cela pour les piéces qui auroient depuis 8 pieds juſqu’à 15 d’ex-
hauſſement
, &
pour celles qui en ont d’avantage & l’on a coû-
tume
de faire des Entablemens, il prétend qu’un 10e.
de la hau-
teur
conviendroit mieux.
Pour les ornemens des Portes des Appartemens, il faut en divi-
ſer
la hauteur en 15 parties, dont on en donnera 5 à l’Architrave
ou
Linteau, 4 à la Friſe, &
6 à la Corniche, le Chambranle ne doit
jamais
avoir plus de 2 faces avec ſes moulures;
on peut auſſi met-
tre
des Conſoles avec de la Sculpture pour porter les Corniches
&
ces Conſoles portent ſur de petits montans au côté des Cham-
branles
.
Je ne m’étend pas beaucoup ſur la Décoration interieure des
Edifices
, parce qu’il eſt bien difficile d’y appliquer des régles auſ-
quelles
le caprice veüille ſe ſoûmettre:
car, ſur ce ſujet, les Archi-
tectes
ont tous les jours des idées nouvelles;
& s’il s’en trouve qui
ont
fait des choſes dignes d’admiration, il faut avoüer qu’il y en a
auſſi
un grand nombre d’autres qui en ont imaginées qui ne ſont
59175LIVRE V. DE LA DE’CORATION. point ſuportables: & , pour faire voir que je n’en parle qu’après les
plus
habiles gens, voici ce que dit Mr.
Courtonne, Architecte du
Roy
, à la fin de ſon Traité de Perſpective.
Pour dire à preſent quelque choſe des parties interieures des
Palais
&
des Hôtels les plus conſidérables, on a fait de ſi grands
changemens
à leurs décorations depuis une trentaine d’années,
qu’on
ne s’y reconnoît plus aujourd’hui, &
l’on auroit le dernier
mépris
pour un Architecte quin’ajoûteroit pas quelque nouveauté
ſinguliere
à toutes celles qu’on a introduites depuis ce même tems,
contre
l’uſage, &
peut-être même contre la raiſon & le bon-ſens.
Je ſçai bien qu’on s’y eſt tellement accoûtumé, qu’il ſeroit dan-
gereux
d’aller contrele torrent, &
de ſe roidir contre des modes
que
trente années de preſcription ſemblent avoir aſſés autoriſées:

auſſi
mon intention n’eſt pas de les cenſurer;
mais, on me per-
mettra
de dire en paſſant, que l’inconſtance de notre Nation avoit
aſſés
de matiere à s’exercer ſur les choſes de peu de durée, comme
ſont
toutes celles qui ont du mouvement:
les Meubles, les Car-
roſſes
, les Habillemens, ſont de cette nature, au nombre deſ-
quelles
on ne doit pas mettre les Edifices, &
tout ce qui en fait
partie
, dont la durée doit aller juſqu’à nos derniers neveux.
Il eſt vrai que des ornemens de Sculpture bien traités relevent
infiniment
les beautés del’Architecture, &
ſur-tout dans les parties
interieures
des Bâtimens dont il s’agit en cet endroit;
mais com-
me
ils ne ſont à proprement parler qu’acceſſoires, &
qu’on doit
toûjours
regarder la proportion de tousles membres d’Architec-
ture
comme le principal objet, il ne faut s’en ſervir qu’avec beau-
coup
de ménagement, ſi l’on veut que l’œil ſoit fatisfait &
qu’il
en
goûte pleinement toutes les beautés:
mais, lorſqu’on jette des
ornemens
ſur toutes les parties ſans choix &
ſansnéceſſité, il n’y a
plus
que de la confuſion, l’œil ne ſait plus ſe repoſer, l’Ar-
chitecture
eſt cachée ſous ces voiles, &
rien ne nous frape, parce
que
rien ne nous émeut aſſés pour le ſentir.
Comme ces Réflexions nous meneroient trop loin, s’il falloit ci-
ter
des exemples qui déplairoient ſans doute auxperſonnes inte-
reſſées
, je me contenterai de dire que ce n’eſt pas encore aſſés de
retrancher
la confuſion des ornemens de Sculpture, ſi l’on n’en ſait
pas
faire le choix qui dépend ordinairement de la qualité des em-
ploys
&
même des inclinations particulieres des Seigneurs qui
font
bâtir.
On pourra donc choiſir parmi tous les differens Tro-
phées
ou Attributs de Guerre, de Marine, de Chaſſe, de Mu-
ſique
, de Science, &
tant d’autres que je pourrois nommer, ceux
59276LA SCIENCE DES INGENIEURS, qui conviendront le mieux auſujet que l’on aura à traiter; & c’eſt
à
quoi l’on doit s’étudier le plus, quand on veut avoir l’approba-
tion
des connoiſſeurs.
Mais comme ces dedans ſont aujourd’hui d’une très grande
importance
par la grande dépenſe que la mode a rendu comme
neceſſaire
, il faut que l’Architecte épuiſe tous les ſecrets de ſon
art
à la diſtribution &
l’arrangement de toutes leurs parties, qui
conſiſtent
dans une belle proportion, dans un choix délicat des
plus
beaux Profils, &
dans une grande varieté.
J’entens par la proportion la hauteur qu’il faut donner aux
Corniches
ſous les Plafonds, la diſtribution des Pilaſtres, Pan-
neaux
, Cadres, &
autres parties des Lambris de Menuiſerie dont
l’arrangement
dépend de la grandeur des piéces, de leur hauteur,
&
des ſujetions cauſées par les Portes, Croiſées, ou Cheminées.
Les Profils, qui ſe font dans ces piéces, ſont bien differens de
ceux
que l’on fait au dehors:
ils doivent être fort délicats, avoir
peu
de ſaillie, auſſi-bien que les ornemens de Sculpture qui s’y
font
;
& l’Architecte doit en faire lui-même les Profils, & ne s’en
rapporter
jamais aux Ouvriers.
A l’égard de la varieté, elle doit regner dans toutes lespiéces
d’un
Appartement, c’eſt-à-dire que les deſſeins en doivent être
differens
auſſi-bien que les Profils &
les ornemens; avec cette
remarque
, que les premieres piéces ſe font pour l’ordinaire moins
riches
que celles qui ſuivent.
Enfin, ſi l’on veut donner toute la perfection à ſon ouvrage, il ne
faut
pas ſe contenter de donner aux Ouvriers un deſſein bien lavé
&
cotté pour chaque piéce, on doit le faire crayonner en grand
ſur
le lieu même doit être poſé le Lambris, &
y faire deſſiner
le
plus exactement que l’on pourra tous les ornemens qu’on vou-
dray
mettre, afin de pouvoir corriger, augementer, ou diminuer
les
parties qui paroîtront trop fortes ou trop foibles;
car on juge
bien
autrement de ces ſortes d’ouvrages quand on les voit dans leur
grandeur
naturelle, qu’on ne fait ſur un deſſein réduit en petit, ce
que
l’experience apprendra beaucoup mieux que le diſcours.
On peut voir déja par le peu deremarques que nous avons faites
jufqu’ici
, que les connoiſſances néceſſaires à un bon Architecte
ont
plus détenduë qu’on ne s’imagine, &
qu’il ne ſuffit pas d’avoir
exercé
la fonction de deſſinateur pendant quelques années pour
en
mériter le titre, comme cela n’eſt que trop ordinaire;
car bien
loin
d’avoir acquis la plus grande partie des Sciences qui ſont ab-
ſolument
neceſſaires, on prend cette qualité ſans avoir même la
59377LIVRE V. DE LA DE’CORATION. pratique, ni cette experience conſommée dans les Bâtimens, &
qui
ne s’apprend point dans le Cabinet, mais par des Travaux
pénibles
&
non interrompus. Ilne faut plus donc s’étonner, ſi l’Ar-
chitecture
a perdu beaucoup de ſon premier éclat depuis un cer-
tain
nombre d’années;
& l’on doit même apprehender que ce mal
n’augmente
, ſi l’on n’exige point d’autres diſpoſitions de ceux qui
ſe
prévalent de cette qualité.
Comme ce Diſcours de Mr Courtonne renferme pluſieurs choſes
inſtructives
, je n’y ai rien voulu changer:
j’ai ſuprimé ſeulement un
article
il m’a parû qu’il marquoit un peu trop d’aigreur contre
quelques
perſonnes de ſa profeſſion, qu’il ne nomme pas à la verité,
mais
dont l’aplication eſt à craindre;
au reſte, je reviens à l’expli-
cation
de quelques ſujets qui doivent finir ce Chapitre.
L’on fait toûjours un Peron aux grands Bâtimens, comme à l’en-
trée
d’une Egliſe, d’un Palais, ou de tout autre Edifice conſidéra-
ble
:
un Peron, comme l’on ſait, eſt élevé par pluſieurs marches ou
dégrés
, dont le Pallier pour bien faire doit s’étendre ſur toute la
largeur
du Portail, les marches ſelon Vitruve doivent être en nom-
bre
impair de 5 à 6 pouces de hauteur au plus, ſur 10 à 12 pouces
de
giron;
c’eſt-à-dire qu’il faut leur donner pour largeur environ le
double
de leur hauteur, afin de rendre la montée plus douce &
plus
facile
.
Quand un Peron eſt élevé de 13 à 15 marches, il eſt à propos
d’en
interrompre la ſuite par un ou deux repos, afin de n’avoir pas
tant
de dégrés à monter de ſuite, &
que la vûë ne ſe trouve bleſſée
en
deſcendant une ſi grande hauteur ſans appui;
mais il faut ſur-tout
prendre
garde que le Peron ſoit toûjours pratiqué dans la hauteur
du
ſocle ou ſoûbaſſement de l’Edifice, obſervant que quoique le
ſoûbaſſement
tienne lieu ici de Piédeſtal continué, il ne doit avoir
ni
Baſe ni Corniche.
Pour faire auſſi mention des Baluſtres & Baluſtrades qui ſe pra-
tiquent
ſi utilement dans les Edifices, ſoit pour la commodité ou
ſeulement
pour la décoration (comme quand on en fait au-deſſus de
la
Corniche des Entablemens pour égaïer une Façade &
la terminer
avec
grace) l’on ſaura que les Baluſtrades ne ſont autre choſe qu’une
ſuite
de Baluſtres compoſée d’une ou’de pluſieurs travées terminées
par
des Piédeſtaux de même hauteur, le tout portant une tablette
en
maniere d’appui.
Ces travées doivent finir par des demi-Pilaſtres
joints
aux Piédeſtaux:
les Baluſtres ſe font de pluſieurs figures; mais
les
ronds, &
les quarrés, ſont préférables à tous les autres.
Au lieu de Baluſtres, on fait quelquesfois des entre-lacs, qui n’ont
59478LA SCIENCE DES INGENIEURS, pas moins d’agrément: on les rend plus ou moins délicats, ſuivant
les
lieux ils doivent être placés par exemple, ceux qui ſont éle-
vés
au-deſſus d’un Bâtiment, qu’on ne pourra voir que de loin, doi-
vent
être plus maſſifs que ceux qui ſont faits pour être vûs de près.
Les Trophées compoſent encore dans l’Architecture un orne-
ment
fort noble, leur figure eſt un tronc d’Arbre chargé &
envi-
ronné
d’Armes de toute ſorte d’eſpece, leur origne vient des Grecs
qui
dreſſoient ſur le Champ de Bataille un tronc chargé des dépoüil-
les
des Ennemis pour marquer leur Victoire.
Ces monumens étoient
conſacrés
à Mars, &
l’on n’y pouvoit toucher ſans ſacrilege, ſi on
en
juge par ce que raporte Vitruve dans le huitiéme Chapitre de
ſon
ſecond Livre, il dit que la Reine Artemiſe, ayant pris la
Ville
de Rhodes, dreſſa un Trophée dans le milieu de la Place avec
deux
Statues de Bronze, dont l’une étoit élevée à ſa gloire, &
l’autre
marquoit
la Ville de Rhodes ſous des ſignes de ſervitude;
& que
les
Rhodiens dans la ſuite n’ôſant y toucher le renfermerent d’une
enceinte
, parce que, ajoûte-il, il n’étoit pas permis d’ôter les Tro-
phées
conſacrés aux Dieux.
Les Trophées peuvent ſe faire dans toute ſorte de goût, ſelon le
genre
de l’Edifice on veut les apliquer:
par exemple, on en fait
de
Livres, de Spheres, de Globes, &
d’Inſtrumens de Mathema-
tique
, pour repréſenter les Arts &
les Sciences, d’autres avec des
Inſtrumens
de Muſique, d’autres qui conviennent à l’Agriculture,
d’autres
enfin pour la Marine, les Manufactures, &
les Magaſins
publics
ou Arſenaux.
A l’égard des Trophées d’Armes, qui ſont les plus ordinaires &
les
plus conſidérables, il ſemble que lorſqu’il s’agit de quelque Edi-
fice
Militaire, il convient beaucoup mieux de ſe ſervir des Armes
qui
ſont en uſage aujourd’hui, que d’employer celles dont ſe ſer-
voient
les Anciens:
nos Canons, nos Mouſquets, nos Mortiers,
nos
Bombes, nos Drapeaux, nos Picques, nos Tambours, nos
Timbales
, nos Trompettes, &
c. ne ſont point moins nobles ni
moins
beaux à la vûë, quand ils ſont diſpoſés enſemble avec Art,
que
les Boucliers, les Carquois, les Fléches, les Baliſtes, les Cata-
pultes
, les Belliers, &
les autres Armes des Anciens. Au reſte, tout
ce
qui s’appelle ornement doit dépendre du Jugement de l’Archi-
tecte
;
c’eſt en cela qu’on connoîtra ſon goût & ſa capacité, non-
ſeulement
dans l’invention des Sujets, mais dans la juſte aplication
qu’il
en ſaura faire.
Lorſque l’on veut décorer une Place publique qui doit contri-
buer
à la beauté d’une Ville, on ne ſauroit donner trop d’aparence
59579LIVRE V. DE LA DE’CORATION. aux Bâtimens qui l’environnent. Or, pour que la magnificence &
l’utilité
ſe trouvent de concert, il eſt à propos de pratiquer 2 éta-
ges
dans la hauteur de l’Ordonnance;
& , ſi on éleve le tout ſur un
Ordre
ruſtique, l’Ordonnance en aura une augmentation de beau-
:
c’eſt ce que l’on a fait avec beaucoup de ſuccés aux Places de
Vendôme
&
de Victoire, à Paris.
On pourra élever une Baluſtrade au-deſſus de l’Entablement, pour
terminer
agréablement la Façade, &
cacher en partie le comble qui
ne
fait jamais un bon effet quand il eſt queſtion d’une belle Archi-
tecture
:
mais à propos des Baluſtrades, j’ai oublié de dire ci-devant
que
le Socle ſur lequel on poſoit les Baluſtres devoit avoir une hau-
teur
égale à la ſaillie entiere de l’Entablement, &
même quelque
choſe
de plus;
& qu’il falloit donner aux Baluſtres 2 pieds de hau-
teur
comme on l’a pratiqué aux plus beaux Bâtimens de Paris:
j’ajoûterai encore, qu’il faut obſerver de ne point faire leurs travées
ſi
longues qu’on ſoit obligé d’employer pluſieurs piéces pour la
Tablette
, ce qui eſt contraire à la bonne grace &
à la ſolidité; car
rien
n’eſt ſi ſec que de voir 15 ou 20 Baluſtres de ſuite ſans Pila-
ſtres
&
ſans aucune liaiſon, ainſi je croi que 9 ou 10 au plus par
travées
doivent ſuffire.
L’on met quelquefois dans le milieu des Places Publiques des
Piramides
, qui ſont des Monumens fervant à tranſmettre à la poſte-
rité
la Memoire des grands Princes:
on les orne ordinairement
d’un
Trophée d’Armes, de Figures, de Bas-Reliefs, qui repreſen-
tent
leurs actions mémorables, leurs victoires, leur vertu, leur
puiſſance
, &
les Ennemis qu’ils ont vaincus.
Une Piramide doit être d’une hauteur qui l’éleve au-deſſus de
tous
les Bâtimens des environs;
enſorte même qu’elle ſoit vûë de
la
Campagne, &
qu’elle faſſe un riche ornement pour la Ville ou
elle
ſera érigée.
Il faut prendre garde auſſi qu’une Piramide doit
être
ſeule, autrement elle perdroit ſa véritable ſignification, qui
eſt
de repréſenter la gloire du Prince qui regne ou qui a regné.
Je ne finirois jamais, ſi je voulois parler de tout ce qui peut ap-
partenir
à la Décoration des Edifices:
ce ſujet eſt ſi abondant, que
plus
on l’examine, &
plus l’on trouve matiere à de nouvelles re-
flexions
.
L’inclination, dont je me ſens animé pour l’inſtruction des
Lecteurs
, fait que je voudrois ne leur rien laiſſer à déſirer, &
leur
donner
au moins une connoiſſance generale de tout ce qui peut
s’offrir
aux yeux;
cependant, je ſuis ſouvent contraint de retenir ma
plume
, crainte qu’on ne la trouve point aſſés intereſſante, &
qu’on ne
ſe
plaigne que je m’arrête à des choſes qui paroiſſent trop éloignées
59680LA SCIENCE DES INGENIEURS. de mon ſujet: il ne faut pourtant pas croire que c’eſt la paſſion d’é-
crire
qui me guide;
je me ſuis preſcrit des bornes, & elles paroî-
tront
peut être trop étroites, quand on entrera bien dans mes ſenti-
mens
, car voici comme j’ai raiſonné en compoſant ce 5e.
Livre.
L’ouvrage que je veux donner au Public a pour objet l’Inſtruc-
tion
des jeunes Ingenieurs, &
de tous ceux qui ont la conduite des
Travaux
pour le Roy ou pour les Particuliers:
les uns & les autres
parlent
ſans ceſſe Bâtimens;
& je ſai par experience qu’on n’en
peut
raiſonner juſte, ſans en avoir fait une longue &
pénible étude:
peu de gens ont aſſés de loiſir & aſſés de courage pour lire 25 ou
30
gros Volumes, qu’on ne peut avoir qu’en faiſant des dépenſes
conſidérables
dont on n’eſt pas toûjours à portée, &
que ce ſeroit
leur
abreger beaucoup de chemin de leur donner en peu de mots
tout
ce qui pourroit contribuer à les mettre en état, non-ſeulement
de
travailler par eux-mêmes, mais de porter un jugement ſolide
de
tous les Edifices qui méritent quelqu’attention, ſoit que leur
profeſſion
les y engage, ou ſeulement pour ſatisfaire leur curioſité,
principalement
ſur un ſujet qui étant purement de goût, tout le
monde
ſe croit en droit de blàmer ou d’aplaudir.
Je me ſuis donc
chargé
de toute la peine que pouvoit donner le ſoin de débroüiller
&
de mettre en Ordre les Penſées & les Principes de tant d’Au-
teurs
differens, dans l’eſperance qu’on ſeroit ſatisfait du motif qui
me
guide.
Fin du cinquiéme Livre.
63[Figure 63]
597 64[Figure 64]
LA SCIENCE
DES
INGENIEURS
DANS
LA CONDUITE DES TRAVAUX
DE
FORTIFICATION.
LIVRE SIXIE’ME.
Qui comprend la Maniere de faire les Devis pour la con-
ſtruction
des Fortifications, &
celle des Bâtimens civils.
COmme l’on ne peut bien faire les Devis, ſans avoir
une
connoiſſance parfaite des ouvrages quel’on veut
exécuter
, il m’a paru qu’il convenoit de ne traiter
cette
matiere qu’aprèsavoir enſeigné tout ce quel’on
a
dans les quatre premiers Livres:
car pour bien
dreſſer
un Devis, il faut non-ſeulement ſçavoir faire
un
bon choix des matériaux, afin de ſpécifier les conditions de
ceux
que l’on voudra employer, &
la maniere de les mettre en
œuvre
;
mais il faut encore régler les dimenſions des ouvrages,
afin
qu’on puiſſe voir toutes les particularités du projet juſques dans
5982LA SCIENCE DES INGENIEURS, les moindres parties. C’eſt dans un Devis qu’un Ingénieur habile
peut
donner des marques de ſa capacité, &
c’eſt en effet l’endroit
par
lequel on peut en juger ſûrement;
car s’il a du goût & de bons
principes
d’Architecture militaire &
civile, il le fera voir par les
dimenſions
qui ſeront preſcrites dans ſon Devis;
s’il a l’eſprit net
&
juſte, on y appercevra un Ordre & un Arrangement qui rendront
intereſſans
les ſujets les plus ingrats;
enfin s’il eſt capable de faire
exécuter
les travaux les plus difficiles, on en ſera convaincu par
les
détails bien circonſtanciés de tout ce qui doit entrer dans leur
conſtruction
:
ſa pénétration ira même juſqu’à prévoir les accidens
qui
pourroient ſurvenir, &
rien ne lui échapera. On peut donc
dire
qu’un Devis doit être regardé commele chef d’œuvre de l’In-
génieur
, &
que c’eſt de-là que dépend abfolument l’exécution
bonne
ou mauvaiſe du deſſein que l’on a en vûë.
Combien de fois
n’eſt-il
pas arrivé que de grands ouvrages ont échoüé faute d’avoir
été
précédés d’un bon Devis?
Et que ne pourroit-on pas alléguer
pour
en prouver la conſequence?
Dans l’uſage ordinaire ce ſont Meſſieurs les Directeurs de For-
tifications
qui font les Devis, &
le plus ſouvent les Ingénieurs en
chef
;
mais comme il n’y a point d’Ingénieurs qui ne puiſſent ſe
trouver
dans le cas de projetter par eux-mêmes, on peut regarder
ce
ſixiéme Livre comme celui qu’il importe le plus de bien ſça-
voir
, puiſque, comme je l’ai déja dit, les autres qui précedent
n’en
ſont que l’Introduction.
Le Devis eſt un Mémoire inſtructif de toutes les parties d’un ou-
vrage
qu’on veut conſtruire;
il explique l’Ordre & la Conduite du
travail
, les qualités &
façons des matériaux, & géneralement tout
ce
qui a rapport à la conſtruction &
à la perfection de l’ouvrage.
Ses qualités principales ſont que toutes les matieres ſoient miſes
dans
un bel Ordre, énoncées clairement &
bien détaillées, ſans
confuſion
, n’omettant rien d’eſſentiel, &
de ne laiſſer aucun équi-
voque
qui puiſſe donner lieu dans la ſuite à des conteſtations avec
les
Entrepreneurs;
il doit être relatif au plan & profil du projet:
quand il eſt revêtu de toutes ces conditions, il ſert de guide à l’En-
trepreneur
, aux ouvriers, &
à l’Ingénieur même, parce qu’alors il
aſſujettit
les uns &
les autres à travailler de concert & conformé-
ment
à l’intention du Directeur, ou de celui qui a fait le projet.
Il n’y a point de ſorte d’ouvrage qui ne demande ſon Devis par-
ticulier
;
mais comme il faudroit un détail infini pour en circonſ-
tancier
chaque eſpece, je me contenterai d’en donner une idée ge-
nerale
qui ſuffira pour en faire l’application à toute ſorte de tra-
5993LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. vaux, & à ceux même dont je ne ferai point mention; pour cela
nous
ſuppoſerons, comme nous l’avons fait juſqu’ici, qu’il s’agit
de
bâtir une Place neuve dont tous les deſſeins ſont cottés &
réglés
définitivement
, &
qu’il n’eſt plus queſtion que d’en faire le Devis
pour
enſuite proceder à l’adjudication:
en rempliſſant ce deſſein
je
remettrai ſous les yeux du Lecteur toutes les differentes eſpeces
d’ouvrages
dont j’ai fait mention juſqu’ici;
mais, avant cela il eſt à
propos
que je m’arrête un moment pour faire voir la diſpoſition
générale
d’un Devis tel que celui dont nous parlons.
Il faut commencer d’abord par faire mention de la ſituation de
la
Place &
de ſon tracé, des principales pieces de fortifications qui
doivent
compoſer ſon enceinte, comme du corps de la Place, des
ouvrages
détachés &
des chemins couverts, on doit dire un mot
en
paſſant des meſures qu’il faudra prendre pour établir le Rez-
de-chauſſée
général, &
pour former la diſtribution des ruës, de-là
on
paſſe aux dimenſions de chaque eſpece d’ouvrage, commençant
par
le corps de la Place, &
continuant par les autres ouvrages dé-
tachés
, &
cela à meſure qu’il s’éloigne du centre; on fait mention
des
épaiſſeurs que doivent avoir les murs au ſommet &
ſur la baſe,
de
leurs taluds, retraites &
empatemens, de la hauteur & épaiſ-
ſeur
des contreforts, de la largeur &
profondeur des foſſez, de la
diſpoſition
des chemins couverts &
glacis, des voûtes, portes, ſou-
terrains
&
latrines, le tout en géneral ſeulement; & c’eſt ce qui
doit
faire la premiere partie du Devis.
On entre enſuite dans le détail de la qualité des matériaux, com-
me
des mortiers, ciment, ſable, chaux, pierre de taille, moëlon,
pierres
de parement, carreaux &
boutiſſes, joints, hauteur des
aſſiſes
, libages, fichages des pierres, fer, bois, pilotis, placage &

gazonage
, ce qui forme la ſeconde partie;
& on continuë en re-
prenant
chaque ouvrage l’un après l’autre ſuivant l’Ordre de ſa conſ-
truction
particuliere, détaillant toutes les précautions, aſſujettiſ-
ſemens
, formes &
règles du travail dans toutes leurs circonſtan-
ces
, obſervant toûjours de commencer par le corps de la Place,
comme
il vient d’être dit, &
d’en épuiſer la matiere avant que de
paſſer
aux autres ouvrages, qu’on doit enſuite traiter tour-à-tour
avec
la même méthode.
Enfin le Devis ſe termine par la conſtruction des Ponts, Puits,
Magaſins
, Arſenaux, Hôpitaux, Pavillons, &
Corps de Cazernes,
quoique
cependant il ſoit d’uſage de faire un Devis particulier pour
ces
derniers;
en tout cas, on doit garder le même ordre pour ces
ſortes
de bâtimens, que pour la Place même, c’eſt-à-dire, déſigner
6004LA SCIENCE DES INGENIEURS, d’abord leurs dimenſions principales, parler enſuite de la qualité
des
matériaux, &
ſuivre après en détail l’Ordre de leur conſtruc-
tion
, commençant par les gros ouvrages, &
finiſſant par les legers,
après
quoi l’on met les conditions qui regardent les Entrepre-
neurs
.
Voilà ce qu’on peut dire en général ſur l’Ordre & l’Arrangement
des
parties d’un Devis.
Quant aux autres qualités qu’il demande
pour
être bien fait, elles ſe réduiſent, comme je l’ai déja dit, à la
netteté
&
à la préciſion, c’eſt-à-dire, à diſtinguer chaque choſe
clairement
, à ne rien oublier d’eſſentiel, de même qu’à ne rien
mettre
d’inutile;
à ne point faire des répétitions qu’autant qu’elles
ſont
abſolument néceſſaires pour un plus parfait éclairciſſement,
à
ne laiſſer aucun équivoque ou doute qui puiſſe donner matiere
aux
Entrepreneurs de conteſter, &
à ſpécifier toûjours autant qu’il
eſt
poſſible, la qualité &
la force de chaque nature d’ouvrage,
afin
que l’Entrepreneur ſoit obligé de s’y aſſujettir, &
que non
ſeulement
on ſoit en droit de lui faire éxécuter ſon marché dans
toutes
ſes circonſtances, mais encore qu’il ne puiſſe trouver aucun
faux-fuyant
pour ſe diſculper des frais que le plus ou moins de
propreté
dans l’ouvrage, ou le plus ou moins de force dans cha-
que
choſe, pourroit occaſionner.
Il ne faut pas non plus dans un Devis multiplier les titres mal à
propos
, ce défaut le rend ordinairement obſcur, &
lui ôte cet air
de
netteté qu’il doit avoir.
Il vaut beaucoup mieux renfermer ſous
un
ſeul titre toutes les matieres qui peuvent y avoir rapport, &

les
apoſtiller à la marge chacune en particulier, afin qu’on les puiſ-
ſe
trouver du premier coup d’œil, quand l’occaſion le demande.
J’ai tâché de me conformer dans le modele ſuivant aux régles
que
je viens de preſcrire, &
la lecture ſera plus inſtructive qu’un
plus
ample diſcours.
On y trouvera la plûpart des dimenſions &
des
conditions qui ont été obſervées au Neuf-Briſac, que j’ai choi-
ſi
exprès préferablement à toute autre Place, à cauſe de l’eſtime
que
l’on fait de la beauté de ſes ouvrages.
C’eſt effectivement le
ſujet
le plus parfait qui puiſſe être traité;
cependant, je ne m’aſſu-
jettirai
point au Devis primitif qui en a été fait, quoique je le pren-
drois
ſans balancer pour unique modele, ſi cet abregé me permet-
toit
d’entrer dans tout ſon détail.
J’ai ajoûté à la fin de ce Devis deux planches qui ſerviront à dé-
velopper
la Fortification du Neuf-Briſac;
les Tours baſtionnées, qui
ſont
repréſentées ſur la ſeconde, ne ſont point tout-à-fait confor-
mes
à celles qui ont été exécutées, parce que je les ai tirées d’un
6015LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. nouveau projet que M. le Marêchal de Vauban a fait quelqu’an-
nées
avant ſa mort, pour rectifier celui du Neuf-Briſac;
mais com-
me
la difference eſt très peu de choſe, j’ai crû qu’au lieu d’y trou-
ver
à redire, on me ſçauroit bon gré d’avoir rapporté celles-ci pré-
ferablement
aux autres qui ſont connuës de tout le monde;
d’ail-
leurs
il eſt bon que l’on ſçache que ces deux planches, que j’ai fait
graver
il y a pluſieurs années, ne devoient point ſe trouver dans
ce
Volume-ci, leur veritable place étant dans celui je parle de
l’art
de fortifier les Places, &
de la maniere de faire les projets de
Fortification
, que je mettrai au jour dans la ſuite;
c’eſt pourquoi
elles
contiennent des lettres &
des chiffres deſquels je ne fais point
mention
preſentement, parce qu’ils ont rapport à un diſcours qui
n’eſt
pas du ſujet que je traite ici;
mais ſans s’en mettre en peine,
il
ſuffira en liſant ce Devis de jetter de tems en tems les yeux ſur
les
deſſeins, afin d’avoir une parfaite intelligence de l’objet de cha-
que
article, &
on ne trouvera pas moins ces deux planches avec
leur
Diſſertation dans le Volume dont je viens de parler.
MODELE D’UN DEVIS POUR UNE PLACE
neuve
, telle que le Neuf-Briſac.
Devis des Ouvrages de Maçonnerie, Terre & Gazonnages,
Charpente
, Couverture, Menuiſerie &
autres que le Roy a
ordonné
être faits pour la Conſtruction d’une nouvelle Place.
On marque ici ſon nom & ſa ſituation.
I.
Situation de la Place.
LA Place ſera ſituée dans la plaine de. .. . ou ſur la riviere de. ..
11Figure &
ſituation
de
la
Place.
&
ſera tracée ſuivant les meſures de ſon plan en octogone ré-
gulier
, formant huit poligones égaux;
ſur chaque angle deſquels
ſera
conſtruite une Tour baſtionnée ſuivant les dimenſions qui ſe-
ront
ſpécifiées ci-après.
Les dehors de la Place conſiſteront en huit baſtions détachés, ou
22Dehors de
la
Place.
contregardes tracés ſur la capitale de ces Tours, huit tenailles de-
vant
les courtines, huit réduits, huit demi-lunes devant ces ré-
duits
, &
un ouvrage à corne devant tel. .. . front; le tout envelop-
d’un chemin couvert.
6026LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Après que la Place aura été tracée, on fera courir le niveau
11Rez-de-
chauſſée
.
tout au tour, &
ſur ſes differentes élevations on prendra un mi-
lieu
pour établir le Rez-de-chauſſée, ce qui ſe fera en abaiſſant les
parties
les plus élevées, &
en relevant celles qui ſe trouveront
trop
baſſes.
Ce même niveau réglera ceux de dedans & du dehors
de
la Place.
On fera en même tems la diſtribution des ruës qui doivent ſépa-
22Diſtribu-
tion
des
ruës
& pen-
tes
pour l’é-
coulement

des
eaux.
rer les Places à bâtir, &
on en marquera la deſtination par de
grands
piquets auſquels ſeront attachés des écriteaux de fer-blanc
qui
ſerviront d’indices;
& pour avoir les pentes néceſſaires à l’é-
coulement
des eaux, on relevera le centre de la Place de quatre
pieds
, &
on chiffrera des piquets fixes qui régleront l’alignement
des
ruës, &
indiqueront les rehauſſemens ou rabaiſſemens qu’il y
aura
à faire à chaque partie.
II.
DIMENSIONS
DES PARTIES PRINCIPALES
de
la Place.
CORPS DE LA PLACE.
Poligone et Courtine.
CHaque Poligone extérieur aura 180 toiſes de longueur d’un
33Poligone. angle à l’autre.
Les Courtines auront 124 toiſes 4 pieds {3/4} chacune entre les
44Courtines. Tours, &
ſeront coupées en deux endroits par des flancs de 4 toi-
ſes
4 pieds, formées par le prolongement de ceux des contre-
gardes
.
Leur revêtement aura dix pieds deux pouces d’épaiſſeur au
55Revétemens
des
Courti-
nes
.
deſſus des fondemens, y compris le chanfrain des trois aſſiſes de
pierre
de taille, &
ſera élevé de trente pieds depuis le deſſus des
fondemens
juſqu’à la hauteur du deſſus du cordon, l’épaiſſeur
ſera
réduite à cinq.
Au niveau du fond du foſſé ſera faite une retraite de trois pou-
66Retraites
& fonde-
mens
.
ces de ſaillie au dehors du nud dudit revêtement, &
un peu audeſ-
ſous
une autre pareille retraite, de ſorte que les fondemens auront
dix
pieds huit pouces d’épaiſſeur par le bas, ſur trois pieds de pro-
fondeur
.
On obſervera les même retraites, empatemens tant des
Tours
baſtionnées que des contregardes, tenailles, demi-lunes,
réduits
&
autres pieces, ainſi il n’en ſera plus parlé dans la ſuite.
6037LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
Les Contreforts ſeront conſtruits auſſi bas que le revêtement,
11Contre-
forts
.
&
élevés à même hauteur, on les eſpacera à quinze pieds de diſ-
tance
les uns des autres de milieu en milieu, &
ils auront huit
pieds
de long, cinq de large à la racine, &
trois à la queue.
Pour ſuppléer aux affaiſſemens des terres, les Remparts ſeront
22Rempart@. élevés de trois pieds plus de la hauteur des revêtemens, &
la ſur-
face
de leur terre-plain ſera dreſſée ſur trente pieds de largeur en
pente
d’un pied &
demi à prendre depuis la banquette juſqu’au ta-
lud
intérieur des mêmes remparts, qui aura les deux tiers de ſa
hauteur
;
ces Remparts ſeront ornés de deux rangs d’arbres qui
formeront
une allée ſur le terre-plain, &
d’un troiſiéme qui ſera
planté
au pied du talud du rempart.
La Banquette aura quatre pieds & demi de large ſur un pied &
33Banquette. demi de haut, taluant de trois pieds.
Les Parapets auront dix-huit pieds d’épaiſſeur au ſommet, & ſe-
ront
élevés pardevant de quatre pieds au-deſſus du cordon, &
de
quatre
pieds &
demi au-deſſus de la Banquette, formant une pen-
te
de deux pieds &
demi du derriere au devant. Le talud du ga-
zonnage
intérieur ſera du quart de ſa hauteur.
Tours Bastionne’es.
Chaque Tour ſera compoſée de deux faces, deux flancs, & une
44Tours baſ-
tionnées
.
gorge de Maçonnerie;
chaque face aura deux toiſes cinq pieds
huit
pouces de long, meſurés au cordon;
chaque flanc ſix toiſes;
chaque demi-gorge ſept, & la capitale neuf toiſes deux pieds ſix
pouces
.
Son revêtement ſera élevé de vingt-huit pieds depuis le deſſus
55Revéte-
ment
& p@-
rape@
.
des fondemens il y aura treize pieds un pouce d’épaiſſeur, juſ-
qu’au
cordon l’épaiſſeur ſe réduira à huit pieds, &
ſera ſur-
monté
d’un Parapet de maçonnerie de briques auſſi de huit pieds
d’épaiſſeur
&
de ſix de hauteur, dans lequel ſeront obſervées, auſſi
bien
qu’à l’étage inferieur, toutes les embraſures, évents, &
Gué-
rites
marqués dans les Plans &
Profils.
On élevera le long des faces deux Banquettes de maçonnerie,
66Banquette. faiſant enſemble trois pieds de largeur ſur trois de hauteur.
Le mur des gorges n’aura que ſix pieds d’épaiſſeur au-deſſus des
77Gorges. fondemens, &
ſera érigé à plomb juſqu’à la hauteur du ſommet
du
Parapet des Tours.
Au centre de chacune de ces Tours ſera fait un noyau de ma-
88Noyau &
Voûtes
.
çonnerie fondé auſſi-bas que le revêtement, pour recevoir &
ſou-
6048LA SCIENCE DES INGENIEURS, tenir les voûtes qui regneront le long des flancs & gorges; ces
voûtes
auront dix-huit pieds de longueur de vuide, &
ſeront conſ-
truites
à plein-ceintre.
Au milieu du noyau ſera pratiqué un Ma-
gazin
à poudre voûté auſſi à plein-ceintre de quinze pieds de lar-
geur
dans œuvre &
de vingt pieds de longueur.
Il ſera fait aux deux côtés de chaque Tour une poterne voûtée
11Poternes. pour communiquer aux contregardes, dont les allées débouche-
ront
dans le foſſé à côté des flancs, &
auront ſix pieds de largeur
chacune
juſqu’à la jonction du gros mur de la courtine, le paſ-
ſage
de la porte ſera maſqué de maçonnerie pour n’être ouverte
que
dans le beſoin, &
réduit à quatre pieds & demi. Le mur qui
ſoutiendra
les terres du côté du Rempart, aura cinq pieds d’é-
paiſſeur
au-deſſus des fondemens, ſera faite une retraite de trois
pouces
de chaque côté, &
cinq pieds & demi de hauteur juſqu’à
la
naiſſance des voûtes.
Le paſſage de l’entrée inferieure des Tours ſera auſſi voûté ſur
22Paſſage &
l’entrée
des
Tours
.
douze pieds de largeur à l’endroit du rempart, &
formé par deux
murs
qui auront chacun cinq pieds &
demi d’épaiſſeur au-deſſus
de
leurs fondemens, avec trois pouces de retraite de chaque cô-
, &
quatre pieds de hauteur au-deſſus du rez-de-chauſſée de
l’interieur
des Tours.
Ces murs ſeront ſoutenus du côté des terres
par
des contreforts de ſix pieds de longeur, quatre &
demi de
largeur
à la racine, &
trois à la queuë.
A l’entrée de ces paſſages, & ſur l’alignement du retour du rem-
33Porte de
l’entrée
des
Tours
&
eſcalier
.
part, ſera faite une porte de pierre de taille avec les fermetures
de
huit pieds de longeur, &
neuf & demi de hauteur ſous clef,
dont
les pieds droits ſeront prolongez en dehors juſqu’au pied
du
talud du rempart, formant deux aîles en rampe ſuivant le mê-
me
talud, qui auront trois pieds d’épaiſſeur chacune aux extremi-
tez
avec des ébraſſemens de part &
d’autre; & à chaque côté de
cette
entrée ſera fait un eſcalier de pierre de taille, dont les mar-
ches
auront quatre pieds &
demi de longueur ſur ſix pouces de
hauteur
, contregardé par un petit mur d’appui de deux pieds d’é-
paiſſeur
.
GRANDES PORTES ET CORPS DE GARDE
DES Entre’es principales.
Sur le milieu des quatre courtines qui répondront aux entrées
44Portès
d’Architec-
ture
.
principales de la Place, ſera fait quatre grandes Portes d’Archi-
tecture
.
La hauteur du frontiſpice de chaque porte ſera de huit
6059LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. toiſes depuis le deſſus des fondemens juſqu’au deſſus de la corniche
de
l’entablement, &
ſa largeur de huit toiſes trois pieds au deſſus
du
ſoubaſſement, ſur onze pieds d’épaiſſeur par le bas, &
ſept par le
haut
, non compris la ſaillie des pilaſtres.
Le fronton aura douze
pieds
d’élevation dans ſon milieu.
Chaque porte aura neuf pieds
neuf
pouces de largeur entre les pieds droits, treize pieds de hau-
teur
entre le ſeuil &
la clef, & ſera décorée conformément au deſ-
ſein
.
Le paſſage des entrées aura douze pieds de largeur dans œuvre
11Paſſage. entre les doſſerets, non compris la refuite des côtés.
Il ſera voûté
au
deſſus de l’impoſte, &
formé par des murs de cinq pieds de hau-
teur
juſqu’audit impoſte, &
cinq pieds & demi d’épaiſſeur au deſ-
ſus
de leur fondement, faiſant retraite de trois pouces de part &

d’autre
.
Ces murs ſeront ſoutenus de chaque côté par deux con-
treforts
qui auront chacun ſix pieds de longueur, cinq de largeur
à
la racine, &
trois à la queuë. Ce paſſage ſera garni de toutes ſes
fermetures
, ponts-levis, orgues, &
baſcules conformement au deſ-
ſein
, &
ſera précedé d’un periſtile ou veſtibule de trente huit pieds
22Veſtibule. de largeur dans un ſens, &
vingt-un & demi dans l’autre, qui ſera
voûté
à même hauteur que le paſſage de la porte, &
ſoûtenu par
des
doſſerets &
piliers de pierre de taille de trois pieds ſur trois &
demi
d’épaiſſeur, cimetriſant avec la Décoration des pieds droits
du
paſſage.
La partie de ce periſtile, qui regarde le dedans de la Place, ſera
revêtuë
de pierre de taille dedans &
dehors ſur toute ſa hauteur,
&
aura cinq pieds d’épaiſſeur au deſſus des fondemens; elle fera
retraite
de deux pouces à deux pieds au deſſus de ces fondemens,
puis
élevée de ſeize pieds depuis le deſſus de cette retraite juſqu’au
deſſus
du plinthe, formant trois arcades dont celle du milieu aura
dix
pieds d’ouverture, &
les deux joignantes huit pieds ſeulement;
toutes trois de quatorze pieds de hauteur.
A droite & à gauche du même periſtile ſeront faits deux Corps
33Corps d@
garde
.
de garde &
une Priſon, dont les murs de face & de retour auront
quatre
pieds &
demi d’épaiſſeur au-deſſus de toutes les retraites;
ces pieces ſeront éclairées par quatre croiſées de quatre pieds de
largeur
&
huit de hauteur chacune, diſpoſée & décorée avec
ſimetrie
, deux de chaque côté du veſtibule, &
auront enſemble
dix
toiſes un pied de longueur de face du côté de la Place.
Le logement au-deſſus ſera conforme en tout à la diſtribution
44Logement
audeſſus
&
chambre

aux
orgues.
figurée dans le deſſein;
& ſa façade, qui ſera percée de neuf croi-
ſées
, &
réduites à deux pieds d’épaiſſeur, ſera élevée de dix-ſept
60610LA SCIENCE DES INGENIEURS, pieds depuis le deſſus du plinthe juſqu’au deſſus de l’entablement;
le tout décoré ſuivant les élevations du même deſſein, & ſurmonté
d’un
fronton, de quatre lucarnes, &
d’un comble de ſeize pieds de
hauteur
.
La chambre aux orgues, la cage de baſcule, & les eſca-
liers
à droite &
à gauche des portes pour monter ſur le rempart,
ſeront
auſſi conſtruits ſuivant leur plans &
profils particuliers. Ces
eſcaliers
ſeront de pierre de taille, ils auront quatre pieds &
demi
de
largeur dans œuvre, &
un mur d’apui rempant de deux pieds
&
demi d’épaiſſeur.
Poternes de Sortie.
Dansle milieu de chaque courtine il n’y aura point de gran-
11Poternes
de
ſortie.
de porte, ſera faite une poterne pour communiquer aux tenailles;
l’on y deſcendra par un eſcalier de pierre de taille hors œuvre,
voûté
ſur ſix pieds de largeur, &
ſurmonté à l’aplomb du talud
ſuperieur
du rempart, d’un mur de brique d’un pied &
demi d’é-
paiſſeur
, &
de quatre de hauteur au deſſus du terre-plain.
Son paſſage ſera enfoncé de cinq pieds au deſſus du ſol de la
22Paſſage. Place, &
aura douze pieds de largeur. Ses portes, ainſi que celles
des
poternes des Tours baſtionnées, auront quatre pieds &
demi
de
largeur, &
ſeront garnies de leurs fermetures d’une force con-
venable
, obſervant de les maſquer toutes enſuite du côté du foſſé
d’une
bonne maçonnerie de quatre pieds à quatre pieds &
demi
d’épaiſſeur
, &
de pratiquer un petit évent dans ce maſque.
Les pieds droits de ce paſſage auront ſix pieds de hauteur & cinq
d’épaiſſeur
au-deſſus de leurs fondemens, faiſant retraite de trois
pouces
de chaque côté, &
ſeront ſoûtenus par des contreforts de
trois
pieds de large à la racine, deux à la queuë, &
quatre & de-
mi
de long.
Et pour faciliter l’écoulement des eaux de la Place, ſera conſ-
33@quedue. truit au deſſous de ces Poternes un petit Aqueduc voûté de deux
pieds
de largeur dans œuvre, ſur trois de hauteur, dont les pieds
droits
auront chacun deux pieds &
demi d’épaiſſeur. On en fera
de
pareils à chaque côté des quatre grandes portes.
Souterrains.
Il ſera fait des ſouterrains ſous les briſures de chaque courtine,
44Souter-
@ains
.
qui feront l’office de flanc bas, à l’exception de deux ſeulement,
qui
ſeront conduits en pente douce, &
perceront du dedans de la
60711LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. Place juſqu’au fond du foſſé, pour y abreuver les chevaux en tems
de
Siége.
Ces ſouterrains ſeront pavés proprement, & fermés par
des
portes ſûres à chaque extrémité, puis murées ſolidement pour
n’être
ouvertes que dans les beſoins preſſans;
ils auront dix-huit
pieds
de largeur dans œuvre, leurs pieds droits ſept pieds &
demi
juſqu’à
la naiſſance des voûtes, &
quatre pieds & demi d’épaiſ-
ſeur
, leurs contreforts ſix pieds de longueur, quatre de largeur à
la
racine, &
trois à la queuë.
Pour deſcendre dans les premiers de ces ſouterrains, on prati-
11Eſcalier. quera intérieurement à leur entrée un eſcalier de pierre de taille
de
ſept pieds de largeur, fondé ſur un bon maſſif avec des murs
d’apui
d’un pied &
demi d’épaiſſeur. Les pieds droits de cette entrée
ſeront
prolongés par dehors juſqu’au pied du talud du rempart, &

ébraſés
de ſix pieds de chaque côté.
Ils auront cinq pieds d’épaiſ-
ſeur
au deſſus des fondemens, &
ſeront réduits à trois à leur ſom-
met
.
On obſervera de pratiquer dans un des pieds droits de ces
ſouterrains
, &
contiguëment à l’entrée, un petit magazin à poudre
de
huit ſur douze pieds de largeur dans œuvre, &
d’élever ſur cette
entrée
un petit mur d’un pied &
demi d’épaiſſeur qui ſurmonte de
trois
à quatre pieds le terre-plein du rempart.
On obſervera de
même
toutes les cheminées, évens, &
embraſures qui ſont marqués
dans
le plan.
Bastions detache’s, ou Contregardes.
Les faces des contregardes auront ſoixante toiſes de longueur
22Faces &
flancs
des
contregar-
des
.
chacune, &
les flancs vingt-deux. Ces faces & ces flancs ſeront
élevés
à demi-revêtement depuis le deſſus de leurs fondemens, &

auront
dix-huit pieds de hauteur à l’angle du flanc &
de la
33Executé
à
Briſac.
gorge, dix-huit &
demi à celui de l’épaule, & vingt à l’angle flan-
qué
, taluant d’un ſur ſix;
ce revêtement aura ſept pieds huit pou-
ces
d’épaiſſeur au deſſus des fondemens, &
à trois pieds près du ſom-
met
dudit revêtement;
la maçonnerie ſera arrangée & réduite par
ſon
talud à cinq pieds d’épaiſſeur.
Les trois autres pieds d’élevation
ſeront
continués ſuivant le talud du parement exterieur ſur trois
pieds
d’épaiſſeur par le bas, revenant à deux pieds &
demi au ſom-
met
.
Sur-tout on aura ſoin d’élever ſur chaque angle flanqué un petit
mur
en forme de ſurtout de quarante-deux pieds de longueur, &

de
quatre &
demi de hauteur, dont le couronnement ſe racordera
à
celui des faces par une rechûte en talud de douze pieds.
60812LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Le revêtement des gorges aura deux pieds & demi d’épaiſſeur au
11Gorges. ſommet, &
ſeize de hauteur à prendre depuis le deſſus des fonde-
mens
, il taluera auſſi d’un ſur ſix, &
ſuivra le profil des parapets,
banquettes
, &
remparts.
Les contreforts des flancs & des faces auront les mêmes dimen-
22Contre-
forts
.
ſions que ceux des courtines, &
ſeront eſpacés du même inter-
valle
.
On les élevera à trois pieds près du ſommet des revêtemens.
Ceux des gorges n’auront que quatre pieds de longueur, trois d’é-
paiſſeur
à la racine, &
deux à la queuë, & ſeront d’un pied plus
bas
que le ſommet des gorges.
Au niveau de la brique-de-cant qui terminera le revêtement des
33Berme &
parapet
.
flancs &
des faces, ſera faite une berme de dix pieds de largeur,
ſur
laquelle on plantera une haye vive, après quoi on continuëra
l’élevation
des remparts &
des parapets de ces pieces, en parement
de
gazon ou avec placage ſeulement, en taluant des deux tiers
de
la hauteur.
L’interieur de ces parapets auſſi bien que les ban-
quettes
ſeront en tout ſemblables à ce qui a été dit pour ceux du
corps
de la Place, &
leur extérieur ſurmontera de quatre pieds le
niveau
du terre-plein du rempart.
Ces remparts auront trente pieds de largeur depuis le bord de
44Remparts. leur talud interieur juſqu’au pied de la banquette, à l’endroit de
laquelle
ils ſeront élevés de dix pieds au deſſus de la berme des ou-
vrages
avec pente d’un pied &
demi du côté de la Place, obſer-
vant
de les élever d’un pied plus à l’angle de l’épaule, qu’à celui
du
flanc &
de la gorge, & de trois pieds à l’angle flanqué plus
qu’à
celui de l’épaule.
Dans cette hauteur de dix pieds ſont com-
pris
les trois pieds qu’on donnera pour ſuppléer aux affaiſſemens des
terres
, &
ces mêmes dix pieds joints aux quatre pieds du parapet
donneront
en tout quatorze pieds de hauteur par devant de gazon-
nage
ou placage.
L’on obſervera auſſi les rempes néceſſaires pour
la
montée du canon, &
elles auront onze toiſes de longueur ſur
neuf
pieds de largeur.
Il ſera fait un ſouterrain ſous le rempart de chaque flanc, pour com-
55Commani-
cation
.
muniquer aux tenailles;
ſon paſſage ſera conduit en pente depuis
l’interieur
des contregardes juſqu’au niveau de la rempe, quiſera pri-
ſe
dans ces mêmes tenailles huit pieds au deſſus des fondemens, il aura
ſix
pieds de largeur, &
ſes pieds droits auront trois pieds d’épaiſ-
ſeur
, &
cinq de hauteur juſqu’à la naiſſance des voûtes. L’entrée de
ces
ſouterrains ſera formée par un mur élevé à l’aplomb du talud ſu-
perieur
du rempart par un profil de dixhuit pieds de longueur.
Ces
deux
murs ſeront érigés perpendiculairement, &
auront chacun
trois
pieds d’épaiſſeur.
60913LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
Tenailles.
Chaque tenaille ſera compoſée de deux faces qui auront vingt-
11Tenailles. huit toiſes de longueur chacune, &
ſera revêtuë devant & derrie-
re
.
Elle ſera coupée dans ſon angle rentrant par un paſſage pris
ſous
ſon parapet, &
voûté de ſix pieds de largeur qui ſervira de
communication
aux demi-lunes par le milieu du foſſé.
Le revêtement des faces aura cinq pieds huit pouces d’épaiſſeur
22Revéte-
ment
.
au deſſus des fondemens, &
ſera élevé de neuf pieds taluant d’un
ſur
ſix par devant, à laquelle hauteur il ſera réduit à quatre pieds
33Executé à
Briſac
.
d’épais, puis ſera continué ſuivant le même talud juſqu’à trois pieds
plus
haut ſur trois d’épaiſſeur ſeulement, réduit à deux &
demi
au
ſommet, obſervant que ce ſommet ne ſoit pas plus élevé que
la
ſurface du chemin couvert.
A cette hauteur ſera faite une berme ſemblable à celle des con-
44Bermes &
parapet
.
tregardes, mais d’un pied ſix pouces de largeur ſeulement, &
ſans
haye
vive;
ſur laquelle on élevera le parapet de la tenaille en ga-
zonnage
ou placage, &
ce parapet aura huit pieds de hauteur par
55Executé à
Briſac
.
dehors, &
ſept & demi par dedans, avec une banquette de deux
pieds
de haut, du pied de laquelle le terre-plein de la tenaille ira
gagner
le ſommet de la gorge.
Les gorges n’auront que quatre pieds dix pouces d’épaiſſeur par
66Gorges. le bas, &
deux pieds & demi par le haut, elles ſeront élevées de
quatorze
pieds au deſſus des fondemens.
Les contreforts des faces auront cinq pieds de long, quatre de
77Contre-
forts
.
largeur à la racine, &
trois à la queuë, & ne ſeront élevés que de
neuf
pieds, ceux des gorges auront quatre pieds de longueur,
trois
de largeur à la racine, deux à la queuë, &
ſeront de deux
pieds
plus bas que le ſommet des gorges, ils ſeront tous eſpacés à
quinze
pieds de diſtance les uns des autres de milieu en milieu.
Pour communiquer au pont qui forme le paſſage de la contre-
88Rempes. garde à la tenaille, il faudra pratiquer à l’extremité de ce pont
une
rempe de ſix à ſept pieds de largeur dont les côtés ſeront re-
vêtus
, &
former deux autres rempes joignant l’angle des gorges de
douze
à quinze pieds de largeur, ſur trois toiſes cinq pieds de lon-
gueur
, pour deſcendre dans le foſſé.
Demi-Lunes.
Les faces des demi-lunes auront quarante huit toiſes de longueur
99Demi-
lunss
.
chacune, &
les flancs ſept.
61014LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Leur revêtement ſera de ſept pieds quatre pouces d’épaiſſeur au-
11Revéte-
ment
des
demi-lunes
,
gorges
&
contreforts
.
deſſus des fondemens, de cinq à la hauteur de treize pieds, &
de
deux
pieds ſix pouces au ſommet, faiſant en tout ſeize pieds d’é-
levation
avec talud d’un ſur ſix.
Les gorges auront quinze pieds
de
hauteur, &
tous les contreforts de ces pieces ſeront entiere-
ment
conformes à ce qui a été dit pour ceux des contregardes.
Il ſera fait, au niveau du ſommet du revêtement de ces faces &
22Bermes. flancs, une berme de dix pieds de largeur garnie d’une haye vive,
ſur
laquelle ſeront élevés les remparts &
parapets avec parement
exterieur
de gazonnage taluant d’un tiers, ou avec placage ſeule-
ment
taluant des deux tiers, ſur quinze pieds de hauteur à l’en-
droit
des angles flanqués, &
quatorze pieds aux angles d’épaule,
y
compris les trois pieds donnés pour l’affaiſſemenr des terres.
Les parapets & banquettes auront d’ailleurs les mêmes dimen-
33Parapets &
banquettes
.
ſions qu’aux contregardes.
Le terre-plein du rempart aura vingt pieds de largeur depuis le
44Rempart. pied de la banquette juſqu’au bord du talud interieur, &
ſera
dreſſé
en pente d’un pied &
demi du devant au derriere. On y ob-
ſervera
toutes les rempes &
eſcaliers qui ſont figurés dans le plan.
A chacune des quatre demi-lunes qui couvrirontles courtines des
55Portes d’ar-
chitecture
.
entrées principales de la Place, ſera faite une porte d’Architecture
de
neuf pieds neuf pouces de largeur, &
treize de hauteur ſous
clef
, avec les ornemens conformes aux deſſeins qui en ont été ré-
glés
.
Sera fait enſuite le revêtement du paſſage des entrées de ces de-
66Paſſage des
entrées
.
mi-lunes, ſur toute la largeur de leur rempart &
parapet, & les
murs
de ces revêtemens ſeront élevés à plomb des deux côtés juſ-
qu’à
la hauteur des parties qu’ils profileront ſur quatre pieds &

demi
d’épaiſſeur au deſſus des fondemens, avec retraite de trois
pouces
de chaque côté.
Les contreforts auront cinq pieds de long,
quatre
de large à la racine, trois à la queuë, &
ſeront eſpacés
comme
ceux dont il a été parlé ci-deſſus.
Les paſſages ſeront ac-
compagnés
de leurs ponts-levis, baſcules, &
deſcentes, ſuivant les
meſures
de leurs plans &
profils particuliers.
Reduits dans les Demi-Lunes.
Les faces des reduits auront dix-huit toiſes de longueur, les flancs
77Reduits.
Executé
à
Briſac
.
trois toiſes, &
les retours des demi gorges ſix, le tout bien revêtu.
Le revêtement des faces & flancs aura vingt-trois pieds de hauteur
depuis
le deſſus des fondemens juſqu’au deſſus du cordon, l’é-
61115LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. paiſſeur ſera réduite à cinq pieds, taluant par dehors d’un ſur ſix,
de
ſorte qu’il aura neuf pieds d’épaiſſeur au-deſſus deſdits fonde-
mens
, y compris les deux pouces de la ſaillie du ſoubaſſement.
Les contreforts derriere cerevêtement ſeront élevés à même hau-
11Contreforts. teur que le deſſus du cordon, &
auront ſept pieds de longueur
chacun
, quatre pieds de largeur à la racine, &
trois à la queuë.
Au deſſus du cordon ſera élevé le revêtement du parapet en ma-
22Parapet. çonnerie de brique ſur quatre pieds de hauteur &
trois d’épaiſ-
ſeur
, &
le revêtement ſera remblayé de douze pieds de terre qui
formeront
un parapet de quinze pieds d’épaiſſeur au ſommet, avec
plongée
de deux pieds &
demi du dedans au dehors.
Les banquettes de ces pieces ſeront ſemblables à celles des de-
33Banquet-
tes
, rem-
parts
&
gorges
.
mi-lunes;
les remparts auront quinze pieds de largeur avec pente
d’un
pied &
demi du côté de la Place, & dix pieds de talud inte-
rieur
;
les gorges ſeront revêtues comme celles des demi-lunes, &
auront
les mêmes dimenſions.
Quatre de ces réduits ſeront percés d’un paſſage de ſix pieds de
44Commu-
nication
.
largeur, revêtu &
voûté pour ſervir de communication aux de-
mi-lunes
.
Le revêtement de ce paſſage ſera élevé à plomb, & aura
quatre
pieds &
demi d’épaiſſeur au-deſſus de ſes fondemens, ſur au-
tant
de hauteur, la maçonnerie ſera miſe de niveau pour com-
mencer
la naiſſance des voûtes qui ſeront conſtruites à plein cein-
tre
.
Les entrées & ſorties du paſſage auront quatre pieds & demi
de
largeur entre les pieds droits qui auront chacun double feüillu-
re
, ainſi que tous ceux des autres poternes, pour y poſer des por-
tes
de quatre pouces d’épaiſſeur.
On obſervera dans ces réduits,
comme
aux demi-lunes, les rempes &
eſcaliers néceſſaires pour éta-
blir
les communications, &
on y pratiquera de plus une deſcente
au
foſſé de trois pieds de largeur dans œuvre, ſur vingt de longueur,
joignant
le mur de la gorge qui ſera percé d’un paſſage de trois
pieds
de largeur pour communiquer au foſſé;
le mur, qui ſoutien-
dra
les marches du côté des terres, aura auſſi trois pieds d’épaiſ-
ſeur
, &
le deſſus de cette deſcente ſera recouvert par une trape
garnie
de ferrures &
ſerrures néceſſaires, pour empêcher qu’on n’y
entre
qu’en cas de beſoin.
On formera auſſi quatre grands paſſa-
ges
pour les voitures, ſemblables à ceux des demi-lunes, aux qua-
tre
réduits qui ſe trouveront ſur les entrées principales, &
ſur
chacun
deſdits paſſages ſera érigée une porte d’architecture confor-
me
à ſon deſſein particulier, de même qu’un petit corps de
garde
.
61216LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Ouvrage a corne.
Les branches de l’ouvrage à corne auront cent vingt toiſes de
11Ouvrage à
corne
.
longueur chacune, ſon poligone cent cinquante, ſes faces qua-
rante
, ſes flancs quinze, &
ſa courtine ſoixante-neuf.
Tous les revêtemens de cet ouvrage, auſſi-bien que les remparts,
banquettes
, &
parapet, ſeront conformes en toutes choſes à ceux
des
demi-lunes, avec cette ſeule difference que la tête des branches
ſera
plus élevée de quatre pieds que leurs extrémités, dont la hau-
teur
ne ſurpaſſera pas celle du chemin couvert, obſervant encore
de
ne terraſſer les revêtemens que juſqu’à dix-huit toiſes près du-
dit
chemin couvert, &
de diminuer la largeur du rempart depuis
le
canal de l’Hôpital qui y ſera renfermé, juſqu’à cette diſtance,
de
maniere que le tout ſe réduiſe dans le cours des dix-huit toiſes
ci-deſſus
marquées aux banquettes pures &
ſimples.
On obſervera au ſurplus de faire des batteries à barbette ſur les
22Barbettes. pointes des baſtions &
demi-lunes de l’ouvrage à corne, qui ſeront
retournées
de ſept à huit toiſes de part &
d’autre des angles flan-
qués
.
Vis-à-vis le rempart ſera fait le revêtement en parement de pier-
33Revéte-
ment
du
paſſage
du
canal
.
re de taille du canal qui traverſe les deux longs côtés, &
cela ſur
ſept
pieds &
demi d’épaiſſeur, non compris ſix pouces pour les re-
traites
des fondemens.
On fera auſſi des arcades de pierre de taille
aux
entrées &
ſorties dudit canal, & on y pratiquera les couliſſes
néceſſaires
pour leurs fermetures:
Le reſte de ce paſſage, qui ſera
compris
entre les arcades &
le talud des banquettes, ſera voûté
de
briques ſur trois pieds d’épaiſſeur, &
recouvert d’une chape
de
ciment.
Livre.
Fossez.
44Largeur
des
Foſſez.
meſurées à l’aplomb du cordon, ou du trait principal des ouvra- ges & du ſommet de la contreſcarpe. Sçavoir aux angles flan- qués des Tours baſtionnées, ſept toiſes; vis-à-vis le milieu des courtines, ſeize toiſes trois pieds; entre les contregardes & les te- nailles, cinq toiſes; vis-à-vis le milieu des faces des contregardes, quinze à ſeize ſelon le beſoin qu’on aura de terre; vis-à-vis les faces des réduits, ſix toiſes; vis-à-vis celles des demi-lunes, dix; vis-à-vis les branches & demi-baſtions de l’ouvrage à corne, dix; vis-à-vis la demi-lune de cet ouvrage à corne, ſept.
61317LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
Tous ces foſſez en general ſeront approfondis de quatorze à
11Profondeur
& revête-
ment
des
foſſez
.
quinze pieds au-deſſus du rez-de-chauſſée de la Place, &
revêtus
d’un
mur de pareille hauteur taluant de ſon ſixiéme par dehors,
&
réduits à trois pieds d’épaiſſeur au ſommet.
Il ſera fait en même tems des contreforts derriere le mur à quin-
22Contreforts. ze pieds de diſtance les uns des autres de milieu en milieu, dont
la
longueur ſera de quatre pieds, la largeur de quatre &
demi à
la
racine, &
de trois à la queuë, & la hauteur un pied plus bas
que
le ſommet de revêtement.
En faiſant la diſtribution de ces contreforts, on aura ſoin d’en
placer
deux à l’endroit de toutes les traverſes du chemin couvert,
afin
que les profils des traverſes qui ſeront auſſi revêtus, en ſoient
mieux
ſoutenus &
plus ſolidement établis. Ces contreforts doivent
avoir
un pied de largeur &
ſix pouces d’épaiſſeur en tous ſens
plus
que les précedens.
Quant à l’excavation des grands foſſez de la Place, il faut avoir
attention
de donner près de vingt pieds de profondeur vis-à-
vis
les angles flanqués des contregardes, &
de remonter inſen-
ſiblement
vers le milieu des tenailles &
courtines. On obſervera
encore
d’approfondir le petit foſſé qui ſera entre le derriere des
tenailles
&
les petits flancs des courtines, de trois ou quatre pieds
plus
que celui de la Place, afin qu’il puiſſe y avoir de l’eau en tout
tems
.
Pareille attention ſera faite le long des flancs des contregar-
des
, &
le revêtement de ces parties qui ſera fondé plus bas que
les
autres à proportion.
Chemin Couvert.
Tous les chemins couverts ſeront tracés parallelement aux foſ-
33Chemin
couvert
.
ſez de la Place ſur cinq toiſes de largeur, à compter depuis le pied
de
la banquette juſqu’au bord de ces mêmes foſſez, &
ſeront dreſ-
ſés
en pente d’un pied &
demi du côté des ouvrages: on y obſer-
vera
tous les petits retours, redens, &
traverſes qui ſont figurés ſur
le
plan.
Les Places d’armes auront dix toiſes & demie de gorge, & trei-
44Places d’ar-
mes
.
ze de face.
Les traverſes dix-huit pieds d’épaiſſeur meſurés au ſommet, &
55Traverſes. les banquettes cinq pieds de largeur, un pied &
demi de hauteur,
&
trois pieds de talud.
Le parapet ſera élevé de quatre pieds & demiau deſſus de la ban-
66Parapet. quette, &
revêtu de deux pieds & demi d’épaiſſeur avec talud d’un
61418LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſixiéme par devant juſqu’à un pied {1/2} près du ſommet, qui ſera en-
ſuite
achevé en gazonnage, &
bordé ainſi que les traverſes d’un
rang
de paliſſades plantées &
conditionnées, comme il eſt dit en
ſon
lieu.
Le Parapet ſera coupé en pluſieurs endroits le long des branches
11Paſſage de
ſortie
.
du chemin couvert, &
dans les faces des Places d’armes, par
des
paſſages de ſortie de dix à douze pieds d’ouverture, dont la
rempe
ſe prendra dans le glacis, &
s’étendra à deux ou trois toi-
ſes
.
Ces paſſages, de même que ceux qui aboutiſſent aux entrées
principales
de la Place, ſeront revêtus de maçonnerie, &
fermés
par
des barrieres de force ſuffiſante à deux venteaux;
on poſera
auſſi
des barrieres à un ſeul ventail au paſſage de chaque traverſe.
Glacis.
Le glacis ſera bien dreſſé & parfaitement ſoumis à la découverte
22Glacis. des contregardes &
demi-lunes, deſquelles il ſera défendu; il ſera
étendu
de vingt-cinq ou trente toiſes au moins, &
ſa pente ſera re-
glée
ſuivant le ſommet du parapet du chemin couvert, fichant, à un
pied
au-deſſous du ſommet des parapets, des demi-lunes &
contre-
gardes
.
Ponts.
Il ſe fera des ponts de charpente de quinze pieds dans œuvre,
33Ponts-dor-
mans
.
ſur les travers tant du grand foſſé, que de ceux des réduits, de-
mi-lunes
&
tenailles des quatre entrées principales de la Place,
dont
les fermes ſeront eſpacées à douze pieds les unes des autres
de
milieu en milieu, &
poſées ſur une pile de maçonnerie de pier-
re
de taille d’un pied &
demi de largeur, & d’un pied de hauteur
au
deſſus du fond du foſſé.
Il ſera fait auſſi de petits ponts de communication des Tours
baſtionnées
aux contregardes, &
des contregardes aux tenailles,
qui
auront chacun cinq pieds de largeur dans œuvre, &
ſeront
conſtruits
avec les mêmes précautions que les précédens.
Tous les ponts-levis des entrées principales joignant les courtines
&
demi-lunes ſeront à baſcules, & les autres à fleches; on poſera
de
grandes barrieres à doubles ventaux, tant aux tenailles qu’à la
tête
des ponts-dormans, &
à l’entrée du chemin couvert; de ſorte
qu’il
y aura quatre ponts-levis à chaque entrée principale, ſçavoir
un
à la grande porte du corps de la Place, un autre à la tenaille,
un
au réduit, &
un à la demi-lune; & trois barrieres, ſçavoir une
61519LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. à la tête du grand pont, une à la tête de celui de la demi-lune,
&
la troiſiéme au chemin couvert; le tout conſtruit & executé
ſuivant
les deſſeins qui en ont été reglés.
On fera auſſi les petits
ponts-levis
néceſſaires aux ponts de communication des contre-
gardes
aux tenailles.
Puits et Pave’ de la Place.
Il ſera fait quatre Puits ſur la grande Place, de cinq pieds de
diametre
chacun, &
ſur toute l’étenduë de la Place ſera fait un
Pavé
de cailloux avec toutes les pentes &
ruiſſeaux néceſſaires.
Batimens principaux.
Il ſera conſtruit dans l’enceinte de ces ouvrages, ſçavoir au pied
du
rempart de chaque front, un corps de Cazernes avec un pa-
villon
pour les Officiers à chacune de ſes extremités, une Egliſe,
une
Maiſon de Ville, un Arſenal &
une Munition, des Magazins
&
Hangards tant pour les vivres que pour l’artillerie, un Logement
pour
le Gouverneur, un pour le Lieutenant de Roi &
Major, un
pour
les Aides Majors &
Capitaines des Portes, un pour l’Inten-
dant
&
le Commiſſaire, & un pour les Ingenieurs. Tous ces bâti-
mens
, auſſi-bien que les Corps de gardes &
latrines, ſeront conſtruits
chacun
ſelon leurs deſſeins &
devis particuliers. A l’égard de l’Hô-
pital
, il convient qu’il ſoit placé dans l’interieur de l’ouvrage à
corne
.
III.
QUALITE’S
ET FAÇONS DES MATERIAUX
qui
ſeront employés aux ſuſdits Ouvrages.
Chaux, Sable, Mortier, et Ciment.
LA chaux, qui ſera employée à la conſtruction de la maçonne-
11Chaux. rie, ſera priſe à .
.. . & autres lieux elle ſe trouvera de
même
qualité.
On obſervera, 10. qu’elle ſoit bien cuite, ſans biſ-
cuit
, non éventée;
20. qu’elle ſoit éteinte un jour ou deux au moins
avant
que de l’employer;
& on aura ſoin d’en faire ôter tous les
biſcuits
&
durillons qui pourront s’y rencontrer.
Le ſable ſera de deux eſpeces, l’un gros, & l’autre fin, tous deux
22Sable. tirés de la riviere de .
.. . du foſſé de la Place, ou de ſes environs:
le gros ſera employé à faire le mortier de la maçonnerie de moë-
61620LA SCIENCE DES INGENIEURS, lon, & le fin à faire celui de la maçonnerie de brique, des pare-
mens
, &
des pierres de taille; on aura ſoin qu’il ſoit ſec, criant à
la
main, bien lavé, &
non gras ni terreux.
Le mortier ſera compoſé d’un tiers de chaux meſurée vive, &
11Mortier. de deux tiers de ſable, mêlé, broyé, &
incorporé avec la chaux
tant
&
ſi long-tems, que les eſpeces ſoient totalement confonduës
l’une
dans l’autre, juſqu’à n’y plus reconnoître de difference.
On
n’y
employera que l’eau ſimplement néceſſaire à leur mêlange, &

cela
une ſeule fois, &
non plus.
Si on n’employe la chaux qu’après avoir été éteinte, comme il
eſt
d’uſage en pluſieurs endroits, il faudra en augmenter la doſe à
proportion
de ſa qualité, ce qui va quelquefois à la moitié.
Le ciment ſera fait de vieux tuileaux bien cuits & réduits en
22Ciment. farine par la meule, puis paſſés au tamis du Boulanger, ou au
bluteau
.
Il ſera compoſé des deux tiers de cette farine, & d’un tiers
de
chaux meſurée vive;
le tout bien battu & corroyé enſemble, &
démêlé
pendant un long eſpace de tems &
à pluſieurs repriſes,
dans
un petit baſſin de planches, quarré, fait exprès;
obſervant de
n’y
mettre de l’eau qu’une ſeule fois, &
de l’employer, autant que
faire
ſe pourra, tout chaud &
frais battu, de même que de ne le
doſer
que par rapport à la force de la chaux, &
à la qualité du
ciment
.
Pierre de taille, Moelon, et Brique.
Toute la pierre de taille, tant des angles ſaillans des ouvrages,
33Pierres de
taille
.
que des ſoubaſſemens, cordons, &
autres parties il en ſera be-
ſoin
, ſera tirée des carrieres de .
.. . ou autres lieux qui en pour-
ront
fournir de pareille qualité, c’eſt-à-dire, qui ſoit pleine, du-
re
, non ſujette à la lune ni à la gelée;
obſervant de n’employer
que
celle qui ſera bien ébouſinée, ſans fil, ni moye, qui la traver-
ſe
ou qui paroiſſe, à ſix pouces près des paremens.
Les carreaux, qui formeront ces paremens, ſeront taillés avec ci-
44Pierres de
parament
.
zelure relevée aux arêtes, piqués proprement à la petite pointe
dans
leurs faces, auſſi-bien que dreſſés à la régle, &
démaigris
pour
le mortier, de même que leurs lits &
joints; ils ſeront poſés
à
petits joints, &
bonne liaiſon, par aſſiſe reglée de neuf à dix
pouces
de hauteur au moins, ſur douze à quinze pouces de lit.
On
aura
ſoin dans l’emploi de ces carreaux, qu’ils ſoient toûjours mê-
lés
d’un tiers de boutiſſes de vingt à vingt-cinq pouces de queuë,
qu’ils
ayent au moins ſix pouces de joint quarré, &
le tout bien lié
avec
le reſte de la maçonnerie.
61721LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
Les pierres des ſoubaſſemens, qui ſeront poſées au deſſus des fon-
11Pierres de
ſoubaſſe
.
mens
.
demens, ſeront auſſi taillées proprement dans leurs faces, lits &

joints
, &
auront douze, quinze, à dix-huit pouces de lit, & huit
à
dix de joint à l’équerre.
Seront de plus mêlées d’un tiers de bou-
tiſſes
qui auront au moins deux pieds de queuë, le tout poſé en
bonne
liaiſon, à petits joints &
en bain de mortier.
Tous les angles ſaillans, tant du corps de la Place que des con-
22Pierres des
angles
.
tregardes, tenailles, demi-lunes, ouvrages à cornes, &
reduits, ſe-
ront
armés de pierres de taille de graiſſerie, taillées en petit boſſage
d’un
pouce &
demi de relief, & poſées par aſſiſes reglées d’un pied
de
hauteur, ayant les joints d’équerre ſur dix-huit pouces de long,
deux
pieds de lit, &
trois de queuë, le tout mêlé d’un tiers de bou-
tiſſes
, retourné &
poſé alternativement, de maniere qu’il ſe trouve
de
chaque côté des harpies d’un pied élevées à l’aplomb par les
bouts
les unes ſur les autres, &
que les aſſiſes les plus courtes re-
viennent
ſous le cordon à quatre pieds de longueur de part &
d’au-
tre
des angles.
Les cordons ſeront auſſi de pierres de taille de graiſſerie d’un
33Cordons. pied de hauteur, taillées en demi rond, &
poſées en ſaillie de la
moitié
de leur diametre, ayant les joints d’équerre ſur ſeize à dix-
huit
pouces de long, &
deux pieds de lit, non compris la ſaillie,
le
tout mêlé d’un tiers de boutiſſes qui auront trois pieds de queuë.
Tous les autres moëlons, dont on ſe ſervira pour remplir & garnir
44Moëlon. le corps de la maçonnerie brute, ſeront tirés ou.
de l’excavation
du
foſſé, ou des carrieres de .
.. . obſervant de choiſir les plus gros
libages
pour en former les fondemens, &
de réſerver les moindres
pour
le revêtement au deſſus, comme auſſi d’arraſer de niveau
toute
la maçonnerie à chaque levée que l’on fera de dix-huit pou-
ces
, &
de la traverſer, s’il eſt jugé néceſſaire pour plus grande ſo-
lidité
, par des chaînes de brique ſur toute l’épaiſſeur des murs,
ce
qui formera un renouvellement d’aſſiette.
Les cailloux de la riviere de . .. . ou de la plaine de . .. . & ceux
55Cailloux. qui ſe trouveront dans les excavations, pourront auſſi être em-
ployés
dans la garniture du corps de la maçonnerie, en les poſant
par
aſſiſes reglées, mais en cas de beſoin ſeulement, &
au défaut
de
moëlon, encore faudra-t’il que la quantité de ces cailloux n’ex-
cede
pas le tiers du ſolide de la maçonnerie, &
que chaque levée
de
dix-huit pouces de hauteur ſoit auſſi recouverte d’une chaîne
de
brique.
Toutes ces pierres en general ſeront proprement aſſiſes & bien
66Fichage
des
pierres.
callées aux paremens, poſées, coulées, fichées, &
jointoyées les
61822LA SCIENCE DES INGENIEURS, unes en mortier de ciment, les autres en mortier de chaux & ſable,
ſuivant
que les qualités de l’ouvrage l’exigeront.
Les libages & moë-
lons
de rempliſſage ſeront poſés dans le maſſif des revêtemens à
bain
de mortier, avec de bonnes liaiſons de quatre à cinq pouces
au
moins les unes contre les autres, &
d’autant des unes ſur les
autres
.
A l’égard des revêtemens qui ſe feront en parement de brique,
11Briques. on n’y employera que les neuves &
les mieux cuites, & de la meil-
leure
qualité, dont les plus belles ſeront choiſies pour former le
parement
, &
poſées par aſſiſes liaiſonnées ſur cinq rangs de hau-
teur
, élevées par diminution d’une demie brique à chaque rang,
c’eſt-à-dire
, depuis trois briques &
demie au premier rang, juſ-
qu’à
une &
demie au cinquiéme; obſervant de bien froter ces
briques
, &
de les dreſſer l’une contre l’autre avant que de
les
employer;
& qu’il y ait toûjours moitié de boutiſſes en pare-
mens
.
Si l’on employe des cailloux dans le corps de la maçonnerie
faute
de moëlon, on fera, comme il vient d’être dit, à chaque le-
vée
de dix-huit pouces, une chaîne ou recouvrement de deux bri-
ques
de hauteur, qui garnira toute la ſurface du revêtement &

des
contreforts, &
traverſera toute leur épaiſſeur. Le premier rang
qu’on
poſera enſuite en parement au deſſus de ladite chaîne, re-
commencera
par trois briques &
demie d’épaiſſeur, finiſſant toû-
jours
par une demie.
Placage, et Gazonnage.
Le placage ſera fait de terre noire de jardin ou de labeur, non
22Placage. pierreuſe:
il aura ſix pouces d’épaiſſeur, & non taluant de huit
pouces
par pied.
Le gazon ſera coupé de biais en prez bien herbus & racineux, ou
33Gazon. vieilles pâtures un peu humides, &
non tourbeuſes, ni ſabloneuſes.
On poſera de trois lits en trois lits une couche de faſcines, & cha-
cun
de ces lits ſera bien garni de terre ſur toute ſa hauteur, &
bien
battu
à la dame, pour être lié parfaitement avec les terres du
rempart
.
Bois.
La charpente des ponts dormans, ponts-levis, & barriere, de mê-
44Bois. me que celle des madriers des fondemens de toutes les principales
parties
des Bâtimens, ſera de bois de chêne bien ſain, coupé en
bonne
ſaiſon, &
bien équarri à vive arête ſans aubier, non piqué,
61923LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. ni échauffé, roulé, vermineux, ni trop nouveau, non plus que
ſur
le retour, mais de bon âge, de droit fil, &
de bon emploi.
IV.
CONSTRUCTION
DES OUVRAGES.
Courtines.
APrès que les alignemens auront été donnés & rectifiés par l’In-
11Deblais des
fondemens
.
genieur, qui aura la principale conduite des ouvrages, ils
ſeront
montrés aux Entreprenneurs qui feront faire auſſi-tôt les
déblais
des revétemens de toute l’enceinte de la Place, ſur quinze
à
ſeize pieds de profondeur au deſſous du niveau des chemins cou-
verts
, &
comprendront en même tems la moitié de la largeur des
foſſez
, reſervant l’autre pour être remblayée derriere les revête-
mens
, à meſure qu’ils s’éleveront.
Enſuite de quoi ſeront appro-
fondis
les fondemens de trois pieds au deſſous du foſſé, &
plus bas,
s’il
eſt néceſſaire, pour trouver le fond ſolide, dont les terres, ainſi
que
celles qui proviendront des autres déblais, ſeront portées à la
maſſe
des remparts, elles ſeront dreſſées par lit d’un pied de
hauteur
ſur toute l’étenduë des alignemens, &
dans l’ordre qu’il
ſera
expliqué ci-près.
Pour prévenir les affaiſſemens que la tranſpiration des eaux de. .. .
22Madriers.
en
fonde-
ment
.
pourroit cauſer, on aſſûrera le fond des fondemens par un rang de
madriers
de bois de chêne de quatre à douze pouces de groſſeur,
qui
ſera poſé ſur le devant, &
fera ſaillie d’un pouce au dehors du
nud
du mur.
Que ſi quelque partie des fondemens ſe trouve ten-
dre
ou douteuſe, on continuëra de mettre un rang de madriers
ſur
le milieu &
ſur le derriere du revêtement. Enfin ſi le fond ſe
trouve
trop foible, on le fortifiera par un grillage de charpente
compoſé
de longrines &
racineaux de bois de chêne, ou ſapin rou-
ge
, de neuf à dix pouces de gros, aſſemblés à leur extrémité par
entaille
à queuë d’hironde, &
tenus en raiſon par un rang de pi-
lots-de-garde
battus ſur le devant au refus du mouton;
ce qui
33Fondement. étant ainſi préparé, &
les fondemens dreſſés à plomb par dehors
&
par dedans, & mis bien de niveau par devant avec ſix pouces
de
pente par derriere, on les remplira de bonne &
ſolide maçon-
nerie
conſtruite des plus gros libages &
moëlons qui ſe pourront
trouver
, leſquels ſeront bien garnis &
poſés en bain de mortier
compoſé
comme il eſt dit ci-devant, de ſorte qu’il ne reſte aucun
62024LA SCIENCE DES INGENIEURS, vuide dans le corps de la maçonnerie, & que preſſant les pierres de
la
main &
du marteau, le mortier ſouffle de toute part; ce qui
doit
être obſervé dans tout le compoſé de la maçonnerie, de mê-
me
que les retraites ſur le devant.
Sur la ſeconde de ces retraites, & à trois pouces près de ſon
11Soubaſſe-
mens
.
bord exterieur, ſeront poſées en parement, ſuivant le talud du re-
vêtement
, trois aſſiſes de pierre de taille de façon &
qualité ſuſ-
dites
, qui formeront un ſoubaſſement de trois pieds de hauteur,
dont
le ſommet ſera taillé en chanfrain de deux pouces, &
bien
garni
par derriere au deſſus du quel ſera fait parement net de
moëlon
piqué, garni de groſſe maçonnerie qui ſera élevée juſqu’au
deſſus
du cordon avec talud d’un ſur ſix par devant, &
à plomb
par
derriere;
on obſervera de maçonner le parement de ce ſou-
baſſement
en mortier de ciment, &
de jointoyer de même tout ce
qui
ſera expoſé aux flots de l’eau.
On établira en même tems les contreforts ſuivant l’Ordre de leur
22Contre-
forts
.
diſtribution, &
on les fondera auſſi bas que le revêtement, pour
les
élever enſuite à la hauteur du deſſus du même cordon à plomb
de
deux côtés &
avec ébraſement égal de part & d’autre d’après
leur
milieu, au ſurplus conſtruits &
maçonnés comme le corps des
revêtemens
, à l’exception des paremens qui ſeront aſſis de hazard
&
ſoumis ſeulement aux ſimples alignemens des cordeaux.
Le ſommet de ces revêtemens ſera terminé par un cordon de
33Cordon &
revêtement

des
para-
pets
.
pierre de taille des façons &
qualitez ci-devant énoncées, & ſera
ſurmonté
d’un mur de brique de quatre pieds de haut &
trois d’é-
paiſſeur
, maçonné en bain de mortier ordinaire, qui ſervira de re-
vêtement
aux parapets;
ce mur ſera auſſi terminé ſur toute ſon épaiſ-
ſeur
par une aſſiſe de briques poſées en liaiſon alternative de quatre
briques
de cant, &
d’autant de bout, avec pente de quatre pouces du
derriere
au devant, obſervant d’y faire un larmier débordant d’un
pouce
ſur le foſſé, &
conſtruit à petits joints en bonne liaiſon &
avec
mortier de ciment bien reciré à la truelle.
Les angles d’épaule des petits flancs des courtines ſeront armés
44Angles de
pierres
de
taille
.
de pierres de taille conditionnées comme ci-deſſus, &
ſur le mi-
lieu
de chaque courtine ſera fait une guérite auſſi de pierre de tail-
le
ſuivant les plans &
profils qui en ont été arrêtés, & ce qui en
ſera
encore dit dans la ſuite.
A meſure que les revêtemens s’éleveront, on continuëra le dé-
blais
des terres du foſſé, dont les plus douces ſeront choiſies &
mi-
ſes
à part ſur le chemin couvert pour en former les parapets tant
dudit
chemin couvert, que des ouvrages de la Place, &
le ſurplus
62125LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. ſera porté à la maſſe des remparts derriere & joignant les revête-
mens
&
contreforts, elles ſeront rangées & battues avec da-
mes
du poids de vingt-cinq à trente livres, par lits de ſix pouces de
hauteur
ſur douze pieds de largeur, &
dreſſées à chacun de ces
lits
en pente de ſix pouces ſur le derriere, tant pour ſoulager ces
revêtemens
du poids des terres, que pour empêcher la pénetra-
tion
des eaux au pied des fondemens.
Le côté des terres, qui joindra la maçonnerie, relevera d’autant:
11Terraſſe-
ment
des
Remparts
.
&
ſur chaque deux lits, faiſant enſemble un pied de hauteur, bien
battus
&
bien dreſſés, comme il vient d’être dit, ſera poſé un rang
de
faſcines, &
eſpacés brins à brins à deux doigts de diſtance l’un
de
l’autre, le gros bout appuyé contre le derriere du revêtement,
ce
qui ſera ainſi réïteré à chaque pied de hauteur juſqu’à l’entiere
élevation
des remparts;
faiſant attention que ces remparts doivent
être
élevés de trois pieds plus que les revêtemens pour les raiſons
qui
ont été ſpécifiées, &
que leur terre-plein doit être dreſſé en
pente
d’un pied &
demi depuis la banquette juſqu’au talud inte-
rieur
, ainſi que celle du terre-plein, ſera recouverte de la moins
mauvaiſe
terre qu’il ſe pourra trouver, &
de la plus épierrée.
Les parapets & banquettes ſeront conſtruits dans le même ordre
22Terraſſe-
ment
des
parapets
&
banquettes
.
que les remparts, c’eſt-à-dire, que l’on obſervera ce qui a été dit
au
ſujet du battement des terres &
de l’arrangement des faſcines;
avec cette difference, qu’on n’y employera que des terres douces,
choiſies
&
bien épierrées: que s’il ne s’en trouvoit pas ſuffiſamment
de
cette qualité, il en faudroit paſſer avec des clayes aſſez fines,
pour
qu’il n’y reſte aucun gravier, ni cailloutage.
On gazonnera le parement interieur de ce parapet avec les pré
33Gazonna-
ge
des pa-
rapets
.
cautions dont il a été parlé, &
le gros bout de la faſcine appuyera
ſur
la queuë du gazon.
Tours Bastionne’es.
Les Tours baſtionnéesſeront fondées avec les mêmes précautions
44Fondement
des
Tours.
que les courtines, &
à la même profondeur, ſuppoſé que le fond
s’y
trouve vif &
ſolide, auquel cas on ne changera rien à la diſ-
poſition
qui a été marquée pour les fondemens du corps de la Pla-
ce
, excepté que les madriers ſeront redoublés au droit des angles,
&
retournés de douze pieds de chaque côté. Que ſi le fond ſe trouve
tendre
ou douteux, après l’avoir approfondi autant qu’on aura
, on donnera ſix &
douze pouces d’épaiſſeur aux madriers, &
on
en poſera ſur le milieu &
ſur le derriere des fondemens, com-
62226LA SCIENCE DES INGENIEURS, me ſur le devant, ſinon il faudra griller; & s’il y a encore plus de
précaution
à prendre, on couvrira la ſuperficie de la grille d’un
plancher
de madriers de ſix pouces d’épaiſſeur.
Au ſurplus, tout ſe fera comme il vient d’être dit pour la conſ-
11Revéte-
mens
.
truction des courtines, &
on obſervera tant les deux retraites dans
les
fondemens, que les trois aſſiſes de pierre de taille qui forment
le
ſoubaſſement &
la retraite qui eſt au deſſus. On fera auſſi une
retraite
de trois pouces du côté des terres, &
cela au niveau du
dedans
des Tours, qui ſera élevée de ſix pieds au deſſus du fond du
foſſé
, à laquelle hauteur toute l’épaiſſeur du revêtement ſera ré-
duite
à douze pieds un pouce;
& ce revêtement continué extérieu-
rement
en même parement &
même garniture, que celui des cour-
tines
, taluant toûjours d’un ſur ſix, &
a plomb par derriere. Le pa-
rement
interieur qui formera le pied droit des voûtes, ſera fait de
brique
ſur un pied &
demi d’épaiſſeur, & ſera poſé ſur deux aſ-
ſiſes
de pierre de taille qui regneront autour des faces, flancs, &

gorges
parallelement au plan du noyau.
Le cordon qui terminera ce revêtement ſera de qualité & façon
22Parapet. ſuſdites;
& le parapet qui le ſurmontera ſera entierement fait de
maçonnerie
de brique, dans laquelle ſeront pratiquées quatre em-
braſures
, deux à chaque flanc auſſi à parement de briques choiſies,
frottées
l’une contre l’autre juſqu’à ce qu’elles ſoient bien droites,
&
poſées enſuite de cant & debout en bonne liaiſon ſur trois pieds
d’épaiſſeur
, tant par le fond que par les côtés;
& ces embraſures
ſeront
réglées ſuivant les meſures de leurs plans &
profils, avec
leurs
rempes &
plongées; ce qui s’obſervera de même pour les em-
braſures
du bas étage.
Enfin, ledit parapet ſera terminé par une aſ-
ſiſe
de briques poſées alternativement de cant &
debout, faiſant
ſaillie
d’un pouce ſur le foſſé, &
maçonnées en bain de ciment
compoſé
comme il eſt dit.
Seront auſſi conſtruits à parement de brique les évens & chemi-
33Evens. nées néceſſaires pour l’évaporation de la fumée, ſuivant qu’ils ſont
marqués
ſur le plan, c’eſt-à-dire, entre les embraſures du bas
étage
, &
chacun de ces évens aura trois pieds de longueur ſur
neuf
pouces de largeur par le bas, revenant à ſix pouces par le
haut
, il débouchera dans l’épaiſſeur des parapets.
On a dit en ſon lieu quelles doivent être les dimenſions des ban-
44Banquettes. quettes de ces pieces, on obſervera ſeulement qu’elles ſoient tou-
tes
de maçonnerie.
Les angles du parement exterieur ſeront tous armés de pierres de
55Angles &
guerites
.
taille de façon &
qualité ſuſdites, & ſur l’angle flanqué de chaque
62327LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. Tour ſera faite une guerite auſſi de pierre de taille, conformement
à
ce qui ſera dit ci-après.
Le noyau ſera fondé auſſi bas que les autres parties de la Tour,
11Noyau. &
avec les mêmes précautions. Il ſera élevé à parement brute juſ-
qu’au
niveau du rez-de-chauſſée interieur de ladite Tour, &
après
que
ſes alignemens auront été dreſſés, &
ſes pans réduits à leur
juſte
meſure, on fera parement net par deux aſſiſes de pierre de tail-
le
, qui regneront tout autour parallelement à l’interieur des flancs,
faces
, &
gorges, de même qu’autour des côtés du Magazin à pou-
dre
, puis on élevera le ſurplus de la hauteur en groſſe maçonne-
rie
avec parement de brique d’un pied &
demi d’épaiſſeur, & à
plomb
de quatre pieds &
demi au deſſus des fondemens, à laquelle
hauteur
la maçonnerie ſera proprement arraſée &
diſpoſée pour
commencer
la naiſſance des voûtes.
Les angles du noyau ſeront auſſi de pierres de taille poſées par
22Gorges. aſſiſes retournées de de ux en trois;
on obſervera la même conſtruc-
tion
aux gorges des Tours qu’à leur noyau, c’eſt-à-dire, même
parement
, même garniture, même profondeur des fondemens, &

même
retraite.
Au milieu de ces gorges & au niveau du rez-de-
chauſſée
de ces Tours, ſera fait une porte de huit pieds de largeur
ſur
huit &
demi de hauteur, dont les pieds droits & vouſſoirs ſe-
ront
de pierre de taille, ainſi que les ſeüils &
arrieres-vouſſoirs.
On aura attention d’y faire double feüilleure, & de pratiquer à cha-
cun
de ces côtés des creneaux plongeans &
bien voyans dans leſ-
dites
Tours.
Ce paſſage ſera fermé par une porte de bois de chêne
de
quatre pouces d’épaiſſeur, garnie de ferrures &
verroüils de
force
ſuffiſante, &
de deux bonnes ſerrures; ſera fait une pareille
ouverture
dans le milieu de cette gorge au niveau du rempart,
avec
une fermeture auſſi de bois de chêne, garnie des ferrures né-
ceſſaires
, le tout de force convenable.
L’intervale qui ſe trouvera entre les noyaux des Tours & leurs
33Voûtes. faces, flancs, &
gorges, ſera voûté à plein-ceintre ſur dix-huit pieds
de
largeur, &
trois & demi d’épaiſſeur, le tout de brique, ſur
quoi
ſera élevé en chape avec moëlon &
mortier de chaux & ſable,
la
maçonnerie du couronnement des voûtes, dont la pente ſera
prolongée
de part &
d’autre pour donner del’écoulement aux eaux;
cette pente aboutira à un petit ruiſſeau qui ſera formé le long des
parapets
à un pied &
demi, puis les eaux s’écouleront dans le foſſé
par
le moyen de quelques gargoüilles, qui les porteront à trois
pieds
au-delà du talud des revêtemens;
on voûtera de même le
Magaſin
à poudre ſur toute ſa largeur, &
on y pratiquera les por-
tes
&
évens néceſſaires.
62428LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Les voûtes étant terminées, on les couvrira ſur toute leur lon-
11Chapes de
Ciment
.
gueur &
largeur d’une chape de ciment.
L’ouvrage étant bien conditionné & exactement viſité, on ter-
22Terraſſe-
ment
des
voûtes
.
raſſera ſur les voûtes, commençant par un lit de gros ſable ou de
gravier
, ſi on en a, ou de menuës recoupes de pierres de cinq à
ſix
pouces d’épaiſſeur, étendu &
poſé également ſur toute la ſu-
perficie
de la chape, &
continuant par un lit de terre douce d’un
pied
d’épais, qu’on battra bien à la dame, &
qu’on rechargera
de
même terre lit par lit juſqu’à l’entier terraſſement qui ſera élevé
au
moins de trois pieds au deſſus de l’arête ou ſommet des chapes.
Les pieds droits, ou côtés des poternes de ſortie joignant les flancs
33Poter’nes de
ſortie
.
des Tours, ſeront fondés avec les mêmes précautions &
ſolidité
qu’il
a été dit ci-devant, &
ſeront élevés à plomb au deſſus de leurs
fondemens
en groſſe maçonnerie, avec parement de brique d’un
pied
&
demi d’épaiſſeur du côté de la galerie ſeulement.
On adoſſera l’exterieur de ces pieds droits, de pierres ou petits
44Piérrées. murs ſecs de deux pieds d’épaiſſeur, qui ſeront faits avec blocailles
arrangées
proprement à la main ſans mortier, &
arraſées à chaque
levée
de goiſes ou gros gravier pour en remplir les joints.
Ces murs
ſeront
élevés juſqu’à deux pieds près de la ſuperficie du terre-plein
des
remparts, &
ces deux pieds ſeront continuées en maçonnerie de
chaux
&
ſable juſqu’à la rencontre de la chape de ciment, qu’il
faudra
prolonger ſur toute leur épaiſſeur, afin que la tranſpiration
&
humidité ne ſe faſſent point ſentir dans les gros murs. Il faudra
fonder
ces pierrées un pied ou deux plus bas que l’aire des ſouter-
rains
, &
on aura ſoin d’y pratiquer des conduits proprement mouſ-
ſés
pour faciliter l’égout des eaux.
On fera auſſi de pareilles pier-
rées
aux paſſages de l’entrée des Tours, &
à ceux des portes, po-
ternes
, flancs bas, ſouterrains, &
generalement à tous les autres
murs
qui ſoutiendront des terres, quand même ils ſeroient cou-
verts
, afin que les eaux s’y raſſemblent, &
qu’elles ne penetrent
point
dans les ſouterrains.
La voûte, qui portera ſur les pieds droits de ces poternes, ſera
55Voûtes des
poternes
.
conſtruite en plein-ceintre de deux pieds d’épaiſſeur ſeulement, &

le
ſurplus ſera de groſſe maçonnerie, &
élevée en demi cape contre
la
gorge de la Tour, recouvrant le mur ſec, &
recouvert enſuite
d’une
chape de ciment.
Il ſera érigé dans le ſouterrain deux portes de pierre de taille
de
quatre pieds &
demi de largeur chacune, ſur ſept de hauteur
ſous
clef, obſervant de faire dans les pieds droits les feüilleures
néceſſaires
pour y appliquer les fermetures.
62529LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
Les murs du paſſage de l’entrée des Tours, auſſi-bien que leur
11Paſſage
de
l’entrée
des
Tours.
ébraſement exterieur, ſeront conſtruits dans le même ordre que
les
poternes, &
leur voûte faite en plein-ceintre de trois pieds d’é-
paiſſeur
de brique, ſurmontés d’une petite chape de maçonnerie &

d’une
autre de ciment.
Les pieds droits de la porte auront chacun
dix-huit
pouces de tableau, &
trois pieds de coinçon, ce qui fera
quatre
pieds ſix pouces d’épaiſſeur de mur au deſſus des fondemens;
cette porte ſera voûtée à plein-ceintre, & aura ſon arriere-vouſſoir
par
derriere, &
un ſeüil de pierre de taille d’un pied d’épaiſſeur, & de
la
longueur des tableaux.
A l’égard des embraſemens, ils ſeront ter-
minés
par une aſſiſe de briques poſées de cant &
debout en bain de
ciment
, qui formera une tablette ou larmier débordant d’un pouce
ſur
le devant.
Toutes les portes de menuiſerie, tant des Tours que de leurs
22Portes de
menuiſerie
.
paſſages &
poternes, ſeront de bon bois de chêne bien ſec, de
deux
pouces d’épaiſſeur pour les petites portes, &
de quatre pou-
ces
pour les grandes d’aſſemblage, redoublées avec gonds &
fortes
pentures
à queuë d’hironde, bien attachées aux portes avec un
clou
rivé au collet, pluſieurs autres clous limés à tête ronde le long
des
branches, &
trois aux extrémités des queuës d’hironde traver-
ſant
toute l’épaiſſeur du bois, à pointe rabattuë &
contre-cognée,
le
tout de force ſuffiſante, ainſi que les ſerrures &
autres ferrures.
On fondera les eſcaliers qui ſeront joignans l’entrée des Tours,
33Eſcaliers, ſur un maſſif de maçonnerie de vingt &
un pieds de long, & ſix &
demi
de largeur.
Toutes les marches ſeront de pierre de taille, ainſi
que
les encognures du mur d’apui, qui ſera recouvert d’une ta-
blette
auſſi de pierres de taille de ſix pouces d’épaiſſeur, &
deux
pieds
deux pouces de largeur, bien jointes &
bien cramponées avec
crampons
de fer coulés en plomb, &
proprement enchaſſés de leur
épaiſſeur
dans ladite tablette.
Le rez-de-chauſſée des Tours, auſſi-bien que celui de tous leurs
44Pavé dej
Tours
, &
plancher
.
paſſages, poternes, &
ſorties, ſera pavé de briques choiſies, dreſſées
l’une
contre l’autre, &
poſées de cant en bain de mortier de chaux
&
ſable fin, & bien de niveau: quant aux Tours qui ſerviront de
Magazin
à poudre, on y fera un plancher de poutrelles de huit à
neuf
pouces de gros, recouvert de madriers de chêne de deux
pouces
d’épaiſſeur, bien chevillés ſur les poutrelles, &
proprement
joints
&
aſſemblés, ſur leſquels ſeront enſuite chevillés les chan-
tiers
deſtinés à porter les barils.
62630LA SCIENCE DES INGENIEURS,
GRANDES PORTES, PASSAGES, ET CORPS DE
Garde des Entre’es principales.
Les façades exterieures des quatre grandes portes d’architecture,
11Fondemens
des
ſoubaſ-
ſemens
.
de même que les murs de leurs paſſages, ſeront fondés en même
tems
que les revêtemens du corps de la Place, &
avec les mêmes
précautions
.
Chaque façade aura neuf toiſes & demie de longueur
en
fondemens, ſur quatorze &
demie de largeur, & aprés avoir
été
élevée à plomb devant &
derriere en groſſe maçonnerie, avec
des
retraites pareilles à celles des courtines, elle ſera arraſée bien
de
niveau d’après le fond du foſſe2;
; ſur lequel arraſement ſera érigé
en
pierre de taille liſſe &
mortier de ciment, le ſoubaſſement de
la
façade avec le corps &
arriere-corps figurés ſur le plan, & avec
talud
juſqu’au rez-de-chauſſée de la Place, il ſera terminé par
un
cordon de pierre de taille de dix pouces de hauteur, &
de cinq
de
ſaillie.
On obſervera, en conſtruiſant ce ſoubaſſement, de ne lui donner
22Cage de
la
baſcule.
qu’un pied &
demi d’épaiſſeur par le haut à l’endroit du baſcula-
ge
, afin que rien ne gêne le mouvement de la baſcule, dont la cage
aura
douze pieds &
demi de largeur ſur treize de profondeur, &
ſera
revêtuë du côté des terres en groſſe maçonnerie d’un mur de
trois
pieds &
demi d’épaiſſeur au deſſus de ſes fondemens, & ré-
duits
à deux pieds &
demi par le haut. On obſervera encore, pour
deſcendre
dans ladite cage, de pratiquer dans un de ſes côtés un
petit
eſcalier voûté, de deux pieds &
demi de largeur; & de don-
ner
un peu de pente au fond de la cage avec une gargoüille pour
écouler
les eaux qui pourroient y ſéjourner.
Au deſſus du cordon du ſoubaſſement, ſeront erigées les façades
33Façades
des
portes.
des portes ſuivant les dimenſions qui ont été marquées ci-deſſus:
elles ſeront decorées de quatre pilaſtres d’architecture dans les pro-
portions
de l’Ordre Toſcan, avec tous les refends, ſocles, baſes,
impoſtes
, chapiteaux, architraves, friſes, corniches, frontons, &

autres
accompagnemens dudit Ordre;
ſeront de plus ſculptées les
Armes
du Roi dans l’arcade au deſſus de la porte, &
la Deviſe de
Sa
Majeſté dans le fronton, le tout taillé-liſſe, poſé en mortier de
ciment
, bien appareillé, &
proprement mis en œuvre; obſervant
de
plus que tous les joints ſoient d’équerre ſur dix-huit pouces de
long
, que les carreaux ſoient mêlés d’un tiers de boutiſſes de deux
pieds
de queuë, &
que les arrieres-corps, écoinçons, & generale-
ment
toute la decoration, ſoient abſolument conformes aux plans
62731LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. & aux profils. Les arriere-vouſſures ſeront auſſi toutes de pierre
de
taille, de même que le derriere des gros murs des portes, &

les
retours du haut &
du bas des façades.
Les fondemens des murs qui formeront le paſſage de ces portes
11Paſſage des
entrées
.
ſeront élevés juſqu’au niveau de ce paſſage;
puis, après avoir fait
trois
pouces de retraites de chaque côté, on poſera du côté du paſ-
ſage
deux aſſiſes de pierres de taille liſſe d’un pied de hauteur cha-
cune
, &
mêlés d’un tiers de boutiſſes d’un pied & demi de lon-
gueur
ou environ:
ſur ces aſſiſes on fera une autre retraite de deux
pouces
, pour élever enſuite à plomb les murs en parement de bri-
que
d’un pied &
demi d’épaiſſeur, & le ſurplus du côté des terres
en
moëlon, caillou, &
brique juſqu’à cinq pied de hauteur, la
maçonnerie
ſera arraſée bien de niveau pour recevoir un impoſte
de
pierre de taille de huit pouces de haut, ſur lequel commencera
la
naiſſance des voûtes.
Les contreforts de ces murs ſeront fondés à
même
profondeur, &
conſtruits de groſſe maçonnerie; les doſſe-
22Doſſerets. rets, ou arcs doubleaux, ſeront auſſi de pierre de taille, &
auront
deux
pieds de largeur ſur deux de ſaillie;
ceux, dans leſquels ſe
trouvera
le paſſage des orgues, auront quatre pieds dix pouces de
largeur
, y compris les feüillures qui auront dix pouces d’ouvertu-
re
, &
autant d’enfoncement, & ceux du milieu du paſſage n’au-
ront
que quatre pieds.
Ils ſeront tous eſpacés à neuf pieds & demi
de
diſtance les uns contre les autres, &
les aſſiſes, dont ils ſeront
compoſés
, feront parpin entre deux une, obſervant que celles qui
ne
le feront point ſoient de deux pieces ſeulement, &
non plus;
ce qui ſe continuëra juſqu’à la fermeture des arcades.
On fera une pierrée à chaque côté de ces murs, puis on com-
mencera
la naiſſance des voûtes au deſſus de l’impoſte.
Ces voûtes
ſeront
conſtruites de brique ſur deux pieds d’épaiſſeur, à petits
joints
ſur le devant, &
groſſiſſant inſenſiblement ſur le derriere,
ſuivant
la coupe de leur ceintre, puis ſeront recouvertes d’une
chape
de ciment d’un pouce d’épaiſſeur;
mais cela, aux endroits
ſeulement
elles ne ſeront point couvertes par les bâtimens.
Les veſtibules & corps de garde de ces paſſages ſeront fondés
33Veſtibules
& corps de
garde
.
&
élevés avec la même attention, & ſeront parfaitement confor-
mes
aux meſures &
décorations de leurs plans & profils.
A droite & à gauche de ce paſſage ſera poſé des bornes de pierre de
44Bornes &
pavé
.
taille pour empêcher que les moyeux desrouës des voitures n’offen-
ſent
les doſſerets &
pieds droits des voûtes, & chacune de ces bornes
aura
cinq pieds &
demide hauteur, dont deux pieds & demi ſeront
enterrés
&
ſcellés dans un petit maſſif de maçonnerie, dix-huit
62832LA SCIENCE DES INGENIEURS, pouces de diamettre au niveau du pavé, & onze à douze à la tête;
ſeront toutes auſſi arondies & piquées proprement à leur place.
Le rez-de-chauſſée, tant du paſſage que des corps de gardes &
11Pavé. veſtibules, ſera pavé avec cailloux poſés dans une forme de ſable
conditionnée
comme il ſera dit ci-après.
Les eſcaliers pour monter ſur le rempart, ſeront conſtruits de la
22Eſcaliers
& latrines.
même maniere que ceux des Tours baſtionnées, avec cette diffe-
rence
qu’on pratiquera ſous chacun de ceux-ci une latrine, dans
laquelle
tomberont par un égoût les eaux de la Ville, pour enſuite
dégorger
dans le foſſé.
Les murs d’enceinte de ces latrines, de mê-
me
que celui du retour de leur entrée, n’aura qu’un pied &
demi
d’épaiſſeur
.
Les fermetures, orgues, baſcules, ſeront conſtruites
ſuivant
leurs deſſeins particuliers.
Logement au dessus.
Les murs de face & de refend, tant du logement au deſſus des
33Mur de fa-
ce
& de
refend
.
veſtibules &
corps de garde, que de la chambre des orgues, ſeront
conſtruits
de brique, crépis proprement par dehors, enduits &

blanchis
par dedans, &
garnis de pierre de taille dans leurs angles.
Les pieds droits des jambages, portes, croiſées de leurs ſeüils,
appuis
, &
fermetures ſeront auſſi de pierres de taille proprement
apareillées
.
Les cheminées ſeront conſtruites de brique ſur ſix pouces d’é-
44Cheminées. paiſſeur, elles ſeront enfoncées de trois pouces dans l’épaiſſeur des
murs
de refend &
pignon, élevées de trois pieds au deſſus du com-
ble
, &
crépies & enduites des deux côtés avec plinte de brique au
niveau
du faîtage, &
un autre à trois pieds plus haut à l’endroit de
la
fermeture.
Les tuyaux de ces cheminées auront trois pieds de
longueur
dans œuvre, &
dix pouces de largeur.
Les croiſées ſeront faites de bois de chêne bien ſec, leurs chaſſis
55Croiſées de
menuiſerie
.
dormans auront deux pouces d’épaiſſeur, leurs chaſſis à verre un
pouce
&
demi, & les volets un pouce, le tout bien aſſemblé à
raînure
&
abouëment. Seront de plus garnies de toutes leurs ferru-
res
, ſçavoir ſeize gonds, ſeize fiches à charniere, ſeize targettes
ovales
, &
ſeize crampons, le tout proprement limé, & mis en œu-
vre
, les vîtres ſeront de verre blanc, &
miſes en plomb de force
ſuffiſante
, puis arrêtées avec trois vergettes bien ſoudées à chaque
panneau
.
Les portes communes ſeront faites des hauteurs & largeurs des
66Portes de
menuiſerie
.
bayes avec bois de chêne bien ſec, d’un pouce &
demi d’épaiſſeur,
62933LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. aſſemblées à raînure, collées & emboëtées par les deux bouts de
ſix
pouces de hauteur;
ſeront auſſi garnies des gonds en pierre d’un
pied
de long ſur un pouce &
demi en quarré, bien ſcellés & coulés
en
plomb, avec penture à queuë d’hironde de deux pouces de lar-
geur
, ſur deux pieds &
demi de longueur, attachée auſdites portes
avec
un clou rivé au collet, le tout bruni &
bien limé, de même
que
la ſerrure qui ſera à tour &
demi avec deux verroüils garnis de
leurs
gâches &
de la boule pour les tirer.
La partie du plancher dudit bâtiment, qui ſe trouvera au deſſus
11Charbente
& plancher.
du veſtibule, portera ſur de petites lambourdes qui ſeront poſées
au
deſſus de la voûte, &
l’autre partie ſe trouvant ſur les corps
de
garde qui ne ſont point voûtés, portera ſur des ſolives ſou-
tenues
par des poutres qui auront treize à quinze pouces de gros,
&
les ſolives ſept à cinq; les unes & les autres ſeront des longueurs
&
qualités requiſes, & d’un bon bois de chêne bien équarri à vive
arête
&
ſans aubier. Les arbalêtriers du comble, ſes jambes de
force
, entraits, poinçons, blochets, &
plattes formes ſeront de mê-
me
bois, le ſurplus de l’aſſemblage ſera de bois de ſapin, &
des
longueurs
&
groſſeurs dont il ſera donné un détail ci-après. Les
planchers
ſeront auſſi de ſapin, bien dreſſés &
bien blanchis, à
l’exception
de ceux qu’on pavera de brique.
La couverture de ces bâtimens ſera faite double, & de tuiles bien
22Couvertu-
re
.
cuites du moule ordinaire du pays, poſées ſur un latis deſapin bien
attaché
aux chevrons, &
de quatre pouces de pureau. Les égoûts
y
ſeront redoublés, &
les faîtieres & arêtieres recouvertes de tui-
les
creuſes, poſées en mortier de chaux &
ſable.
Poternes de Sortie, Souterrains, et Aqueducs.
On fondera les pieds droits des poternes de ſortie & des ſouter-
33Poternes &
ſouterrains
.
rains ou flancs bas, ſur un bon &
vif fond avec groſſe maçonnerie
de
même que les eſcaliers pour y deſcendre, puis toute retraite
faite
, on les élevera en parement de brique d’un pied &
demi d’é-
paiſſeur
du côté de leur paſſage, &
le ſurplus en maçonnerie brute,
de
même que les contreforts, obſervant d’y pratiquer tous les évens
&
cheminées qui ſont marqués ſur le plan. Les voûtes ſeront auſſi
conſtruites
avec briques choiſies ſur trois pieds d’épaiſſeur, puis
ſeront
recouvertes d’une chape de ciment.
Les portes des entrées ſeront depierre de taille toute ſimple &
44Portes. ſans aucune façon, que celle des feüillures, ſeront appliquées
des
portes de bois de chêne à deux ventaux de quatre pouces d’é-
63034LA SCIENCE DES INGENIEURS, paiſſeur, garnies de quatre gonds, quatre pentures, deux verroüils,
&
deux ſerrures de force ſuffiſante.
Les maſſifs, qui porteront les aqueducs, ſeront fondés ſur bon &
11Aqueducs. vif fond de ſept pieds de largeur, &
les pieds droits ſeront revêtus
par
dedans de deux aſſiſes de pierres de taille, d’un pied de hauteur
chacune
, poſées &
garnies en ciment, & bien cramponnées avec
crampons
de fer coulés en plomb.
Le fond de ces aqueducs ſera
pavé
de pierres de taille à joints recouverts, auſſi poſées en ciment
ſuivant
ſa pente, puis ſera ſurmonté d’une voûte de brique de deux
pieds
d’épaiſſeur terminée pardeſſus en talud, &
dont les joints ſe-
ront
bien recirés avant que d’être recouverts de terre;
on aura ſoin
de
griller l’entrée de ces aqueducs du côté de la Place, &
leur
ſortie
du côté du foſſé, laquelle ſortie ſera réduite à dixpouces de
largeur
ſur un pied de hauteur, avec une gargoüille de pierre de
taille
, qui portera les eaux au de-là du talud du revêtement.
CONTREGARDES, DEMI-LUNES, TENAILLES,
ET Ouvrage a corne.
Lesrevêtemens des contregardes, demi-lunes, tenailles, & ouvra-
22Revête-
ment
.
ge à corne, ſeront fondés auſſi bas que ceux du corps de la Place,
&
avec mêmes materiaux & mêmes précautions, puis ſeront élevés
comme
les courtines, en parement de moëlon piqué, poſé ſur deux
aſſiſes
de pierres de taille ſeulement avec retraite de deux pouces
par
devant, &
talud d’un ſixiéme de leur hauteur. Le derriere de
ce
parement ſera élevé à plomb &
conſtruit de groſſe maçonnerie
compoſée
comme il eſt dit ci-devant.
Puis à la hauteur qui a été
ſpécifiée
en ſon lieu, la maçonnerie ſera arraſée &
terminée par
une
aſſiſe de briques poſées de cant &
debout, en bonne liaiſon
&
bain de mortier fin. On armera les angles de groſſes pierres de
taille
des meſures &
qualités ſuſdites, & on obſervera de pratiquer
dans
les gorges les rempes &
eſcaliers déſignés dans le plan, de
même
que l’exacte diſtribution des contreforts qui ſeront auſſi de
groſſe
maçonnerie.
Les terres des foſſez de ces pieces ſeront portées à la maſſe de
33Terraſſe-
ment
.
leurs remparts &
parapets, & employées à les terraſſer; ce qui ſe
fera
par lits battus d’un pied de hauteur, &
faſcinés dans le même
ordre
qu’il a été dit pour le corps de la Place.
A la hauteur du ſommet du revêtement des faces & flancs des
44Berme. ouvrages, &
depuis le bord exterieur dudit ſommet, ſera faite une
berme
de dix pieds de largeur aux contregardes, d’un pied &
demi
63135LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. aux tenailles, & de dix aux demi-lunes & à l’ouvrage à corne;
le long de laquelle ſera continuée l’élevation des remparts & pa-
rapets
en gazonnage, ou placage ſeulement, obſervant de mettre
à
part toutes les meilleures terresqui ont été portées dans ces pieces
pour
être enſuite paſſées à la claye, &
employées tant à la conſtruc-
tion
des parapets, qu’à recouvrir d’un pied &
demi de hauteur
toutes
les ſuperficies des terre-plein &
talud des remparts, qui
ſeront
, ainſi que les banquettes, bien battus, bien dreſſés, &
arraſés
ſuivant
leur niveau &
alignement.
On plantera ſur ces bermes, à l’exception toutefois de celles des
11Haye vive. tenailles, une haye vive d’épine blanche, conditionnée comme il
a
été dit ailleurs.
Les poternes de communication des contregardes aux tenailles
22Poternes
des
contre-
gardes
.
ſeront conſtruites dans le même Ordre que celles des courtines, n’y
ayant
de difference que dans leurs dimenſions, qui ont déja été
expliquées
dans leur article.
Il ſera fait au paſſage des quatre demi-lunes, qui ſont aux entrées
33Portes
d’architec-
ture
.
principales de la Place, des portes d’architecture des dimenſions &

qualités
énoncées ci-deſſus;
& ces portes ſeront ornées de deux pi-
laſtres
érigés ſuivant les proportions de l’Ordre Toſcan avec leurs
ſocles
, baſes, chapiteaux, architraves, friſes, &
corniches, puis ſe-
ront
terminées par un fronton dans lequel ſeront ſculptées les Ar-
mes
du Roi, &
ſur lequel ſeront poſées trois boules à feu, montées
ſur
leurs pieds d’eſtaux, garnies de leurs flames, &
ſcellées avec
goujon
de fer d’un pied delong coulé en plomb.
L’une de ces boules
ſera
miſe ſur le milieu du timpan, &
les deux autres ſur les pilaſ-
tres
.
Le ſoubaſſement ſera de pierre de taille depuis le deſſus de ſes
fondemens
juſqu’au deſſous du pont-levis, ainſi que tout le com-
poſé
deſdites portes.
L’on y obſervera tous les corps & arrieres-corps
marqués
au deſſein, de même que les baſculages &
autres aſſorti-
mens
.
Les fondemens des profils du paſſage, ainſi que leurs contreſorts,
44Profils du
paſſage
.
ſeront aſſis ſur bon &
vif fond, & conſtruits de groſſe maçonnerie;
& après avoir fait les retraites ordinaires au niveau de ce paſſage,
on
commencera l’élevation des murs par deux aſſiſes de pierres de
taille
d’un pied de hauteur chacune, que l’on continuëra enſuite à
plomb
de deux côtés, &
en parement de brique d’un pied & demi
d’épaiſſeur
du côté du paſſage;
le ſurplus en groſſe maçonnerie
juſqu’à
la hauteur du rempart, au deſſus duquel la maçonnerie des
parties
excedentes ſera faite de brique ſur toute ſon épaiſſeur.
Sur
quoi
on obſervera d’arraſer bien de niveau, dès le bas, ladite ma-
63236LA SCIENCE DES INGENIEURS, çonnerie à chaque pied & demi de hauteur, & d’y mettre des tra-
verſes
de brique pour faire plus de liaiſon;
après quoi on la termi-
nera
à la hauteur du rempart par une aſſiſe auſſi de briques poſées
de
cant &
debout en bain de ciment.
Reduits dans les Demi-lunes.
La conſtruction des reduits ſera conforme en toutes choſes à ce
11Reduits. qui a été dit pour celle du corps de la Place;
on y obſervera mêmes
angles
, mêmes ſoubaſſemens, mêmes paremens, cordon, garniture,
&
terraſſemens, avec les portes, paſſages, rempes, eſcaliers, & ge-
neralement
tout ce qui eſt exprimé dans leurs plans &
profils.
Revetement des Fossez.
La maçonnerie des revêtemens des foſſez ſera ſemblable à celle
22Revêtement
des
Foſſez
des gros revêtemens, &
terminée au ſommet par une aſſiſe de bri-
ques
choiſies, poſées de cant &
debout en bain de ciment avec un
pouce
de ſaillie ſur le foſſé, &
un pouce & demi de pente par deſſus
vers
le même côté.
Les angles ſaillans ſeront arondis, & les rentrans
garnis
de pierre de taille ſur deux ou trois pieds de part &
d’autre;
obſervant de pratiquer des montées & des deſcentes de trois pieds
&
demi de largeur en rempe d’eſcaliers, dont les marches ſeront
auſſi
de pierres de taille, &
d’une ſeule piece, & auront huit pouces
de
hauteur ſur dix de giron, poſées &
jointoyées en mortier de ci-
ment
.
On aura attention d’augmenter de deux pieds d’épaiſſeur
de
ces revêtements à l’endroit des eſcaliers.
Chemin couvert, et Glacis.
Le parapet des chemins couverts ſera revêtu, comme il a été dit,
33Chemin
convert
.
juſqu’à un pied &
demi près de ſon ſommet; ce revêtement ſera fon-
deux pieds plus bas que le deſſus de la banquette, &
établi ſur
deux
rangs de madriers de quatre à douze pouces de gros, au deſſus
deſquels
il ſera élevé à plomb juſqu’au niveau de la banquette,
puis
ſuivant le talud du gazon juſqu’à la hauteur de trois pieds &
à
plomb
par derriere, le tout en groſſe maçonnerie.
Le ſurplus de la hauteur ſera gazonné juſqu’au ſommet, & faſ-
44Glacis. ciné à l’ordinaire, obſervant d’y employer trois pieds de hau-
teur
de terre douce qu’il faudra étendre juſqu’à cinq toiſes de
la
paliſſade, &
bien épierrée, de même que toute la ſurface du gla-
63337LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. cis qu’on aura ſoin de bien unir, & de dreſſer parfaitement ſuivant
ſa
pente.
On élevera l’interieur du parapet des traverſes à même hauteur
11Traverſes. que celui du chemin couvert, &
avec pente d’un pied ou un pied
&
demi du côté de la Place; on le revêtira de maçonnerie comme
celui
du chemin couvert, ou de gazonnage ſeulement, &
l’exterieur
de
placage, obſervant auſſi de mettre trois pieds de terre douce
ſur
toute la ſurface ſuperieure de la traverſe, &
de la battre par
lits
de ſix pouces, &
faſciner de pied en pied. Leurs profils, tant du
côté
du foſſé, que de celui de leur paſſage de communication, ſe-
ront
revêtus ſur toute leur hauteur, &
leur ſommet terminé par
une
aſſiſe de briques poſées de cant &
debout en mortier de ciment.
Les paſſages de ces traverſes auront chacun quatre pieds & demi
de
largeur priſe dans l’épaiſſeur du glacis, &
une toiſe de retour
pour
ſe couvrir des enfilades.
Les banquettes ſeront ſemblables à
celles
des chemins couverts.
On revêtira auſſi à même hauteur que celle des revêtemens des
22Profils des
paſſages
des
barrieres
.
chemins couverts, tous les profils des ſorties &
paſſages des barrie-
res
.
A l’égard de ceux qui ſe trouveront vis-à-vis les entrées des
quatre
grandes portes de la Place, on les revêtira d’un mur de bri-
que
de deux pieds neuf pouces d’épaiſſeur du côté du chemin cou-
vert
, &
de deux pieds trois pouces à ſon autre extremité du côté
du
glacis, avec talud &
retraite en ſaillie de trois pouces pour les
fondemens
.
Ce mur ſera élevé à la hauteur du glacis dont il ſuivra
la
pente &
ſon ſommet terminé par une aſſiſe de briques poſées de
cant
&
debout en bain de ciment.
Les paliſſades du chemin couvert des traverſes ſeront faites de
33Paliſſades. bois de chêne, &
auront huit pieds de hauteur ſur dix-huit à vingt
pouces
de tour, on les eſpacera de deux doigts marqués ſur leur lit-
teau
, l’une de l’autre, après les avoir bien appointées.
Pour fermer les paſſages & ſorties du chemin couvert, ſera fait des
44Grandes
barrieres
.
barrieres de la longueur des paſſages, à deux ventaux tournans ſur pi-
vots
, arrêtés par le haut avec des collets &
aſſemblés par des traver-
ſes
&
contre-fiches. Ces barrieres ſeront entretenuës par des poteaux
de
dix à onze pouces de gros, &
neuf pieds & demi de longueur,
ayant
la pointe à même hauteur que celle des paliſſades, tenus en rai-
ſon
chacun par un patin de ſept pieds de long, &
ſept à huit pouces
de
gros, &
aſſemblés par deux ſeüils de la longeur des bayes, &
de
neuf à dix pouces de groſſeur, dont l’un ſera enterré de deux à
trois
pieds, &
l’autre poſé au niveau du paſſage; le tout de bois de
chêne
conditionné comme il eſt dit en ſon lieu, &
garni de ſes fer-
rures
&
ſerrures de force convenable.
63438LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Il ſera auſſi poſé de petites barrieres à un ſeul ventail de quatre
11Petites
barrieres
.
pieds &
demi de largeur à l’entrée des paſſages de chaque traverſe,
&
ſeront des mêmes hauteurs, bois, aſſemblages, & ferrures, que
les
précedens, à l’exception des poteaux qui n’auront que neuf à
dix
pouces de groſſeur.
Ponts de la Place
Les ponts dormans des entrées principales de la Place, tant ſur
22Ponts-dor-
mans
des
entrées

principales
.
le grand foſſé, que ſur celui des demi-lunes &
reduits, porteront
ſur
des fermes eſpacées à douze pieds de diſtance l’une de l’autre
de
milieu en milieu, &
chacune de ces fermes ſur une pile de ma-
çonnerie
de pierre de taille d’un pied de hauteur &
d’un & demi de
largeur
, qui ſaillira hors du nud des ſeüils, &
ſera érigé au deſſus
d’un
maſſif de groſſe maçonnerie fondé ſur des madriers de chêne.
Ces fermes ſeront compoſées de cinq poteaux, chacun de douze
à
quatorze pouces de groſſeur, dont un ſera poſé dans le milieu &

à
plomb, &
deux autres de chaque côté en talud avec des contre-
fiches
&
liens de neuf à dix pouces, le tout aſſemblé à tenons &
mortoiſes
avec renfort dans le ſeüil &
dans le chapeau.
On poſera ſur chaque travée cinq poutrelles de treize pieds de
longueur
chacune, &
de douze à treize pouces de groſſeur, qu’on aura
ſoin
d’eſpacer également ſur quinze pieds de largeur qui ſera celle
de
ces ponts, puis on les couvrira en travers d’un couchis de ma-
driers
de chêne de ſeize pieds de longueur &
de quatre pouces d’é-
paiſſeur
ſeulement, ſur le milieu deſquels ſera fait en redoublement
d’autres
madriers de même bois de dix pieds de longueur, &
detrois
pouces
d’épaiſſeur, pour garantir le premier plancher de l’effort &

frottement
des voitures.
Les poteaux des appuis ſeront enſuite dreſſés ſur les chapeaux,
&
auront chacun ſix pieds de long, & ſept à huit pouces de gros;
ils ſeront garnis de leurs liens pendans, appuis, ſous-appuis, pote-
lets
, &
croix de ſaint André. Les liens pendans auront chacun ſix pieds
de
longueur ſur ſix à douze de groſſeur;
les appuis & ſous-appuis
chacun
douze pieds de long, &
ſix à ſix de gros; les poetlets cha-
cun
trois pieds de long ſur cinq à ſix de gros, &
les croix de ſaint
André
ſix pieds de long ſur cinq à ſix de gros.
Si l’on pavoit ces
ponts
, le garde pavé aura neuf à neuf pouces d’épaiſſeur ſur toute
la
longueur des ponts.
Les ponts-levis ſeront faits de longueur & ouverture des portes
33Ponts-le-
vis
.
de la Place, &
ſeront aſſortis de leurs fléches, baſcules, chaſſis,
63539LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. entre-toiſes, chaînes, ſerrures, & ferrures néceſſaires, le tout bien
arrêté
&
attaché avec boulons, vis, & écrou proprement enchaſſés
&
mis en œuvre conformement aux deſſeins qui en ſeront donnés.
Obſervant en general de donner vingt-ſept pieds de longueur aux
fleches
ſur douze &
quatorze pouces de groſſeur par le gros bout,
&
neuf à dix par le petit; reglant au ſurplus leurs aſſemblages ſe-
lon
les calibres néceſſaires pour lever le marche-pied de ces ponts,
dont
il n’y doit avoir que le chaſſis de bois de chêne, &
le reſte de
bois
de ſapin pour être plus leger &
plus facile à lever & à mouvoir.
Les ponts de communication des contregardes aux tenailles ſe-
11Ponts de
communi-
cation
des
contregar-
des
aux te-
nailles
.
ront plus legers que les précedens, &
conſiſteront ſeulement en
trois
fermes eſpacées à dix pieds neuf pouces de diſtance les unes
des
autres de milieu en milieu, dont chacune ſera compoſée d’un
ſeüil
, d’un chapeau, de deux montans, &
des liens néceſſaires. Les
ſeüils
auront dix pieds onze pouces de long ſur ſept à huit pouces
de
gros;
les poteaux ſept pieds cinq pouces de longueur entre ſeüil
&
chapeau, ſur ſept à ſept de groſſeur; les chapeaux ſix pieds trois
pouces
de long ſur ſept à ſept;
les liens trois pieds ſur ſix à ſix;
les poutrelles vingt-quatre pieds & demi ſur ſix à ſept, & les ma-
driers
du plancher quatre pouces d’épaiſſeur.
Leſdites fermes ſe-
ront
auſſi poſées ſur un maſſif de maçonnerie, &
le pont-levis ſera
de
la grandeur de l’ouverture de la porte du ſouterrain avec des
groſſeurs
proportionnées.
Guerites.
Les guerites de pierre de taille ſe feront à chaque angle flanqué
22Guerites
de
pierre de
taille
.
des Tours baſtionnées, de même qu’au milieu de chaque courtine,
ſeront
de figure pentagonale, &
auront quatre pieds & demi de
diametre
dans œuvre, &
huit pouces d’épaiſſeur de parpin. On pra-
tiquera
à leur entrée une porte de deux pieds de largeur ſur ſix de
hauteur
, &
à chacune de leurs faces un petit creneau de deux
pieds
de hauteur &
de ſix pouces de largeur dans le milieu de ſon
épaiſſeur
, faiſant dedans &
dehors un ébraſement de trois pouces
de
chaque côté de ce creneau.
On obſervera d’ailleurs tous les pan-
neaux
, boſſages, cordons, &
ornemens qui ſont marqués dans le
deſſein
.
Ces guerites ſeront poſées ſur un cul de lampe auſſi de pierres
de
taille, dans la face duquel ſeront proprement ſculptées les Ar-
mes
du Roy, puis elles ſeront ſurmontées d’une voûte en dôme
taillées
&
poſées à joints recouverts par aſſiſes égales, bien travaillées
&
miſes en mortier de ciment. Au deſſus du dôme ſera élevée une
63640LA SCIENCE DES INGENIEURS, fleur de lys de même pierre, arrêtée ſur ſon pied d’eſtal avec un
goujon
de fer d’un pied de longueur, bien ſcellée en plomb.
On communiquera à ces guerites par un paſſage de deux pieds &
11Paſſage des
Guerites
,
demi à trois pieds de largeur, revêtu de chaque côté d’un mur de
brique
d’un pied &
demi d’épaiſſeur qui profilera les parapets &
banquettes
.
Toutes les autres guerites, tant des contregardes que des demi-
22Guerites
de
bois.
lunes, ouvrages à corne, &
autres de la Place, il en ſera beſoin,
ſeront
de charpente de bois de chêne, &
auront deux pieds & de-
mi
de largeur en quarré dans œuvre, ſur cinq pieds huit pouces de
hauteur
, non compriſe ſa couverture.
Les bois des montans & en-
tre-toiſes
auront ſix pouces de gros, &
le chaſſis d’en bas ſept à huit.
Elles ſeront recouvertes, par les flancs & par le deſſus, de planches
de
ſapin bien attachées, &
ſeront percées de crenaux par les côtés.
Puits.
Les puits de la Place ſeront approfondis juſqu’à ce qu’ily ait qua-
33Puits. tre à cinq pieds d’eau vive, &
plus, s’il eſt poſſible, après quoi on
placera
dans le fond un roüet de bois de chêne de quatre à douze
pouces
de groſſeur, &
de quatre pieds de diametre dans œuvre,
ſur
lequel ſeront poſés quatre aſſiſes de pierres de taille l’un ſur
l’autre
, d’un pied de hauteur chacune, faiſant parpin de dix-huit
pouces
d’épaiſſeur, taillées dedans &
dehors, poſées en ciment &
bien
cramponées avec crampons de fer coulés en plomb.
Le ſurplus
ſera
élevé en maçonnerie de brique ou de moëlon, faite avec un
mortier
de chaux &
ſable juſqu’à trois pouces près de la hauteur,
du
rez-de-chauſſée de la Place, puis ſera ſurmonté de trois autres
aſſiſes
auſſi de pierre de taille d’un pied de hauteur chacune, fai-
ſant
parpin &
proprement taillées dedans & dehors, la derniere
deſquelles
ſervira de margelle, &
ces trois aſſiſes ſeront poſées en
ciment
, &
cramponées comme il vient d’être dit; au ſurplus, les
puits
ſeront garnis de leurs chaînes, poulies, ſeaux, &
aſſemblage
de
charpente néceſſaire, tant pour le ſuport des poulies, que pour
la
couverture, s’il en eſt beſoin.
Pave’ de la Place.
Le pavé de la grande Place ſera conſtruit de plus gros cailloux
44Pavé. que l’on pourra trouver, &
ſera conduit régulierement ſur une
pente
égale pour faciliter l’écoulement des eaux;
on élevera pour
637
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638 65[Figure 65]
639 66[Figure 66]
640
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641 67[Figure 67]
642
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64341LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. cet effet le centre de la Place de quatre pieds, comme il a été dit,
ce
qui reviendra à trois ou quatre lignes par toiſe ou environ:
&
on
obſervera, non ſeulement de placer les ruiſſeaux dans le milieu
des
ruës avec pentes d’envion deux pouces &
demi par toiſe, à
commencer
du pied des maiſons juſqu’auſdits ruiſſeaux;
mais en-
core
de diriger les pentes de longueur ſuivant la pente generale qu’il
y
aura depuis le centre de la Place juſqu’aux remparts.
Ce pavé
ſera
ſur une forme de ſable de huit pouces de hauteur à petits joints
&
en bonne liaiſon, puis ſera bien battu & dreſſé avec la damoi-
ſelle
le plus uniment que faire ſe pourra.
Voilà à peu près tout ce qui concerne la conſtruction d’une Place
neuve
, &
l’arrangement qu’on doit obſerver dans ſon Devis. S’il ſe
trouvoit
d’ailleurs des pilotages, écluſes &
autres ouvrages à faire
dont
il n’a pas été parlé, parce que nous nous propoſons d’en faire
le
détail dans l’Architecture hydraulique, il faudroit les y inſerer,
n’ayant
mis ici préciſement que ce qui a rapport au Neuf-Briſac,
dont
j’ai tâché de ne rien omettre, tant pour ce qui regarde la
diſtribution
des parties, que l’ordre de l’execution.
Je n’y ai point
parlé
non plus des magazins à poudre ordinaires, parce que leur
conſtruction
a été ſuffiſamment traitée dans le quatriéme Livre.
A l’égard des Devis qui ſe font annuellement pour l’entretien ou
la
réparation des Places, on ſuit communement l’ordre des articles
de
l’état de la Cour, &
on traite chaque article en particulier &
définitivement
, ſans s’aſſujettir aux diviſions que j’ai obſervées dans
le
Devis précédent, qui n’ont lieu que dans les ouvrages de conſe-
quence
.
Cependant, s’il ſe trouve dans les Devis annuels quelque
choſe
de neuf à conſtruire, &
qui demande une attention particu-
liere
, il ſera bon d’en faire un article détaillé, conformement au
modele
ci-deſſus, &
d’y obſerver toutes les conditions & formalités
juſques
dans les moindres circonſtances.
CONDITIONS ELEMENTAIRES DU DEVIS
d’un
Bâtiment civil.
De’blais des Terres.
A Près avoir tracé les murs du Bâtiment, & rectifié ſon aligne-
ment
, il ſera fait le déblais des terres des fondemens ſur en-
viron
quatre pieds de largeur par le haut, &
trois par le bas, juſ-
qu’à
ce qu’on ait trouvé un fond ferme &
ſolide, lequel ſera en-
64442LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſuite dreſſé bien de niveau dans toute ſon étenduë, & aſſuré, s’il
eſt
beſoin, par des madriers de trois à quatre pouces d’épaiſſeur.
Maçonnerie.
Les fondemens des murs de face auront deux pieds & demi d’é-
paiſſeur
, &
ſeront non bloqués contre les terres, mais élevés à plomb
&
parallelement entre deux lignes, faiſant parement de chaque cô-
, puis ſeront bien garnis &
arraſés de niveau, le tout poſé en
bonne
liaiſon, &
maçonné avec bon moëlon & mortier compoſé
d’un
tiers de chaux meſurée vive, &
de deux tiers de ſable; au
deſſus
de ces fondemens &
avec même materiaux on érigera les
murs
des faces ſur deux pieds d’épaiſſeur, non compriſe la ſaillie
du
ſoubaſſement, hors du nud duquel ſera fait retraite de trois
pouces
par dehors &
de deux par dedans, & ces murs ſeront éle-
vés
de onze pieds juſqu’à la hauteur du deſſous du plinte qui aura
un
pouce de ſaillie, &
huit de hauteur.
On élevera enſuite les murs du premier étage de dix pieds au
deſſus
du plinte, &
on obſervera de leur faire faire une retraite
d’un
pouce par devant ſur l’aplomb des murs inferieurs (ce qui
s’executera
de même au deſſus du plinte du ſecond étage) &
leur
ſommet
ſera terminé par un entablement decoré ſuivant le deſſein,
mis
bien de niveau, &
conſtruit de pierres de taille, ainſi que le
plinte
, ou de briques choiſies, poſées en liaiſon dans le corps du
mur
.
Tous les murs de refend auront deux pieds d’epaiſſeur dans les
fondemens
, &
ſeront réduits à un pied & demi au deſſus, obſer-
vant
de leur donner auſſi trois pouces de retraite de chaque côté,
&
de les élever avec un peu de fruit pour être réduits à ſeize pou-
ces
d’épaiſſeur au deſſus du premier plancher, &
à quatorze au-
deſſus
du ſecond, le tout conſtruit de même que les murs de face,
avec
moëlon &
mortier compoſé comme ci-devant, puis crépis
proprement
, &
blanchis des deux côtés.
Les murs de cloiſon, ainſi que les aîles & faces des lucarnes, ſe-
ront
conſtruits de brique;
ſçavoir, les faces ſur dix-huit pouces
d’épaiſſeur
, &
les aîles & cloiſons ſur ſix pouces ſeulement. Les
contre-cœurs
des grandes cheminées ſeront auſſi faits de brique ſur
neuf
pieds de hauteur, &
ceux des communes ſur quatre ſeule-
ment
avec un pouce de fruit par pied.
Les hottes des manteaux,
languettes
&
fermetures des cheminées, ſeront également conſtrui-
tes
d’une épaiſſeur de brique, &
les ouvertures des tuyaux auront
64543LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. trois pieds & demi de long ſur dix à onze pouces de large, & trois
pieds
d’élevation au deſſus du faîte, le tout bien uni &
crépi, &
enduit
dedans &
dehors.
Pierre de Taille.
Les angles du Bâtiment ſeront armés de pierres de taille, choiſies
dans
la meilleure carriere du pays, non geliſſes, ni filtreuſes, po-
ſées
en bonne liaiſon par aſſiſes d’un pied de hauteur ſur ſeize à dix-
huit
pouces de lit, ayant les joints d’équerre avec harpe de ſix pou-
ces
de chaque côté, &
faiſant retour alternativement de vingt &
un
pouces de face, &
de deux pieds & demi. Les encognures des
plintes
&
entablement ſeront de mêmes pierres, ainſi que les pieds
droits
des grandes portes d’entrées &
leurs fermertures, qui porte-
ront
parpin d’une pierre entre deux;
la plus courte deſquelles fera
au
moins neuf pouces de liaiſon, &
aura un pied & demi de lon-
gueur
en tête, &
un pied en retour de l’écoinçon; les pierres des
pieds
droits, qui ſeront de deux pieces, auront leurs joints bien à
l’équerre
, &
les deux pierres formeront l’épaiſſeur du mur.
On eſpacera les croiſées & autres portes ſuivant les meſures de
leur
deſſein, leur fermeture ſera bombée par dehors &
par dedans,
conſtruite
de pierre de taille ou de brique, ainſi que les pieds droits
avec
un ſeüil ou appui de pierre dure d’une ſeule piece, de ſept
pouces
d’épaiſſeur &
dix de largeur. Apres quoi ſera faite une dé-
charge
au deſſus de ces portes, &
croiſées, pour ſoulager leurs plat-
tes
bandes.
Charpente.
La Charpente conſiſtera dans les pieces ſuivantes, dont tous les
bois
ſeront bien équarris &
ſans aubier, proprement taillés & aſ-
ſemblés
les uns aux autres avec tenons &
mortoiſes bien chevillées.
10. Les jambes des forces des combles auront chacune dix pouces
de
gros ſur .
.. . de longueur; les liens dix pouces de gros ſur . .. .
de
longueur;
les entraits dix à douze pouces ſur . .. .; les blochets
huit
à dix pouces ſur .
.. .; & les plattes formes ſur l’entablement
quatre
, &
douze pouces de gros: le tout de bois de chêne. Le ſur-
plus
de l’aſſemblage ſera de bois de ſapin.
20. Les arbalêtriers auront . .. . de longueur ſur huit à neuf de
gros
;
les poinçons . .. . de longueur ſur neuf à dix; les pannes por-
teront
ſur les jambes de force, &
auront les longueurs néceſſaires
ſur
ſept à huit de gros;
les contrefiches . .. . de longueur ſur ſept à
64644LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſept de gros; les chevrons . .. . de long & quatre pouces de gros,
leſquels
chevrons ſeront d’une ſeule piece, &
eſpacés à un pied de
diſtance
les uns des autres, bien brandis &
arrêtés ſur les pannes, &
les
empanons bien dreſſés à la ligne.
Tous les ſoliveaux des planchers ſeront poſés bien de niveau à
deux
pieds de diſtance l’un de l’autre de milieu en milieu, &
au-
ront
.
.. . de longueur ſur huit à neuf pouces de groſſeur; on y ob-
ſervera
les enchevetrures néceſſaires.
Les giſtes ou lambourdes
ſous
le plancher du rez-de-chauſſée auront quatre à cinq pouces de
gros
ſur les longueurs néceſſaires, &
ſeront eſpacées de deux pieds
&
demi de milieu en milieu. La ſabliere, qui doit être poſée ſur les
murs
, aura douze pouces de largeur ſur trois à quatre d’épaiſſeur.
Les poteaux des cloiſons auront cinq à ſix pouces de groſſeur, &
ſeront
aſſemblés haut &
bas à tenons & mortoiſes dans des ſablieres
de
ſix à ſept pouces de groſſeur, &
delardés pour retenir la maçon-
nerie
des panneaux.
Tous les bois des eſcaliers ſeront de la même qualité & dreſſés
au
rabot à vive arête avec les moulures convenables.
Les baluſtres
ſeront
auſſi de même bois, &
tournés ou faits à la main. Les mar-
ches
maſſives, délardées avec un demi rond ſur le devant;
les li-
mons
ſeront gros de cinq à dix;
les noyaux de cinq; les appuis &
les
potelets de trois à cinq.
Couverture.
On n’employera aux couvertures que des tuiles choiſies & bien
cuite
.
Les lattes ſeront de bon bois de ſapin de droit fil ſans aubier,
bien
clouées ſur chaques chevrons d’un clou à latte, &
poſées à
diſtance
égale &
de niveau, afin que les pureaux le ſoient auſſi.
Menuiserie.
Les planchers au deſſus des ſolives ſeront faits de planches de ſa-
pin
bien ſec d’un pouce ou un pouce &
demi d’épaiſſeur, blanchies
du
côté , aſſemblées à raînure &
languette, bien dreſſées & at-
tachées
aux ſolives avec autant de clous qu’il ſera néceſſaire pour
les
empêcher de ſe déjetter.
Toutes les croiſées de menuiſerie auront ſept pieds & demi de hau-
teur
ſur quatre pieds quatre pouces de largeur, &
ſeront aſſemblées
à
bouëment.
Les chaſſis dormans auront deux pouces d’épaiſſeur,
&
ſeront ornés de meneaux ronds ſur les montans & traverſes, avec
64745LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. un quart de rond ſur l’apui élegi dans ces traverſes. Les chaſſis à
verre
auront un pouce &
demi d’épaiſſeur, & les volets un pouce,
le
tout de bon bois de chêne bien ſec &
bien aſſemblé, garni de ſes
ferrures
qui conſiſteront pour chaque croiſée en huit gonds, huit
fiches
ou gonds à charniere, quatre targettes, quatre crampons, &

huit
équerres proprement limés &
mis en œuvre. Chaque panneau
des
croiſées ſera garni de verre blanc poſé en plomb ou en maſtic,
ſoutenu
&
arrêté par trois vergettes de fer arrondies, bien clouées
aux
panneaux, &
attachées avec bonnes attaches de plomb ſuivant
l’uſage
.
S’il eſt jugé néceſſaire de barrer ces croiſées, on y employera des
barreaux
de fer quarré de trois quarts de pouce de groſſeur, qui
entreront
de quatre pouces dans les appuis &
couvertes, & ſeront
ſcellés
en plomb.
Les portes communes ſeront auſſi de bon bois de
chêne
bien ſec, de ſix pieds &
demi de hauteur, de trois de largeur,
&
un pouce & demi d’épaiſſeur, bien aſſemblées avec clef, collées
&
emboëttées par les deux bouts avec des emboëtures de cinq à ſix
pouces
de haut, &
garnies chacune d’une ſerrure à tour & demi,
benardée
à l’uſage de France, bien limée &
polie de même que ſes
pentures
&
gonds qui ſeront ſeulement limés, brunis, & d’une for-
ce
convenable.
Les portes à deux ventaux auront chacune quatre pieds & demi
de
large, &
ſept à huit de hauteur, & ſeront de bois de chêne d’un
pouce
&
demi à deux pouces d’épaiſſeur d’aſſemblage, & d’un pouce
ſeulement
pour les panneaux.
Elles ſeront collées & emboëtées com-
me
les précedentes, ſur la largeur &
épaiſſeur du bois, & bien ra-
bottées
de deux côtés.
Seront de plus garnies de reſſorts, verroüils,
ſerrures
&
autres ferrures néceſſaires, le tout proprement limé &
de
force ſuffiſante.
Les grandes portes cocheres auront neuf pieds de largeur ſur dou-
ze
à treize de hauteur, leurs battans ſeront épais de quatre pouces
&
larges de huit à neuf, les batis de trois pouces d’épaiſſeur, les
cadres
de quatre, &
les panneaux d’un pouce & demi.
Le lambris des plafonds & côtés des chambres ſera fait de bon
bois
de chêne ou de ſapin bien ſec, à grands panneaux aſſemblés,
collés
&
bien arrêtés dans les murs, ou de planches ſeulement bien
blanchies
du côté , &
recouvertes de liteau ſur tous les joints.
Les conditions de cet Abregé peuvent s’appliquer aux Cazernes,
Pavillons
, Arſenaux, Logemens d’Etat-Major, &
autres, en chan-
geant
ſeulement ce qui pourra faire quelque difference tant dans la
décoration
, que dans la pierre de taille &
la qualité des materiaux
64846LASCIENCE DES INGENIEURS, qui ſont tous arbitraires ſuivant les lieux, la deſtination, & la
penſe
qu’on juge à propos d’y faire.
DE LA FORME DES ADJUDICATIONS,
Formalités
qui s’y obſervent, & du Stile dans lequel
elles
ſont conçûës.
LE Devis étant reglé, & partie des fonds aſſignée, l’Intendant
de
la Province fait publier &
afficher dans toutes les Places
de
ſon Département, &
même dans les Provinces voiſines, qu’à tel
jour
nommé, il ſera procedé en ſon Hôtel &
par devant lui, à l’ad-
judication
des ouvrages à faire pour la conſtruction de la nouvelle
Place
, ſeront admis tous ceux qui voudront ſe charger de cette
entrepriſe
, &
faire la condition du Roi la meilleure, en donnant
bonne
&
ſuffiſante caution.
Le jour arrivé, l’Intendant, accompagné du Directeur des Forti-
fications
, &
autres aſſemblés à ce ſujet, fait lire à haute voix le De-
vis
tout entier, afin que les prétendans à ladite entrepriſe puiſſent
être
informés de la nature des ouvrages qu’on veut conſtruire, &

des
conditions auſquelles ils doivent s’aſſujettir;
apres quoi com-
mencent
les differentes miſes des Entrepreneurs, eſpece d’ouvrage
par
eſpece d’ouvrage, qu’on inſcrit à meſure qu’elles ſe font.
Puis
quand
il ne ſe trouve plus perſonne qui mette au rabais, on allume
trois
feux de bougie conſecutifs, pendant la durée deſquels un nou-
vel
Entrepreneur peut encore être reçu à faire un nouveau rabais;
& enfin aprés l’extinction deſdits feux, l’entrepriſe eſt adjugée à
celui
qui a fait la condition du Roy la meilleure, &
on en dreſſe
procès
verbal à peu près dans les termes ſuivans.
Ce jourd’hui . .. mois, an, & jour . .. Nous . .. . noms & qualités
de
l’Intendant de la Province, étant en notre Hôtel à .
.. nom de
la
Ville, après pluſieurs affiches &
publications faites tant dans la-
dite
Ville, que dans les autress Places de la Province, portant que
ledit
jour il ſeroit par nous procedé à l’adjucation &
au rabais des
ouvrages
que le Roy a ordonné être faits pour la conſtruction d’une
Place
neuve à.
.. . nom du lieu qu’on doit fortifier, ſuivant le deſ-
ſein
de M.
.. .. y avons procedé en preſence & de l’avis de M. . .. .
Ingenieur-Directeur
des Fortifications deſdites Places, aux clauſes
&
conditions dont la teneur s’enſuit.
64947LVI. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS
Devis des ouvrages, & c. On copie ici le Devis tout entier dans la
forme
qui a été preſcrite, &
après quoi on continuë le procès verbal de
la
maniere ſuivante.
Les Entrepreneurs, acceptant les conditions du preſent Devis,
ſe
fourniront de tous les materiaux, peines d’ouvriers, voitures,
échaffaudages
, ponts, planches, outils, engins, cordages, &
gene-
ralement
de toutes les choſes néceſſaires à l’execution de leur en-
trepriſe
, ſeront auſſi à leurs frais tous les épuiſemens d’eaux;
& ſe-
ront
obligés, un an après la conſtruction de la Place, de refaire tous
les
joints de la maçonnerie avec bon mortier de chaux &
ſable, ſans
qu’ils
puiſſent prétendre autre choſe de la part de Sa Majeſté, que
les
prix portés par l’adjudication qui leur en ſera faite, obſervans
qu’aucune
terre ne ſoit toiſée deux fois, quoique parties ſoient ſu-
jettes
à un ſecond tranſport, à l’éxception toutefois de celles qui
ſeront
paſſées à la claye, &
des terres douces qui ſeront miſes à part
pour
former les parapets, dont on tiendra compte pour le ſecond
tranſport
;
on obſervera encore qu’aucun remblais ne ſoit toiſé, ni
aucun
vuide dans le cube de la maçonnerie.
Seront au ſurplus leſ-
dits
ouvrages executés avec toute la diligence poſſible, ſujets aux
verifications
&
receptions ſuivant la maniere accoutumée, & ga-
rantis
un an après qu’ils auront été reçûs par les Ingenieurs qui en
ſeront
chargés.
Au moyen deſdits prix, les Entrepreneurs ſeront exemts de guet
&
garde, de toute corvée & logement des gens de guerre, & il
leur
ſera permis de faire couper tous les gazons dont ils auront be-
ſoin
, dans les prairies ou vieilles pâtures les plus à portée, qui leur
ſeront
marquées par notre Subdelegué, ou par les Magiſtrats des
lieux
, &
l’Ingenieur en chef de la Place, ſans que leſdits Entrepre-
neurs
ſoient obligés d’en rien payer aux Proprietaires des terres.
Si la
Place
eſt bien frontiere, &
qu’on ſoit en tems de guerre, on pourra ajoûter
qu’il
ſera donné à l’Entrepreneur les eſcortes néceſſaires pour la conſer-
vation
de ſes beſtiaux, ſoit chevaux ou bœufs employés à voiturer les
materiaux
pour la conſtruction des ouvrages.
Que ſi leſdits chevaux ou
bœufs
viennent à être pris avec les eſcortes par quelque parti ennemi,
ſoit
de troupes regléés ou autres, en voiturant les materiaux, l’Entre-
preneur
en ſera indemniſé ſuivant leur juſte valeur.
Qu’au cas que ledit
Entrepreneur
, ou ſes Commis, ſoient pris priſonniers par les ennemis en
faiſant
le Service du Roy, leur rançon ſera payée par Sa Majeſté.
Et après lecture faite du Devis ci-deſſus à haute & intelligible
11Suite dis
trocès
ver-
bal
.
voix, que les Entrepreneurs aſſemblés pour mettre leur rabais ont
dit
entendre, leſdits ouvrages ont été mis à prix, ſçavoir,
65048LA SCIENCE DES INGENIEURS,
La toiſe cube de groſſe maçonnerie, par le Sieur. .. à trente liv.
par le Sieur. .. à vingt-cinq livres, par le Sieur. .. à vingt-deux
livres
, &
par le ſieur. .. à vingt livres.
La toiſe cube des terres, & c.
Et ainſi de ſuite, déſignant chaque eſpece differente d’ouvrages, ſans
en
oublier aucun, s’il eſt poſſible, pour éviter toute conteſtation dans la
ſuite
, &
ſpecifiant à chaque article toutes les miſes qui y ont été faites
ſuivant
l’ordre, &
finiſſant par la derniere & la plus foible.
Après quoi, nous avons fait allumer trois feux conſecutifs, pour
11Suite du-
procès
ver-
bal
.
voir ſi pendant leur durée quelque Particulier de ladite Aſſem-
blée
ne feroit point quelque nouveau rabais;
mais leſdits feux
s’étant
tous éteints, &
ayant fait trois autres remiſes à differens
jours
ſans qu’il ſe ſoit preſenté perſonne qui ait voulu mettre
leſdits
ouvrages à plus bas prix, ni faire la condition du Roy plus
avantageuſe
que le Sieur.
.. Nous, de l’avis de M. .. . Directeur,
&
ſous le bon plaiſir de Sa Majeſté, lui avons adjugé & adjugeons
leſdits
ouvrages, à charge de donner bonne &
ſuffiſante caution.
Sçavoir,
Audit Sieur. .. . la toiſe cube de maçonnerie à vingt livres.
La toiſe cube des terres, & c.
Reprenant ainſi de ſuite toutes les dernieres miſes dudit Entrepre-
neur
.
Leſquels prix ſeront payés audit Entrepreneur des derniers de Sa
22Suite du-
procès
ver-
bal
.
Majeſté ſur les fonds faits &
à faire pour leſdits ouvrages au fur &
à
meſure de leur avancement, &
ſur les billets de l’Ingenieur qui
aura
la principale conduite.
Fait à. .. jour & an que deſſus, ſigné
l’Intendant
, le Directeur, &
l’Entrepreneur.
Et à l’inſtant ledit Sieur. .. nous a preſenté pour Caution la per-
ſonne
de Guillaume.
.. demeurant à. .. lequel tant en cette qua-
lité
, qu’en celle d’Aſſocié, s’eſt obligé pour ce preſent, &
s’oblige
ſolidairement
comme pour les propres deniers &
affaires de Sa Ma-
jeſté
, &
par les mêmes voyes que ledit Entrepreneur eſt tenu. Fait
leſdits
jour &
an que deſſus. Signé l’Intendant de la Province & la
Caution
.
Pour la conduite que les Ingenieurs doivent avoir avec les En-
trepreneurs
, il faut d’abord ſe perſuader, que comme les entrepri-
ſes
ne ſe font qu’en vûe du gain, on a beſoin de toute ſon atten-
tion
pour empêcher que ce motif n’occaſionne bien des mal-façons,
ou
de la négligence dans le travail.
Ainſi, pour y obvier, il eſt du
devoir
de l’Ingenieur de n’épargner, ni ſes ſoins, ni ſes peines, pour
que
toutes choſes ſoient faites dans l’ordre, &
d’être toûjours pre-
65149LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. ſent, autant qu’il eſt poſſible à tout ce qui s’execute. Les maçon-
neries
ſur-tout demandent une preſence actuelle, de même que la
façon
des mortiers, &
le choix de l’emploi des pierres: il ne faut
avoir
ſur cela aucune indulgence, les ouvriers ſe relâchent aſſez
d’ailleurs
.
On doit auſſi avoir beaucoup de regularité dans ſes regiſ-
tres
, dans la preſſe des attachemens, dans la diſtribution des té-
moins
, dans l’acceptation des materiaux, &
ne pas oublier de fixer
la
groſſeur des bois avant que l’ouvrage ſe faſſe, de crainte que
l’Entrepreneur
ne meſuſe de la condeſcendance qu’on auroit de lui
laiſſer
employer à ſa volonté, &
qu’il ne multiplie mal à propos le
nombre
de cent de ſolives;
abus qui n’eſt pas moins grand, & qui
ſouvent
n’eſt pas moins préjudiciable à l’ouvrage, que celui d’em-
ployer
des bois trop foibles;
il en eſt de même des ferrures & de
pluſieurs
autres choſes, qu’il ſeroit trop long de détailler.
D’un autre côté, il ne faut pas non plus être inquiet, ni vetiller
ſans
ſujet:
le bien du ſervice veut que l’Entrepreneur s’execute, &
qu’il
n’épargne rien pour la bonté des ouvrages;
mais, il veut auſſi
que
le même Entrepreneur trouve, en travaillant bien, dequoi ſe dé-
dommager
de ſes frais &
de ſes peines. Si cependant il a fait un mau-
vais
marché, ou qu’il lui arrive dans le cours du travail des con-
tre-tems
fàcheux &
inévitables, ce n’eſt point à l’Ingenieur à y en-
trer
:
l’Entrepreneur a la voye de repreſentation à la Cour, comme
cela
eſt arrivé pluſieurs fois;
& , quand il eſt bien fondé, il eſt com-
me
aſſûré de trouver dans la bonté du Roy de quoi l’indemniſer
de
ſes pertes.
Mais, qu’on s’embaraſſe peu d’ailleurs des tons plain-
tifs
qui ſont aſſez ordinaires à ces Meſſieurs.
Un Ingenieur, qui ſçait
ſon
métier, voit aiſément ce qui eſt juſte &
raiſonnable à faire; &
pour
peu qu’il prenne la peine d’entrer dans le détail de chaque
choſe
, il connoît d’un coup d’œil à quoi il doit s’en tenir.
On demande s’il eſt plus avantageux de n’avoir à faire qu’à un
ſeul
Entrepreneur general, qu’à pluſieurs qui ſeroient chargés de dif-
ferentes
eſpeces d’ouvrages.
L’un & l’autre peut avoir lieu, comme
cela
arrive quelquefois.
Cependant, il convient mieux qu’un ſeul
en
ſoit chargé;
& pluſieurs raiſons ſemblent autoriſer mon ſenti-
ment
.
10. Quand tout eſt réüni dans la mème perſonne, le travail ſe
ſuit
mieux, il ſurvient moins de diſcuſſions &
de faux-fuyans.
20. Les interêts du Roy ne périclitent pas tant, & il eſt plus aiſé
de
faire des recherches, ſi le cas y échoit.
30. L’Entrepreneur general trouve toûjours lui-même des gens
ſolvables
&
capables pour ſoutraiter avec lui; & enfin dans les diffe-
65250LA SCIENCE DES INGENIEURS, rentes manœuvres qui ſurviennent, on ſçait d’abord à qui s’adreſſer,
&
ſur qui cela doit rouler, ſans être expoſé aux mauvais procedés
qui
arrivent ſouvent, quand pluſieurs Entrepreneurs s’en mêlent.
Ainſi, il n’y a point à balancer dans ce choix; & il eſt même d’uſage
dans
une groſſe entrepriſe de donner le tout à celui qui eſt chargé
des
plus gros ouvrages, quand même il s’en ſeroit trouvé d’autres
qui
euſſent détaché quelque choſe:
mais auſſi l’Entrepreneur ge-
neral
ne peut exiger que le prix des miſes qui auront été faites.
AVERTISSEMENT.
VOici le Devis des Cazernes de Bethune, relatif aux Deſſeins de
la
trentiéme Planche, tel qu’il m’a été envoyé par M.
Darte-
zay
qui étoit alors Ingenieur en chef de cette Place.
Comme ce Devis
eſt
fort ample &
très inſtructif, on y trouvera quantité de détails, dont
il
n’a pas été fait mention dans les autres précédens.
Il y a quelques
endroits
qui auroient eu beſoin d’être retouchés, pour rendre le Stile plus
net
;
& ſans doute que M. Dartezay l’auroit fait avec plaiſir, s’il avoit
eu
le tems de le repaſſer:
mais comme l’Impreſſion de mon Livre étoit
fort
avancée, quand je le lui ai demandé, c’eſt à moi qu’on doit s’en
prendre
, &
non pas à lui. F’ajoûterai, que ce Devis étoit accompa-
gné
d’un autre pour la Citerne qui a été conſtruite ſous le même Bâti-
ment
, que j’ai ſupprimé, parce que rapportant celui de la grande Ci-
terne
de Calais, il étoit inutile de multiplier les êtres ſans néceſſité.
68[Figure 68]
65351LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
DEVIS ET CONDITIONS QU’OBSERVERONT
les
Entrepreneurs des Cazernes ordonnées
à
faire à Bethune.
Premierement.
L Es terres pour les fondemens ſeront enlevées & poſées dans
11Terres. les lieux indiqués, conformement aux alignemens &
piquers
de
hauteur qui ſeront donnés, pour relever le terrain autant qu’il
ſera
jugé convenir par l’Ingenieur-Directeur, ou celuien chef, pour
remplir
les trous, &
mettre à hauteur les ruës quiy communiquent,
afin
de rendre le terrain bien uni, avec les pentes d’eau néceſſai-
res
, obſervant de les arranger &
dreſſer par lits dans toute l’éten-
duë
qu’elles devront occuper, &
de les bien battre avec des dames
ou
maſſes de bois;
& s’il s’en trouve trop, l’Entrepreneur les fera
porter
hors la Ville aux endroits qui lui ſeront marqués;
& quand
il
s’en trouvera de mal miſes, il ſera obligé de les ôter, &
rétablir
à
ſes frais.
Ces terres ſeront meſurées & reduites à la toiſe cube dans les
lieux
de leur déblai, &
payées au pris de l’adjudication.
II.
L’excavation faite en profondeur ſuffiſante, & le fond reconnu
22Maçonne-
rie
des fon-
demens
.
bon par l’Ingenieur, il ſera applani bien de niveau;
après que les ali-
gnemens
auront été verifiés, on y commencera la maçonnerie
en
libage &
gros moëlon juſqu’à un pied au deſſous du rez, la
quelle
aura de largeur ou d’empatement, ſçavoir, le pignon qui
regarde
la Ville, &
la partie du mur de face qui regarde le rem-
part
des deux bouts qui doivent butter les voûtes des écuries, cinq
pieds
huit pouces juſqu’à la premiere retraite, cinq pieds quatre
pouces
pour la deuxiéme, &
cinq pieds en nette maçonnerie.
Le pignon qui regarde le Château, trois pieds quatre pouces juſ-
qu’à
la premiere retraite, trois pieds pour la deuxiéme, &
deux
pieds
huit pouces en nette maçonnerie.
Les murs de faces, trois pieds deux pouces juſqu’à la premiere
retraite
, deux pieds dix pouces pour la deuxiéme, &
deux pieds
ſix
pouces en nette maçonnerie.
65452LA SCIENCE DES INGENIEURS,
Ceux de refends qui doivent contenir les cheminées, & l’entre-
fends
qui traverſe en long les écuries dans le milieu du bâtiment
au
quartier des ſoldats, trois pieds juſqu’à la premiere retraite,
deux
pieds huit pouces pour la deuxiéme, &
deux pieds quatre
pouces
, ou trois briques &
demie de huit pouces en nette maçon-
nerie
.
Les dix contreforts des cinq angles, de cinq pieds juſqu’à la pre-
miere
retraite, quatre pieds huit pouces pour la deuxiéme, &
qua-
tre
pieds quatre pouces en nette maçonnerie.
Les autres murs qui font la cage des deux eſcaliers, de deux pieds
quatre
pouces juſqu’à la premiere retraite, deux pieds pour la deu-
xiéme
, &
un pied huit pouces, ou deux briques & demie en net-
te
maçonnerie.
Le mur d’échiffe au quartier des ſoldats, d’un pied huit pouces
juſqu’à
la premiere retraite, un pied quatre pouces pour la deu-
xiéme
, &
un pied, ou brique & demie en nette maçonnerie.
Les deux murs d’entrefends pour le corridor au quartier des Offi-
ciers
, deux pieds juſqu’à la premiere retraite, un pied huit pouces
pour
la deuxiéme, &
un pied quatre pouces en nette maçonnerie.
Le mur qui ſepare le quatrier des Officiers de celui des Soldats
deux
pieds juſqu’à la premiere retraite, un pied huit pouces pour
la
deuxiéme, &
un pied quatre pouces ou deux briques en nette
maçonnerie
.
Et l’autre murtraverſant les deux dernieres écuries, de trois pieds
juſqu’à
la premiere retraite, deux pieds huit pouces pour la deu-
xiéme
, &
deux pieds, quatre ou trois briques & demie en nette
maçonnerie
.
Les parties, qui ſe trouveront plus baſſes que ſix à ſept pieds, au-
ront
une augmentation d’épaiſſeur, à raiſon de quatre pouces par
retraite
ſur deux pieds &
demi de hauteur; & ſi l’on rencontre le
ſable
boüillant, on diligentera les fondemens en les découvrant,
lui
donnant toute l’épaiſſeur, ou empatement, qu’on croira néceſ-
ſaire
, qui ſera toûjours réduit en nette maçonnerie aux épaiſſeurs
dites
ci-deſſus juſqu’au plancher du premier étage.
Les murs des latrines ſeront de même conſtruction que ceux des
faces
des bâtimens.
Puis après avoir élevé trois rangs de brique bien de niveau, fai-
ſant
chaîne ſur toute l’épaiſſeur de ces murs, &
verifié de nouveau
les
alignemens &
les angles, on y poſera une graiſſerie ſervant de
baſe
en dehors, laquelle aura trois pieds de hauteur, l’on laiſ-
ſera
un chanfrain de deux pouces coupé en glacis, qui fera une
retraite
.
65553LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
La même graiſſerie ſera continuée en dedans des écuries pour la
conſervation
des murs, il en ſera pareillement des pilaſtres des an-
gles
, ou encognures du rez-de-chauſſée, qui feront un avant-corps
de
deux pouces de ſaillie;
des pieds droits, ou jambages des fe-
nêtres
&
portes, leſquels ſeront élevés juſqu’à la hauteur de ſept
pieds
, obſervant les ébraſemens &
battées ſuivant l’uſage.
Les appuis des fenêtres, les ſeüils des portes en dehors, les pre-
mieres
marches, ſeront auſſi de grès d’une ſeule pierre, le tout
proprement
piqué conformement au modele du nouveau Pavil-
lon
de ſaint Prix;
les marches de l’eſcalier au quartier des ſol-
dats
, auſſi d’une ſeule pierre, ſeront débrutties, &
miſes en œuvre
à
joints quarrés &
recouverts; elles auront douze pouces de giron
ſur
ſix de hauteur, à porter dans les murs de trois à quatre pouces
de
chaque côté, ce qui fera quatre pieds deux pouces de longueur
totale
ou environ, ſans défauts, ni défectuoſités vicieuſes;
après
quoi
l’on achevera de même façon les angles, les portes, les fenê-
tres
, les cordons à chaque étage, les entablemens, &
les ſouches
des
cheminées au-deſſus des toits, en pierres blanches, ainſi que
les
ornemens qu’on laiſſera en attente de ſculpture.
Le reſte de la maçonnerie ſera fait en brique depuis le deſſus de
la
graiſſerie, ainſi que les voûtes des écuries, &
celles des eſcaliers
au
quartier des ſoldats.
On gardera bien exactement les diſtributions des chambres & écu-
ries
, &
les décorations ſuivant les deſſeins, plans, & profils qui ſeront
donnez
à l’Entrepreneur, ainſi que les retraites, ſçavoir au pre-
mier
étage, le pignon &
la partie de mur de face, qui butteront les
deux
bouts des voutes des écuries, ſeront réduits à la même epaiſ-
ſeur
, &
tout ainſi que les autres murs de même nature diminuent
une
demie brique, de ſorte que les deux pignons auront ſeulement
deux
pieds quatre pouces, ou trois briques &
demie d’épaiſſeur,
les
murs de faces deux pieds ou trois briques, ceux des cordons au
quartier
des Officiers, &
à celui des ſoldats au deſſus des voûtes
des
écuries;
les murs qui font la cage des eſcaliers, & celui qui ſe-
pare
les deux quartiers, ſeront reduits à un pied ou une brique &

demie
depuis le premier étage juſqu’à leur hauteur totale.
Les murs de refends, qui contiennent les cheminées, leſquelles
ſeront
dévoyées à côté l’une de l’autre dans l’épaiſſeur des murs
du
bas en haut, ne peuvent ſouffrir de reduction.
Tous les autres murs diminuëront de quatre pouces à chaque
étage
.
Le bâtiment des latrines ſera de même conſtruction, & des di-
65654LA SCIENCE DES INGENIEURS, menſions des murs de face, dont les voûtes en plein ceintre auront
les
ouvertures néceſſaires pour le paſſage des matieres, le fond pa-
de grès avec une décharge dans la riviere.
Les chambres du rez auront onze pieds de hauteur, lesautres des
étages
au deſſus dix, non compris l’épaiſſeur des planchers, les ga-
letas
auront auſſi dix pieds d’élevation juſques ſous les entraits,
tous
leſquels planchers ſeront compaſſés, de ſorte que l’appui des
fenêtres
&
l’entablement ſe trouvent à trois pieds de hauteur au
deſſus
tout au plus.
Les murs du dedansen general ſeront élevés bien à plomb; & ceux
qui
font face auront environ un pouce &
demi de fruit en dehors.
Les materiaux pour la conſtruction de ces choſes, ſeront bons,
11Qualité des
materiaux
.
bien choiſis, conditionnés, &
de l’échantillon ordinaire, les blancs
ou
gros libages pour les fondemens, provenans des carrieres de la
Buſſiere
ou de Barloüin, tirés au moins d’un an, en bonne ſaiſon,
il
en ſera de même des grès dont les boutiſſes dans les murs auront
dix-huit
à vingt pouces de queuë, eſpacés de trois en trois pieds
de
milieu en milieu en dedans &
en dehors alternativement, & les
panereſſes
ou carreaux dix à douze.
Les pierres de taille pour les pilaſtres desangles, les pieds droits,
les
ouvertures, les cordons, les entablemens, les fenêtres du gale-
tas
, &
les ornemens des ſouches des cheminées, ſeront auſſi tirées
au
moins d’un an, en bonne ſaiſon, ayant été expoſées aux injures
de
l’hyver, bien ébouſinées juſqu’au vif, en ſorte qu’il n’y reſte ni
fil
, ni moye, ni veines jaunes, proprement taillées &
ragrées au fer
ſuivant
les panneaux &
deſſeins qui enſeigneront auſſi les ſaillies
qu’elles
devront avoir.
Les briques ſeront toutes de même échantillon ordinaire, bien
cuites
&
bien conditionnées, dont on choiſira les plus belles pour
les
paremens, poſées en bain flotant de mortier, de même que les
pierres
de taille, avec attention de les placer dans leur lit, ainſi
que
la graiſſerie, le tout par aſſiſes égales de niveau &
en liaiſon,
bien
&
dûëment frottées, reparées, & dans les joints, recirées au
fer
à meſure que le travail avancera, obſervant de les bien appa-
reiller
;
principalement les pierres de taille, & les graiſſeries join-
toyées
au mortier de cendrée.
Dans les grandes chaleurs on aura ſoin de moüiller en employant
chaque
brique, afin qu’elles ne refuſent pas le mortier.
L’Entrepreneur ne commencera à travailler à tous ces ouvra-
ges
, qu’après que les attachemens des fondemens lui auront été
marqués
par l’Ingenieur.
65755LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
Cette maçonnerie ſera meſurée & réduite à la toiſe cube pourles
fondemens
, &
celle au-deſſus à la toiſe quarrée d’une brique d’e-
paiſſeur
ſuivant l’uſage du lieu, toiſée tant plein que vuide, ſans
rien
diminuer des ouvertures.
La graiſſerie comptée au cent de pieds quarrés, meſurée pare-
mens
vûs pour la taille ainſi que les pierres blanches.
Les appuis des fenêtres & les marches à la piece, miſes en place,
leſquelles
choſes ſeront payées au prix de l’adjudication.
III.
Le mortier, qu’on employera pour toutes ces maçonneries, ſera
compoſé
d’un tiers de chaux vive de bonne qualité &
cuiſſon, ſans
biſcuit
, &
non éventée, bien éteinte, & de deux tiers de ſable pur
du
meilleur des environs, criant à la main;
il ſera doſé en preſence
d’un
Ingenieur, &
on ne l’employera que trois jours au moins après
qu’ilaura
été bien battu, conroyé, &
broyé de façon qu’on ne puiſſe
plus
diſtinguer la chaux d’avec le ſable;
& que l’un & l’autre étant
confondus
ne faſſent plus qu’un même corps.
Celui dont on ſe ſervira pour les grès en paremens, encognures
&
autres, ſera compoſé d’un tiers de chaux vive, & de deux tiers
de
bonne cendrée, façonné comme il vient d’être dit, n’y mettant
qu’une
fois de l’eau;
puis étant rebattu pendant pluſieurs jours, il
ſera
employé tout frais battu autant que faire ſe pourra.
IV.
Le pavé de grès pour la ruë qui communique à ces Cazernes,
pour
la bande qu’on ſe propoſe tout autour, celui des cours, &
c.
ſera du meilleur du pays, d’une dure & bonne qualité; il aura ſix
à
ſept pouces de tête ſur huit à neuf de queuë, de figure preſque
cubique
;
& les bourdures, de dix-huit pouces ſur huit à neuf de lar-
ge
, &
au moins douze de long, ſeront de même quarré ſur les deux
bouts
;
il ſera appareillé & par routes égales, en liaiſon, ſur un lit
ou
forme de ſable de neuf pouces de hauteur, battu &
affermi au
refus
de la damoiſelle, obſervant les pentes &
bombages qui ſeront
reglés
.
La même choſe ſe pratiquera pourle pavé à relever, & ils ſeront
tous
meſurés à la toiſe quarrée, payés au prix de l’adjudication,
bordures
compriſes.
65856LA SCIENCE DES INGENIEURS,
V.
Toutes les charpentes, qui ſe trouveront à faire pour la conſtruc-
tion
de ces Cazernes, ſeront executées ſuivant le Memoire ci-joint,
&
les deſſeins qui ſeront donnés à l’Entrepreneur pour les longeurs,
façons
, &
poſitions des bois, qu’il ſuivra de point en point, ſans y
pouvoir
rien changer;
tous leſquels bois ſeront bien ſains & ſecs,
coupés
au moins de deux ans, &
abbatus en bonne ſaiſon, à vive
arête
, à l’exception des ſommiers auſquels on pourra laiſſer deux
petits
chanfrains d’un pouce &
demi aux angles du deſſous, les po-
ſant
toûjours de cant, &
leur bombage en deſſus, mais les angles
du
deſſus à vive arête;
toutes leſquelles charpentes ſans aubier, ca-
pelures
, ventelures, ni mauvais nœuds, ſeront miſes en œuvre,
aſſemblées
à abreuvement, tenons, &
mortoiſes avec toute la juſteſſe,
ſolidité
, &
propreté poſſible, & bien chevillées; & au cas que l’En-
trepreneur
livre des pieces plus groſſes, elles ne lui ſeront meſurées
que
ſuivant leſdits deſſeins &
memoires.
L’Entrepreneur ſera obligé de faire, à toutes les marches maſſives
de
l’eſcalier au quartier des Officiers, une aſtragale avec une mou-
lûre
pouſſée de deux pouces, &
de faire auſſi tourner au tour, ſui-
vant
un deſſein approuvé pour ſervir de modéle, les poteaux &

potelets
qui y ſeront employés.
Les premiers limons des deux eſcaliers au même lieu ſeront pla-
cés
ſur chacun une marche maſſive d’épaiſſeur &
longueur ſuffi-
ſante
pour être arondie en dehors;
dans tous leſquels limons en
general
on aſſemblera ces marches, &
ils n’auront d’autres orne-
mens
que l’arête du deſſous arondie entre deux petites moulûres.
MEMOIRE POVR SERVIR A LA DISTRIBVTION
des
Bois employés aux Cazernes de S. Jor, détaillés par étage.
Les Bois du Rez.
11
Les
ſupports mis en attente dans les murs pour porter # Groſſeurs.
les
auges des écuries, # 8. & 4.
Idem
. Ceux du deſſous des auges, # 6. & 4.
Idem
. Ceux pour les rateliers, # 4. & 4.
Les
pieces de bois, ou linteaux encaſtrés dans les murs
des
huit Chambres d’Officiers, pour ſervir de porte-
manteaux
, # 6. & 4.
Les
madriers du deſſus des portes en dedans, # 10. & 4.
65957LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. 11
Ceux
des fenêtres auſſi en dedans. # 27. & 4.
22
Le premier Etage. # Groſſeur.
Les
huit ſommiers des chambres d’Officiers, # 12. & 10.
Les
ſemelles ou couſſinets ſous ces ſommiers, # 6. & 4.
Les
ſoliveaux des chambres d’Officiers & ceux du coridor, # 6. & 4.
Les
autres ſoliveaux qui portent les jambages des che-
minées
, # 8. & 6.
Les
cours des plattes-formes pour ſervir de tirans an-
crés
dans les murs à chaque étage, # 6. & 4.
Les
linteaux encaſtrés dans les murs des deux quartiers
à
chaque étage, pour ſervir de porte-manteaux, # 6. & 4.
Les
madriers au deſſus des portes en dedans, # 9. & 4.
Ceux
au deſſus des fenêtres des deux pignons, # 17. & 4.
Les
appuis des mêmes, # 6. & 4.
Les
madriers du deſſus des autres fenêtres, # 11. & 4.
Les
appuis des mêmes, # 6. & 4.
Les
pieces de bois qui traverſent les murs de refends,
pour
porter ſur les jambages les ceintres des cheminées,
& ſervir à tenir les chambranles, # 4. & 4.
Les
chaſſis des portes au quartier des ſoldats, # 14. & 6.
33
Le deuxie’me Etage. # Groſſeur.
Les
huit ſommiers du quartier des Officiers, & neuf à
celui
des ſoldats, # 12. & 10.
Trois
autres dans la premiere chambre joignant la ci-
terne
, & celle dans l’angle qui la ſuit, # 14. & 12.
Les
ſemelles ou couſſinets pour les mêmes, # 6. & 4.
Les
ſoliveaux pour les hauſſes des eſcaliers au quar-
tier
des Officiers, & ceux qui portent les jambages des
cheminées
aux deux quartiers, # 8. & 6.
Les
autres ſoliveaux des planchers des deux quartiers, # 6. & 4.
Les
pieces traverſant les murs de refends, pour por-
ter
les ceintres des cheminées aux deux quartiers, # 4. & 4.
Les
chaſſis des portes au quartier des ſoldats, # 14. & 6.
Les
madriers pour le deſſus en dedans des fenêtres
des
pignons, # 13. & 4.
Ceux
des appuis des mêmes, # 6. & 4.
Les
madriers pour le deſſus en dedans des autres fenê-
tres
, # 8. & 4.
Les
appuis des mêmes, # 6. & 4.
66058LA SCIENCE DES INGENIEURS, 11
Les
madriers du deſſus des portes des chambres d’Offi-
ciers
en dedans, # 6. & 4.
Le troisie’me Etage ou Galetas.
22
# Groſſeur.
Les
huit ſommiers du quartier des Officiers, & quatre
aux
chambres du côté du pignon qui regarde la Ville,
à
celui des ſoldats, # 12. & 10.
Dix-huit
autres ſommiers aux chambres du pan cou-
, & autres le long de la face qui regarde le rempart,
& ceux qui ſoutiennent la manſarde, # 14. & 12.
Les
ſemelles ou couſſinets en general. # 6. & 4.
Les
ſoliveaux pour les hauſſes des eſcaliers, # 8. & 6.
Ceux
pour porter les jambages des cheminées aux deux
quartiers
, # 8. & 6.
Les
autres pour les planchers des deux quartiers, # 6. & 4.
Les
pieces traverſant les murs pour porter les man-
teaux
des cheminées des deux quartiers, # 4. & 4.
Les
chaſſis des portes au quartier des ſoldats, # 14. & 6.
Le Comble et le Plancher en dessous.
33Les en-
traits
por-
tent
ſur les
deux
murs
du
cori-
dor
, car
autrement

il
leur fau-
droit
plus
de
groſ-
ſeur
.
44
Cours
de pannes de briſis, # 12. & 6.
Les
gouſſets, ou enraînures des angles, # 10. & 8.
Les
jambes de force, les blochets, les entraits, ceux des croupes, les arbalêtriers ou petites forces, les poin- çons, les coliers ou enraînures, les arrêtiers ſur les an- gles du faux comble, ſur la panne de briſis, les ſoli- veaux ou gîtes des eſcaliers des deux quartiers, ceux ſervant de liſſoirs le long des ſouches des cheminées, & qui portent les planchers des deux quartiers, # 7. & 6. Cours des ſablieres ou plattes, # 10. & 4. Cours d’autres ſablieres ſur l’entablement, pour por- ter les coyaux au comble des fenêtres, # 6. & 4. Cours de pannes, ou ventrieres au faux comble, fur deux rangs de chaque côté, # 6. & 4. Cours de faîtes & ſous-faîtes, # 6. & 4. Les pieces d’entre-toiſes faiſant les croix de ſaint An- dré entre les faîtes & ſous-faites, les liens ou braſſons des fermes & autres, les plattes-formes ou couſſinets pour toutes les pieces qui portent ſur les murs, # 6. & 4. Les pieces qui portent les jouës des fenêtres du troi-
66159LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. 11
ſiéme
étage, ou galetas, # 8. & 4.
Les
montans, & les petites pannes, & les appuis des
petites
fenêtres des greniers, # 6. & 4.
Les
ceintres qui font le devant des mêmes, # 10. & 4.
Les
deux chaſſis des portes des greniers ſous le faux
comble
, # 9. & 5.
Les deux Escaliers au quartier des Officiers.
22
Les
limons, & les patins ſous les deux premiers li-
mons
, # 10. & 5.
Les
cent ſoixante & quatre marches maſſives coupées
en
triangle rectangle, réduits à # 13. & 4.
Les
ſeize pieces traverſant la cage des eſcaliers à l’en-
droit
des palliers & au haut de chaque étage, pour por-
ter
& appuyer les limons, # 10. & 8.
Les
trente-deux grands poteaux, # 5. & 5.
Les
deux cens huit potelets tournés, compris ceux au
devant
des fenêtres, # 4. & 4.
Les
cours d’apui des eſcaliers, & au devant des fenê-
tres
, # 5. & 4.
Les
ſolles au devant des mêmes fenêtres pour porter
les
potelets, # 5. & 4.
Les
ſoliveaux des palliers & autres, # 6. & 4.
BOIS D’ORME AU QUATRIEME PLANCHER,
ET AU Comblage.
33
Les
ſoliveaux des chambres des deux quartiers & des
corridors
, # 6. & 4.
Les
chevrons, les coyaux, le comblage des fenêtres
des
galetas, & celui des petites lucarnes, # 4. & 3.
Les
ruelles ou linteaux aux mêmes fenêtres, # 3. & 2.
Cette charpente ſera toiſée pour être réduite au cent de ſolives
ſuivant
l’uſage, &
payée, ſçavoir le bois de chêne ordinaire à un
prix
, celui des ſommiers de dix pouces d’équarriſſage &
au deſſus,
à
un autre, à cauſe de leurs longueurs &
groſſeurs, & les bois d’or-
me
des combles auſſi à un prix particulier;
les rateliers des écuries
égaux
à ceux des Cazernes de ſaint Prix, à la toiſe courante, moyen-
nant
quoi l’Entrepreneur ſera tenu à tous les ornemens ordinaires
de
la charpente, &
au rétabliſſement de toutes ouvertures dans les
66260LA SCIENCE DES INGENIEURS, murs & dégradations qu’il ſera obligé de faire pour placer ces bois,
ou
qui ſurviendront par mal-adreſſe.
VI.
Les planchers des mangeoirs dans les écuries, ceux des cham-
bres
, des grandes portes d’entrées, de celles des écuries, &
c. ſeront
de
bonnes planches d’un pouce franc d’épaiſſeur, bien ſéches, ſans
défauts
, ni nœuds vicieux, miſes en longueur pour porter ſur les
gîtes
, de la même qualité de bois qu’il eſt dit ci-devant, bien join-
tes
&
équarries, de ſorte que les bouts de deux planches couvrent
chacune
en ſe joignant, la moitié d’un ſoliveau, parées &
rabottées
des
deux côtez, s’il eſt beſoin, aſſemblées à languette &
raînure
pour
les portes, &
à joints recouverts d’un quart de pouce au moins
pour
les planchers, attachées chacune avec de bons clous ſur cha-
que
gîte ou ſoliveau, de longueur convenable, en quantité ſuffi-
ſante
, &
enſoncés à tête perduë.
Cet ouvrage ſera payé à la toiſe quarrée, le chêne neuf à un
prix
, &
le bois blanc à un autre, les clous, chevilles, & generale-
ment
tout ce qui en dépendra, compris.
VII.
La menuiſerie qui conſiſtera particulierement en entre-deux
portes
au quartier des Officiers, les chambranles des cheminées au
même
lieu, quatre-vingt quatorze croiſées aux deux quartiers, les
armoires
, &
c. ſera d’un bois de chêne choiſi, bon & bien ſec, de
cinq
ans au moins, &
des qualités expliquées à l’article 5. de la
Charpente
, le tout bien uniformement executé ſuivant les deſſeins;
ſera payé à la piéce, les portes des chambres d’Officiers à un prix,
celles
des écuries &
chambres des ſoldats à un autre, les fenêtres à
un
autre, les chambranles ou bas des cheminées auſſi à la piece, &

le
reſte à la toiſe quarrée.
VIII.
Les plafonds des galetas ſeront faits de lattes de cœur de chêne,
ſolidement
clouées aux gîtes ou ſoliveaux, ſur leſquelles on appli-
quera
deux couches de mortier, la premiere compoſée d’argile
avec
un huitiéme de chaux vive, dans laquelle on mêlera de la
bourre
qu’on aura eu ſoin de bien battre pour en ôter la pouſſiere,
repriſe
&
rendue unie par deſſous; la ſeconde ſera auſſi de chaux
66361LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. ſeulement bien éteinte, coulée, & de bourre blanche battuë en
quantité
ſuffiſante, le tout broyé enſemble;
obſervant de faire ces
mortiers
trois ou quatre jours avant que de les employer, &
de met-
tre
la ſeconde couche après que la premiere aura été reconnuë ſuf-
fiſamment
ſéche, ſans l’être trop, afin que les deux couches faſſent
union
enſemble.
Cette deuxiéme couche ſera proprement cirée & polie à la truelle
juſqu’à
ce qu’elle ne puiſſe plus fendre, pour enſuite être lavée
deux
fois avec la broſſe d’un lait de chaux vive mêlé de petit bleu.
Cet ouvrage ſera meſuré & payé à la toiſe quarrée, tout compris.
Les enduits des chambres & autres ſeront executés avec les mê-
mes
mortiers &
de même façon que les précédens, ayant attention
de
bien moüiller les paremens pour la premiere couche.
Ils ſeront auſſi payés à la toiſe quarrée.
IX.
Les carreaux de terre, que l’on employera dans les chambres, ſe-
ront
bons, bien cuits, &
de même échantillon, de cinq à ſix pou-
ces
en quarré;
ils ſeront poſés ſur une forme de' terre graſſe d’en-
viron
un demi pouce d’épaiſſeur, en ligne droite, &
en liaiſon, ſur
une
couche de mortier égal à celui des maçonneries, bien de ni-
veau
, pour être auſſi meſurés &
payés à la toiſe quarrée.
X.
La couverture d’ardoiſe d’Angleterre ſera bonne, noire, luiſante,
&
ferme, recoupée ſur trois côtez, bien appareillée, pour être po-
ſée
au tiers de pureau, ou de ſa hauteur, d’alignement, à joints re-
couverts
, clouée de trois bons clous chacune, ſur un plancher de
bois
blanc d’un pouce d’épaiſſeur, &
des qualités dites à l’article 5.
& 6. leſquelles planches auront été bien alignées pour être ajuſtées
&
jointes enſemble ſans intervale, attachées avec trois bons clous
ſur
chaque chevron.
L’Entrepreneur en ſera payé à la toiſe quarrée, plancher & tou-
tes
autres fournitures compriſes, meſurées tant plein que vuide pour
les
fenêtres &
autres ouvertures des toits, dont il ne pourra préten-
dre
d’augmentation non plus que pour les bordures.
XI.
La plomberie au comble de ces Cazernes aura ſur l’enfaîtement
66462LA SCIENCE DES INGENIEURS, une ligne un quart d’épaiſſeur ſur dix-huit pouces de largeur, qui
feront
neuf pouces de chaque côté, arrêtée avec des crochets de
fer
de quatre à la toiſe, ou de pied &
demi en pied & demi de diſ-
tance
;
il en ſera de même des enfaîtemens des fenêtres des gale-
tas
, &
de celui qui doit en couvrir ou en revêtir le deſſus de la
maçonnerie
.
Le plomb des enfaîtemens des lucarnes aura quinze pouces de
large
ſur une ligne d’épaiſſeur.
Celui des noquets pour les nouës, & le long des ſouches des che-
minées
, de même épaiſſeur ſur neuf pouces de large.
Le plomb pour revêtir les cordons, ou la panne de briſis, aura auſſi
une
ligne d’épaiſſeur ſur douze pouces de large, afin de recouvrir
quatre
pouces au moins partie du premier rang d’ardoiſe au deſſous
de
la briſure.
Le plomb des arêtiers aura auſſi une ligne d’épaiſſeur ſur douze
pouces
de large.
Celui, qui couvrira le pan coupé du côté de la cour, aura pareil-
lement
douze pouces de large ſur une ligne au moins d’épaiſſeur.
Le plomb des chaîneaux, pour recevoir les eaux ſous l’entable-
ment
, aura dix-huit pouces de large ſur une ligne &
demie d’épaiſ-
ſeur
, arondis &
couverts vis-à-vis les fenêtres des galetas, pour em-
pêcher
les ordures que les ſoldats y pourroient jetter;
ils auront un
pouce
de pente par toiſe, ſoutenus par des crochets de fer de pied
&
demi en pied & demi, afin de les conduire ſous l’aplomb des ci-
ternaux
.
Le plomb des bavettes ou larmieres, par deſſus ces chaîneaux &
l’entablement
, aura trois quarts de ligne d’épaiſſeur.
Le plomb des deſcentes dans les citernaux & pour les pompes,
de
trois pouces de diametre ſur deux lignes d’épaiſſeur, ſera atta-
ché
à la muraille avec des colliers de fer qui puiſſent s’ouvrir au
beſoin
.
Tout lequel plomb ſera du meilleur que l’on puiſſe trouver, loyal
&
marchand, coulé en tables bien unies, ſoudé avec étain fin à l’or-
dinaire
;
il ſera peſé au poids de la Ville, & payé au quintal, ſou-
dure
compriſe.
XII.
La ferrure dont on diſtinguera de deux ſortes.
Le gros fer neuf comprend tout ce qui ſera employé en gros ou-
vrages
, comme les anneaux en dehors qui ſeront mis dans les murs
de
face en bâtiſſant pour le beſoin des Cavaliers, les cinq chaînes
66563LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. qui traverſeront en long d’un bout à l’autre dans les dix écuries à
hauteur
de la naiſſance des voûtes, ſçavoir, ſur les deux murs de
face
, ſur le mur d’entrefends, &
le milieu des écuries, celles en
large
ſur les cinq murs de refends au même quartier, &
ceux des
deux
bouts;
leſquelles chaînes auront un pouce & demi en quarré,
ancrées
à demie brique des paremens des murs, avec des clefs de
même
groſſeur de quatre à cinq pieds de longueur, bandêes au
moyen
des talons ou crochets faits exprès aux forges, forts &
bien
ſoudés
à chacune de ces chaînes, compaſſés pour être au milieu de
chaque
mur, &
d’un coin long d’un pied avec quelques autres pe-
tits
frappés à chaque endroit entre deux de ces talons ou crochets à
force
avec un gros marteau, ayant attention de ne faire cette der-
niere
operation, que quand les maçonneries du deſſus qui les en-
fermeront
auront été élevées de cinq à ſix pieds, même davanta-
ge
, pour les mieux contcnir, &
de laiſſer à chaque jonction de ces
talons
un intervale ſuffiſant pour frapper ces grands coins &
petits
déja
placés, juſqu’à ce que l’on voye la chaîne ſuffiſamment ten-
duë
, car il ſeroit dangereux de paſſer outre.
Les autres ancres, molles, bandes, ou plattes formes à chaque éta-
ge
, en bois de chêne dont on a parlé à l’article 5.
gonds, crochets,
pentures
des grandes portes, éguilles des Fleurs de lys, &
le reſte,
lequel
ſera de bonne qualité, doux, pliant, ſans paille, d’un grain
fin
, clair, &
preſſé, non caſſant, & bien forgé ſuivant les inſtruc-
tions
qui ſeront données, proprement travaillé &
mis en œuvre.
Le fer à la lime & d’un grain plus fin & plus preſſé, ſujet à être
limé
, devra être travaillé &
des qualités dites ci-deſſus; il conſiſte-
ra
en petits boulons, verroüils à reſſorts, gâches, targettes, cro-
chets
, &
équerres des combles, la ferrure des trente-deux portes
des
chambres d’Officiers, compoſée chacune de deux pentures,
une
ſerrure à tour &
demi avec la clef, garnies differemment les
unes
des autres, un gliſſoir &
un bouton accompagné de ſa roſette
pour
les ouvrir &
fermer; les trente du quartier des ſoldats auſſi
de
differentes garnitures, &
celles des dix portes des écuries qui
ſeront
à tour ſeulement, ayant toutes chacunes deux gros verroüils
plats
ou targettes en dedans.
Les portes des veſtibules auront mêmes garnitures, mais plus
fortes
, afin de mieux réſiſter, ſans oublier un crochet à chaque
venteau
, afin de les tenir ouverts.
La ferrure des croiſées au quartier des Officiers conſiſtera en ſix
pentures
à charnieres, deux verroüils plats, l’un en haut plus long
que
l’autre en bas, ſix pattes &
un bouton; celle des fenêtres du
66664LA SCIENCE DES INGENIEURS, quartier des ſoldats, & des écuries, ſera de même qualité; deſ-
quelles
ferrures des portes &
fenêtres il ſera fait un modéle, qui,
après
avoir été bien examiné &
approuvé, ſervira pour l’adjudica-
tion
à la piece de chacune de ces ferrures, que l’Entrepreneur
ſera
obligé de mettre en place on lui indiquera;
fournira les
clous
neceſſaires à cette fin, qui, pour les autres ouvrages, ſeront
peſez
avec le reſte.
Ces deux ſortes de fers ſeront peſez au poids de la Ville, &
payez
au quintal, compris toute main d’œuvre, mais à prix
differens
, la ferrure entiere des portes à la piece, ainſi que celle
des
croiſées, tout compris.
XIII.
La vitrerie pour les croiſées ſera de verre de France bien blanc
&
uni, ſans pailles ni boudines, mis en plomb tiré d’un tiers de
pouce
de largeur pour l’encaſtrement des carreaux, &
la facilité
de
les remplacer lorſqu’ils ſont caſſez, proprement travaillez,
ſuivant
les deſſeins qu’on donnera.
Il ſera meſuré au pied quarré de douze pouces, les verges de
fer
compriſes, que l’Entrepreneur fournira à chaque rang de
carreaux
, en groſſeur ſuffiſante pour bien affermir chaque pan-
neau
, &
les ſoutenir contre les plus grands efforts du vent.
XIV.
La peinture d’impreſſion à l’huile pour les portes d’entrée, celle
des
écuries, les croiſées en dehors, la panne de briſis, les lucar-
nes
de bois, &
le reſte, ſera miſe en couleur de bois, imprimée
de
deux couches compoſées de blanc de eeruſe, mêlée d’ocre
jaune
, ou de telle autre couleur que l’on jugera convenir, de la
meilleure
, &
broyée avec de l’huile de lin, dont la ſeconde cou-
che
ne ſe mettra que lorſque la premiere ſera bien ſeche.
Cet ouvrage ſera meſuré, réduit, & payé à la toiſe quarrée.
XV.
Les trois Fleurs de lys à quatre angles pour les deux coupes, &
le
milieu de l’équerre de ces cazernes, ſeront de cuivre jaune,
de
quatre pieds &
demi de hauteur, non compris le globe qui en
fera
la baſe;
on les executera ſuivant le deſſein, & conformement
au
modele en carton, qui en a été dreſſé, bien ſoudées, &
en
66765LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. outre cloüées de clous auſſi de cuivre, rivés de diſtance à autre,
pour
enſuite être dorées, &
poſées dans une éguille de fer qui les
traverſera
d’un bout à l’autre, ſans bleſſer le métal, compaſſant
ſa
groſſeur au vuide du collet de ces Fleurs de lys, dont le pied ſe-
ra
cloüé ſur le bois du comble, &
recouvert par le plomb des en-
faîtemens
.
XVI.
Conditions generales.
Les Entrepreneurs ſe conformeront aux termes du preſent De-
vis
, &
ne pourront commencer aucun travail de quelque nature
qu’il
puiſſe être, qu’auparavant il n’ait été tracé, alligné, &
ordonné
par
M.
le Comte de Vauban, Directeur des Fortifications de cette
Province
, ou en ſon abſence par l’Ingenieur en chef de la Place;
& au cas qu’il ſe trouve pendant le cours & après l’achevement
du
travail quelques mal-façons de leur part, ils ſeront tenus de
le
refaire à leurs frais, ſans pouvoir prétendre d’être dedommagez:

tous
leſquels ouvrages ne leur ſeront comptez qu’une fois ſeule-
ment
, &
payés au prix de l’adjudication qui en aura été faite cha-
que
année.
Les Entrepreneurs ſe fourniront ſans exception detous les mate-
riaux
, outils, échaffauts, ceintres des voûtes, &
autres choſes ne-
ceſſaires
pour l’entier &
parfaite execution de leur entrepriſe,
employant
le nombre d’hommes ſuffiſant, &
qui leur ſera ordon-
pour diligenter le travail, afin qu’il ſoit fait en bonne ſaiſon;
& au cas de retardement, il en ſera mis à leurs frais, autant qu’il
ſera
jugé neceſſaire:
ſuivront en tout les ordres qu’ils recevront,
&
les deſſeins qui leur ſeront donnez, n’employant que des mate-
riaux
conditionnez comme il eſt dit, qui ſeront ſujets à verifica-
tion
&
reception, rejettant tous ceux qui ne ſe trouveront pas des
qualités
&
dimenſions requiſes au preſent Devis, & ne pourront
prétendre
leur entier &
parfait payement qu’après l’achevement
&
reception d’iceux, qu’ils garantiront pendant un an, à compter
du
jour qu’ils auront été reçûs, &
pour ſureté de l’execution d’i-
ceux
&
des deniers du Roy, qu’ils recevront à compte à fur & à
meſure
que le travail avancera;
ils donneront bonne & ſuffiſante
caution
.
S’il ſurvient quelque ouvrage extraordinaire & imprévû pen-
dant
le cours de l’année;
les Entrepreneurs ſeront obligez de le
faire
par continuation du prix de chaque nature dont ils ſeront
66866LA SCIENCE DES INGENIEURS, convenus; & ſi reciproquement on trouvoit à propos de changer,
retrancher
, ou differer à une autre année quelqu’un de ceux qui
ſont
ordonnez, les Entrepreneurs ne pourront en prétendre au-
cun
dédommagement.
Ils feront tranſporter toutes les décombres provenantes des con-
ſtructions
ou démolitions de leur ouvrages, aux lieux qui leur
ſeront
indiquez;
& ſi quelqu’un manque d’avoir achevé ſon en-
trepriſe
par negligence, à la fin du mois de Septembre prochain,
il
ſera condamné à une amende proportionnée au travail dont il
aura
été chargé.
Bien entendu qu’encore que le preſent Devis comprenne ce qui
doit
entrer dans la conſtruction totale de ces Cazernes, il ne
pourra
cependant ſervir à cette fin, que pour la conſommation
des
fonds qui ſeront ordonnez chaque année.
Chaque Entrepreneur ſera tenu au dédommagement desproprie-
taires
ſur les heritages deſquels il prendra ou voiturera les mate-
riaux
de gré à gré, ou ſuivant l’eſtimation qui en ſera faite par
deux
Experts nommez de part &
d’autre; & ſi il arrive quelques
difficultez
entre les Entrepreneurs, ou entr’eux &
leurs cautions,
comptes
&
décomptes, qui ayent rapport directement ou indirec-
tement
à l’execution de leurs ouvrages, &
que tout ne ſoit pas aſ-
ſez
clairement expliqué par le preſent Devis, ils ſe conformeront
ſans
appel à ce qui ſera reglé par le Directeur des Fortifications,
ou
en ſon abſence par l’Ingenieur en chef;
& ils ne pourront, ſans
leur
conſentement, rendre leurs ouvrages par ſous-entrepriſes,
ni
s’aſſocier.
Fait à Bethune, le vingt-deux Mars mil ſept cent vingt-deux,
D’ARTEZAY, Ingenieur en Chef.
Quand on fera des Devis, il eſt à propos de lier les Entrepreneurs,
autant
qu’il eſt poſſible, ainſi qu’on vient de le voir dans les con-
ditions
précédentes, afin de prévenir toutes les conteſtations, &

les
relâchemens auſquels la plûpart ſon aſſez ſujets.
Voici un Devis qui pourra ſervir de Formulaire pour les Magazins
à
Poudre;
il vient de M. de Muz, Directeur des Fortifications,
qui
a bien voulu prendre la peine de le compoſer exprès pour me faire
plaiſir
.
66967LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
DEVIS POUR LA CONSTRUCTION D’UN
Magazin
à Poudre, très-ſolide, de dix toiſes de lon-
gueur
ſur quatre de large.
Premierement.
P Lacer autant que faire ſe pourra le Magazin dans un lieu le
plus
ſec, le plus à couvert, &
le moins expoſé au front des
attaques
, non plus que ſes portes &
fenêtres au vent d’Oüeſt.
II.
Après que l’Ingenieur en Chef aura diſtribué le Plan, Profil, &
le
Devis aux Entrepreneurs, &
tracé tout l’interieur des murs, on
marquera
la largeur de la foüille des terres pour la fondation juſ-
ques
au bon, vif, &
ſolide fond, que nous ſuppoſons ici de ſix
pieds
de profondeur ſeulement, &
plus ou moins bas s’il en eſt
neceſſaire
;
ſur la largeur de huit pieds dans le fond pour les longs
côtez
, bien mis de niveau, &
les terres coupées à plomb, & étre-
ſillonnées
pour qu’il ne s’y faſſe point d’éboulement.
III.
Enſuite on poſera de gros moilons ou libages, avec de bons lits,
&
joints à ſec, & on maçonnera au deſſus avec pareille matiere
en
bon mortier, juſques à deux pieds trois pouces de hauteur, bien
araſée
de pied en pied;
après quoi on poſera au deſſus une chaîne
de
deux aſſiſes de briques, traverſant toute la largeur du mur,
dont
la ſeconde ſera en boutiſſe par les deux extremités, &
ſur
laquelle
on fera retraite de trois pouces de part &
d’autre: on
recommencera
à élever encore deux pieds trois pouces en moi-
lon
, faiſant parement bien dreſſé &
à plomb tant ſur le devant
que
ſur le derriere, en ſorte que l’achevement de toute la hau-
teur
deſdits ſix pieds, ainſi que de toutes les fondations, ſoit qu’el-
les
ayent plus ou moins de profondeur, ſoient terminées par cinq
aſſiſes
de briques, dont la derniere ſera auſſi en boutiſſe, pour
avoir
neuf pouces de retraite ſur le devant, trois ſur le derriere,
&
réduire les murs des longs côtez à ſept pieds d’épaiſſeur.
67068LA SCIENCE DES INGENIEURS,
IV.
On fondera auſſi en même tems, & auſſi bas, les piliers buttans,
&
les murs de face ſous les deux pignons, en y obſervant toutes
les
bonnes façons, liaiſons, &
ſimetries que ci-devant; le tout poſé
en
bon mortier ordinaire, compoſé d’un tiers de bonne chaux
éteinte
toute vive, &
deux tiers du meilleur ſable bien battu,
démêlé
&
corroyé, en ſorte qu’il ne faſſe plus qu’un même corps,
&
mis en œuvre ſeulement vingt-quatre heures après, & le ra-
bottant
&
corroyant tout de nouveau, ſans y mettre de l’eau que
la
premiere fois.
V.
Leſdits piliers buttans auront chacun quatre pieds ſix pouces
de
large, ſur ſix pieds ſix pouces de queuë en fondation, réduit
enſuite
à cinq pieds ſix pouces, &
quatre pieds au nœud de leurs
paremens
, pour avoir deux retraites de trois pouces chacune.
VI.
Les fondations des deux pignons auront chacune cinq pieds de
large
, &
le mur réduit à quatre pieds, à cauſe des retraites du
devant
&
du derriere; le tout conſtruit en même temps pour faire
meilleure
liaiſon.
VII.
Si le fond du terrain ſe trouvoit tendre, foible, ou douteux,
après
l’avoir ſondé avec la ſonde à tarriere, on le fortifiera par
une
grille de charpente de bois de chêne, compoſée de lon-
grines
&
racinaux de dix pouces quarrés aſſemblée par entailles
à
queuë d’aronde aux extremtiés par le devant &
le derriere, &
tenuës
en raiſon avec de bonnes chevilles de fer ébarbellées, en-
foncées
à tête perduë, après quoi les araſer de moilon ou libage,
comme
il eſt dit ci-devant.
VIII.
Que s’il y avoit plus de précaution à prendre, il faudroit cou-
vrir
toute la ſuperficie de ladite grille par un plancher de ma-
driers
de bois de chêne de ſix pouces d’épaiſſeur, ſur huit, dix, &

douze
de largeur, bien joints l’un contre l’autre, les laiſſant dé-
border
de deux ou trois pouces ſur le devant &
le derriere de la
67169LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. fondation, avec une eſpece de mentonnet, ou bien un hurtoir
pour
contenir le premier moilon ou libage poſé à ſec, &
l’empê-
cher
de gliſſer au vuide lorſqu’il ſeroit chargé.
IX.
Piloter même au deſſous de la grille, s’il en étoit neceſſaire, pour
plus
de ſolidité &
de ſureté, & cela fait ſelon l’uſage du pilotage
dont
nous ne faiſons point le détail.
X.
Toutes ces fondations miſes à leur hauteur, on fera courir le
niveau
tout au tour, après quoi on établira les murs au-deſſus,
ſelon
les largeurs ci-devant ſpécifiées, donnant un peu de fruit
au
parement exterieur, c’eſt-à-dire, deux ou trois lignes par pied,
&
le parement interieur bien monté à plomb; enſuite on poſera
d’abord
cinq aſſiſes de pierres dures, non geliſſes, ou de graiſſe-
rie
, en tous les paremens exterieurs, dont les carreaux auront
dix
à douze pouces de face, ſur neuf à dix de queuë à joints quar-
rez
&
d’équerre; & de trois en trois carreaux on placera une
boutiſſe
à tête quarrée, ſur dix-huit à vingt pouces de queuë;
le tout bien eſſemillé & équarri; obſervant que leſdites boutiſſes
ne
doivent pas être miſes l’une ſur l’autre dans les aſſiſes au deſ-
ſus
, mais en quinconche ou en échiquier, avec des coins à tous
les
angles, &
aux pieds droits des portes & fenêtres; le tout en
bon
mortier de ciment, compoſé d’un tiers de bonne chaux vive,
&
de deux tiers de poudre de vieux tuilots, bien pulveriſé &
paſſé
au tamis, battu, demêlé, &
corroyé, en ſorte qu’ils ne faſſent
plus
qu’un même corps, fait de quinze jours avant que de le
mettre
en œuvre, pendant lequel tems on le rebattra de nouveau
à
pluſieurs repriſes avec la batte de fer, dans un petit baſſin ou
auget
d’un pied quarré fait exprès, avec des planches par les
côtez
, &
un gros madrier dans le fond, & toûjours ſans y mettre
de
l’eau que la premiere fois.
XI.
Et comme la plûpart des pierres, & ſur-tout celles de graiſſe-
rie
, ſont fort ſuſceptibles d’impreſſion de la gelée, à cauſe de la
nature
de leurs pores;
il faut que le derriere deſdites cinq aſſiſes,
67270LA SCIENCE DES INGENIEURS, ſoit rencontré & maçonné au moins avec deux briques en bou-
tiſſes
, poſées en mortier ordinaire.
XII.
Tous les paremens interieurs deſdits murs ſeront de bonnes bri-
ques
bien cuites &
bien moulées, faits par plombées de cinq aſ-
ſiſes
, faiſant enſemble un pied de hauteur, y compris le mortier,
dont
la premiere aura trois briques &
demie, la ſeconde trois bri-
ques
, la troiſiéme deux briques &
demi, la quatriéme deux bri-
ques
, &
la cinquiéme une & demie, afin d’obſerver une bonne
liaiſon
, &
l’intervalle entre leſdites briques, & celles qui ont garni
le
derriere de la graiſſerie ſeront maçonnées en mortier, poſées à
la
main, preſſées du talon du marteau, en bon moilon ordinaire,
en
ſorte qu’il ſouffle de toutes parts, &
araſé à chaque pied de
hauteur
.
XIII.
Au deſſus des cinq aſſiſes de graiſſerie, on fera parement de
briques
par plombées, comme ci-devant, &
l’entre-deux ma-
çonné
en moilon, obſervant que le dehors &
le dedans montent
également
, &
en même tems avec des coins de grès retournés en
liaiſon
à tous les angles poſés en mortier de ciment.
XIV.
Les longs côtez ſeront élevez de même juſqu’à cinq ou ſix pieds
plus
ou moins, ſelon le beſoin, après quoi ils ſeront terminez par
cinq
aſſiſes de briques, traverſant d’un parement à l’autre pour
recevoir
la naiſſance de la voûte, dont la derniere aſſiſe ſera po-
ſée
par précaution en doüelle &
coupe de vouſſoir, ſelon le cein-
tre
de la voûte, pour éviter le défaut des cales ou gros mortier
que
les Maçons mettent mal à propos ſous la premiere brique
qu’ils
poſent, pour racheter la retombée du ceintre;
le tout à
petits
joints, &
à petits lits, ſans faire de trop gros mortier.
XV.
La voûte ſera faite en plein ceintre, comme la plus ſolide, de
trois
pieds &
demi d’épaiſſeur au moins, toute de bonnes bri-
ques
choiſies, bien cuites &
bien moulées, frottées & dreſſées à
67371LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. la main l’une contre l’autre, poſées à petits joints en bon mortier,
ſans
grumeaux, ni grains de ſable, tres-bien &
également cein-
trées
dans toute ſa longueur &
largeur; tous les materiaux choi-
ſis
&
bien appareillés, c’eſt-à-dire, des vouſſoirs pendans & cla-
vaux
conditionnés, &
taillés exprès, ſi c’eſt de pierres.
Mais ſi c’eſt de briques, comme la meilleure matiere à ce ſujet,
il
faudra d’abord les bâtir par une brique d’épaiſſeur, bandée, &

bien
ficher des coins de bois ſur la clef, &
bien arrondir ſon ex-
trados
, pour recommencer une ſeconde voûte, repetées juſqu’à
quatre
fois l’une ſur l’autre, faiſant enſemble au moins trois pieds.
XVI.
On élevera en même tems les pieds droits, les piliers buttans,
&
les murs des pignons au deſſus de la voûte, que l’on terminera
en
dos d’aſne, ou cape de bâtardeau, avec des pentes de part &

d’autre
, dirigées comme celles des égoûts d’un toit;
le tout en
brique
ſans moilonnage, à cauſe de la gelée.
Sur la ſuperficie deſ-
dites
pentes, on fera une crêmaillerie, dont les intervalles ſeront
proportionnés
ſelon la longueur de la tuile &
ſon crochet, afin d’ob-
ſerver
le pureau ordinaire, pour quel effet on préferera toujours la
tuile
au grand moule à celle du petit, l’une &
l’autre poſées en bon
mortier
ordinaire, &
encore mieux en mortier de ciment, ou tout
au
moius moitié de l’un &
de l’autre de ces derniers, bien mêlés
enſemble
, &
la couverture faite en bonne ſaiſon.
XVII.
Si on ne veut pas mettre en uſage leſdites crémailleres, on en-
caſtrera
à ſec dans la maçonnerie les pannes ſablieres ou ventrie-
res
, &
les chevrons de bois de chêne, eſpacez de quatre à la latte,
que
l’on laiſſera déborder de toute l’épaiſſeur de ladite latte, pour
recevoir
le crochet de la tuile, &
poſée en mortier comme ci-de-
vant
.
XVIII.
Et ſi on vouloit couvrir d’ardoiſe, au lieu de lattes voliſſes, on
mettra
de bons feüillets de chêne bien ſec, cloüés avec deux clous
à
chaque chevron, avec des contre-lattes de ſciage, ſur leſquelles
on
poſera l’ardoiſe attachée au moins avec trois clous chacune,
obſervant
toujours le pureau ordinaire;
& en ces deux derniers
67472LA SCIENCE DES INGENIEURS, cas, il faudra abſolument mettre un entablement de pierres de
taille
, ou de briques de cant, avec une platte - forme de char-
pente
au-deſſus, pour recevoir &
retenir les pas des chevrons, au
bas
deſquels on pourra mettre des coyaux;
mais cela eſt bien
ſujet
au feu, &
empêche de voir les endroits par les eaux de
pluyes
peuvent tomber ſur la maçonnerie, &
la dégrader; &
quant
aux couvertures de dales de pierre, non ſeulement elles
chargent
trop, mais elles ſont encore ſujettes à s’éclater, &
fen-
dre
par les neiges &
les grandes gelées, & les mortiers s’affament,
&
c’eſt toujours à recommencer à les reparer.
XIX.
Les bayes des deux portes des pignons auront chacune quatre
pieds
de large, ſur ſept &
demi de hauteur, voutées en plein cein-
tre
, leurs pieds droits garnis de pierres de taille, avec deux bat-
tées
;
les deux fenêtres au deſſus auront chacune trois pieds de
large
, ſur cinq de hauteur, avec double battée, &
voûtées en
ceintre
ſurbaiſſé.
XX.
Les doubles fermetures des bayes deſdites portes ſeront faites
à
deux ventaux avec des planches de bon bois de chêne bien ſec,
de
deux pouces d’épaiſſeur, bien jointes à feüilleures l’une contre
l’autre
, garnies par leurs derrieres de bonnes barres de pareil bois,
&
bien cloüées avec des clous picarts, rivés par le dedans: les
volets
des fenêtres ſeront ſimples, mais avec des bois &
planches
des
mêmes qualités, &
les unes & les autres recouvertes avec des
lames
de tôle de Hollande, cloüées ſur les planches, &
rivés auſſi
par
le derriere, garnis de leurs gonds, pentures, pivots, ou pio-
ches
, avec des crapaudines ſellées en plomb dans des dez de grés;
de bonnes ſerrures à boſſes à doubles tours, toutes differentes,
avec
de bons &
forts verroüils.
XXI.
La voûte bien achevée & couverte, on la laiſſera ceintrée pen-
dant
cinq ou ſix mois, pour donner le tems au mortier de ſe con-
ſolider
&
faire corps avec les briques; après quoi on la déceintrera
tout
doucement par travée, &
non tout à la fois; on la reparera
en
tous les lits &
les joints avec bon mortier blanc & reciré; on
déblayera
les bois &
les décombres, faiſant place nette.
67573LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
XXII.
Enſuite on mettra tout le ſolle ou aire du Magaſin bien dreſſé, bat-
tu
, &
de niveau un pied plus haut quele rez-de-chauſſée, ſur lequel
on
poſera des poutrelles de huit pouces quarrés, ſoit en longrines, ou
en
traverſines, de deux pieds de milieu en milieu, en ſorte qu’il ne
reſte
plus que ſeize pouces d’intervalle entr’elles, dont la hauteur
ſera
arraſée avec des eſcarbilles, ou mâche-fer provenant des for-
ges
des ſerruriers ou marêchaux;
& après les avoir bien arran-
gés
&
battus pour remplir tous les vuides, on remettra du charbon
de
bois juſqu’à fleur du deſſus deſdites poutrelles, ſur leſquelles on
poſera
le plancher de madriers au moins de deux pouces d’épaiſſeur
bien
chevillés, &
proprement joints enſemble, ainſi que les chan-
tiers
pour ranger les barriques, &
le tout de bon bois de chêne bien
ſec
, ſans aubier, ni gerſures, lequel plancher ſera tenu un pied
plus
haut que le rez-de-chauſſée, par lequel on montera par deux
marches
de ſix pouces chacune, faiſant les ſeüils des deux portes
avec
battée par le bas, pour qu’on n’y puiſſe pas introduire du feu.
XXIII.
Paver ſur ſix pieds de large tout autour dudit Magaſin avec des
carreaux
de grès de ſept à huit pouces quarrés à leur face, ſur
huit
à dix de queuë, poſés ſur un couchis ou forme de ſable de huit
à
neuf pouces de hauteur, bien battus au refus de la demoiſelle,
&
mis en pente de ſix pouces depuis le parement des gros murs
allant
vers le petit mur d’enceinte, qui doit être un pied &
demi
ou
deux pieds plus bas avec de petites ouvertures ou tuyaux de
deux
ou trois pouces, pour ſervir d’écoulement aux eaux qui tom-
beront
des égouts des toits, pour éviter les humidités;
& ſi ledit
pavé
étoit poſé en bon mortier de ciment, il ſeroit encore meilleur.
XXIV.
Ledit petit mur d’enceinte, ou d’enveloppe, ſera fondé ſolide-
ment
avec deux retraites de trois pouces de part &
d’autre, & ré-
duit
enſuite à un pied &
demi d’épaiſſeur ſur dix à douze pieds de
hauteur
plus ou moins ſelon la ſituation du Magazin, fait en mê-
mes
materiaux que ci-devant.
Toute la maçonnerie qui compoſera ce Magazin, y compris la
voûte
&
les angles de pierres de taille, ſera payée à la toiſe cube,
ſans
y comprendre aucun vuide.
67674LA SCIENCE DES INGENIEURS,
La maçonnerie du petit mur d’enceinte ſera payée à la toiſe quar-
rée
d’un pied &
demi d’épaiſſeur réduite.
Les terres à la toiſe cube, déblai & remblai compris.
Les bois de charpente payés au cent de ſolives miſes en œuvre.
Les portes à la piece.
Les fenêtres à la piece.
Les gros fers au cent de livres peſant, poids de marc.
Les ſerrures avec leurs clefs & verroüils à la piece, miſes en place.
La tole au cent de livres peſant poids de marc, la poſe & clous
compris
.
Le pavé de grès à la toiſe quarrée ſelon ſa conſtruction. Au ſur-
plus
, on mettra à l’ordinaire toutes les conditions auſquelles on
voudra
obliger les Entrepreneurs, ainſi que de fournir bonne &

ſuffiſante
caution, tant pour la ſûreté des deniers du Roy qui leur
ſeront
délivrés, que pour la garantic de leurs ouvrages un an &

jour
après leur reception.
Comme il n’y a point de maçonnerie nouvellement faite, qui
ne
tace, ou ne faſſe quelque affaiſſement, plus ou moins, ſelon la
bonne
ou mauvaiſe qualité des materiaux, j’eſtime que pour plus
de
ſolidité en la conſtruction d’un Magazin à poudre, d’où peut dé-
pendre
la conſervation ou la perte d’une Place, qu’il ne faudroit
rien
faire avec précipitation, &
qu’après que la fondation ſeroit
miſe
à hauteur de la retraite, la couvrir de gros fumier &
de terre
au
deſſus miſe en dos d’âne, pour l’écoulement des neiges &
eaux
des
pluyes;
afin de laiſſer repoſer, affaiſſer, & conſolider les mortiers
pendant
ſix mois, &
au printems enſuite la découvrir par un beau
tems
, la bien balayer, repaſſer le niveau par tout;
& par après avoir
rétabli
ce qui pourroit y avoir de dégradé, elever les murs au deſ-
ſus
juſqu’à la naiſſance de la voûte, en les arraſant toûjours à mê-
me
hauteur, après quoi les couvrir &
laiſſer repoſer comme ci-de-
vant
;
l’année enſuite faire la voûte avec toutes ſes appartenances,
la
couvrir de tuile ou d’ardoiſe, &
ne la déceintrer que ſix mois
après
, &
toûjours par petites travées pour ne lui pas cauſer de grands
ébranlemens
, ainſi que cela eſt arrivé à quelques endroits que la
bienſeance
ne permet pas de citer;
faire enſuite ſon plancher avec
les
chantiers &
ſon mur d’enceinte ou d’enveloppe.
Fait à Saint Quentin, le 22. Janvier 1729. DE MUZ.
Voicile Devis de la Citerne de Calais que j’ai promis dans le qua-
triéme
Livre;
il ne contient rien de particulier dont je n’aye fait
mention
en parlant de la Citerne de Charlemont, mais il ſervira
d’exemple
, &
pourra avoir ſon utilité.
67775LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
DEVIS DE CE QUI EST A FAIRE ET A OBSER VER
pour
la Conſtruction d’une Citerne qui recevra les Eaux
de
Pluye qui tombent ſur l’Egliſe Paroiſſiale de Calais.
PREMIEREMENT.
Remuement des Terres.
A Près que les alignemens auront eté tracés à I’Entrepreneur,
11Planch.
34
.
pour faire l’excavation &
la foüille des terres qu’il faudra ôter,
il
les enlevera juſqu’à la profondeur du deſſus des eaux des puits
circonvoiſins
, les tranſportera &
les applanira le plus uniment
que
faire ſe pourra, ſur la partie du cimetiere du côté du midi,
ſuivant
toute ſa longueur &
ſa largeur, & ſingulierement dans les
endroits
les plus bas.
Les vieux materiaux provenans de la démolition du petit mur du
parvis
, les pavés, les arbres, &
tous autres appartiendront à la Fa-
brique
de ladite Egliſe, qui s’en ſaiſira à meſure de la démoli-
tion
d’iceux, laquelle ſera faite par l’Entrepreneur, &
les tranſ-
portera
bon lui ſemblera, afin que ledit Entrepreneur n’en re-
çoive
point d’embarras après la Conſtruction de ladite Citerne;
il
remblaira
derriere la maçonnerie par dehors, &
à ſes dépens, les
trous
qu’il conviendra;
leſquelles terres il battra avec une batte
du
poids de trente livres, &
les mettra en état de recevoir le pavé
qui
ſera fait au tour.
Charpente.
Il mettra des madriers ou bordages de bois de chêne de quatre
pouces
d’épaiſſeur ſur toute la largeur de la maçonnerie des murs
de
fondation, leſquels ſeront bien équarris &
à vive arête.
MAÇONNERIE.
Qualite’s de la Chaux.
Elle ſera faite avec pierres de la côte de Boulogne du blanc bleu,
cuites
à propos par gens à ce entendus, &
éteintes de même; la-
quelle
ſera bien remuée, broüillée, &
coulée en baſſin pour être
mieux
détrempée &
purgée ſoigneuſement de toutes les pierres qui
67876LA SCIENCE DES INGENIEURS, n’auront point été éteintes, ni penetrées par la violence du feu,
&
par conſequent mal cuites.
Qualite’s du Sable.
Il ſera du plus pur qui ſe trouvera dans le pays, ſans mélange, &
paſſé
à la claye, laquelle ſera fort fine, afin qu’il ne s’y trouve point
de
galets.
Composition du Mortier.
La chaux & le ſable étant preparés, & de la qualité ci-deſſus
ſpecifiée
, le mortier de toute la maçonnerie de brique en ſera
compoſé
, ſçavoir avec deux cinquiémes de chaux &
trois cinquié-
mes
de ſable, bien broüillés, &
battus à quatre repriſes en quatre
jours
differens avant la miſe en œuvre.
Qualite’s de la Brique.
Elle ſera toute de même échantillon, la mieux cuite que faire ſe
pourra
, &
faite avec bonne terre bien maniée & bien corroyée,
&
la plus entiere, en ſorte que les morceaux n’ayent pas moins que
demie
brique de long, faute de quoi ils ſeront rebutés ſans être
mis
en œuvre:
l’Entrepreneur fera charger & décharger à la main
ladite
brique deſſus les tombereaux &
banneaux qui la voitureront,
afin
qu’il y en ait moins de caſſées.
Qualite’s du Mortier de Ciment.
Celui qui ſera employé aux renduits & citerneaux, tant du dedans
que
du deſſus, ſera fait avec tuileaux de vieilles tuiles bien cuites,
ſans
qu’il y ſoit employé aucune brique;
il ſera bien battu, pulve-
riſé
, &
paſſé au tamis du Boulanger, & le mortier fait avec deux
cinquiémes
de chaux vive de Boulogne, &
trois cinquiemes dudit
ciment
, le tout bien battu, &
démêlé tous les jours conſecutive-
ment
juſqu’à ce qu’il ſoit employé.
Aprés que les materiaux ci-deſſus mentionnés auront été prépa-
rés
ſur les lieux, tels, &
de la qualité qu’ils ſont ſpecifiés par les ar-
ticles
précédens de ce Devis, &
que l’Entrepreneur aura préparé
en
dernier lieu l’endroit ſera établi la fondation de ladite Citer-
ne
, ſuivant les alignemens qui lui auront été marqués, &
qu’il aura
creuſé
la fondation auſſi bas qu’il ſe pourra, après l’avoir bien éga-
67977LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS. liſée, & miſe de niveau, il poſera à l’endroit des murs des madriers
ou
bordages de bois de chêne à vive arête de quatre pouces d’épaiſ-
ſeur
, ſur leſquels la maçonnerie deſdits murs ſera établie, &
en mê-
me
tems celle du fond de la Citerne ſuivant les longueurs, hau-
teurs
, &
épaiſſeurs marquées au plan & profil qui ſeront joints au
Devis
;
toute la maçonnerie du fond de la Citerne, des côtés, & du
mur
du milieu, ſera faite avec bonne brique &
chaux de Boulogne,
ainſi
qu’il eſt ci-deſſus ſpecifié, à la reſerve du citernage marqué au
milieu
des murs, qui ſera fait avec quatre aſſiſes de briques poſées
de
plat &
à bain de ciment dans toute l’étenduë du fond, obſervant
de
recouvrir chaque lit de ciment bien &
proprement étendu &
repaſſé
à la truelle, en ſorte qu’il ne reſte pas la moindre apparence
de
joints, ce qui ſera repeté autant de fois qu’il y aura de lits de
briques
;
le citernage des côtés ſera auſſi de briques, mais poſées
de
cant &
en liaiſon l’une après l’autre, & chaque lit recouvert &
renduit
de ciment foüetté, liſſé, &
repaſſé à la truelle autant de
fois
auſſi qu’il y aura d’aſſiſes de briques.
Comme ce citernage eſt
très
important, l’Entrepreneur aura un ſoin très particulier qu’il
ſoit
bien fait, &
y veillera ſans ceſſe.
Renduits autour du dehors de la Citerne.
En élevant la maçonnerie des pieds droits & des pignons, il ſera
fait
un renduit par le dehors d’icelle, depuis le bord de la fondation
juſqu’à
la hauteur des plus hautes eaux de la mer, lorſqu’elle ſera
miſe
dans le canal qui paſſe au travers de la Ville en cas de beſoin.
Le renduit ſera fait avec chaux de Boulogne & ſable conditionné
comme
celui de la maçonnerie, il aura un pouce d’épaiſſeur, &
ſe-
ra
paſſé à la truelle, liſſé &
reliſſé pour fermer les gerſures, avec
un
liſſoir de bois ou d’acier bien poli, &
en ce faiſant il ſera employé
un
lit de chaux, après quoi les terres ſeront miſes derriere la ma-
çonnerie
pour ne pas laiſſer le tems au ſoleil d’y cauſer de nouvel-
les
gerſures.
Après la conſtruction de la Citerne, & que les voûtes auront été
déceintrées
, les joints du dedans ſeront creuſés &
approfondis de
quatre
lignes avec un petit fer recourbé, &
les briques du parement
piquées
à la pointe du marteau pour donner plus de tenuë au ci-
ment
, enſuite de quoi on commencera par en foüetter les joints, &

après
les avoir remplis, il ſera fait un enduit par deſſus de l’épaiſſeur
de
dix à douze lignes, lequel ſera battu contre le mur avec des
liſſoirs
de bui, ou de fer bien poli;
après quoi on le repaſſera tous
68078LA SCIENCE DES INGENIEURS, les jours une fois pendant douze ou quinze jours, juſqu’à ce qu’il
ſoit
parfaitement ſec, l’arroſant à chaque fois de lait de ciment
avec
un bouchon;
le mur du milieu ſera renduit de même que
ceux
des côtés, &
avant le fond de la Citerne qui ne ſera mis que
le
dernier en état.
Les puits des pompes & les citerneaux ſeront renduits avec la
même
précaution que la ſuſdite Citerne.
Le renduit & le citernement de la clôture ſera fait avec les mé-
mes
ſoins, &
avec le même mortier que celui du dedans de la Ci-
terne
, en le relevant de quinze pouces le long des côtés, &
diri-
geant
les ruiſſeaux avec pente à une gargoüille qui verſera dans un
petit
citerneau fait exprès.
Après que ce citerneau aura été fait dans les heures du jour que
l’ardeur
du ſoleil dominera le moins, &
qu’il fera ſombre, il ſera
recouvert
avec des paillaſſons de roſeaux, qui ſeront levés toutes
les
fois qu’on le reliſſera, &
auſſi-tôt remis pour éviter que la gran-
de
précipitation du deſſéchement n’y faſſe de gerſure, s’il ſe fai-
ſoit
en plein ſoleil.
On le couvrira enſuite par un lit de gros ſable tout du long, ſpe-
cialement
dans le ruiſſeau il faudra le doubler, aprés quoi le
ſurplus
ſera rempli de terres qui ſeront battuës par lits afin de les
affermir
, &
recouvertes avec gazon plat.
Aprés quela maçonnerie ſera élevée au niveau du rez-de-chauſ-
ſée
, le pourtour exterieur d’icelle ſera bordé de deux aſſiſes de pier-
re
de taille de douze pouces de hauteur au moins, laquelle ſera de
la
carriere de Landretun, ou de la côte de Boulogne, au choix de
l’Entrepreneur
, dont les pierres ſeront bien dégauchies &
propre-
ment
taillées au ciſeau &
au poinçon, de huit pouces ſur le plat &
ſix
ſur les joints montans, poſées en liaiſon de ſix pouces au moins
à
côté de chaque, &
avec boutiſſes de vingt à vingt-deux pouces
au
moins de queuë &
pannereſſes de quatorze à ſeize pouces; le
ſurplus
du parement exterieur de ladite maçonnerie ſera bordé
du
haut en bas &
tout au tour de ladite Citerne avec autant d’aſſi-
ſes
que beſoin ſera, de doubles carreaux de Boulogne bien épincés,
&
proprement mis en œuvre avec les plus petits joints qu’il ſera
poſſible
, leſquelles aſſiſes ſeront poſées de niveau &
en bain de
mortier
de la même qualité que celui de la pierre de taille;
le mê-
me
Entrepreneur fera auſſi les auges, puits, marſelles, &
citernaux
avec
des entrées dans la Citerne, &
petites guerites ſervant de cou-
vertures
&
de fenêtres audit puits, à quoi il ſera employé la pierre
de
taille néceſſaire, &
le tout toiſé à la toiſe cube, de même que la
maçonnerie
de brique.
68179LIV. VI. DE LA MANIERE DE FAIRE LES DEVIS.
Les citerneaux auront trois pieds de diamettre dans œuvre, & les
auges
ſeront traverſés de barreaux de fer pour poſer les ſeaux deſſus,
quand
on voudra les remplir d’eau;
il ſera fait un petit cordon de
pierre
de taille au tour de ladite Citerne à quatre pieds au deſ-
ſous
du courronnement du parapet, dont le parement ſera fait avec
doubles
carreaux de Boulogne, &
recouvert par deſſus avec une
tablette
de ſix pouces d’épaiſſeur, de douze à quinze pouces de queuë
pour
les pannereſſes, &
de dix-huit à vingt pour les boutiſſes, la-
quelle
ſera de pierres de taille de la carriere de Landretun, ou de
la
côte d’Embleteuze, au choix de l’Entrepreneur, proprement
taillées
au ciſeau &
au poinçon, & poſées en bain de mortier de ci-
ment
conditionné comme ci-deſſus, ayant deux pouces de ſaillie,
&
un pouce de pente ſur pied par le deſſus.
Le deſſus du parapet ſera fait avec bonnes briques poſées en liai-
ſon
&
en bain de mortier de Boulogne, & le couronnement d’icelui,
ſauf
la tablette, fait avec briques poſées de bout &
de cant avec
pareille
pente que celle de ladite tablette, &
aſſiſes en bain de mor-
tier
&
de ciment.
Le gravier qui ſera mis ſur la teiture ainſi qu’il a été dit dans les
citerneaux
, ſera du galet du plus fin &
du plus délié, de celui du ban
de
pierretes hors de la baſſe Ville, après avoir été paſſé à la claye
fort
fine &
fort déliée, & enſuite lavé & relavé avec de l’eau
douce
, juſqu’à ce qu’il la rende auſſi claire qu’il l’aura reçûë, après
quoi
il ſera apporté dans des tonneaux recouverts pour empêcher
qu’il
ne s’y communique aucune ſaleté, avant que d’être mis ſur la-
dite
teiture &
dans leſdits citerneaux.
Pave.
Ledit Entrepreneur fera le pavé neceſſaire au dehors de ladite
Citerne
, lequel ſera de la côte de Boulogne, bien épincé, de ſix à
huit
pouces de queuë, poſé par routes ſur douze à quinze pouces
d’épaiſſeur
de ſable avec les pentes neceſſaires;
obſervant de le
battre
avec la demoiſelle par deux repriſes.
Il livrera & mettra en place les tuyaux de plomb, chaîneaux, &
cuvettes
neceſſaires pour la conduite des eaux dans ladite Citerne.
Il fournira auſſi la ſoudure néceſſaire pour ſouder leſdits tuyaux,
il
livrera &
mettra en œuvre tout le fer blanc néceſſaire aux tuyaux,
chaîneaux
, &
autres endroits, au cas qu’il ſoit trouvé à propos d’y
en
employer;
il livrera pareillement les ferrures des pompes, gonds,
&
autres choſes néceſſaires à les mettre en place. S’il eſt jugé à pro-
68280LA SCIENCE DES INGENIEURS. pos par l’Ingenieur en chef d’augmenter ou diminuer les épaiſſeurs
de
la maçonnerie, l’Entrepreneur ne pourra pas prétendre qu’il
ſoit
rien changé aux dimenſions de la toiſe cube d’icelle, ni qu’il
lui
ſoit rien payé de ſurplus, au cas qu’il y eût donné de plus gran-
des
épaiſſeurs que celles portées par le plan &
profil ci-joint; & au
cas
qu’il les eût diminuées, cette diminution lui ſera déduite ſur le
toiſé
.
Tous les ſuſdits ouvrages ſeront rendus faits & parfaits dans
le
quinziéme d’Août prochain, ſujets à viſites, reception, &
toiſé.
Sçavoir,
Les terres à la toiſe cube une fois en déblai ſeulement.
La charpente du bois de chêne miſe en œuvre au cent de ſolives.
La maçonnerie à la toiſe cube y compris les renduits interieurs &
exterieurs
.
Toute la pierre de taille, & la graiſſerie de doubles carreaux,
ſans
que l’Entrepreneur puiſſe rien prétendre pour le vuide des
voûtes
, ni pour les frais de la charpente des ceintres qu’il fera à ſes
dépens
.
Le galet mis ſur la teiture & dans les citerneaux conditionnés,
comme
il eſt dit au Devis ci-deſſus, auſſi à la toiſe cube.
Le pavé de graiſſerie au tour de ladite Citerne, à la toiſe quarrée.
Le plomb mis en œuvre au cent peſant poids de Paris.
La ſoudure auſſi à la livre & au même poids.
Le fer blanc au pied quarré mis en œuvre.
La ferrure des pompes, gonds, & autres ouvrages, au cent de
livres
peſant, &
au même poids; & ſeront payés,
11# Liv. # ſols.
Les
terres, à # 3. # 10.
Le
cent de ſolives de bois de chêne, # 305.
La
toiſe cube de maçonnerie, # 61.
La
toiſe cube de galets, # 18.
La
toiſe quarrée de pavé, # 7.
Le
cent de plomb, # 20.
La
livre de ſoudure, # # 12.
Le
pied quarré de fer blanc, # # 14.
Le
cent de gros fer, # 18.
Je crois qu’en voilà aſſez ſur les Devis: ce ſeroit vouloir groſſir ce
Livre
mal-à-propos, que d’en rapporter un plus grand nombre;
on
trouvera
à la fin du ſecond Volume tous ceux qui peuvent appar-
tenir
à l’Architecture Hydraulique.
Fin du ſixiéme & dernier Livre du premier Volume.
683
TABLE
DES
CHAPITRES
ET DES PRINCIPAUX SUJETS
CONTENUS
DANS CE PREMIER VOLUME.
LIVRE PREMIER.
l’on enſeigne la maniere de ſe ſervir des principes de la
mécanique
pour donner les dimenſions qui conviennent
aux
revêtemens des ouvrages de Fortification, pour être
en
équilibre avec la pouſſée des terres qu’ils ont à ſoûtenir.
11
CHapitre Premier. l’on donne la maniere de trouver
# les centres de gravité de pluſieurs Figures, page # 5
Chap. II. l’on enſeigne comme on trouve l’épaiſſeur des murs
# que l’on veut mettre en équilibre par leur réſiſtance avec les
# puiſſances qui agiſſent pour les renverſer lorſque ces murs ſont
# élevés à plomb des deux côtés. # 11
Chap. III. l’on détermine quelle épaiſſeur il faut donner
# au ſommet des murs qui ſont élevés à plomb d’un côté &
# en talud de l’autre, pour que ces murs puiſſent eſtre en
# équilibre par leur réſiſtance avec la pouſſée qu’ils ont à
# ſoûtenir. # 16
Chap. IV. De la maniere de calculer la pouſſée des
11684TABLE # que ſoûtiennent les revêtemens de Terraſſes & de Remparts,
# afin de ſavoir l’épaiſſeur qu’il faut leur donner. # 29
# Vſage d’une Table pour trouver l’épaiſſeur qu’il faut donner
# aux revêtemens de Terraſſes & à ceux des Remparts de For-
# tification. # 43
Chap. V. De la conſideration des murs qui ont des contre-
# forts. # 50
# Paralelle du Profil general de Mr. de Vauban, avec les Re-
# gles des Chapitres précedens. # 67
LIVRE SECOND.
Qui traite de la mécanique des Voutes, pour montrer com-
me
s’en fait la pouſſée &
la maniere de déterminer l’é-
paiſſeur
de leurs Pié-droits.
22
CHapitre I. l’on enſeigne comme ſe fait la pouſſée des
# Voutes, & l’on raporte quelques principes tirés de la méca-
# nique pour en faciliter l’intelligence. # 2
Chap. II. De la maniere de calculer l’épaiſſeur des Pié-droits
# des Voutes en plain ceintre pour eſtre en équilibre par leur ré-
# ſiſtance avec la pouſſée qu’ils ont à ſoûtenir. # 10
Chap. III. De la maniere de trouver l’épaiſſeur des Pié-droits
# des Voutes ſurbaiſſées, en tiers-points, en platte-bande, & cel-
# le de culées des Ponts de maçonnerie. # 30
# Table pour connoître la portée des Vouſſoirs, depuis leur in-
# trados à leur extrados, pour toute ſorte de grandeur d’Arche. # 52
Chap. IV. Qui comprend des Régles pour trouver l’épaiſ-
# ſeur des Voutes de toute ſorte d’eſpece par le ſeul calcul
# des nombres, pour l’intelligence de ceux qui ne ſavent pas
# l’Algebre. # 54
685TABLE
LIVRE TROISIE’ME.
Qui comprend la connoiſſance des matériaux, leur pro-
prieté
, leur détail, &
la maniere de
les
mettre en œuvre.
11
CHapitre I. l’on fait voir les proprietés des diffe-
# rentes ſortes de Pierres dont on ſe ſert pour bâtir. # 2
Chap. II. l’on conſidere les qualités de la Brique & la
# maniere de la fabriquer. # 5
Chap. III. l’on fait voir les qualités de la Chaux & la ma-
# niere de l’éteindre. # 7
Chap. IV. l’on explique les qualités du Sable, de la Poſſo-
# lanne, & du Plâtre. # 9
Chap. V. De la compoſition du Mortier. # 14
Chap. VI. Des détails qui ont raport à la conſtruction de la
# Maçonnerie. # 22
# Table de la Péſanteur d’un pied cube de pluſieurs Matieres. # 25
# Détail de la Chaux & du Sable. # 26
# Détail de la Brique. # ibid.
# Détail du Moîlon. # 27
Chap. VII. Qui comprend pluſieurs Inſtructions ſur l’établiſſe-
# ment & la conduite des Travaux. # 29
Chap. VIII. Du tranſport & remuëment des Terres. # 35
Chap. IX. De la maniere de faire les Fondemens des Edifices
# dans toute ſorte d’endroits & principalement dans le mauvais
# terrein. # 47
Chap. X. l’on enſeigne comme l’on doit employer les Mate-
# riaux qui compoſent la Maçonnerie. # 67
# Explication de pluſieurs Tables ſervant à déterminer les Di-
# menſions de toute ſorte de Revêtement de Maçonnerie. # 74
Chap. XI. De la conſtruction de Soûterrains, & comme
11686TABLE. # applique ſur leur Voute les Chapes de Ciment. # 79
Chap. XII. De la maniere de conſtruire les Ouvrages de Ter-
# raſſes. # 84
# Reglement de Monſieur le Marêchal de Vauban, pour la Con-
# duite des Travaux. # 90
LIVRE QUATRIE’ME.
Qui traite de la Conſtruction des Edifices
Militaires
& Civils.
22
CHapitre I. Des qualités du Bois qui entre dans la Char-
# pente. # 2
Chap. II. l’on fait voir la maniere de calculer ou d’eſtimer
# la force des principales Piéces de Charpente qui s’employent
# dans les Bâtimens. # 7
# Principes ſur la Réſiſtance du Bois en general. # 8
Chap. III. l’on raporte pluſieurs Experiences faites ſur la
# Force du Bois que l’on aplique enſuite à l’uſage qu’on en peut
# faire dans la conſtruction des Edifices. # 15
Chap. IV. Des bonnes & mauvaiſes qualités du Fer. # 31
Chap. V. Des Portes que l’on fait aux Villes de Guerre. # 35
# Conſtruction de la Sinuſoïde. # 41
# Application de la Sinuſoïde aux Ponts-Levis qui ſervent à fer-
# mer l’entrée des Villes. # 43
Chap. VI. Des Ponts dormans qui ſervent à faciliter l’entrée
# des Villes de Guerre. # 49
Chap VII. Des Corps de Garde en general, des Guerites, &
# des Latrines. # 56
Chap. VIII. De la diſtribution des Ruës dans les Villes de Guer-
# re. # 59
Chap. IX. Des Magaſins à Poudre, & Arſenaux pour les Mu-
# nitions de Guerre. # 62
Chap. X. Des Cazernes, de l’Hôpital, de la Priſon, &
11687TABLE # des Maiſons de Bourgeois. # 72
# Reglemens pour les Particuliers qui bâtiſſent dans une Place
# neuve. # 77
Chap. XI. De la Cantine, de la Glaciere, de la Boulangerie, &
# des Moulins à moudre le Bled. # 79
Chap. XII. De la Conſtruction des Puits & Citernes. # 82
Chap. XIII. l’on donne les Règles generales que l’on doit
# obſerver dans la Conſtruction des Bâtimens. # 88
Chap. XIV. Qui comprend pluſieurs Détails neceſſaires à l’e-
# xecution des Bâtimens. # 97
# Détail de la Charpente, des Combles, des Planchers, de la
# Menuiſerie des Portes & Fenêtres. # ibid.
# Détail des Couvertures de Thuile & d’Ardoiſe. # 99
# Détail de la Vitrerie. # 102
# Détail du Pavé de Grais, de celui de Brique & de Carreaux. # 103
LIVRE CINQUIE’ ME.
l’on enſeigne tout ce qui peut appartenir à la Dé-
coration
des Edifices.
22
EXplication des Termes propres aux Ordres d’ Architec-
# ture. # 6
Chap. I. l’on explique les proprietés des Monlures & de leurs
# Ornemens. # 9
Chap. II. De la connoiſſance des cinq Ordres en general. # 12
Chap. III. de l’Ordre Toſcan. # 15
Chap. IV. De l’Ordre Dorique. # 18
Chap. V. De l’Ordre Ionique. # 22
# Maniere de tracer la Volute Ionique. # 27
Chap. VI. De l’Ordre Corinthien. # 29
Chap. VII. De l’Ordre Compoſite. # 33
# Remarques ſur les cinq Ordres en general, ſuivies de l’Expli-
# cation de quelques Fragmens des plus beaux Edifices
11688TABLE. # de Rome. # 37
Chap. VIII. Des Colomnes & de leurs Diminutions, des Perſi-
# ques & des Cariatides. # 44
# Maniere de renfler les Colomnes. # 45
Chap. IX. De la Proportion des Pilaſtres & des Frontons. # 49
Chap. X. Des Periſtiles ou Colomnates, des Arcades, & des
# Niches. # 55
Chap. XI. De l’Aſſemblage des Ordres, ou de pluſieurs Ordres
# mis les uns ſur les autres. # 60
Chap. XII. De la Diſtribution & de la Décoration des Edifices
# en general. # 68
LIVRE SIXIE’ME.
Qui comprend la Maniere de faire les Devis pour la Conſ-
truction
des Fortifications, & celle des Bâtimens Civils.
22
MOdele
de Devis pour une Place neuve telle que le Neuf-
# Briſack. # 5
Dimenſions
des Parties Principales de la Place. # 6
Qualité
& Façon des Materiaux qui ſeront employés auſdits
# Ouvrages. # 19
Conſtruction
des Ouvrages de Fortiſication. # 23
Conditions
élementaires du Devis d’un Bâtiment Civil. # 41
De
la Forme des Adjudications, des Formalités qu’on y obſerve,
# & du Stile dans lequel elles ſont conçûës. # 46
Devis
& Conditions des Cazernes qui ont été conſtruites à Bethu-
# ne en 1728. # 51
Memoire
pour ſervir à la Diſtribution des Bois employés aux
# Cazernes précédentes. # 56
Devis
pour la Conſtruction d’un Magaſin à Poudre très-ſolide,
# de 10 toiſes de longueur ſur 4 de largeur. # 67
Devis
de la grande Citerne de Calais. # 75
Fin de la Table.
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693 33[Handwritten note 3]
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